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Tristesse

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Tristesse

Poésies de la collection tristesse

    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Trois ans après Il est temps que je me repose ; Je suis terrassé par le sort. Ne me parlez pas d'autre chose Que des ténèbres où l'on dort ! Que veut-on que je recommence ? Je ne demande désormais A la création immense Qu'un peu de silence et de paix ! Pourquoi m'appelez-vous encore ? J'ai fait ma tâche et mon devoir. Qui travaillait avant l'aurore, Peut s'en aller avant le soir. A vingt ans, deuil et solitude ! Mes yeux, baissés vers le gazon, Perdirent la douce habitude De voir ma mère à la maison.

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    Pierre Corneille

    Pierre Corneille

    @pierreCorneille

    Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! LÔ rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ? Mon bras, qu'avec respect toute l'Espagne admire, Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire, Tant de fois affermi le trône de son roi, Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ? Ô cruel souvenir de ma gloire passée ! Œuvre de tant de jours en un jour effacée ! Nouvelle dignité, fatale à mon bonheur ! Précipice élevé d'où tombe mon honneur ! Faut-il de votre éclat voir triompher le comte, Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ? Comte, sois de mon prince à présent gouverneur : Ce haut rang n'admet point un homme sans honneur ; Et ton jaloux orgueil, par cet affront insigne, Malgré le choix du roi, m'en a su rendre indigne. Et toi, de mes exploits glorieux instrument, Mais d'un corps tout de glace inutile ornement, Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense, M'as servi de parade, et non pas de défense, Va, quitte désormais le dernier des humains, Passe, pour me venger, en de meilleures mains.

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    Pierre Corneille

    Pierre Corneille

    @pierreCorneille

    Percé jusques au fond du cœur Percé jusques au fond du cœur D'une atteinte imprévue aussi bien que mortelle, Misérable vengeur d'une juste querelle, Et malheureux objet d'une injuste rigueur, Je demeure immobile, et mon âme abattue Cède au coup qui me tue. Si près de voir mon feu récompensé, Ô Dieu, l'étrange peine ! En cet affront mon père est l'offensé, Et l'offenseur le père de Chimène !

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    A

    Albert Dabadie

    @albertDabadie

    La tristesse Pouvez-vous donc ainsi douce mer, beaux rivages, Briller et parfumer ; et toi soleil joyeux, Peux-tu si bien sourire à l'azur sans nuages, Quand j'ai le cœur en deuil, et des pleurs dans les yeux. Oiseaux ne pouvez-vous, taisant vos gais ramages, Laisser pour un moment le bois silencieux, Et toi brise qui vas chuchotant aux feuillages, Peux-tu jouer ainsi sur mon front soucieux ! Quand la bise et l'autan amenaient l'hiver sombre Qui, soleil, rive et flots vous voilaient de tant d'ombre, Quand muets et pour eux, oiseaux vous fuyez tous : Vous qui jetez de chants à ma mélancolie Ou qui lui souriez ; votre enjouement oublie Ingrats ! combien mon cœur s'attristait avec vous.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    A Mademoiselle Rachel Si ta bouche ne doit rien dire De ces vers désormais sans prix ; Si je n’ai, pour être compris, Ni tes larmes, ni ton sourire ; Si dans ta voix, si dans tes traits, Ne vit plus le feu qui m’anime ; Si le noble coeur de Monime Ne doit plus savoir mes secrets ; Si ta triste lettre est signée ; Si les gardiens d’un vieux tombeau Laissent leur prêtresse indignée Sortir, emportant son flambeau ; Cette langue de ma pensée, Que tu connais, que tu soutiens, Ne sera jamais prononcée Par d’autres accents que les tiens. Périsse plutôt ma mémoire Et mon beau rêve ambitieux ! Mon génie était dans ta gloire ;

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    A Ulric G. Ulric, nul oeil des mers n’a mesuré l’abîme, Ni les hérons plongeurs, ni les vieux matelots. Le soleil vient briser ses rayons sur leur cime, Comme un soldat vaincu brise ses javelots. Ainsi, nul oeil, Ulric, n’a pénétré les ondes De tes douleurs sans borne, ange du ciel tombé. Tu portes dans ta tête et dans ton coeur deux mondes, Quand le soir, près de moi, tu vas triste et courbé. Mais laisse-moi du moins regarder dans ton âme, Comme un enfant craintif se penche sur les eaux ; Toi si plein, front pâli sous des baisers de femme, Moi si jeune, enviant ta blessure et tes maux.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Derniers vers L'heure de ma mort, depuis dix-huit mois, De tous les côtés sonne à mes oreilles, Depuis dix-huit mois d'ennuis et de veilles, Partout je la sens, partout je la vois. Plus je me débats contre ma misère, Plus s'éveille en moi l'instinct du malheur ; Et, dès que je veux faire un pas sur terre, Je sens tout à coup s'arrêter mon coeur. Ma force à lutter s'use et se prodigue. Jusqu'à mon repos, tout est un combat ; Et, comme un coursier brisé de fatigue, Mon courage éteint chancelle et s'abat.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    J'ai dit à mon cœur J'ai dit à mon cœur, à mon faible cœur : N'est-ce point assez d'aimer sa maîtresse ? Et ne vois-tu pas que changer sans cesse, C'est perdre en désirs le temps du bonheur ?

