splash screen icon jardindescitations
splash screen name jardindescitations

Poésie

36 poésies en cours de vérification
Partager
Sauvegarder
Poésie

Poésies de la collection poésie

    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    Du roman au poème Ainsi s'achève le roman. Comme il se doit, le personnage meurt au dernier chapitre. On peut le regretter ; on peut aussi parler de délivrance. Quelques lecteurs ajoutent, soit des virgules, soit des soupirs. L'intrigue était très raisonnable, et les coups de théâtre mesurés. Le livre se referme sur le héros, sur la raison. On peut songer à d'autres aventures. On peut tout oublier. Ainsi commence le poème.

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    La poésie sacrée Son front est couronné de palmes et d’étoiles; Son regard immortel, que rien ne peut ternir, Traversant tous les temps, soulevant tous les voiles, Réveille le passé, plonge dans l’avenir! Du monde sous ses yeux ses fastes se déroulent, Les siècles à ses pieds comme un torrent s’écoulent; A son gré descendant ou remontant leurs cours, Elle sonne aux tombeaux l’heure, l’heure fatale, Ou sur sa lyre virginale Chante au monde vieilli ce jour, père des jours! —— Ecoutez! – Jéhova s’élance Du sein de son éternité. Le chaos endormi s’éveille en sa présence, Sa vertu le féconde, et sa toute-puissance Repose sur l’immensité! Dieu dit, et le jour fut; Dieu dit, et les étoiles De la nuit éternelle éclaircirent les voiles; Tous les éléments divers A sa voix se séparèrent; Les eaux soudain s’écoulèrent Dans le lit creusé des mers; Les montagnes s’élevèrent, Et les aquilons volèrent Dans les libres champs des airs! Sept fois de Jéhova la parole féconde Se fit entendre au monde, Et sept fois le néant à sa voix répondit; Et Dieu dit : Faisons l’homme à ma vivante image. Il dit, l’homme naquit; à ce dernier ouvrage Le Verbe créateur s’arrête et s’applaudit! —— Mais ce n’est plus un Dieu! – C’est l’homme qui soupire Eden a fui!… voilà le travail et la mort! Dans les larmes sa voix expire; La corde du bonheur se brise sur sa lyre, Et Job en tire un son triste comme le sort. —— Ah! périsse à jamais le jour qui m’a vu naître! Ah! périsse à jamais la nuit qui m’a conçu! Et le sein qui m’a donné l’être, Et les genoux qui m’ont reçu! Que du nombre des jours Dieu pour jamais l’efface; Que, toujours obscurci des ombres du trépas, Ce jour parmi les jours ne trouve plus sa place, Qu’il soit comme s’il n’était pas! Maintenant dans l’oubli je dormirais encore, Et j’achèverais mon sommeil Dans cette longue nuit qui n’aura point d’aurore, Avec ces conquérants que la terre dévore, Avec le fruit conçu qui meurt avant d’éclore Et qui n’a pas vu le soleil. Mes jours déclinent comme l’ombre; Je voudrais les précipiter. O mon Dieu! retranchez le nombre Des soleils que je dois compter! L’aspect de ma longue infortune Eloigne, repousse, importune Mes frères lassés de mes maux; En vain je m’adresse à leur foule, Leur pitié m’échappe et s’écoule Comme l’onde au flanc des coteaux. Ainsi qu’un nuage qui passe, Mon printemps s’est évanoui; Mes yeux ne verront plus la trace De tous ces biens dont j’ai joui. Par le souffle de la colère, Hélas! arraché à la terre, Je vais d’où l’on ne revient pas! Mes vallons, ma propre demeure, Et cet oeil même qui me pleure, Ne reverront jamais mes pas! L’homme vit un jour sur la terre Entre la mort et la douleur; Rassasié de sa misère, Il tombe enfin comme la fleur; Il tombe! Au moins par la rosée Des fleurs la racine arrosée Peut-elle un moment refleurir! Mais l’homme, hélas!, après la vie, C’est un lac dont l’eau s’est enfuie : On le cherche, il vient de tarir. Mes jours fondent comme la neige Au souffle du courroux divin; Mon espérance, qu’il abrège, S’enfuit comme l’eau de ma main; Ouvrez-moi mon dernier asile; Là, j’ai dans l’ombre un lit tranquille, Lit préparé pour mes douleurs! O tombeau! vous êtes mon père! Et je dis aux vers de la terre : Vous êtes ma mère et mes sœurs! Mais les jours heureux de l’impie Ne s’éclipsent pas au matin; Tranquille, il prolonge sa vie Avec le sang de l’orphelin! Il étend au loin ses racines; Comme un troupeau sur les collines, Sa famille couvre Ségor; Puis dans un riche mausolée Il est couché dans la vallée, Et l’on dirait qu’il vit encor. C’est le secret de Dieu, je me tais et l’adore! C’est sa main qui traça les sentiers de l’aurore, Qui pesa l’Océan, qui suspendit les cieux! Pour lui, l’abîme est nu, l’enfer même est sans voiles! Il a fondé la terre et semé les étoiles! Et qui suis-je à ses yeux? —— Mais la harpe a frémi sous les doigts d’Isaïe; De son sein bouillonnant la menace à longs flots S’échappe; un Dieu l’appelle, il s’élance, il s’écrie : Cieux et terre, écoutez! silence au fils d’Amos! —— Osias n’était plus : Dieu m’apparut; je vis Adonaï vêtu de gloire et d’épouvante! Les bords éblouissants de sa robe flottante Remplissaient le sacré parvis! Des séraphins debout sur des marches d’ivoire Se voilaient devant lui de six ailes de feux; Volant de l’un à l’autre, ils se disaient entre eux : Saint, saint, saint, le Seigneur, le Dieu, le roi des dieux! Toute la terre est pleine de sa gloire! Du temple à ces accents la voûte s’ébranla, Adonaï s’enfuit sous la nue enflammée : Le saint lieu fut rempli de torrents de fumée. La terre sous mes pieds trembla! Et moi! je resterais dans un lâche silence! Moi qui t’ai vu, Seigneur, je n’oserais parler! A ce peuple impur qui t’offense Je craindrais de te révéler! Qui marchera pour nous? dit le Dieu des armées. Qui parlera pour moi? dit Dieu : Qui? moi, Seigneur! Touche mes lèvres enflammées! Me voilà! je suis prêt!… malheur! Malheur à vous qui dès l’aurore Respirez les parfums du vin! Et que le soir retrouve encore Chancelants aux bords du festin! Malheur à vous qui par l’usure Etendez sans fin ni mesure La borne immense de vos champs! Voulez-vous donc, mortels avides, Habiter dans vos champs arides, Seuls, sur la terre des vivants? Malheur à vous, race insensée! Enfants d’un siècle audacieux, Qui dites dans votre pensée : Nous sommes sages à nos yeux : Vous changez ma nuit en lumière, Et le jour en ombre grossière Où se cachent vos voluptés! Mais, comme un taureau dans la plaine, Vous traînez après vous la chaîne Des vos longues iniquités! Malheur à vous, filles de l’onde! Iles de Sydon et de Tyr! Tyrans! qui trafiquez du monde Avec la pourpre et l’or d’Ophyr! Malheur à vous! votre heure sonne! En vain l’Océan vous couronne, Malheur à toi, reine des eaux, A toi qui, sur des mers nouvelles, Fais retentir comme des ailes Les voiles de mille vaisseaux! Ils sont enfin venus les jours de ma justice; Ma colère, dit Dieu, se déborde sur vous! Plus d’encens, plus de sacrifice Qui puisse éteindre mon courroux! Je livrerai ce peuple à la mort, au carnage; Le fer moissonnera comme l’herbe sauvage Ses bataillons entiers! – Seigneur! épargnez-nous! Seigneur! – Non, point de trêve, Et je ferai sur lui ruisseler de mon glaive Le sang de ses guerriers! Ses torrents sécheront sous ma brûlante haleine; Ma main nivellera, comme une vaste plaine, Ses murs et ses palais; Le feu les brûlera comme il brûle le chaume. Là, plus de nation, de ville, de royaume; Le silence à jamais! Ses murs se couvriront de ronces et d’épines; L’hyène et le serpent peupleront ses ruines; Les hiboux, les vautours, L’un l’autre s’appelant durant la nuit obscure, Viendront à leurs petits porter la nourriture Au sommet de ses tours! —— Mais Dieu ferme à ces mots les lèvres d’Isaïe; Le sombre Ezéchiel Sur le tronc desséché de l’ingrat Israël Fait descendre à son tour la parole de vie. —— L’Eternel emporta mon esprit au désert : D’ossements desséchés le sol était couvert; J’approche en frissonnant; mais Jéhova me crie : Si je parle à ces os, reprendront-ils la vie? – Eternel, tu le sais! – Eh bien! dit le Seigneur, Ecoute mes accents! retiens-les et dis-leur : Ossements desséchés! insensible poussière! Levez-vous! recevez l’esprit et la lumière! Que vos membres épars s’assemblent à ma voix! Que l’esprit vous anime une seconde fois! Qu’entre vos os flétris vos muscles se replacent! Que votre sang circule et vos nerfs s’entrelacent! Levez-vous et vivez, et voyez qui je suis! J’écoutai le Seigneur, j’obéis et je dis : Esprits, soufflez sur eux du couchant, de l’aurore; Soufflez de l’aquilon, soufflez!… Pressés d’éclore, Ces restes du tombeau, réveillés par mes cris, Entrechoquent soudain leurs ossements flétris; Aux clartés du soleil leur paupière se rouvre, Leurs os sont rassemblés, et la chair les recouvre! Et ce champ de la mort tout entier se leva, Redevint un grand peuple, et connut Jéhova! —— Mais Dieu de ses enfants a perdu la mémoire; La fille de Sion, méditant ses malheurs, S’assied en soupirant, et, veuve de sa gloire, Ecoute Jérémie, et retrouve des pleurs. —— Le seigneur, m’accablant du poids de sa colère, Retire tour à tour et ramène sa main; Vous qui passez par le chemin, Est-il une misère égale à ma misère? En vain ma voix s’élève, il n’entend plus ma voix; Il m’a choisi pour but de ses flèches de flamme, Et tout le jour contre mon âme Sa fureur a lancé les fils de son carquois! Sur mes os consumés ma peau s’est desséchée; Les enfants m’ont chanté dans leurs dérisions; Seul, au milieu des nations, Le Seigneur m’a jeté comme une herbe arrachée. Il s’est enveloppé de son divin courroux; Il a fermé ma route, il a troublé ma voie; Mon sein n’a plus connu la joie, Et j’ai dit au Seigneur : Seigneur, souvenez-vous, Souvenez-vous, Seigneur, de ces jours de colère; Souvenez-vous du fiel dont vous m’avez nourri; Non, votre amour n’est point tari : Vous me frappez, Seigneur, et c’est pourquoi j’espère. Je repasse en pleurant ces misérables jours; J’ai connu le Seigneur dès ma plus tendre aurore : Quand il punit, il aime encore; Il ne s’est pas, mon âme, éloigné pour toujours. Heureux qui le connaît! heureux qui dès l’enfance Porta le joug d’un Dieu, clément dans sa rigueur! Il croit au salut du Seigneur, S’assied au bord du fleuve et l’attend en silence. Il sent peser sur lui ce joug de votre amour; Il répand dans la nuit ses pleurs et sa prière, Et la bouche dans la poussière, Il invoque, il espère, il attend votre jour. —— Silence, ô lyre! et vous silence, Prophètes, voix de l’avenir! Tout l’univers se tait d’avance Devant celui qui doit venir! Fermez-vous, lèvres inspirées; Reposez-vous, harpes sacrées, Jusqu’au jour où sur les hauts lieux Une voix au monde inconnue, Fera retentir dans la nue : PAIX A LA TERRE, ET GLOIRE AUX CIEUX!

