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Bonheur

192 poésies en cours de vérification
Bonheur

Poésies de la collection bonheur

    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    À ma mère Après un si joyeux festin, Zélés sectateurs de Grégoire, Mes amis, si, le verre en main Nous voulons chanter, rire et boire, Pourquoi s'adresser à Bacchus ? Dans une journée aussi belle Mes amis, chantons en " chorus " À la tendresse maternelle. (Bis.) Un don pour nous si précieux, Ce doux protecteur de l'enfance, Ah ! c'est une faveur des cieux Que Dieu donna dans sa clémence. D'un bien pour l'homme si charmant Nous avons ici le modèle ; Qui ne serait reconnaissant À la tendresse maternelle ? (Bis.) Arrive-t-il quelque bonheur ? Vite, à sa mère on le raconte ; C'est dans son sein consolateur Qu'on cache ses pleurs ou sa honte. A-t-on quelques faibles succès, On ne triomphe que pour elle Et que pour répondre aux bienfaits De la tendresse maternelle. (Bis.) Ô toi, dont les soins prévoyants, Dans les sentiers de cette vie Dirigent mes pas nonchalants, Ma mère, à toi je me confie. Des écueils d'un monde trompeur Écarte ma faible nacelle. Je veux devoir tout mon bonheur À la tendresse maternelle. (Bis.)

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    A

    Adélaïde Dufrenoy

    @adelaideDufrenoy

    Le bonheur d’aimer Il est auprès de moi, sa main presse ma main, Sa bouche s’embellit du plus charmant sourire, Son teint s’anime, je soupire, Sa tête mollement vient tomber sur mon sein ; Là je respire son haleine, Son haleine en parfum plus douce que la fleur. De ses bras l’amoureuse chaîne Rapproche mon cœur de son cœur ; Bientôt nos baisers se confondent, Ils sont purs comme nos amours : Nous demeurons sans voix ; Seuls nos yeux se répondent ; Ils se disent tout bas : Toujours, toujours, toujours !