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    La nuit d'Octobre Le poète Le mal dont j'ai souffert s'est enfui comme un rêve. Je n'en puis comparer le lointain souvenir Qu'à ces brouillards légers que l'aurore soulève, Et qu'avec la rosée on voit s'évanouir.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    La nuit de Mai Poète, prends ton luth et me donne un baiser ; La fleur de l’églantier sent ses bourgeons éclore, Le printemps naît ce soir ; les vents vont s’embraser ; Et la bergeronnette, en attendant l’aurore, Aux premiers buissons verts commence à se poser. Poète, prends ton luth, et me donne un baiser. LE POÈTE Comme il fait noir dans la vallée ! J’ai cru qu’une forme voilée Flottait là-bas sur la forêt. Elle sortait de la prairie ; Son pied rasait l’herbe fleurie ; C’est une étrange rêverie ; Elle s’efface et disparaît. LA MUSE Poète, prends ton luth ; la nuit, sur la pelouse, Balance le zéphyr dans son voile odorant. La rose, vierge encor, se referme jalouse Sur le frelon nacré qu’elle enivre en mourant. Écoute ! tout se tait ; songe à ta bien-aimée. Ce soir, sous les tilleuls, à la sombre ramée Le rayon du couchant laisse un adieu plus doux. Ce soir, tout va fleurir : l’immortelle nature Se remplit de parfums, d’amour et de murmure, Comme le lit joyeux de deux jeunes époux. LE POÈTE Pourquoi mon coeur bat-il si vite ? Qu’ai-je donc en moi qui s’agite Dont je me sens épouvanté ? Ne frappe-t-on pas à ma porte ? Pourquoi ma lampe à demi morte M’éblouit-elle de clarté ? Dieu puissant ! tout mon corps frissonne. Qui vient ? qui m’appelle ? – Personne. Je suis seul ; c’est l’heure qui sonne ; Ô solitude ! ô pauvreté ! LA MUSE Poète, prends ton luth ; le vin de la jeunesse Fermente cette nuit dans les veines de Dieu. Mon sein est inquiet ; la volupté l’oppresse, Et les vents altérés m’ont mis la lèvre en feu. Ô paresseux enfant ! regarde, je suis belle. Notre premier baiser, ne t’en souviens-tu pas, Quand je te vis si pâle au toucher de mon aile, Et que, les yeux en pleurs, tu tombas dans mes bras ? Ah ! je t’ai consolé d’une amère souffrance ! Hélas ! bien jeune encor, tu te mourais d’amour. Console-moi ce soir, je me meurs d’espérance ; J’ai besoin de prier pour vivre jusqu’au jour. LE POÈTE Est-ce toi dont la voix m’appelle, Ô ma pauvre Muse ! est-ce toi ? Ô ma fleur ! ô mon immortelle ! Seul être pudique et fidèle Où vive encor l’amour de moi ! Oui, te voilà, c’est toi, ma blonde, C’est toi, ma maîtresse et ma soeur ! Et je sens, dans la nuit profonde, De ta robe d’or qui m’inonde Les rayons glisser dans mon coeur. LA MUSE Poète, prends ton luth ; c’est moi, ton immortelle, Qui t’ai vu cette nuit triste et silencieux, Et qui, comme un oiseau que sa couvée appelle, Pour pleurer avec toi descends du haut des cieux. Viens, tu souffres, ami. Quelque ennui solitaire Te ronge, quelque chose a gémi dans ton coeur ; Quelque amour t’est venu, comme on en voit sur terre, Une ombre de plaisir, un semblant de bonheur. Viens, chantons devant Dieu ; chantons dans tes pensées, Dans tes plaisirs perdus, dans tes peines passées ; Partons, dans un baiser, pour un monde inconnu, Éveillons au hasard les échos de ta vie, Parlons-nous de bonheur, de gloire et de folie, Et que ce soit un rêve, et le premier venu. Inventons quelque part des lieux où l’on oublie ; Partons, nous sommes seuls, l’univers est à nous. Voici la verte Écosse et la brune Italie, Et la Grèce, ma mère, où le miel est si doux, Argos, et Ptéléon, ville des hécatombes, Et Messa la divine, agréable aux colombes, Et le front chevelu du Pélion changeant ; Et le bleu Titarèse, et le golfe d’argent Qui montre dans ses eaux, où le cygne se mire, La blanche Oloossone à la blanche Camyre. Dis-moi, quel songe d’or nos chants vont-ils bercer ? D’où vont venir les pleurs que nous allons verser ? Ce matin, quand le jour a frappé ta paupière, Quel séraphin pensif, courbé sur ton chevet, Secouait des lilas dans sa robe légère, Et te contait tout bas les amours qu’il rêvait ? Chanterons-nous l’espoir, la tristesse ou la joie ? Tremperons-nous de sang les bataillons d’acier ? Suspendrons-nous l’amant sur l’échelle de soie ? Jetterons-nous au vent l’écume du coursier ? Dirons-nous quelle main, dans les lampes sans nombre De la maison céleste, allume nuit et jour L’huile sainte de vie et d’éternel amour ? Crierons-nous à Tarquin :  » Il est temps, voici l’ombre ! «  Descendrons-nous cueillir la perle au fond des mers ? Mènerons-nous la chèvre aux ébéniers amers ? Montrerons-nous le ciel à la Mélancolie ? Suivrons-nous le chasseur sur les monts escarpés ? La biche le regarde ; elle pleure et supplie ; Sa bruyère l’attend ; ses faons sont nouveau-nés ; Il se baisse, il l’égorge, il jette à la curée Sur les chiens en sueur son coeur encor vivant. Peindrons-nous une vierge à la joue empourprée, S’en allant à la messe, un page la suivant, Et d’un regard distrait, à côté de sa mère, Sur sa lèvre entr’ouverte oubliant sa prière ? Elle écoute en tremblant, dans l’écho du pilier, Résonner l’éperon d’un hardi cavalier. Dirons-nous aux héros des vieux temps de la France De monter tout armés aux créneaux de leurs tours, Et de ressusciter la naïve romance Que leur gloire oubliée apprit aux troubadours ? Vêtirons-nous de blanc une molle élégie ? L’homme de Waterloo nous dira-t-il sa vie, Et ce qu’il a fauché du troupeau des humains Avant que l’envoyé de la nuit éternelle Vînt sur son tertre vert l’abattre d’un coup d’aile, Et sur son coeur de fer lui croiser les deux mains ? Clouerons-nous au poteau d’une satire altière Le nom sept fois vendu d’un pâle pamphlétaire, Qui, poussé par la faim, du fond de son oubli, S’en vient, tout grelottant d’envie et d’impuissance, Sur le front du génie insulter l’espérance, Et mordre le laurier que son souffle a sali ? Prends ton luth ! prends ton luth ! je ne peux plus me taire ; Mon aile me soulève au souffle du printemps. Le vent va m’emporter ; je vais quitter la terre. Une larme de toi ! Dieu m’écoute ; il est temps. LE POÈTE S’il ne te faut, ma soeur chérie, Qu’un baiser d’une lèvre amie Et qu’une larme de mes yeux, Je te les donnerai sans peine ; De nos amours qu’il te souvienne, Si tu remontes dans les cieux. Je ne chante ni l’espérance, Ni la gloire, ni le bonheur, Hélas ! pas même la souffrance. La bouche garde le silence Pour écouter parler le coeur. LA MUSE Crois-tu donc que je sois comme le vent d’automne, Qui se nourrit de pleurs jusque sur un tombeau, Et pour qui la douleur n’est qu’une goutte d’eau ? Ô poète ! un baiser, c’est moi qui te le donne. L’herbe que je voulais arracher de ce lieu, C’est ton oisiveté ; ta douleur est à Dieu. Quel que soit le souci que ta jeunesse endure, Laisse-la s’élargir, cette sainte blessure Que les noirs séraphins t’ont faite au fond du coeur : Rien ne nous rend si grands qu’une grande douleur. Mais, pour en être atteint, ne crois pas, ô poète, Que ta voix ici-bas doive rester muette. Les plus désespérés sont les chants les plus beaux, Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots. Lorsque le pélican, lassé d’un long voyage, Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux, Ses petits affamés courent sur le rivage En le voyant au loin s’abattre sur les eaux. Déjà, croyant saisir et partager leur proie, Ils courent à leur père avec des cris de joie En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux. Lui, gagnant à pas lents une roche élevée, De son aile pendante abritant sa couvée, Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux. Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte ; En vain il a des mers fouillé la profondeur ; L’Océan était vide et la plage déserte ; Pour toute nourriture il apporte son coeur. Sombre et silencieux, étendu sur la pierre Partageant à ses fils ses entrailles de père, Dans son amour sublime il berce sa douleur, Et, regardant couler sa sanglante mamelle, Sur son festin de mort il s’affaisse et chancelle, Ivre de volupté, de tendresse et d’horreur. Mais parfois, au milieu du divin sacrifice, Fatigué de mourir dans un trop long supplice, Il craint que ses enfants ne le laissent vivant ; Alors il se soulève, ouvre son aile au vent, Et, se frappant le coeur avec un cri sauvage, Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu, Que les oiseaux des mers désertent le rivage, Et que le voyageur attardé sur la plage, Sentant passer la mort, se recommande à Dieu. Poète, c’est ainsi que font les grands poètes. Ils laissent s’égayer ceux qui vivent un temps ; Mais les festins humains qu’ils servent à leurs fêtes Ressemblent la plupart à ceux des pélicans. Quand ils parlent ainsi d’espérances trompées, De tristesse et d’oubli, d’amour et de malheur, Ce n’est pas un concert à dilater le coeur. Leurs déclamations sont comme des épées : Elles tracent dans l’air un cercle éblouissant, Mais il y pend toujours quelque goutte de sang. LE POÈTE Ô Muse ! spectre insatiable, Ne m’en demande pas si long. L’homme n’écrit rien sur le sable À l’heure où passe l’aquilon. J’ai vu le temps où ma jeunesse Sur mes lèvres était sans cesse Prête à chanter comme un oiseau ; Mais j’ai souffert un dur martyre, Et le moins que j’en pourrais dire, Si je l’essayais sur ma lyre, La briserait comme un roseau.