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Andrée Chedid

    Andrée Chedid

    @andreeChedid

    Chantier du poème L'arrivée du poème est multiple. La plupart du temps, il progresse comme une vague qui déroule sa turbulence d'images et de mots. Il s'organise parfois autour d'un mot clef. Mot-noyau, tombant dru, bousculant le vocabulaire pour se chercher plus loin. Mais plus encore : soulèvement du dedans; mouvement en quête de ses rythmes, de sa forme-paroles. Greffes, le mot s'impose. Cet œil, ce bourgeon inséré dans le vif d'une plante, me parle infiniment. Greffe qui donne lieu à une vie autre; à un renouveau à partir d'une blessure, d'un manque. Les analogies affluent, les images se chevauchent. Je les accepte, je les inscris, en vrac. Les mots viennent dans une sorte de tohu-bohu, à l'intérieur duquel - plus tard, je le sais -, je découvrirai mon pain, mon eau; et comme une direction. Rarement le poème m'est donné d'un trait. En général, il m'arrive comme une matière brute, dans laquelle je fourrage et trouve, peu à peu, une ordonnance, des rapports, des sonorités. Serrant les écrous, rejetant le plâtre, repoussant les écorces, je tente d'aller au plus près de ce mouvement initial qui fait écrire. De ce mouvement qui - peut-être, tout simplement - fait vivre, en densité. Souvent, très souvent, presque malgré moi, je me trouve en face des mêmes thèmes. Balancement des contraires : obscur-clair, horreurs-beauté, grisaille-souffles, puits-ailes, dedans-dehors, chant et contre-chant. Pouble-pays, en apparence; mais que la vie brasse, ensemble, inépuisablement. Les mots, je les souhaite au service d'un sens (dont la raison ne rend jamais tout à fait compte). Au service d'une signification qui puisse être partagée. Ou - du moins - d'une question si primordiale, qu'elle pourrait être celle de tous, et de chacun. Je m'attelle pour cela à un long travail d'éluci-dation; m'efforçant à la transparence des mots, cherchant pour autant à ne pas affadir le troublant mystère de la poésie, de la vie. J'aime que le mot soit rétif. Mot sur lequel on bute, et sans lequel le poème ne tiendrait pas. J'aime le traquer ce mot, partout : dans la vie courante, dans d'autres textes, dans le journal, sur une affiche, dans le métro... Soudain, il tombe comme un fruit mûr sur un sol en attente; ou se laisse capturer, comme l'oiseau, dans les filets patiemment tendus. Ce mot que l'on sent juste (qui sonne juste, je lis haut pour l'oreille) fait que l'on peut quitter le poème, en repos. On s'éloigne, libre; pour renaître, haletant, devant le texte à venir. Rien de moins abstrait, de moins factice, que cette préoccupation. Le corps, la circulation sanguine, la respiration s'en ressentent. La poésie, par moments, nous grefferait-elle à la totalité, à l'ouvert? A la vraie vie?

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Andrée Chedid

    Andrée Chedid

    @andreeChedid

    L'énigme - poésie Celle qui s'enfouit au creux des choses Celle qui affleure et se dissipe Celle qui germe à chaque escale Celle qui s'écarte à chaque question Celle qu'aucune parole ne bride Celle qui consume chaque abri Celle qui dérange les miroirs Celle qui n'a ni terme ni nom.

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    A

    Antoine de Latour

    @antoineDeLatour

    Le livre perdu Si vous l'avez trouvé, rapportez-moi mon livre, L'hôte consolateur de mon obscur foyer, Un de ces doux amis qui nous aident à vivre, Et nous font oublier. Comme un sage modeste en son âme sereine Cache de sa vertu le précieux trésor, Il était sans parure et sur sa tranche à peine Il avait un peu d'or. Mais dans sa nudité quelle grâce infinie ! La sève de nos bois tarit en un moment, Mais le baume sacré des livres du génie Coule éternellement. Que j'aimais celui-ci ! Sur mes pâles journées Il jetait une égale et paisible lueur, Et, talisman chéri de mes jeunes années, Il dormait sur mon cœur. Que de fois, dans l'ennui d'une heure sombre et dure, Comme une fleur des champs qui commence à fleurir, Le volume entr'ouvert de son tendre murmure Est venu m'assoupir ! Dès que mon doigt touchait ses pages immortelles, J'entendais s'élever mille douces rumeurs Comme d'oiseaux charmants qui vont ouvrir leurs ailes Et s'envoler ailleurs. Il n'est plus ici-bas de ces livres magiques Dont un mot prononcé tout bas par les devins Évoquait dans la nuit des ombres fantastiques Et des concerts divins. Ces temps sont loin de nous, et le dernier des mages A fermé pour jamais ces livres de l'enfer. Notre froide raison sur les dernières pages A mis le sceau de fer. Seul, le poète encore a le don des miracles, Et le monde nouveau que nous ouvrent ses mains Par sa voix éclatante à d'augustes spectacles Invite les humains. Mais où donc est le mien, où retrouver ta trace, Pauvre livre égaré dans la froide cité ? Elle a bien des chanteurs, mais lequel a ta grâce Et ta simplicité ? Confident des désirs, des regrets du jeune âge, Sous chacun de tes vers je laissais en passant L'émotion première et la première image D'un poème naissant. De ces songes dorés une main étrangère Va-t-elle dissiper l'harmonieux essaim, Et le nom émouvant de celle qui m'est chère S'effacer de ton sein ? Nous t'avions là tous deux, elle et moi : sur sa tête, Dans un jour expié d'ineffable bonheur, J'avais fait ruisseler tous les vers du poète, Chastes baisers du cœur. De son noble regard sur le livre fidèle En ces instants si courts les clartés avaient lui, Et je sens, dans mon cœur, que quelque chose d'elle M'abandonne aujourd'hui. Rendez, rendez-le-moi : s'il vient reprendre encore Sur le rayon désert sa place d'autrefois, S'il m'est encore donné d'ouïr avec l'aurore — Se réveiller sa voix, Ce sera jour de fête en mon humble demeure ; Jamais jalouse lèvre avec un son plus doux N'aura dit à celui qui laissa passer l'heure : Ingrat, d'où venez-vous ? Ah ! déchiré, flétri, qu'importe ? S'il arrive. L'ami que sur l'écueil les flots ont jeté nu, Pour celui qui le pleure et l'attend sur la rive Est toujours bienvenu. Si vous me le rendez, qu'en vos coupes de joie Sa muse verse encore les gouttes de son miel, Et que dans le malheur sa pitié vous envoie Son chant venu du ciel. Mais si vous le gardez, que toutes ses pensées, S'armant contre vous seul de mille dards vengeurs, Vous fassent du récit de vos peines passées De nouvelles douleurs ! Que le sceptique essor de sa chanson légère Trouble d'amers soupçons chaque heure de vos jours, Et vous force à douter s'il est sur cette terre Des sincères amours !

