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Titre : Comédie de la soif

Auteur : Arthur Rimbaud Recueil : Derniers vers, 1872

1. Les parents Nous sommes tes Grands-Parents Les Grands ! Couverts des froides sueurs De la lune et des verdures. Nos vins secs avaient du cœur ! Au Soleil sans imposture Que faut-il à l’homme ? boire. MOI – Mourir aux fleuves barbares. Nous sommes tes Grands-Parents Des champs. L’eau est au fond des osiers : Vois le courant du fossé Autour du Château mouillé. Descendons en nos celliers ; Après, le cidre et le lait. MOI – Aller où boivent les vaches. Nous sommes tes Grands-Parents ; Tiens, prends Les liqueurs dans nos armoires Le Thé, le Café, si rares, Frémissent dans les boulloires. – Vois les images, les fleurs. Nous rentrons du cimetière. MOI – Ah ! tarir toutes les urnes ! 2. L’esprit Éternelles Ondines, Divisez l’eau fine. Vénus, sœur de l’azur, Emeus le flot pur. Juifs errants de Norwège Dites-moi la neige. Anciens exilés chers Dites-moi la mer. MOI – Non, plus ces boissons pures, Ces fleurs d’eau pour verres ; Légendes ni figures Ne me désaltèrent ; Chansonnier, ta filleule C’est ma soif si folle, Hydre intime sans gueules Qui mine et désole. 3. Les amis Viens, les Vins vont aux plages, Et les flots par millions ! Vois le Bitter sauvage Rouler du haut des monts ! Gagnons, pèlerins sages L’Absinthe aux verts piliers… MOI – Plus ces paysages. Qu’est l’ivresse, Amis ? J’aime autant, mieux, même, Pourrir dans l’étang, Sous l’affreuse crème, Près des bois flottants. 4. Le pauvre songe Peut-être un Soir m’attend Où je boirai tranquille En quelque vieille Ville, Et mourrai plus content : Puisque je suis patient ! Si mon mal se résigne Si j’ai jamais quelque or, Choisirai-je le Nord Ou le Pays des Vignes ?… – Ah songer est indigne Puisque c’est pure perte ! Et si je redeviens Le voyageur ancien, Jamais l’auberge verte Ne peut bien m’être ouverte. 5 – Conclusion Les pigeons qui tremblent dans la prairie, Le gibier, qui court et qui voit la nuit, Les bêtes des eaux, la bête asservie, Les derniers papillons !… ont soif aussi. Mais fondre où fond ce nuage sans guide, – Oh ! favorisé de ce qui est frais ! Expirer en ces violettes humides Dont les aurores chargent ces forêts ? Mai 1872