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Rappelle toi Rappelle-toi, quand l’Aurore craintive Ouvre au Soleil son palais enchanté ; Rappelle-toi, lorsque la nuit pensive Passe en rêvant sous son voile argenté ; A l’appel du plaisir lorsque ton sein palpite, Aux doux songes du soir lorsque l’ombre t’invite, Ecoute au fond des bois Murmurer une voix : Rappelle-toi. Rappelle-toi, lorsque les destinées M’auront de toi pour jamais séparé, Quand le chagrin, l’exil et les années Auront flétri ce coeur désespéré ; Songe à mon triste amour, songe à l’adieu suprême ! L’absence ni le temps ne sont rien quand on aime. Tant que mon coeur battra, Toujours il te dira Rappelle-toi. Rappelle-toi, quand sous la froide terre Mon coeur brisé pour toujours dormira ; Rappelle-toi, quand la fleur solitaire Sur mon tombeau doucement s’ouvrira. Je ne te verrai plus ; mais mon âme immortelle Reviendra près de toi comme une soeur fidèle. Ecoute, dans la nuit, Une voix qui gémit : Rappelle-toi.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Souvenir J’espérais bien pleurer, mais je croyais souffrir En osant te revoir, place à jamais sacrée, O la plus chère tombe et la plus ignorée Où dorme un souvenir ! Que redoutiez-vous donc de cette solitude, Et pourquoi, mes amis, me preniez-vous la main, Alors qu’une si douce et si vieille habitude Me montrait ce chemin ? Les voilà, ces coteaux, ces bruyères fleuries, Et ces pas argentins sur le sable muet, Ces sentiers amoureux, remplis de causeries, Où son bras m’enlaçait. Les voilà, ces sapins à la sombre verdure, Cette gorge profonde aux nonchalants détours, Ces sauvages amis, dont l’antique murmure A bercé mes beaux jours. Les voilà, ces buissons où toute ma jeunesse, Comme un essaim d’oiseaux, chante au bruit de mes pas. Lieux charmants, beau désert où passa ma maîtresse, Ne m’attendiez-vous pas ? Ah ! laissez-les couler, elles me sont bien chères, Ces larmes que soulève un coeur encor blessé ! Ne les essuyez pas, laissez sur mes paupières Ce voile du passé ! Je ne viens point jeter un regret inutile Dans l’écho de ces bois témoins de mon bonheur. Fière est cette forêt dans sa beauté tranquille, Et fier aussi mon coeur. Que celui-là se livre à des plaintes amères, Qui s’agenouille et prie au tombeau d’un ami. Tout respire en ces lieux ; les fleurs des cimetières Ne poussent point ici. Voyez ! la lune monte à travers ces ombrages. Ton regard tremble encor, belle reine des nuits ; Mais du sombre horizon déjà tu te dégages, Et tu t’épanouis. Ainsi de cette terre, humide encor de pluie, Sortent, sous tes rayons, tous les parfums du jour : Aussi calme, aussi pur, de mon âme attendrie Sort mon ancien amour. Que sont-ils devenus, les chagrins de ma vie ? Tout ce qui m’a fait vieux est bien loin maintenant ; Et rien qu’en regardant cette vallée amie Je redeviens enfant. O puissance du temps ! ô légères années ! Vous emportez nos pleurs, nos cris et nos regrets ; Mais la pitié vous prend, et sur nos fleurs fanées Vous ne marchez jamais. Tout mon coeur te bénit, bonté consolatrice ! Je n’aurais jamais cru que l’on pût tant souffrir D’une telle blessure, et que sa cicatrice Fût si douce à sentir. Loin de moi les vains mots, les frivoles pensées, Des vulgaires douleurs linceul accoutumé, Que viennent étaler sur leurs amours passées Ceux qui n’ont point aimé ! Dante, pourquoi dis-tu qu’il n’est pire misère Qu’un souvenir heureux dans les jours de douleur ? Quel chagrin t’a dicté cette parole amère, Cette offense au malheur ? En est-il donc moins vrai que la lumière existe, Et faut-il l’oublier du moment qu’il fait nuit ? Est-ce bien toi, grande âme immortellement triste, Est-ce toi qui l’as dit ? Non, par ce pur flambeau dont la splendeur m’éclaire, Ce blasphème vanté ne vient pas de ton coeur. Un souvenir heureux est peut-être sur terre Plus vrai que le bonheur. Eh quoi ! l’infortuné qui trouve une étincelle Dans la cendre brûlante où dorment ses ennuis, Qui saisit cette flamme et qui fixe sur elle Ses regards éblouis ; Dans ce passé perdu quand son âme se noie, Sur ce miroir brisé lorsqu’il rêve en pleurant, Tu lui dis qu’il se trompe, et que sa faible joie N’est qu’un affreux tourment ! Et c’est à ta Françoise, à ton ange de gloire, Que tu pouvais donner ces mots à prononcer, Elle qui s’interrompt, pour conter son histoire, D’un éternel baiser ! Qu’est-ce donc, juste Dieu, que la pensée humaine, Et qui pourra jamais aimer la vérité, S’il n’est joie ou douleur si juste et si certaine Dont quelqu’un n’ait douté ? Comment vivez-vous donc, étranges créatures ? Vous riez, vous chantez, vous marchez à grands pas ; Le ciel et sa beauté, le monde et ses souillures Ne vous dérangent pas ; Mais, lorsque par hasard le destin vous ramène Vers quelque monument d’un amour oublié, Ce caillou vous arrête, et cela vous fait peine Qu’il vous heurte le pied. Et vous criez alors que la vie est un songe ; Vous vous tordez les bras comme en vous réveillant, Et vous trouvez fâcheux qu’un si joyeux mensonge Ne dure qu’un instant. Malheureux ! cet instant où votre âme engourdie A secoué les fers qu’elle traîne ici-bas, Ce fugitif instant fut toute votre vie ; Ne le regrettez pas ! Regrettez la torpeur qui vous cloue à la terre, Vos agitations dans la fange et le sang, Vos nuits sans espérance et vos jours sans lumière : C’est là qu’est le néant ! Mais que vous revient-il de vos froides doctrines ? Que demandent au ciel ces regrets inconstants Que vous allez semant sur vos propres ruines, A chaque pas du Temps ? Oui, sans doute, tout meurt ; ce monde est un grand rêve, Et le peu de bonheur qui nous vient en chemin, Nous n’avons pas plus tôt ce roseau dans la main, Que le vent nous l’enlève. Oui, les premiers baisers, oui, les premiers serments Que deux êtres mortels échangèrent sur terre, Ce fut au pied d’un arbre effeuillé par les vents, Sur un roc en poussière. Ils prirent à témoin de leur joie éphémère Un ciel toujours voilé qui change à tout moment, Et des astres sans nom que leur propre lumière Dévore incessamment. Tout mourait autour d’eux, l’oiseau dans le feuillage, La fleur entre leurs mains, l’insecte sous leurs pieds, La source desséchée où vacillait l’image De leurs traits oubliés ; Et sur tous ces débris joignant leurs mains d’argile, Etourdis des éclairs d’un instant de plaisir, Ils croyaient échapper à cet être immobile Qui regarde mourir ! Insensés ! dit le sage. Heureux dit le poète. Et quels tristes amours as-tu donc dans le coeur, Si le bruit du torrent te trouble et t’inquiète, Si le vent te fait peur? J’ai vu sous le soleil tomber bien d’autres choses Que les feuilles des bois et l’écume des eaux, Bien d’autres s’en aller que le parfum des roses Et le chant des oiseaux. Mes yeux ont contemplé des objets plus funèbres Que Juliette morte au fond de son tombeau, Plus affreux que le toast à l’ange des ténèbres Porté par Roméo. J’ai vu ma seule amie, à jamais la plus chère, Devenue elle-même un sépulcre blanchi, Une tombe vivante où flottait la poussière De notre mort chéri, De notre pauvre amour, que, dans la nuit profonde, Nous avions sur nos coeurs si doucement bercé ! C’était plus qu’une vie, hélas ! c’était un monde Qui s’était effacé ! Oui, jeune et belle encor, plus belle, osait-on dire, Je l’ai vue, et ses yeux brillaient comme autrefois. Ses lèvres s’entr’ouvraient, et c’était un sourire, Et c’était une voix ; Mais non plus cette voix, non plus ce doux langage, Ces regards adorés dans les miens confondus ; Mon coeur, encor plein d’elle, errait sur son visage, Et ne la trouvait plus. Et pourtant j’aurais pu marcher alors vers elle, Entourer de mes bras ce sein vide et glacé, Et j’aurais pu crier :  » Qu’as-tu fait, infidèle, Qu’as-tu fait du passé?  » Mais non : il me semblait qu’une femme inconnue Avait pris par hasard cette voix et ces yeux ; Et je laissai passer cette froide statue En regardant les cieux. Eh bien ! ce fut sans doute une horrible misère Que ce riant adieu d’un être inanimé. Eh bien ! qu’importe encore ? O nature! ô ma mère ! En ai-je moins aimé? La foudre maintenant peut tomber sur ma tête : Jamais ce souvenir ne peut m’être arraché ! Comme le matelot brisé par la tempête, Je m’y tiens attaché. Je ne veux rien savoir, ni si les champs fleurissent; Ni ce qu’il adviendra du simulacre humain, Ni si ces vastes cieux éclaireront demain Ce qu’ils ensevelissent. Je me dis seulement :  » À cette heure, en ce lieu, Un jour, je fus aimé, j’aimais, elle était belle.  » J’enfouis ce trésor dans mon âme immortelle, Et je l’emporte à Dieu !