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Antonin Artaud

    Antonin Artaud

    @antoninArtaud

    Je ne crois plus aux mots des poèmes Je ne crois plus aux mots des poèmes, car ils ne soulèvent rien et ne font rien. Autrefois il y avait des poèmes qui envoyaient un guerrier se faire trouer la gueule, mais la gueule trouée le guerrier était mort, et que lui restait-il de sa gloire à lui ? Je veux dire de son transport ? Rien. Il était mort, cela servait à éduquer dans les classes les cons et les fils de cons qui viendraient après lui et sont allés à de nouvelles guerres atomiquement réglementées, je crois qu’il y a un état où le guerrier la gueule trouée et mort, reste là il continue à se battre et à avancer, il n’est pas mort, il avance pour l’éternité. Mais qui en voudrait sauf moi ? Et moi, qu’il vienne celui qui me trouera la gueule je l’attends.

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Drame en Trois Ballades Pour fuir l'ennui que son départ me laisse, Pendant le jour, je m'en vais au travers Des bois, cherchant les abris bien couverts. Comme deux chiens qu'on a couplés en laisse. Deux papillons courent les taillis verts. Lors, je m'étends dans l'herbe caressante. Les moucherons, les faucheux, les fourmis Passent sur moi, sans que mon corps les sente, Les rossignols là-haut sont endormis. Et moi. je pense à ma maîtresse absente. Le soir, traînant la flèche qui me blesse. Je vais, longeant la rue aux bruits divers. Le gaz qui brille aux cafés grands ouverts. Les bals publics, flots d'obscène souplesse. Montrent des chairs, bons repas pour les vers. Mais, que parfois, accablé, je consente. Muet, à boire avec vous, mes amis, La bière blonde, ivresse alourdissante. Parlez, chantez I Rire vous est permis. Et moi, je pense à ma maltresse absente. Mais il est tard. Dormons. Rêvons d'Elle. Est-ce Le souvenir des scintillants hivers Qui se déroule en fantômes pervers. Dans mon cerveau que le sommeil délaisse. Au rhythme lent et poignant d'anciens vers? Enfin, la fièvre et la nuit fraîchissante Ferment mes yeux, domptent mes flancs blêmis... Quand reparaît l'aurore éblouissante. Voici crier les oiseaux insoumis. Et moi, je pense à ma maîtresse absente. ENVOI A ton lever, soleil, à ta descente Que suit la nuit au splendide semis. L'homme, oubliant sa pioche harassante, Sourit de voir mûrir les fruits promis. Et moi, je pense à ma maîtresse absente. II Nous sommes assis au bois* Dans les clairières endormantes. Mon esprit naguère aux abois Se rassure à l'odeur des menthes. Le vent, qui gémissait hier. Aujourd'hui rit et me caresse. Les oiseaux chantent. Je suis fier, Car j'ai retrouvé ma maîtresse. La rue a de joyeuses voix. Les ouvrières sous leurs mantes Frissonnent, en courant. Je vois Les amants joindre les amantes. Aux cafés, voilà le gaz clair. Lumière vive et charmeresse. Il y a du bonheur dans l'air. Car j'ai retrouvé ma maîtresse. Et dans tes bras, sur tes seins froids, J'ai des lassitudes charmantes. Qu'as-tu fait au loin? Je te crois, Que tu sois vraie ou que tu mentes. Tes seins berceurs comme la mer. Comme la mer calme et traîtresse, M'endorment... Plus de doute amer! Car j'ai retrouvé ma maltresse. ENVOI A toi, merci ! chemin de fer, J'étais seul; mai8 un soir d'ivresse, Tu m'as tiré de cet enfer, Car j'ai retrouvé ma maîtresse. III Feuilles, tombez sous la fureur du vent Et sous la pluie atroce de novembre. Toute splendeur, à la fin, se démembre. L'eau, trouble, perd son reflet décevant. Ainsi s'en va tout mon bonheur d'avant. Les doux retraits de mon âme charmée Sont dénudés, sans oiseaux. L'avenir Et mes projets, forte et brillante armée, Sont en déroute à ton seul souvenir, O ma maîtresse absolument aimée! J'ai tant vécu dans ton charme énervant, Comme nourri de gâteaux de gingembre, Comme enivré de vétyver et d'ambre I Et, rassuré, je m'endormais souvent Sur tes beaux seins, tiède ivoire vivant. Moi, j'aurais cru ta voix accoutumée; Le sort brutal voulut la démentir. Car il mentait ton long regard d'aimée I... Mais je n'ai pas, certes, de repentir, O ma maîtresse absolument aimée! Et maintenant, seul comme en un couvent. J'attends en vain le sommeil dans ma chambre. Ta silhouette adorable se cambre Dans ma mémoire. Et je deviens savant A m'enivrer des drogues du Levant. Que ma ferveur soit louée ou blâmée. Je veux t'aimer. n'ayant meilleur loisir. Tu resteras en moi comme un camép. Comme un parfum chaud qui ne peut moisir, A ma maîtresse absolument aimée! ENVOI Monde jaloux de ma vie embaumée. Enfer d'engrais, de charbon et de cuir. Je hais tes biens promis, sale fumée!... Pour ne penser qu'à toi, toujours, où fuir, Ô ma maîtresse absolument aimée?

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Heures Sereines J'ai pénétré bien des mystères Dont les humains sont ébahis : Grimoires de tous les pays, Êtres et lois élémentaires. Les mots morts, les nombres austères Laissaient mes espoirs engourdis; L'amour m'ouvrit ses paradis Et l'étreinte de ses panthères. Le pouvoir magique à mes mains Se dérobe encore. Aux jasmins Les chardons ont mêlé leurs haines. Je n'en pleure pas; car le Beau Que je rêve, avant le tombeau, M'aura fait des heures sereines.

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Je sais faire des vers perpétuels Je sais faire des vers perpétuels. Les hommes Sont ravis à ma voix qui dit la vérité. La suprême raison dont j'ai, fier, hérité Ne se payerait pas avec toutes les sommes. J'ai tout touché : le feu, les femmes, et les pommes ; J'ai tout senti : l'hiver, le printemps et l'été J'ai tout trouvé, nul mur ne m'ayant arrêté. Mais Chance, dis-moi donc de quel nom tu te nommes ? Je me distrais à voir à travers les carreaux Des boutiques, les gants, les truffes et les chèques Où le bonheur est un suivi de six zéros. Je m'étonne, valant bien les rois, les évêques, Les colonels et les receveurs généraux De n'avoir pas de l'eau, du soleil, des pastèques.

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Emily Dickinson

    Emily Dickinson

    @emilyDickinson

    C'était un Poète C'était un Poète - Celui Qui distille un sens inouï Des significations banales - Une si forte essence Des plantes familières Séchées devant la porte, Que nous nous demandons pourquoi Nous ne l'avions captée nous-mêmes. C'est le révélateur des images, Le Poète - c'est lui qui Nous donne droit, par contraste, A l'éternelle pauvreté. Si aveugle à son héritage Que le vol ne lui ferait rien, Il est sa propre fortune - Et il la possède hors du temps. - 2eme TRADUCTION - C'était un Poète - Cet Être Qui extrait un sens surprenant De Signes Ordinaires - Une si vaste Essence Des espèces familières Ayant péri à la Porte - Qu'on s'étonne de ne pas Soi-même L'avoir captée - d'abord - D'Images, Révélateur - Le Poète - Lui et nul autre - Nous investit - par Contraste - D'une incessante Pauvreté - De la Partie - si inconscient - Qu'un Vol ne le saurait léser - Lui-même - pour Lui - Trésor - Au Temps - étranger -

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    J

    Jacques Garelli

    @jacquesGarelli

    Démesure de la Poésie Le poème est ce qui n'a ni nom, ni repos, ni lieu, ni demeure : fissure à l'œuvre se mouvant. Inutile de le circonscrire hors de paysages connus dans quelque zone aux pensées interdite, horizon d'antinature ou alors achevé au terme de son dépassement. Il hante notre espace car il est notre temps. Insaisissable en chacune de ses figures qui ne surgit que pour lier sa tendance naissante à d'imprévisibles successions, le poème sécrète sa propre histoire comme l'avion traceur ses spirales irréductibles dans leur lecture linéaire à ce que fut dans l'azur ce point blanc. Prenant appui sur l'explosion étoi-lée du langage, ressassant l'amorce naissante de l'événement, sortant le geste de ses fonctionnels usages, le coupant de ses thématiques intentions, le poème fait qu'après lui l'homme foudroyé demande aux pages l'abri et le repos d'une histoire, le modèle entrevu parfait de la pierre bleue sur un visage, l'impossible clef. Sans rémission.

