splash screen icon Lenndi
splash screen name leendi

Titre : À Éléonore (III)

Auteur : Evariste de Parny Recueil : Poésies érotiques, 1778

Ah ! si jamais on aima sur la terre, Si d'un mortel on vit les dieux jaloux, C'est dans le temps où, crédule et sincère, J'étais heureux, et l'étais avec vous. Ce doux lien n'avait point de modèle : Moins tendrement le frère aime sa sœur, Le jeune époux son épouse nouvelle, L'ami sensible un ami de son cœur. Ô toi, qui fus ma maîtresse fidèle, Tu ne l'es plus ! Voilà donc ces amours Que ta promesse éternisait d'avance ! Ils sont passés ; déjà ton inconstance En tristes nuits a changé mes beaux jours. N'est-ce pas moi de qui l'heureuse adresse Aux voluptés instruisit ta jeunesse ? Pour le donner, ton cœur est-il à toi ? De ses soupirs le premier fut pour moi, Et je reçus ta première promesse. Tu me disais : « Le devoir et l'honneur Ne veulent point que je sois votre amante. N'espérez rien ; si je donnais mon cœur, Vous tromperiez ma jeunesse imprudente On me l'a dit, votre sexe est trompeur. » Ainsi parlait ta sagesse craintive ; Et cependant tu ne me fuyais pas ; Et cependant une rougeur plus vive Embellissait tes modestes appas ; Et cependant tu prononçais sans cesse Le mot d'amour qui causait ton effroi ; Et dans ma main la tienne avec mollesse Venait tomber pour demander ma foi. Je la donnais, je te la donne encore. J'en fais serment au seul dieu que j'adore, Au dieu chéri par toi-même adoré ; De tes erreurs j'ai causé la première ; De mes erreurs tu seras la dernière. Et si jamais ton amant égaré Pouvait changer, s'il voyait sur la terre D'autre bonheur que celui de te plaire, Ah ! puisse alors le ciel, pour me punir, De tes faveurs m'ôter le souvenir ! Bientôt après, dans ta paisible couche Par le plaisir conduit furtivement, J'ai malgré toi recueilli de ta bouche Ce premier cri si doux pour un amant ! Tu combattais, timide Eléonore ; Mais le combat fut bientôt terminé : Ton cœur ainsi te l'avait ordonné. Ta main pourtant me refusait encore Ce que ton cœur m'avait déjà donné. Tu sais alors combien je fus coupable ! Tu sais comment j'étonnai ta pudeur ! Avec quels soins au terme du bonheur Je conduisis ton ignorance aimable ! Tu souriais, tu pleurais à la fois ; Tu m'arrêtais dans mon impatience ; Tu me nommais, tu gardais le silence : Dans les baisers mourut ta faible voix. Rappelle-toi nos heureuses folies. Tu médisais en tombant dans mes bras : Aimons toujours, aimons jusqu'au trépas. Tu le disais ! je t'aime, et tu m'oublies.