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Tristesse J'ai perdu ma force et ma vie, Et mes amis et ma gaieté ; J'ai perdu jusqu'à la fierté Qui faisait croire à mon génie. Quand j'ai connu la Vérité, J'ai cru que c'était une amie ; Quand je l'ai comprise et sentie, J'en étais déjà dégoûté. Et pourtant elle est éternelle, Et ceux qui se sont passés d'elle Ici-bas ont tout ignoré. Dieu parle, il faut qu'on lui réponde. Le seul bien qui me reste au monde Est d'avoir quelquefois pleuré.

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    Le mont des oliviers I Alors il était nuit et Jésus marchait seul, Vêtu de blanc ainsi qu’un mort de son linceul ; Les disciples dormaient au pied de la colline. Parmi les oliviers qu’un vent sinistre incline Jésus marche à grands pas en frissonnant comme eux ; Triste jusqu’à la mort; l’oeil sombre et ténébreux, Le front baissé, croisant les deux bras sur sa robe Comme un voleur de nuit cachant ce qu’il dérobe ; Connaissant les rochers mieux qu’un sentier uni, Il s’arrête en un lieu nommé Gethsémani : Il se courbe, à genoux, le front contre la terre, Puis regarde le ciel en appelant : Mon Père ! – Mais le ciel reste noir, et Dieu ne répond pas. Il se lève étonné, marche encore à grands pas, Froissant les oliviers qui tremblent. Froide et lente Découle de sa tête une sueur sanglante. Il recule, il descend, il crie avec effroi : Ne pouviez-vous prier et veiller avec moi ! Mais un sommeil de mort accable les apôtres, Pierre à la voix du maître est sourd comme les autres. Le fils de l’homme alors remonte lentement. Comme un pasteur d’Egypte il cherche au firmament Si l’Ange ne luit pas au fond de quelque étoile. Mais un nuage en deuil s’étend comme le voile D’une veuve et ses plis entourent le désert. Jésus, se rappelant ce qu’il avait souffert Depuis trente-trois ans, devint homme, et la crainte Serra son coeur mortel d’une invincible étreinte. Il eut froid. Vainement il appela trois fois : MON PÈRE ! – Le vent seul répondit à sa voix.. Il tomba sur le sable assis et, dans sa peine, Eut sur le monde et l’homme une pensée humaine. – Et la Terre trembla, sentant la pesanteur Du Sauveur qui tombait aux pieds du créateur. II Jésus disait :  » Ô Père, encor laisse-moi vivre ! Avant le dernier mot ne ferme pas mon livre ! Ne sens-tu pas le monde et tout le genre humain Qui souffre avec ma chair et frémit dans ta main ? C’est que la Terre a peur de rester seule et veuve, Quand meurt celui qui dit une parole neuve ; Et que tu n’as laissé dans son sein desséché Tomber qu’un mot du ciel par ma bouche épanché. Mais ce mot est si pur, et sa douceur est telle, Qu’il a comme enivré la famille mortelle D’une goutte de vie et de Divinité, Lorsqu’en ouvrant les bras j’ai dit : FRATERNITE ! – Père, oh ! si j’ai rempli mon douloureux message, Si j’ai caché le Dieu sous la face du Sage, Du Sacrifice humain si j’ai changé le prix, Pour l’offrande des corps recevant les esprits, Substituant partout aux choses le Symbole, La parole au combat, comme au trésor l’obole, Aux flots rouges du Sang les flots vermeils du vin, Aux membres de la chair le pain blanc sans levain ; Si j’ai coupé les temps en deux parts, l’une esclave Et l’autre libre ; – au nom du Passé que je lave Par le sang de mon corps qui souffre et va finir : Versons-en la moitié pour laver l’avenir ! Père Libérateur ! jette aujourd’hui, d’avance, La moitié de ce Sang d’amour et d’innocence Sur la tête de ceux qui viendront en disant : « Il est permis pour tous de tuer l’innocent. » Nous savons qu’il naîtra, dans le lointain des âges, Des dominateurs durs escortés de faux Sages Qui troubleront l’esprit de chaque nation En donnant un faux sens à ma rédemption. – Hélas ! je parle encor que déjà ma parole Est tournée en poison dans chaque parabole ; Eloigne ce calice impur et plus amer Que le fiel, ou l’absinthe, ou les eaux de la mer. Les verges qui viendront, la couronne d’épine, Les clous des mains, la lance au fond de ma poitrine, Enfin toute la croix qui se dresse et m’attend, N’ont rien, mon Père, oh ! rien qui m’épouvante autant ! – Quand les Dieux veulent bien s’abattre sur les mondes, Es n’y doivent laisser que des traces profondes, Et si j’ai mis le pied sur ce globe incomplet Dont le gémissement sans repos m’appelait, C’était pour y laisser deux anges à ma place De qui la race humaine aurait baisé la trace, La Certitude heureuse et l’Espoir confiant Qui dans le Paradis marchent en souriant. Mais je vais la quitter, cette indigente terre, N’ayant que soulevé ce manteau de misère Qui l’entoure à grands plis, drap lugubre et fatal, Que d’un bout tient le Doute et de l’autre le Mal. Mal et Doute ! En un mot je puis les mettre en poudre ; Vous les aviez prévus, laissez-moi vous absoudre De les avoir permis. – C’est l’accusation Qui pèse de partout sur la Création ! – Sur son tombeau désert faisons monter Lazare. Du grand secret des morts qu’il ne soit plus avare Et de ce qu’il a vu donnons-lui souvenir, Qu’il parle. – Ce qui dure et ce qui doit finir ; Ce qu’a mis le Seigneur au coeur de la Nature, Ce qu’elle prend et donne à toute créature ; Quels sont, avec le Ciel, ses muets entretiens, Son amour ineffable et ses chastes liens ; Comment tout s’y détruit et tout s’y renouvelle Pourquoi ce qui s’y cache et ce qui s’y révèle ; Si les astres des cieux tour à tour éprouvés Sont comme celui-ci coupables et sauvés ; Si la Terre est pour eux ou s’ils sont pour la Terre ; Ce qu’a de vrai la fable et de clair le mystère, D’ignorant le savoir et de faux la raison ; Pourquoi l’âme est liée en sa faible prison ; Et pourquoi nul sentier entre deux larges voies, Entre l’ennui du calme et des paisibles joies Et la rage sans fin des vagues passions, Entre la Léthargie et les Convulsions ; Et pourquoi pend la Mort comme une sombre épée Attristant la Nature à tout moment frappée ; – Si le Juste et le Bien, si l’Injuste et le Mal Sont de vils accidents en un cercle fatal Ou si de l’univers ils sont les deux grands pôles, Soutenant Terre et Cieux sur leurs vastes épaules ; Et pourquoi les Esprits du Mal sont triomphants Des maux immérités, de la mort des enfants ; – Et si les Nations sont des femmes guidées Par les étoiles d’or des divines idées Ou de folles enfants sans lampes dans la nuit, Se heurtant et pleurant et que rien ne conduit ; – Et si, lorsque des temps l’horloge périssable Aura jusqu’au dernier versé ses grains de sable, Un regard de vos yeux, un cri de votre voix, Un soupir de mon coeur, un signe de ma croix, Pourra faire ouvrir l’ongle aux Peines Eternelles, Lâcher leur proie humaine et reployer leurs ailes ; – Tout sera révélé dés que l’homme saura De quels lieux il arrive et dans quels il ira.  » III Ainsi le divin fils parlait au divin Père. Il se prosterne encore, il attend, il espère, Mais il renonce et dit : Que votre Volonté Soit faite et non la mienne et pour l’Eternité. Une terreur profonde, une angoisse infinie Redoublent sa torture et sa lente agonie. Il regarde longtemps, longtemps cherche sans voir. Comme un marbre de deuil tout le ciel était noir. La Terre sans clartés, sans astre et sans aurore, Et sans clartés de l’âme ainsi qu’elle est encore, Frémissait. – Dans le bois il entendit des pas, Et puis il vit rôder la torche de Judas. Le silence S’il est vrai qu’au Jardin sacré des Ecritures, Le Fils de l’Homme ait dit ce qu’on voit rapporté ; Muet, aveugle et sourd au cri des créatures, Si le Ciel nous laissa comme un monde avorté, Le juste opposera le dédain à l’absence Et ne répondra plus que par un froid silence Au silence éternel de la Divinité.