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

    @jeanDeLaFontaine

    Éloge de la Poésie : Calliopée Ô vous qui m'écoutez, troupe noble et choisie, Ainsi qu'eux quelque jour vous vivrez d'ambrosie ; Mais Alcandre lui-même aurait beau l'espérer, S'il n'implorait mon art pour la lui préparer. Ce point tout seul devrait me donner gain de cause : Rendre un homme immortel sans doute est quelque chose ; Apellanire peut par ses savantes mains L'exposer pour un temps aux regards des humains : Pour moi, je lui bâtis un temple en leur mémoire ; Mais un temple plus beau, sans marbre et sans ivoire, Que ceux où d'autres arts, avec tous leurs efforts, De l'Univers entier épuisent les trésors. Par le second discours on voit que la Peinture Se vante de tenir école d'imposture, Comme si de cet art les prestiges puissants Pouvaient seuls rappeler les morts et les absents ! Ce sont pour moi des jeux : on ne lit point Homère, Sans que tantôt Achille à l'âme si colère, Tantôt Agamemnon au front majestueux, Le bien-disant Ulysse, Ajax l'impétueux, Et maint autre héros offre aux yeux son image. Je les fais tous parler, c'est encor davantage. La Peinture après tout n'a droit que sur les corps ; Il n'appartient qu'à moi de montrer les ressorts Qui font mouvoir une âme, et la rendent visible ; Seule j'expose aux sens ce qui n'est pas sensible, Et, des mêmes couleurs qu'on peint la vérité, Je leur expose encor ce qui n'a point été. Si pour faire un portrait Apellanire excelle, On m'y trouve du moins aussi savante qu'elle ; Mais je fais plus encor, et j'enseigne aux amants A fléchir leurs amours en peignant leurs tourments. Les charmes qu'Hortésie épand sous ses ombrages Sont plus beaux dans mes vers qu'en ses propres ouvrages ; Elle embellit les fleurs de traits moins éclatants : C'est chez moi qu'il faut voir les trésors du printemps. Enfin, j'imite tout par mon savoir suprême ; Je peins, quand il me plaît, la Peinture elle-même. Oui, beaux-arts, quand je veux, j'étale vos attraits : Pouvez-vous exprimer le moindre de mes traits ? Si donc j'ai mis les dieux au-dessus de l'envie, Si je donne aux mortels une seconde vie, Si maint œuvre de moi, solide autant que beau, Peut tirer un héros de la nuit du tombeau, Si, mort en ses neveux, dans mes vers il respire, Si je le rends présent bien mieux qu'Apellanire, Si de Palatiane, au prix de mes efforts, Les monuments ne sont ni durables, ni forts, Si souvent Hortésie est peinte en mes ouvrages, Et si je fais parler ses fleurs et ses ombrages, Juges, qu'attendez-vous ? et pourquoi consulter ? Quel art peut mieux que moi cet écrin mériter ? Ce n'est point sa valeur où j'ai voulu prétendre : Je n'ai considéré que le portrait d'Alcandre. On sait que les trésors me touchent rarement : Mes veilles n'ont pour but que l'honneur seulement ; Gardez ce diamant dont le prix est extrême ; Je serai riche assez pourvu qu'Alcandre m'aime. »

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Louis Aragon

    Louis Aragon

    @louisAragon

    Elsa entee dans le poème Entre assieds-toi soleil et qu'à tes pieds se couche Le lion des fureur qui sortait de ma bouche Que je n'entende plus qu'en moi ce cœur dompté Assieds-toi c'est le soir et souris c'est l'été Musique de ma vie ô mon parfum ma femme Empare-toi de moi jusqu'au profond de l'âme Entre dans mon poème unique passion Qu'il soit uniquement ta respiration Immobile sans toi désert de ton absence Qu'il prenne enfin de toi son sens et sa puissance Il sera ce frémissement de ta venue Le bonheur de mon bras touché de ta main nue Il sera comme à l'aube un lieu de long labour Quand l'hiver se dissipe et l'herbe sort au jour Entre amour c'est ici l'effrayante forêt Où la nuit ne tient pas du ciel ses yeux secrets Entre dans mon poème où les mots qui t'accueillent Ont le pa^pitement obscur et doux des feuilles Où t'entourent la fuite et l'ombre des oiseaux Et le cheminement invisible des eaux Tout t'appartient Je suis tout entier ton domaine Ma mémoire est à toi Toi seule t'y promènes Toi seule vas foulant mes sentiers effacés Mes songes et mes cerfs t'y regardent passer Tu marches sur les fleurs d'enfer de mon Ardenne Mon enfance t'y suit comme un lointain éden Une brume de moi bleuit au haut des monts Où le cheval Bayard porta les fils Aymon Ô mes enchantements dissipés ô marelle Des mares d'autrefois ô miroirs sous la grêle Viens-t'en dans cette chasse énorme qui fut moi Ainsi que Montessor entre Meuse et Semoy Prends le couvert des bois où quand s'en vint Pétrarque Toute biche était Laure et des mains tombait l'arc Parmi les chênes nains dont la tête dit non Si le vent se souvient des rouvres d'Avignon Du jardin que les murs de tous côtés endiguent Où l'ombre a la senteur violente des figues Mais déjà c'est ta lèvre et ce couple c'est nous C'est toi le clair de lune où je tombe à genoux Et la terrasse y tremble et la pierre se trouble Étoiles dans ma nuit ma violette double Ce sont tes yeux ouverts sur les temps désunis Jusque dans mon sommeil Eisa mon insomnie II Il est sept heures dix une tasse de menthe À côté de la pendule en cuir refroidit Je suis seul au matin dont les cendres dormantes Blanchissent sans pouvoir oublier l'incendie Je parle à haute voix le langage des vers Comme si je faisais l'essai de ma folie D'où me vient-il ce goût puéril et pervers D'où me viennent les mots que je lie et délie Qu'est-ce que ce plaisir morose et monotone Ce passe-temps verbal et qui donc s'y complaît C'est bien moi je m'entends m'interromps et m'étonne Et de mes doigts mentaux tombent les osselets C'est un jour machinal aujourd'hui qui se lève Je n'attends que le temps dans la chambre où je suis Le temps s'arrête en moi comme un sang qui fait grève Et je deviens pour moi comme un mot qui me fuit III Comme avec le soleil l'arbre immobile engage Dans le tourner du jour un discours de rameaux Mes bras vers toi se font invention des mots Quand je te touche enfin je comprends le langage J'ai peur d'être un miroir où tout s'évanouit Toute ma chair vers toi crie un enfantement Paroles de mes mains métaphoriquement Vers l'autre vous frayez une route inouïe Comment faire tomber cette feinte couleur Des vocables fixés aux lèvres des humains Ce qui deux fois se dit insulte au lendemain Et tout ce rouge mis se fane avec les fleurs La vie en mouvement quels doigts l'ont-ils saisie Quel lexique y a-t-il pour le vent et le sable Il faut substituer 6 cœur inconnaissable À l'ancien alphabet le radar poésie Je vois sans yeux je suis une clameur sans bouche Je suis le phare obscur qu'on appelle pensée J'ai fait de mon désir une force insensée Le mystère à mes pieds terre à terre se couche Je ne compare pas les choses Je démens Leurs rapports J'établis d'autres lois de nature J'ouvre sans la toucher la porte et m'aventure Où rien n'obéit plus qu'à mon commandement Tout d'un coup je comprends la chose qui m'habite Et qui n'est qu'une forme étrange de raison Une physique de l'amour de Toi Disons Mieux Une possession sans fin ni limite Oui je suis possédé de toi Si les enfants Le rire et les cailloux me chassent peu m'importe Qu'on m'arrache le cœur et que le sang me sorte C'est toi mon être encore où mon être se fend Oui possédé de toi jusqu'au fil de ma trame De part en part de fond en comble possédé Mort je n'éveillerai jamais que ton idée Car ma poussière aura le parfum de ton âme Je te donne la flamme et la cendre du feu Je te donne le chant dément qui me traverse Je te donne le vent tantôt qui me disperse Je te donne le ciel qui fait nos veines bleues O pauvreté de moi qui m'en viens faux Roi Mage Te porter des présents misérables et vains Et comme sa couleur le verre doit au vin Je m'onivre en peignant ma vie à ton image Je vais formant des vers plus forts que les baisers Je vis comme un marin dans l'écume des proues Éclaboussé du chant de la mer à la roue Réinventant le jour dans les vagues brisées Ce qui de moi s'arrache au-delà de moi-même Cet appel résumant ce que je suis Ce cri Par quoi les hommes font l'aveu du plaisir pris Cotte façon que j'ai de dire que je t'aime Et de dire cela seulement sans jamais Desserrer un instant ma volonté d'étreinte Sans remarquer le temps les étoiles éteintes Et de dire je t'aime ainsi que je t'aimais Voilà voilà pourquoi je suis né ma victoire Rien rien ne pourra plus faire qu'elle ne fût Même sans bras sans tôte et debout sur son fût De pierre et Samothrace au loin morte à l'Histoire

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    L

    Louise Ackermann

    @louiseAckermann

    Adieux a la Poésie Mes pleurs sont à moi, nul au monde Ne les a comptés ni reçus ; Pas un œil étranger qui sonde Les désespoirs que j'ai conçus. L'être qui souffre est un mystère Parmi ses frères ici-bas ; Il faut qu'il aille solitaire S'asseoir aux portes du trépas. J'irai seule et brisant ma lyre, Souffrant mes maux sans les chanter ; Car je sentirais à les dire Plus de douleur qu'à les porter. Paris, 1835.

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Louise Colet

    Louise Colet

    @louiseColet

    Ma poésie Il est dans le Midi des fleurs d'un rose pâle Dont le soleil d'hiver couronne l'amandier ; On dirait des flocons de neige virginale Rougis par les rayons d'un soleil printanier. Mais pour flétrir les fleurs qui forment ce beau voile, Si la rosée est froide, il suffit d'une nuit ; L'arbre alors de son front voit tomber chaque étoile, Et quand vient le printemps il n'a pas un seul fruit. Ainsi mourront les chants qu'abandonne ma lyre Au monde indifférent qui va les oublier ; Heureuse, si parfois une âme triste aspire Le parfum passager de ces fleurs d'amandier.

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Louise Colet

    Louise Colet

    @louiseColet

    Plus de vers Non, plus de vers, jamais ; ce monde où tout s'altère, Ma muse, a fait pâlir ton front pudique et saint, Ton aile s'est brisée en touchant à la terre : Comme un oiseau blessé cache-toi dans mon sein. Non, plus de vers, jamais, car les vers sont des larmes Qui brûlent en tombant le cœur qui les forma, Et les indifférents ne trouvent pas de charmes A savoir de ce cœur qu'il souffrit, qu'il aima. Vous qui venez sourire et pleurer dans mon livre, Illusions d'un jour, beaux rêves que j'aimais, A ce monde étranger en tremblant je vous livre, Et je vous dis adieu ! Non, plus de vers, jamais !

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Lucien Becker

    Lucien Becker

    @lucienBecker

    Dernier poème Tu es née sur un ordre de la lumière qui partage avec toi ses richesses i r comme le reu partage son or avec la nuit, pourtant pleine jusqu'aux montagnes. Ton corps s'éclaire de l'intérieur comme la moisson ou comme la rivière lorsque la clarté se suspend encore au couchant coupé soudain du jour. Il ne faut pas que tu aies peur dans l'immense bagne de l'horizon puisque ton cœur peut battre à l'aise derrière mes doigts tendus sur toi. L'amour nous donne alors la force de poursuivre l'aventure du soleil à la seule lueur de nos veines entre des murs qui nous serrent à la gorge. Tu entres dans ma vie avec la certitude que, menée à deux, elle n'aura pas plus de fin que l'éternel matin de la terre, que la nuit surgissant d'entre les siècles.

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Lucien Becker

    Lucien Becker

    @lucienBecker

    Derniers poèmes Il n'y a plus de poussière sur le chemin, ni aucun des pas qui l'emmenaient au village pour voir les arbres se reposant dans les cours ou la fontaine, armoire de jour sous la nuit. Le soleil court au sol, fouillant toutes les herbes et chacune d'elles se fait droite et blanche comme si tout un sous-bois s'éclairait le temps d'un regard venu de partout à la fois. Le miroir veille, mal à l'aise contre le plâtre. La fenêtre est une branche morte dressée dans le ciel à jamais charbonneux des carreaux. On entend respirer la forêt au fond d'un meuble. Mais je te retrouve très proche du couchant comme préservée de l'espoir le plus courant avec un cœur qui ne fait presque pas de bruit et quelques mots soumis aux règles de la vie. Le couchant n'est plus qu'une jetée sur le parquet où parfois un petit morceau de verre étincelle. La nuit est un ciment entre les arbres du verger qui vit déjà sur ses réserves de silence. Rien de ce qui fut le ciel ne dure dans les vitres qui s'habituent à la clarté sans âme des lampes. Placées à la rencontre du jour et du soir, elles font de la foule un vivier de regards. Le temps ne règne pas pour les chaises qui sont des branches mortes ayant appris à exister. L'ombre est toujours à l'étroit entre armoire et mur même quand le soleil s'est couché dans le vin. Mais rien ne pourra se passer dans cette pièce dont les angles taillent à vif un univers posé partout autour de moi comme un rocher pour lequel, même mort, je resterai à naître. La vitre a de la peine à contenir l'été, les chemins dorment enroulés dans leur poussière, chaque ombre est transparente d'un peu de soleil, il fait grand jour très loin derrière les paupières. Un insecte est posé, depuis midi, sur un mur qui porte à lui seul plus de la moitié du ciel. L'ortie veille sur une goutte de rosée qu'elle a pu sauver d'un matin qui brûle encore. Il faut aller au bout du couloir pour trouver un semblant de fraîcheur qui sente la verdure. Dans la porte entr'ouverte apparaît une femme que la clarté poursuivra jusque dans la nuit. Il y a quelque part un ver qui ronge une poutre. On l'entend mieux entre chaque battement de cœur. Il cherche sa route sur les sommets du silence comme un aveugle dans un quartier inconnu. Un peu d'eau se dessèche sur une table où le couteau est comme un ossement laissé par le jour quand l'ombre s'arc-boute aux murs sans autre lueur que celle qui tressaute au bord d'un ustensile. Dans l'âtre, il y a le feu et ses montagnes, le sang passe à la tempe et rentre dans son tunnel, la ville sans âge s'arrête près des lampes où la lumière se repose de l'été. Un vieux chêne veille en secret dans l'armoire d'où des centaines de matins se sont levés sans pouvoir trouver une route vers le ciel parce qu'un plafond s'est mis sur leur passage. Gardé par les pierres, l'homme a hâte de vivre à l'abri d'un simple front sans autre espoir que celui d'apercevoir le plus longtemps possible un monde indifférent, dressé vers la clarté. Tout est neuf après le passage de la pluie : de l'arbre qui brille comme une armure à l'herbe lourde de bouquets et de bagues, aux pierres belles comme une épaule de femme. Le verger pense au long mûrissement des fruits auxquels les feuilles font comme des nids. Il reste une faille par où le ciel descend pour donner, au sol, son visage à une fleur. Les chemins ne sont plus que boue parmi la paille et le soleil fait déborder toutes les flaques. Il n'y a plus de vent pour animer les sources dans l'après-midi figé comme du calcaire. Le ruisseau arrive à cerner la campagne et le jour n'a qu'à se laisser porter par lui jusqu'au point où il se rattrape à des branchages parce que la forêt vient sur lui comme un orage. -La nuit s'appuie sur la rampe de lumière qui s'élève dans chaque rue de la ville. On croise des gens n'existant que parce qu'ils marchent jusqu'aux murs d'une pièce où ils s'arrêtent, grandis. En quête d'une fenêtre tournée vers un peu de ciel, la main ne rencontre qu'un verre impersonnel. Elle ne sait que faire du corps qui la dirige dans un espace où rien n'a prise, sinon le sommeil. Rien ne distrait le masque de fille rieuse que se donne la lampe pour faire vivre ce qui l'entoure. Elle ignore qu'il y a, comme elle, d'autres lampes qui font des signes auxquels personne ne répond. Car la parole est engluée au fond des gorges, les yeux ont cessé de regarder au-delà des cils, le corps lui-même se retranche derrière la peau dans l'attente que la mort le dépasse, sans le voir. La source qui mesure la boisson de la terre se nourrit d'un peu de roche et de lèvres chaudes. Elle est très calme dans l'encadrement du jour mais le soir elle éteint des fournaises d'insectes. Son visage est de vent patiemment maîtrisé ou de lueurs qu'elle aiguise au fond de sa nuit. Elle sait se faire caillou tombé de l'herbe, ne pas bouger quand la tempête est dans l'arbre. Elle arrive à courber le monde d'un fleuve qu'elle lance à partir d'une goutte d'eau à travers les blés dociles, les prairies trop douces qui vont d'un pont à l'autre sans voir aucune ville. D'un seul tenant comme l'hiver ou le beau temps, elle n'a de regard que pour l'homme aux mains dures qui s'agenouille devant elle, seule déesse ayant survécu à tous les âges de l'humanité. Un lierre tout de miroirs traverse le bois sans craindre le vent presque nu de l'hiver. Les bourgeons se serviront de ses veilleuses pour retrouver le chemin du printemps. Le grand air est une montagne très instable, dressée par-dessus le vide que fait la nuit dans sa retraite au fond des granges ou des ruisseaux près d'un jour qui n'ira pas jusqu'au bout du monde. Il y a parmi les arbres soudés les uns aux autres quelques taches grises : maisons où rien ne bouge, sinon les nuages naviguant dans des vitres ou la fumée planant sans hâte sur le soir. Le soleil, venu d'un espace grand comme une chambre, éclaire à peine l'herbe sèche d'un pré, rase les toits pourtant très bas, s'y retient et tombe, en heurtant le seul oiseau encore en vie.