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Consolation Quand le Dieu qui me frappe, attendri par mes larmes, De mon coeur oppressé soulève un peu sa main, Et, donnant quelque trêve à mes longues alarmes, Laisse tarir mes yeux et respirer mon sein ; Soudain, comme le flot refoulé du rivage Aux bords qui l’ont brisé revient en gémissant, Ou comme le roseau, vain jouet de l’orage, Qui plie et rebondit sous la main du passant, Mon coeur revient à Dieu, plus docile et plus tendre, Et de ses châtiments perdant le souvenir, Comme un enfant soumis n’ose lui faire entendre Qu’un murmure amoureux pour se plaindre et bénir ! Que le deuil de mon âme était lugubre et sombre ! Que de nuits sans pavots, que de jours sans soleil ! Que de fois j’ai compté les pas du temps dans l’ombre, Quand les heures passaient sans mener le sommeil! Mais loin de moi ces temps! que l’oubli les dévore ! Ce qui n’est plus pour l’homme a-t-il jamais été ? Quelques jours sont perdus; mais le bonheur encore, Peut fleurir sous mes yeux comme une fleur d’été ! Tous les jours sont à toi! que t’importe leur nombre ? Tu dis : le temps se hâte, ou revient sur ses pas; Eh ! n’es-tu pas celui qui fit reculer l’ombre Sur le cadran rempli d’un roi que tu sauvas ? Si tu voulais! ainsi le torrent de ma vie, À sa source aujourd’hui remontant sans efforts, Nourrirait de nouveau ma jeunesse tarie, Et de ses flots vermeils féconderait ses bords; Ces cheveux dont la neige, hélas ! argente à peine Un front où la douleur a gravé le passé, S’ombrageraient encor de leur touffe d’ébène, Aussi pur que la vague où le cygne a passé! L’amour ranimerait l’éclat de ces prunelles, Et ce foyer du coeur, dans les yeux répété, Lancerait de nouveau ces chastes étincelles Qui d’un désir craintif font rougir la beauté ! Dieu ! laissez-moi cueillir cette palme féconde, Et dans mon sein ravi l’emporter pour toujours, Ainsi que le torrent emporte dans son onde Les roses de Saron qui parfument son cours ! Quand pourrai-je la voir sur l’enfant qui repose S’incliner doucement dans le calme des nuits ? Quand verrai-je ses fils de leurs lèvres de rose Se suspendre à son sein comme l’abeille aux lis ! A l’ombre du figuier, près du courant de l’onde, Loin de l’oeil de l’envie et des pas du pervers, Je bâtirai pour eux un nid parmi le monde, Comme sur un écueil l’hirondelle des mers ! Là, sans les abreuver à ces sources amères Où l’humaine sagesse a mêlé son poison, De ma bouche fidèle aux leçons de mes pères, Pour unique sagesse ils apprendront ton nom ! Là je leur laisserai, pour unique héritage, Tout ce qu’à ses petits laisse l’oiseau du ciel, L’eau pure du torrent, un nid sous le feuillage, Les fruits tombés de l’arbre, et ma place au soleil! Alors, le front chargé de guirlandes fanées, Tel qu’un vieux olivier parmi ses rejetons, Je verrai de mes fils les brillantes années Cacher mon tronc flétri sous leurs jeunes festons ! Alors j’entonnerai l’hymne de ma vieillesse, Et, convive enivré des vins de ta bonté, Je passerai la coupe aux mains de la jeunesse, Et je m’endormirai dans ma félicité !