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    À la poésie Ô douce Poésie ! Couvre de quelques fleurs La triste fantaisie Qui fait couler mes pleurs ; Trompe mon âme tendre Que l'on blessa toujours : Je ne veux plus attendre Mes plaisirs des amours. Donne aux vers de ma lyre Une aimable couleur, Ta grâce à mon délire, Ton charme à ma douleur. Que le nuage sombre Qui voile mes destins, S'échappe, comme une ombre, À tes accents divins. Sois toujours attentive À mes chants douloureux ; D'une pudeur craintive Enveloppe mes vœux ; Cache l'erreur brûlante Qui trouble mon bonheur : Mais, ô Dieu ! qu'elle est lente À sortir de mon cœur !

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    M

    Michel Deguy

    @michelDeguy

    L'esprit de Poésie Toute figure est figure de pensée... Une figure est celle du dieu de poésie Qui se glisse dans la forme de cette figure En ressemblant à s'y méprendre à cet hôte qui l'accueille Pour y féconder Alcmène la poésie L'esprit de poésie : un défieur de dieux qui invoque : « qu'est-ce que vous attendez ? ! » Cette durée ne peut pas durer ! Il faut que l'interminable soit ponctué ; qu'il y ait de l'interruption, du contour, de l'apparition, de la finition ! Venez. J'expose la peau ocellée d'Argus, une cotte de synonymes : Protée, montre-toi que je te reconnaisse multiple, que je t'épèle à grande vitesse ! L'esprit de poésie compare l'ogre égarant ses enfants à la «forêt obscure» où Dante commençait par se perdre; il perd les «significations admises», tout ce qui s'énonçait vite, ne demandait qu'à être identifié (et sans doute vaudrait-il mieux être égaré par une puissance que prendre les devants par jeu, mais enfin il faut bien que quelqu'un commence) ; l'affaire ordinaire, le patent, l'envoyé loyal, le message escompté, il s'en impatiente ! Le trompeur authentique, le déguisé, le fourbe de comédie, celui que le public a démasqué d'entrée de jeu ne lui suffit pas. Mais où est le dieu ? Dans les tragédies, le dieu ? Celui qui est autre qu'on croit, non par férocité mais parce qu'on ne pourrait l'accueillir, l'excessif, qui éclipserait. Ou alors il y aurait deux dissimulations, et la première, sympathique et remédiable, pour nous préparer à l'autre, « tragique » ? Celui qui est et n'est pas — ce qu'il est. Et les dieux ont appris aux hommes par les arts à recevoir, à pouvoir recevoir, toute chose comme un dieu, pour ce qu'elle est en étant autre (en excès, en à-côté), autre que ce que c'est qui la comporte, dans quoi elle vient; en étant comme cela qui s'annonce, c'est-à-dire irréductible à cela qu'elle paraît : masqué par son apparaître, par son être-vrai même. L'artiste apprend à ménager, d'un rapport indirect, le « dieu inconnu » en tout. Le dieu est ce qui remplit la forme humaine, parfois trop humble comme Déméter, en retrait dans le visible, pour suggérer l'inégalité de la visibilité à l'être, la « différence de l'être et de l'étant » ? Ainsi est-ce l'épreuve par tout : reconnaître le dieu. Il s'agit de ce qui excéderait la vie dans la vie, le dieu amour, « promis à tous », en tout cas à toi, à toi, à toi... C'est ton tour. Et si tu ne l'accueilles pas en quelque mode, tant pis pour toi, « tu auras vécu en vain ». Même la comédie murmure «c'est votre affaire», de le reconnaître dans ce valet, ce double, cette erreur, cette coquette. Il n'est pas réservé aux Princes de la tragédie ; il ne s'agit pas que de mourir.

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Nicolas Boileau

    Nicolas Boileau

    @nicolasBoileau

    L'art poétique (Chant I) C'est en vain qu'au Parnasse un téméraire auteur Pense de l'art des vers atteindre la hauteur. S'il ne sent point du Ciel l'influence secrète, Si son astre en naissant ne l'a formé poète, Dans son génie étroit il est toujours captif ; Pour lui Phébus est sourd, et Pégase est rétif. Ô vous donc qui, brûlant d'une ardeur périlleuse, Courez du bel esprit la carrière épineuse, N'allez pas sur des vers sans fruit vous consumer, Ni prendre pour génie un amour de rimer ; Craignez d'un vain plaisir les trompeuses amorces, Et consultez longtemps votre esprit et vos forces. La nature, fertile en Esprits excellents, Sait entre les Auteurs partager les talents L'un peut tracer en vers une amoureuse flamme ; L'autre d'un trait plaisant aiguiser l'épigramme. Malherbe d'un héros peut vanter les exploits ; Racan, chanter Philis, les bergers et les bois Mais souvent un esprit qui se flatte et qui s'aime Méconnaît son génie et s'ignore soi-même : Ainsi tel autrefois qu'on vit avec Faret Charbonner de ses vers les murs d'un cabaret S'en va, mal à propos, d'une voix insolente, Chanter du peuple hébreu la fuite triomphante, Et, poursuivant Moïse au travers des déserts, Court avec Pharaon se noyer dans les mers. Quelque sujet qu'on traite, ou plaisant, ou sublime, Que toujours le bon sens s'accorde avec la rime ; L'un l'autre vainement ils semblent se haïr ; La rime est une esclave et ne doit qu'obéir. Lorsqu'à la bien chercher d'abord on s'évertue, L'esprit à la trouver aisément s'habitue ; Au joug de la raison sans peine elle fléchit Et, loin de la gêner, la sert et l'enrichit. Mais, lorsqu'on la néglige, elle devient rebelle, Et, pour la rattraper, le sens court après elle. Aimez donc la raison : que toujours vos écrits Empruntent d'elle seule et leur lustre et leur prix. La plupart, emportés d'une fougue insensée, Toujours loin du droit sens vont chercher leur pensée Ils croiraient s'abaisser, dans leurs vers monstrueux, S'ils pensaient ce qu'un autre a pu penser comme eux. Évitons ces excès : laissons à l'Italie, De tous ces faux brillants l'éclatante folie. Tout doit tendre au bon sens : mais, pour y parvenir, Le chemin est glissant et pénible à tenir ; Pour peu qu'on s'en écarte, aussitôt on se noie. La raison pour marcher n'a souvent qu'une voie. Un auteur quelquefois, trop plein de son objet, Jamais sans l'épuiser n'abandonne un sujet. S'il rencontre un palais, il m'en dépeint la face ; Il me promène après de terrasse en terrasse ; Ici s'offre un perron ; là règne un corridor ; Là ce balcon s'enferme en un balustre d'or. Il compte des plafonds les ronds et les ovales ; « Ce ne sont que festons, ce ne sont qu'astragales. » Je saute vingt feuillets pour en trouver la fin, Et je me sauve à peine au travers du jardin. Fuyez de ces auteurs l'abondance stérile, Et ne vous chargez point d'un détail inutile. Tout ce qu'on dit de trop est fade et rebutant ; L'esprit rassasié le rejette à l'instant. Qui ne sait se borner ne sut jamais écrire. Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire Un vers était trop faible, et vous le rendez dur ; J'évite d'être long, et je deviens obscur ; L'un n'est point trop fardé, mais sa Muse est trop nue ; L'autre a peur de ramper, il se perd dans la nue. Voulez-vous du public mériter les amours ? Sans cesse en écrivant variez vos discours. Un style trop égal et toujours uniforme En vain brille à nos yeux, il faut qu'il nous endorme. On lit peu ces auteurs, nés pour nous ennuyer, Qui toujours sur un ton semblent psalmodier. Heureux qui, dans ses vers, sait d'une voix légère Passer du grave au doux, du plaisant, au sévère ! Son livre, aimé du Ciel et chéri des lecteurs, Est souvent chez Barbin entouré d'acheteurs. Quoi que vous écriviez évitez la bassesse : Le style le moins noble a pourtant sa noblesse. Au mépris du bon sens, le Burlesque effronté, Trompa les yeux d'abord, plut par sa nouveauté. On ne vit plus en vers que pointes triviales ; Le Parnasse parla le langage des halles ; La licence à rimer alors n'eut plus de frein, Apollon travesti devint un Tabarin. Cette contagion infecta les provinces, Du clerc et du bourgeois passa jusques aux princes. Le plus mauvais plaisant eut ses approbateurs ; Et, jusqu'à d'Assouci, tout trouva des lecteurs. Mais de ce style enfin la cour désabusée Dédaigna de ces vers l'extravagance aisée, Distingua le naïf du plat et du bouffon, Et laissa la province admirer le Typhon. Que ce style jamais ne souille votre ouvrage. Imitons de Marot l'élégant badinage, Et laissons le Burlesque aux Plaisants du Pont-Neuf. Mais n'allez point aussi, sur les pas de Brébeuf, Même en une Pharsale, entasser sur les rives « De morts et de mourants cent montagnes plaintives ». Prenez mieux votre ton, soyez Simple avec art, Sublime sans orgueil, agréable sans fard. N'offrez rien au lecteur que ce qui peut lui plaire. Ayez pour la cadence une oreille sévère : Que toujours dans vos vers, le sens, coupant les mots, Suspende l'hémistiche, en marque le repos. Gardez qu'une voyelle, à courir trop hâtée, Ne soit d'une voyelle en son chemin heurtée, Il est un heureux choix de mots harmonieux. Fuyez des mauvais sons le concours odieux : Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée Ne peut plaire à l'esprit, quand l'oreille est blessée. Durant les premiers ans du Parnasse françois, Le caprice tout seul faisait toutes les lois. La rime, au bout des mots assemblés sans mesure, Tenait lieu d'ornements, de nombre et de césure. Villon sut le premier, dans ces siècles grossiers, Débrouiller l'art confus de nos vieux romanciers. Marot, bientôt après, fit fleurir les ballades, Tourna des triolets, rima des mascarades, À des refrains réglés asservit les rondeaux Et montra pour rimer des chemins tout nouveaux. Ronsard, qui le suivit, par une autre méthode, Réglant tout, brouilla tout, fit un art à sa mode, Et toutefois longtemps eut un heureux destin. Mais sa Muse, en français parlant grec et latin, Vit, dans l'âge suivant, par un retour grotesque, Tomber de ses grands mots le faste pédantesque. Ce poète orgueilleux, trébuché de si haut, Rendit plus retenus Desportes et Bertaut. Enfin Malherbe vint, et, le premier en France, Fit sentir dans les vers une juste cadence, D'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir, Et réduisit la Muse aux règles du devoir. Par ce sage écrivain la langue réparée N'offrit plus rien de rude à l'oreille épurée. Les stances avec grâce apprirent à tomber, Et le vers sur le vers n'osa plus enjamber. Tout reconnut ses lois ; et ce guide fidèle Aux auteurs de ce temps sert encor de modèle. Marchez donc sur ses pas; aimez sa pureté ; Et de son tour heureux imitez la clarté. Si le sens de vos vers tarde à se faire entendre, Mon esprit aussitôt commence à se détendre ; Et, de vos vains discours prompt à se détacher, Ne suit point un auteur qu'il faut toujours chercher. Il est certains esprits dont les sombres pensées Sont d'un nuage épais toujours embarrassées ; Le jour de la raison ne le saurait percer. Avant donc que d'écrire, apprenez à penser. Selon que notre idée est plus ou moins obscure, L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure. Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément. Surtout qu'en vos écrits la langue révérée Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée. En vain, vous me frappez d'un son mélodieux, Si le terme est impropre ou le tour vicieux : Mon esprit n'admet point un pompeux barbarisme, Ni d'un vers ampoulé l'orgueilleux solécisme. Sans la langue, en un mot, l'auteur le plus divin Est toujours, quoi qu'il fasse, un méchant écrivain. Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse, Et ne vous piquez point d'une folle vitesse Un style si rapide, et qui court en rimant, Marque moins trop d'esprit que peu de jugement. J'aime mieux un ruisseau qui, sur la molle arène, Dans un pré plein de fleurs lentement se promène, Qu'un torrent débordé qui, d'un cours orageux, Roule, plein de gravier, sur un terrain fangeux. Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage Polissez-le sans cesse et le repolissez ; Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. C'est peu qu'en un ouvrage où les fautes fourmillent, Des traits d'esprit, semés de temps en temps, pétillent. Il faut que chaque chose y soit mise en son lieu ; Que le début, la fin, répondent au milieu ; Que d'un art délicat les pièces assorties N'y forment qu'un seul tout de diverses parties, Que jamais du sujet le discours s'écartant N'aille chercher trop loin quelque mot éclatant. Craignez-vous pour vos vers la censure publique ? Soyez-vous à vous-même un sévère critique. L'ignorance toujours est prête à s'admirer. Faites-vous des amis prompts à vous censurer ; Qu'ils soient de vos écrits les confidents sincères, Et de tous vos défauts les zélés adversaires. Dépouillez devant eux l'arrogance d'auteur, Mais sachez de l'ami discerner le flatteur : Tel vous semble applaudir, qui vous raille et vous joue. Aimez qu'on vous conseille, et non pas qu'on vous loue. Un flatteur aussitôt cherche à se récrier Chaque vers qu'il entend le fait extasier. Tout est charmant, divin, aucun mot ne le blesse ; Il trépigne de joie, il pleure de tendresse ; Il vous comble partout d'éloges fastueux... La vérité n'a point cet air impétueux. Un sage ami, toujours rigoureux, inflexible, Sur vos fautes jamais ne vous laisse paisible : Il ne pardonne point les endroits négligés, Il renvoie en leur lieu les vers mal arrangés, Il réprime des mots l'ambitieuse emphase ; Ici le sens le choque, et plus loin c'est la phrase. Votre construction semble un peu s'obscurcir, Ce terme est équivoque : il le faut éclaircir... C'est ainsi que vous parle un ami véritable. Mais souvent sur ses vers un auteur intraitable, À les protéger tous se croit intéressé, Et d'abord prend en main le droit de l'offensé. « De ce vers, direz-vous, l'expression est basse. » « — Ah ! Monsieur, pour ce vers je vous demande grâce, Répondra-t-il d'abord. — Ce mot me semble froid, Je le retrancherais. — C'est le plus bel endroit ! — Ce tour ne me plaît pas. — Tout le monde l'admire. » Ainsi toujours constant à ne se point dédire, Qu'un mot dans son ouvrage ait paru vous blesser, C'est un titre chez lui pour ne point l'effacer. Cependant, à l'entendre, il chérit la critique ; Vous avez sur ses vers un pouvoir despotique... Mais tout ce beau discours dont il vient vous flatter N'est rien qu'un piège adroit pour vous les réciter. Aussitôt, il vous quitte ; et, content de sa Muse, S'en va chercher ailleurs quelque fat qu'il abuse ; Car souvent il en trouve : ainsi qu'en sots auteurs, Notre siècle est fertile en sots admirateurs ; Et, sans ceux que fournit la ville et la province, Il en est chez le duc, il en est chez le prince. L'ouvrage le plus plat a, chez les courtisans, De tout temps rencontré de zélés partisans ; Et, pour finir enfin par un trait de satire, Un sot trouve toujours un plus sot qui l'admire.

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    Critique de la poésie C'est entendu je hais le règne des bourgeois Le règne des flics et des prêtres Mais je hais plus encore l'homme qui ne le hait pas Comme moi De toutes ses forces. Je crache à la face de l'homme plus petit que nature Qui à tous mes poèmes ne préfère pas cette Critique de la poésie.

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Pierre-Albert Birot

    Pierre-Albert Birot

    @pierreAlbertBirot

    Aux jeunes poètes Pour faire un poème Pardonnez moi ce pléonasme Il suffit de ce promener Quelque fois sans bouger Regarder dehors et dedans Avec toutes les cellules De votre vous Et voici que vous êtes riche Mais n'en dites rien à personne Pour aujourd'hui Ne faites pas le nouveau-riche Apprenez les bonnes manières Car la fortune est peu de chose à qui ne sait pas s'en servir Vous voici fécondés Travaillez façonnez polissez assemblez Tous ces immatériels matériaux Maintenant Que vous avez reçu le monde en vous Portez le monde qui va naître Obéissez Parfois aux lois des autres Parfois aux vôtres Parfois encore et surtout à la Loi Qui n'est ni des autres ni de vous Et vous serez aimés Des mots des sons des rythmes Qui s'ordonneront pour vous plaire Soyez triple comme un Dieu Ou plutôt comme une mère Et naîtra le poème Mais j'aurais dû tout simplement vous dire Copier copier Religieusement La vérité que vous êtes Et vous ferez un poème à condition que vous soyez poète.