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    L'automne Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure ! Feuillages jaunissants sur les gazons épars ! Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature Convient à la douleur et plaît à mes regards !

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    La cloche du village Oh ! quand cette humble cloche à la lente volée Épand comme un soupir sa voix sur la vallée, Voix qu’arrête si près le bois ou le ravin ; Quand la main d’un enfant qui balance cette urne En verse à sons pieux dans la brise nocturne Ce que la terre a de divin ; Quand du clocher vibrant l’hirondelle habitante S’envole au vent d’airain qui fait trembler sa tente, Et de l’étang ridé vient effleurer les bords, Ou qu’à la fin du fil qui chargeait sa quenouille La veuve du village à ce bruit s’agenouille Pour donner leur aumône aux morts : Ce qu’éveille en mon sein le chant du toit sonore, Ce n’est pas la gaieté du jour qui vient d’éclore. Ce n’est pas le regret du jour qui va finir, Ce n’est pas le tableau de mes fraîches années Croissant sur ces coteaux parmi ces fleurs fanées Qu’effeuille encor mon souvenir ; Ce n’est pas mes sommeils d’enfant sous ces platanes, Ni ces première élans du jeu de mes organes, Ni mes pas égarés sur ces rudes sommets, Ni ces grands cris de joie en aspirant vos vagues, Ô brises du matin pleines de saveurs vagues Et qu’on croit n’épuiser jamais ! Ce n’est pas le coursier atteint dans la prairie, Pliant son cou soyeux sous ma main aguerrie Et mêlant sa crinière à mes beaux cheveux blonds, Quand, le sol sous ses pieds sonnant comme une enclume, Sa croupe m’emportait et que sa blanche écume Argentait l’herbe des vallons ! Ce n’est pas même, amour ! ton premier crépuscule, Au mois où du printemps la sève qui circule Fait fleurir la pensée et verdir le buisson, Quand l’ombre ou seulement les jeunes voix lointaines Des vierges rapportant leurs cruches des fontaines Laissaient sur ma tempe un frisson. Ce n’est pas vous non plus, vous que pourtant je pleure, Premier bouillonnement de l’onde intérieure, Voix du cœur qui chantait en s’éveillant en moi, Mélodieux murmure embaumé d’ambroisie Qui fait rendre à sa source un vent de poésie !… Ô gloire, c’est encor moins toi ! De mes jours sans regret que l’hiver vous remporte Avec le chaume vide, avec la feuille morte, Avec la renommée, écho vide et moqueur ! Ces herbes du sentier sont des plantes divines Qui parfument les pieds : oui ! mais dont les racines Ne s’enfoncent pas dans le cœur ! Guirlandes du festin que pour un soir on cueille, Que la haine empoisonne ou que l’envie effeuille, Dont vingt fois sous les mains la couronne se rompt, Qui donnent à la vie un moment de vertige, Mais dont la fleur d’emprunt ne tient pas à la tige, Et qui sèche en tombant du front. C’est le jour où ta voix dans la vallée en larmes Sonnait le désespoir après le glas d’alarmes, Où deux cercueils passant sous les coteaux en deuil, Et bercés sur des cœurs par des sanglots de femmes, Dans un double sépulcre enfermèrent trois âmes Et m’oublièrent sur le seuil ! De l’aurore à la nuit, de la nuit à l’aurore, Ô cloche ! tu pleuras comme je pleure encore, Imitant de nos cœurs le sanglot étouffant ; L’air, le ciel, résonnaient de ta complainte amère, Comme si chaque étoile avait perdu sa mère Et chaque brise son enfant ! Depuis ce jour suprême où ta sainte harmonie Dans ma mémoire en deuil à ma peine est unie, Où ton timbre et mon cœur n’eurent qu’un même son, Oui ! ton bronze sonore et trempé dans la flamme Me semble, quand il pleure, un morceau de mon âme Qu’un ange frappe à l’unisson ! Je dors lorsque tu dors, je veille quand tu veilles ; Ton glas est un ami qu’attendent mes oreilles ; Entre la voix des tours je démêle ta voix, Et ta vibration encore en moi résonne Quand l’insensible bruit qu’un moucheron bourdonne Te couvre déjà sous les bois ! Je me dis : Ce soupir mélancolique et vague Que l’air profond des nuits roule de vague en vague, Ah ! c’est moi, pour moi seul, là-haut retentissant ! Je sais ce qu’il me dit, il sait ce que je pense. Et le vent qui l’ignore, à travers ce silence, M’apporte un sympathique accent. Je me dis : Cet écho de ce bronze qui vibre, Avant de m’arriver au cœur de fibre en fibre, A frémi sur la dalle où tout mon passé dort ; Du timbre du vieux dôme il garde quelque chose : La pierre du sépulcre où mon amour repose Sonne aussi dans ce doux accord ! Ne t’étonne donc pas, enfant, si ma pensée, Au branle de l’airain secrètement bercée, Aime sa voix mystique et fidèle au trépas, Si dès le premier son qui gémit sous sa voûte, Sur un pied suspendu, je m’arrête et j’écoute Ce que la mort me dit tout bas. Et toi, saint porte-voix des tristesses humaines, Que la terre inventa pour mieux crier ses peines, Chante ! des cœurs brisés le timbre est encor beau ! Que ton gémissement donne une âme à la pierre, Des larmes aux yeux secs, un signe à la prière, Une mélodie au tombeau ! Moi, quand des laboureurs porteront dans ma bière Le peu qui doit rester ici de ma poussière ; Après tant de soupirs que mon sein lance ailleurs, Quand des pleureurs gagés, froide et banale escorte, Déposeront mon corps endormi sous la porte Qui mène à des soleils meilleurs ; Si quelque main pieuse en mon honneur te sonne, Des sanglots de l’airain, oh ! n’attriste personne, Ne va pas mendier des pleurs à l’horizon ; Mais prends ta voix de fête, et sonne sur ma tombe Avec le bruit joyeux d’une chaîne qui tombe Au seuil libre d’une prison ! Ou chante un air semblable au cri de l’alouette Qui, s’élevant du chaume où la bise la fouette, Dresse à l’aube du jour son vol mélodieux, Et gazouille ce chant qui fait taire d’envie Ses rivaux attachés aux ronces de la vie, Et qui se perd au fond des cieux ! ENVOI Mais sonne avant ce jour, sonne doucement l’heure Où quelque barde ami, dans mon humble demeure, Vient de mon cœur malade éclairer le long deuil, Et me laisse en partant, charitable dictame, Deux gouttes du parfum qui coule de son âme Pour embaumer longtemps mon seuil.