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    P

    Pierre Oster

    @pierreOster

    Dix-Septième poème Le ciel sur les hauteurs a l'éclat d'une rose qu'on cueille. Le vent siffle, murmure. Une plume d'oiseau tombe de feuille en feuille. Et, sans un mot, dès le matin, je me lève et j'adresse mes pas Vers un jardin que je connais, que le soleil n'ignore pas ! L'herbe est moins noire. C'est le jour. C'est l'ultime gelée. J'offre ma bouche vide à la nuit qui fut vaine et salée ! Le vent m'incite à tout sentir comme un triomphe ou comme un don, À me confondre avec le jour, puisque le jour est bon, Puisque j'ai découvert, posté sur le seuil d'une grange. Un grand arbre, qui me domine, qui sous sa puissance me range ! La mer au loin s'emporte et les rocs braveront son courroux. L'acre brume des prés voile très doucement le ciel teinté de roux. L'air se réchauffe quand je souffle ! El le vent perpétue, Il fait sonner, sur les chemins, une parole que j'ai tue. La marée envahit les champs par lesquels j'allais et venais, Entremêle des bouts de corde ou des lambeaux de harnais, Courbe avec majesté l'herbe qui brillera dans l'aube printanière ! Et tandis que le jour apparaît au milieu d'une ornière, L'on peut entendre, qui recommence et roule à I l'occident, Le sombre orage que j'augurais en contemplant le ciel ardent ! Le siège des dieux les plus hauts ressemble au pays que je scrute. Il n'est que de songer pour être transporté sur une côte abrupte. Des oiseaux bougent près des maisons, des buissons, des récifs. I J'appelle la tempête et m'enfuis sous les chênes massifs. Que le soleil soit offusqué par quelque nuage qui passe Ou que des profondeurs on le hisse à la fin comme une nasse, Je surprends sur la mousse innocente, où j'aime à me coucher. Des pétales que je défroisse et des fleurs de pêcher. Le désir me tient en éveil... Je vois s'animer les feuillages. L'odeur qui monte de la mer entoure les villages. Se répand au-dessus de l'abîme, au-dessus des roseaux ! La brise rafraîchit, rafraîchit l'apparence éternelle des eaux. Sous mon regard le seul jardin se remplit d'une flamme subite. Le souvenir d'un sourire accroît la force qui m'habite. Au nom des dieux, des dieux obscurs, des dieux qui régnent sur la cour, Je me recueille pour accueillir intimement le jour ! Des armes gisent dans les taillis, dans la broussaille. Un cri retentit sur les toits, dont toute la terre tressaille. Tel chemin creux doit m'inspirer un chant plus rude et plus nu Que les cailloux que mon pied heurte à la corne d'un hois inconnu ! À la corne du même bois, une étoile s'embrase et vacille... Dans l'herbe qui me ravit, je ramasse une courte faucille Et, contournant pour mon plaisir ce qui reste des murs d'un lavoir. J'ordonne aux sources comme aux ruisseaux de s'émouvoir ! Que les eaux sourdent lorsque le ciel, lorsque le temps se brouille, Lorsque avec peine je repousse une porte que ronge la rouille, lorsqu'une voix m'enchante et m'entraîne au plus noir d'un hallier... Les astres ni la nuit ne sont rien que je puisse oublier. Le jour s'infiltre pudiquement dans des maisons que je devine Et la plainte que j'écoutais devient une plainte divine. Le ciel matinal se pommelle. A ma droite, un cheval gris et blanc Me masque un moment le soleil qui luisait sur son flanc! Je songe encore à la nuit... Je songe au silence panique Qui dans la nuit me pénétrait des secrets que la nuit communique ! Autour des rocs la mer circule et je sais que mes songes sont vrais.

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    R

    Rabah Belamri

    @rabahBelamri

    1e poème inédit Ton cri ma mère guerrier d'éternité dormant dans ma gorge je bâtissais dans son oubli un jardin clair quand une épine de ma phrase a effleuré sa paupière oh maintiens ton regard clos demeure en ta nuit gardienne de chimères n'envahis pas la page d'une salive amère

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    R

    Rabah Belamri

    @rabahBelamri

    2e poème inédit 1 cette nuit la mer manque de tendresse horizon de roches afflux de rouille dans les membres le pêcheur s'épuise à capter son visage si près de l'abîme 2 les terrasses du sommeil basculent l'écume se fait banquise je reviens néanmoins contre ta hanche dénudé par la rumeur de l'aube 3 même le ciel des prophètes prend feu à ta crinière ô Boraq de désir tes ailes bleuies d'audace inversent l'oeil de la mort 4 ce matin l'île penche sous son poids de lumière une fillette court sur la dalle des prières je reçois les embruns de son rire. © Yvonne Belamri

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    R

    Rene Depestre

    @reneDepestre

    A perte de vie un homme de poésie Enrique, de mon village de 1989 je te revois, je nous revois au crépuscule, - dans nos pas d'orphelins de la révolution ; notre utopie à la voile n'a pas eu lieu, malgré le courage quotidien, le talent et la beauté du monde qui étaient toutefois au rendez-vous cubain. Enrique tu es rentré au foyer natal tout à la poésie au milieu des ténèbres, tout à ton métier de poète lyrique : le Chili secret tisse et métisse sans fin dans le malheur sa nouvelle toile à rêver. Jusqu'au bout des jours tu auras écrit au bord d'un abîme sans fond tu auras bâti la maison de la poésie dans un bois qui refuse de donner du feu aux incendiaires. Soudain jeté un soir à la rue de ta mon tu avances avec un sourire de confiance, tu n'as pas manqué un seul matin de cet unique mois de juin de la vie : l'auto de rêve qu'une jeune fille pilote avec joie et prudence ; ton œuvre est aussi une jeune fille inconsolable au bord de la mer caraïbe, ô mon frère ! mon doux dompteur des larmes de la poésie ! persuade-moi encore que j'ai eu raison de suspendre mes poèmes et mes minuits aux seins prophétiques des femmes : et qu'il en tombera un jour des livres qui ouvrent toutes les portes ; qu'il y aura un printemps qui prête ses ailes à toutes les saudade*. O mon ami penché tout au fond de sa cage à la fenêtre en flammes du rêve cubain, ta poésie d'adolescent vaincu a droit à la première marche éclairée de la beauté où elle tient les mains et les yeux ouverts pour accueillir avec joie ta chienne de vie qui reviendra chaude encore de sa course désespérée dans l'obscur chemin des hommes

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    La poésie Quand j'entends disputer les hommes Sur Dieu qu'ils ne pénètrent point, Je me demande où nous en sommes : Hélas ! toujours au même point. Oui, j'entends d'admirables phrases, Des sons par la bouche ennoblis ; Mais les mots ressemblent aux vases : Les plus beaux sont les moins remplis. Alors, pour me sauver du doute, J'ouvre un Euclide avec amour ; Il propose, il prouve, et j'écoute, Et je suis inondé de jour. L'évidence, éclair de l'étude, Jaillit, et me laisse enchanté ! Je savoure la certitude, Mon seul vrai bonheur, ma santé ! Pareil à l'antique sorcière Qui met, par le linéament Qu'elle a tracé dans la poussière, Un monde obscur en mouvement, Je forme un triangle : ô merveille ! Le peuple des lois endormi S'agite avec lenteur, s'éveille Et se déroule à l'infini. Avec trois lignes sur le sable Je connais, je ne doute plus ! Un triangle est donc préférable Aux mots sonores que j'ai lus ? Non ! j'ai foi dans la Poésie : Elle instruit par témérité ; Elle allume sa fantaisie Dans tes beaux yeux, ô Vérité ! Si le doigt des preuves détache Ton voile aux plis multipliés, Le vent des strophes te l'arrache, D'un seul coup, de la tête aux pieds. Et c'est pourquoi, toute ma vie, Si j'étais poète vraiment, Je regarderais sans envie Képler toiser le firmament !

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    R

    Richard Rognet

    @richardRognet

    En vain, le poème Aujourd'hui, je m'accuse d'admettre un bonheur qui voulut abolir songes creux et chimères. Prince de la solitude, antécédent du silence, il fallait le rester et ne jamais choisir le poème témoin d'un fatal équilibre. Trop de mots bien placés nuisent à l'incertitude, au sommeil monotone des ruines qui m'aspirent. Mots espérés pourtant, attendus, réponse à tout, mots que l'instant questionne sans risquer l'existence. Il faudrait que tout manque lorsqu'on vient de tout dire, revenir en arrière dans la volupté noire d'un alphabet meurtri qui ne s'ordonne pas. Aujourd'hui, au déclin de ma vie trop visible, j'étrangle mon poème : je veux voir l'intérieur, les passagers confus qui me frôlent, se taisent.

    en cours de vérification

    Sauvegarder
    R

    Roberto Juarroz

    @robertoJuarroz

    Chaque texte, chaque mot change Chaque texte, chaque mot change selon les heures et les angles du jour et de la nuit, selon la transparence des yeux qui les lisent ou le niveau des marées de la mort. Ton nom n’est pas le même, ma parole n’est pas la même avant et après la rencontre avant et après avoir repensé que demain nous ne serons plus. Toute chose est différente regardée de jour ou de nuit, mais ils deviennent plus différents encore les mots qu’écrivent les hommes et les mots que n’écrivent pas les dieux. Et il n’y a aucune heure, ni la plus prometteuse, la plus lucide, la plus impartiale, ni même l’heure sans quartiers de la mort, qui puisse équilibrer les reflets, ajuster les distances et faire dire aux mêmes mots les mêmes choses. Chaque texte, chaque forme, qu’on le veuille ou non, est le miroir changeant, chatoyant, de la furtive ambiguïté de la vie. Rien n’a une seule forme pour toujours. Même l’éternité n’est pas pour toujours.

    en cours de vérification

    Sauvegarder