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    La tristesse L'âme triste est pareille Au doux ciel de la nuit, Quand l'astre qui sommeille De la voûte vermeille A fait tomber le bruit ; Plus pure et plus sonore, On y voit sur ses pas Mille étoiles éclore, Qu'à l'éclatante aurore On n'y soupçonnait pas ! Des îles de lumière Plus brillante qu'ici, Et des mondes derrière, Et des flots de poussière Qui sont mondes aussi ! On entend dans l'espace Les choeurs mystérieux Ou du ciel qui rend grâce, Ou de l'ange qui passe, Ou de l'homme pieux ! Et pures étincelles De nos âmes de feu, Les prières mortelles Sur leurs brûlantes ailes Nous soulèvent un peu ! Tristesse qui m'inonde, Coule donc de mes yeux, Coule comme cette onde Où la terre féconde Voit un présent des cieux ! Et n'accuse point l'heure Qui te ramène à Dieu ! Soit qu'il naisse ou qu'il meure, Il faut que l'homme pleure Ou l'exil, ou l'adieu !

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    L’isolement Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne, Au coucher du soleil, tristement je m'assieds ; Je promène au hasard mes regards sur la plaine, Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds. Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ; Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur ; Là le lac immobile étend ses eaux dormantes Où l'étoile du soir se lève dans l'azur. Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres, Le crépuscule encor jette un dernier rayon ; Et le char vaporeux de la reine des ombres Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon. Cependant, s'élançant de la flèche gothique, Un son religieux se répand dans les airs : Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts. Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente N'éprouve devant eux ni charme ni transports ; Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante : Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts.

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    La jeune tarentine Pleurez, doux alcyons, ô vous, oiseaux sacrés, Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez. Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine. Un vaisseau la portait aux bords de Camarine. Là l'hymen, les chansons, les flûtes, lentement, Devaient la reconduire au seuil de son amant. Une clef vigilante a pour cette journée Dans le cèdre enfermé sa robe d'hyménée Et l'or dont au festin ses bras seraient parés Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés. Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles, Le vent impétueux qui soufflait dans les voiles L'enveloppe. Étonnée, et loin des matelots, Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots. Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine. Son beau corps a roulé sous la vague marine. Thétis, les yeux en pleurs, dans le creux d'un rocher Aux monstres dévorants eut soin de le cacher. Par ses ordres bientôt les belles Néréides L'élèvent au-dessus des demeures humides, Le portent au rivage, et dans ce monument L'ont, au cap du Zéphir, déposé mollement. Puis de loin à grands cris appelant leurs compagnes, Et les Nymphes des bois, des sources, des montagnes, Toutes frappant leur sein et traînant un long deuil, Répétèrent : « Hélas ! » autour de son cercueil. Hélas ! chez ton amant tu n'es point ramenée. Tu n'as point revêtu ta robe d'hyménée. L'or autour de tes bras n'a point serré de nœuds. Les doux parfums n'ont point coulé sur tes cheveux.

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    Triste vieillard… Triste vieillard, depuis que pour tes cheveux blancs Il n’est plus de soutien de tes jours chancelants, Que ton fils orphelin n’est plus à son vieux père, Renfermé sous ton toit et fuyant la lumière, Un sombre ennui t’opprime et dévore ton sein. Sur ton siège de hêtre, ouvrage de ma main, Sourd à tes serviteurs, à tes amis eux-même, Le front baissé, l’oeil sec et le visage blême, Tout le jour en silence à ton foyer assis, Tu restes pour attendre ou la mort ou ton fils. Et toi, toi, que fais-tu, seule et désespérée, De ton faon dans les fers lionne séparée ? J’entends ton abandon lugubre et gémissant ; Sous tes mains en fureur ton sein retentissant, Toit deuil pâle, éploré, promené par la ville, Tes cris, tes longs sanglots remplissent toute l’île. Les citoyens de loin reconnaissent tes pleurs.  » La voici, disent-ils, la femme de douleurs ! «  L’étranger, te voyant mourante, échevelée, Demande :  » Qu’as-tu donc, ô femme désolée ! «  – Ce qu’elle a ? Tous les dieux contre elle sont unis La femme désolée, elle a perdu son fils !

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    A

    André Lemoyne

    @andreLemoyne

    Paysage de nuit À Jules Berge C'est un dimanche soir. — Un large clair de lune Étale son argent sur la grève et la dune. La mer baisse... On entend comme un orgue lointain Dans la rumeur du flot qui jamais ne s'éteint. Sous le rayonnement de cette nuit paisible L'œil perçoit jusqu'aux bords de l'horizon visible : Les vieux ormes tordus, les saules sur deux rangs, Qui des ruisseaux marins contemplent les courants. Ni barques, ni pêcheurs sur les eaux de la Manche, Car tous les gens de mer honorent le dimanche. Dans le marais voisin encor mal endormi, Un ruminant couché rouvre l'œil à demi. Il a cru voir le jour... La tête se relève, Puis tombe... il se rendort en poursuivant son rêve. Sur la grève apparaît nettement de profil Un personnage errant... tout seul... Où donc va-t-il ? On reconnaît de loin le brave petit homme Qu'entre les vieux pêcheurs de la côte on renomme. Où va-t-il à cette heure en vareuse et suroît, Par le plus court chemin de la grève, tout droit ? Sa femme au champ des morts tranquillement repose À l'ombre de l'église... il s'y rend à nuit close, Et c'est là qu'il s'arrête et vient s'agenouiller En espérant bientôt près d'elle sommeiller.

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    Anna de Noailles

    Anna de Noailles

    @annaDeNoailles

    Ce fut long, difficile et triste Ce fut long, difficile et triste De te révéler ma tendresse ; La voix s'élance et puis résiste, La fierté succombe et se blesse. Je ne sais vraiment pas comment J'ai pu t'avouer mon amour ; J'ai craint l'ombre et l'étonnement De ton bel œil couleur du jour. Je t'ai porté cette nouvelle ! Je t'ai tout dit ! je m'y résigne; Et tout de même, comme un cygne, Je mets ma tête sous mon aile...

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    Anna de Noailles

    Anna de Noailles

    @annaDeNoailles

    La tristesse dans le parc Entrons dans l'herbe florissante Où le soleil fait des chemins Que caressent, comme des mains, Les ombres des feuilles dansantes. Respirons les molles odeurs Qui se soulèvent des calices, Et goûtons les tristes délices De la langueur et de l'ardeur. Que nos deux âmes balancées Se donnent leurs parfums secrets, Et que le douloureux attrait Joigne les corps et les pensées... L'été, dans les feuillages frais, S'ébat, se délasse et s'enivre. Mais l'homme que rien ne délivre Pleure de rêve insatisfait. Le bonheur, la douceur, la joie, Tiennent entre les bras mêlés ; Pourtant les coeurs sont isolés Et las comme un rameau qui ploie. Pourquoi est-on si triste encor Quand le destin est favorable, Et pourquoi cette inéluctable Inclination vers la mort ?...

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    Anne Hébert

    Anne Hébert

    @anneHebert

    En guise de fête Le soleil luit Le soleil luit Le monde est complet Et rond le jardin. J’ai allumé Deux chandelles Deux feux de cire Comme deux fleurs jaunes. Le jour pourrit Les feux de nuit, Deux fleurs fanées, Aux blanches tiges d’église ; Le monde est en ordre Les morts dessous Les vivants dessus. Les morts me visitent Le monde est en ordre Les morts dessous Les vivants dessus. Les morts m’ennuient Les vivants me tuent. J’ai allumé Deux fleurs tremblantes, J’ai pris mes yeux Dans mes mains Comme des pierres d’eau Et j’ai dansé Les gestes des fous Autour de mes larmes En guise de fête.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Chanson de la plus haute tour Oisive jeunesse À tout asservie, Par délicatesse J'ai perdu ma vie. Ah! que le temps vienne Où les cœurs s'éprennent. Je me suis dit : laisse, Et qu'on ne te voie : Et sans la promesse De plus hautes joies. Que rien ne t'arrête Auguste retraite.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Les pauvres à l’église Parqués entre des bancs de chêne, aux coins d’église Qu’attiédit puamment leur souffle, tous leurs yeux Vers le chœur ruisselant d’orrie et la maîtrise Aux vingt gueules gueulant les cantiques pieux ; Comme un parfum de pain humant l’odeur de cire, Heureux, humiliés comme des chiens battus, Les Pauvres au bon Dieu, le patron et le sire, Tendent leurs oremus risibles et têtus. Aux femmes, c’est bien bon de faire des bancs lisses, Après les six jours noirs où Dieu les fait souffrir ! Elles bercent, tordus dans d’étranges pelisses, Des espèces d’enfants qui pleurent à mourir : Leurs seins crasseux dehors, ces mangeuses de soupe, Une prière aux yeux et ne priant jamais, Regardent parader mauvaisement un groupe De gamines avec leurs chapeaux déformés. Dehors, le froid, la faim, l’homme en ribote : C’est bon. Encore une heure ; après, les maux sans noms ! — Cependant, alentour, geint, nasille, chuchote Une collection de vieilles à fanons ; Ces effarés y sont et ces épileptiques Dont on se détournait hier aux carrefours ; Et, fringalant du nez dans des missels antiques Ces aveugles qu’un chien introduit dans les cours. Et tous, bavant la foi mendiante et stupide, Récitent la complainte infinie à Jésus Qui rêve en haut, jauni par le vitrail livide, Loin des maigres mauvais et des méchants pansus, Loin des senteurs de viande et d’étoffes moisies, Farce prostrée et sombre aux gestes repoussants ; — Et l’oraison fleurit d’expressions choisies, Et les mysticités prennent des tons pressants, Quand, des nefs où périt le soleil, plis de soie Banals, sourires verts, les Dames des quartiers Distingués, — ô Jésus ! — les malades du foie Font baiser leurs longs doigts jaunes aux bénitiers. 1871

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    A

    Auguste Angellier

    @augusteAngellier

    La tristesse du vent Que veux-tu répondre au vent qui soupire, Au vent qui te dit le chagrin des choses, Le trépas des lis, des lilas, des roses, Et des clairs essaims gelés dans la cire ; Que veux-tu répondre au vent qui soupire ? Il dit qu'il est triste et las de conduire Le gémissement de tout ce qui souffre, De frôler toujours ce qui tombe au gouffre, De passer partout où la vie expire ; Que veux-tu répondre au vent qui soupire ? Lui répondras-tu qu'un cœur peut suffire. Un seul cœur humain chantant dans la joie, Pour le consoler de sa longue voie Sur les champs sans fin que l'hiver déchire ; Que veux-tu répondre au vent qui soupire ? Où trouveras-tu ce cœur qui désire Rester ce qu'il est en sa calme fête, Le cœur qui n'ait point de douleur secrète, Pour laquelle il n'est ni baume, ni myrrhe ; Que veux-tu répondre au vent qui soupire ? Sera-ce ton cœur, et faut-il te dire Que le vent prendrait sur tes lèvres closes Un chagrin plus grand que celui des choses, Et dans ton regard, un plus haut martyre ; Que veux-tu répondre au vent qui soupire ? Alors réponds-lui, de ton cher sourire, Qu'il ne frôle pas les âmes humaines, S'il ne veut porter de plus lourdes peines Que celles qu'il cueille en son vaste empire ; Que veux-tu répondre au vent qui soupire ?

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    Auguste Barbier

    Auguste Barbier

    @augusteBarbier

    Il pianto, il est triste Il est triste de voir partout l' oeuvre du mal, D' entonner ses chansons sur un rhythme infernal. Au ciel le plus vermeil de trouver un nuage, Une ride chagrine au plus riant visage. Heureux à qui le ciel a fait la bonne part! Bien heureux qui n' a vu qu' un beau côté de l' art! Hélas! Mon coeur le sent, si j' avais eu pour muse Une enfant de seize ans, et qu' une fleur amuse, Une fille de mai, blonde comme un épi, J' aurais, d' un souffle pur, sur mon front assoupi, Vu flotter doucement les belles rêveries; J' aurais souvent foulé des pelouses fleuries; Et le divin caprice, en de folles chansons, Aurait du moins charmé le cours de mes saisons. Mais j' entends de mon coeur la voix mâle et profonde, Qui me dit que tout homme a son rôle en ce monde; Tout mortel porte au front, comme un bélier mutin, Un signe blanc ou noir frappé par le destin; Il faut, bon gré mal gré, suivre l' ardente nue Qui marche devant soi sur la voie inconnue; Il faut courber la tête, et le long du chemin, Sans regarder à qui l' on peut tendre la main, Suivre sa destinée au grand jour ou dans l' ombre. Or, la mienne aujourd' hui, comme le ciel, est sombre; Pour moi, cet univers est comme un hôpital, Où, livide infirmier levant le drap fatal, Pour nettoyer les corps infectés de souillures, Je vais mettre mon doigt sur toutes les blessures.

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    A

    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Le soldat On marche aux sons voilés du tambour. Sur la plaine Le soleil luit ; l’oiseau vole au bord du chemin. Oh ! que n’ai-je son aile ! oh ! que la vie est pleine De tristesse ! Mon cœur se brise dans mon sein. Au monde je n’aimais que lui, mon camarade, Que lui seul, et voici qu’on le mène à la mort. Pour le voir fusiller défile la parade ; Et c’est nous, pour tirer, nous qu’a choisis le sort. On arrive : ses yeux contemplent la lumière De ce soleil de Dieu qui monte dans le ciel… Mais d’un bandeau voici qu’on couvre sa paupière : Dieu clément, donnez-lui le repos éternel ! Nous sommes neuf en rang, déjà prêts sous les armes. Huit balles l’ont blessé ; la mienne, – de douleur Leurs mains tremblaient, leurs yeux visaient mal sous les larmes, – La mienne l’a frappé juste au milieu du cœur. Imité de l’allemand.

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