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Confins Dans l’ombre tiède, où toute emphase s’atténue, Sur les coussins, parmi la flore des lampas, L’effeuillement des heures d’or qu’on n’entend pas Vibrer ainsi qu’un son d’archet qui diminue. S’affiner l’âme en une extase si ténue ; Jouir son coeur sur une pointe de compas ; Tenter parmi des flacons d’or d’exquis trépas ; Ne plus savoir ce que sa vie est devenue… Se retrouver, et puis se perdre en des pays, Et des heures, en des pianos inouïs Faire flotter comme du silence en arpèges ; Dans les parfums et la fumée aux lents manèges Jusqu’à son coeur et par ses yeux évanouis Sentir tomber des baisers doux comme des neiges.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Devant la mer, un soir Devant la mer, un soir, un beau soir d’Italie, Nous rêvions… toi, câline et d’amour amollie, Tu regardais, bercée au cœur de ton amant, Le ciel qui s’allumait d’astres splendidement. Les souffles qui flottaient parlaient de défaillance ; Là-bas, d’un bal lointain, à travers le silence, Douces comme un sanglot qu’on exhale à genoux, Des valses d’Allemagne arrivaient jusqu’à nous. Incliné sur ton cou, j’aspirais à pleine âme Ta vie intense et tes secrets parfums de femme, Et je posais, comme une extase, par instants, Ma lèvre au ciel voilé de tes yeux palpitants ! Des arbres parfumés encensaient la terrasse, Et la mer, comme un monstre apaisé par ta grâce, La mer jusqu’à tes pieds allongeait son velours, La mer… … Tu te taisais ; sous tes beaux cheveux lourds Ta tête à l’abandon, lasse, s’était penchée, Et l’indéfinissable douceur épanchée À travers le ciel tiède et le parfum amer De la grève noyait ton cœur d’une autre mer, Si bien que, lentement, sur ta main pâle et chaude Une larme tomba de tes yeux d’émeraude. Pauvre, comme une enfant tu te mis à pleurer, Souffrante de n’avoir nul mot à proférer. Or, dans le même instant, à travers les espaces Les étoiles tombaient, on eût dit, comme lasses, Et je sentis mon coeur, tout mon cœur fondre en moi Devant le ciel mourant qui pleurait comme toi… C’était devant la mer, un beau soir d’Italie, Un soir de volupté suprême, où tout s’oublie, Ô Ange de faiblesse et de mélancolie.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Extrême-Orient Le fleuve au vent du soir fait chanter ses roseaux. Seul je m’en suis allé. – J’ai dénoué l’amarre, Puis je me suis couché dans ma jonque bizarre, Sans bruit, de peur de faire envoler les oiseaux. Et nous sommes partis, tous deux, au fil de l’eau, Sans savoir où, très lentement. – O charme rare, Que donne un inconnu fluide où l’on s’égare !… Par instants, j’arrêtais quelque frêle rameau. Et je restais, bercé sur un flot d’indolence, A respirer ton âme, ô beau soir de silence… Car j’ai l’amour subtil du crépuscule fin ; L’eau musicale et triste est la soeur de mon rêve Ma tasse est diaphane, et je porte, sans fin, Un coeur mélancolique où la lune se lève. II La vie est une fleur que je respire à peine, Car tout parfum terrestre est douloureux au fond. J’ignore l’heure vaine, et les hommes qui vont, Et dans 1’Ile d’Émail ma fantaisie est reine. Mes bonheurs délicats sont faits de porcelaine, Je n’y touche jamais qu’avec un soin profond ; Et l’azur fin, qu’exhale en fumant mon thé blond, En sa fuite odorante emporte au loin ma peine. J’habite un kiosque rose au fond du merveilleux. J’y passe tout le jour à voir de ma fenêtre Les fleuves d’or parmi les paysages bleus ; Et, poète royal en robe vermillon, Autour de l’éventail fleuri qui l’a fait naître, Je regarde voler mon rêve, papillon.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Le berceau Dans la chambre paisible où tout bas la veilleuse Palpite comme une âme humble et mystérieuse, Le père, en étouffant ses pas, s’est approché Du petit lit candide où l’enfant est couché ; Et sur cette faiblesse et ces douceurs de neige Pose un regard profond qui couve et qui protège. Un souffle imperceptible aux lèvres l’enfant dort, Penchant la tête ainsi qu’un petit oiseau mort, Et, les doigts repliés au creux de ses mains closes, Laisse à travers le lit traîner ses bras de roses. D’un fin poudroiement d’or ses cheveux l’ont nimbé ; Un peu de moiteur perle à son beau front bombé, Ses pieds ont repoussé les draps, la couverture, Et, libre maintenant, nu jusqu’à la ceinture, Il laisse voir, ainsi qu’un lys éblouissant, La pure nudité de sa chair d’innocent. Le père le contemple, ému jusqu’aux entrailles… La veilleuse agrandit les ombres aux murailles ; Et soudain, dans le calme immense de la nuit, Sous un souffle venu des siècles jusqu’à lui, Il sent, plein d’un bonheur que nul verbe ne nomme, Le grand frisson du sang passer dans son coeur d’homme.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Le bonheur Pour apaiser l'enfant qui, ce soir, n'est pas sage, Églé, cédant enfin, dégrafe son corsage, D'où sort, globe de neige, un sein gonflé de lait. L'enfant, calmé soudain, a vu ce qu'il voulait, Et de ses petits doigts pétrissant la chair blanche Colle une bouche avide au beau sein qui se penche. Églé sourit, heureuse et chaste en ses pensers, Et si pure de cœur sous les longs cils baissés. Le feu brille dans l'âtre ; et la flamme, au passage, D'un joyeux reflet rose éclaire son visage, Cependant qu'au dehors le vent mène un grand bruit... L'enfant s'est détaché, mûr enfin pour la nuit, Et, les yeux clos, s'endort d'un bon sommeil sans fièvres, Une goutte de lait tremblante encore aux lèvres. La mère, suspendue au souffle égal et doux, Le contemple, étendu, tout nu, sur ses genoux, Et, gagnée à son tour au grand calme qui tombe, Incline son beau col flexible de colombe ; Et, là-bas, sous la lampe au rayon studieux, Le père au large front, qui vit parmi les dieux, Laissant le livre antique, un instant considère, Double miroir d'amour, l'enfant avec la mère, Et dans la chambre sainte, où bat un triple cœur, Adore la présence auguste du bonheur.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Musique Puisqu’il n’est point de mots qui puissent contenir, Ce soir, mon âme triste en vouloir de se taire, Qu’un archet pur s’élève et chante, solitaire, Pour mon rêve jaloux de ne se définir. O coupe de cristal pleine de souvenir ; Musique, c’est ton eau seule qui désaltère ; Et l’âme va d’instinct se fondre en ton mystère, Comme la lèvre vient à la lèvre s’unir. Sanglot d’or !… Oh ! voici le divin sortilège ! Un vent d’aile a couru sur la chair qui s’allège ; Des mains d’anges sur nous promènent leur douceur. Harmonie, et c’est toi, la Vierge secourable, Qui, comme un pauvre enfant, berces contre ton coeur Notre coeur infini, notre coeur misérable.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    A Madame G (2) C’est mon avis qu’en route on s’expose à la pluie, Au vent, à la poussière, et qu’on peut, le matin, S’éveiller chiffonnée avec un mauvais teint, Et qu’à la longue, en poste, un tête-à-tête ennuie. C’est mon avis qu’au monde il n’est pire folie Que d’embarquer l’amour pour un pays lointain. Quoi qu’en dise Héloïse ou madame Cottin, Dans un miroir d’auberge on n’est jamais jolie. C’est mon avis qu’en somme un bas blanc bien tiré, Sur une robe blanche un beau ruban moiré, Et des ongles bien nets, sont le bonheur suprême.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    À mon Frère, revenant d'Italie Ainsi, mon cher, tu t'en reviens Du pays dont je me souviens Comme d'un rêve, De ces beaux lieux où l'oranger Naquit pour nous dédommager Du péché d'Ève. Tu l'as vu, ce ciel enchanté Qui montre avec tant de clarté Le grand mystère ; Si pur, qu'un soupir monte à Dieu Plus librement qu'en aucun lieu Qui soit sur terre. Tu les as vus, les vieux manoirs De cette ville aux palais noirs Qui fut Florence, Plus ennuyeuse que Milan Où, du moins, quatre ou cinq fois l'an, Cerrito danse. Tu l'as vue, assise dans l'eau, Portant gaiement son mezzaro, La belle Gênes, Le visage peint, l'oeil brillant, Qui babille et joue en riant Avec ses chaînes.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    À Ninon Si je vous le disais pourtant, que je vous aime, Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ? L’amour, vous le savez, cause une peine extrême ; C’est un mal sans pitié que vous plaignez vous-même ; Peut-être cependant que vous m’en puniriez. Si je vous le disais, que six mois de silence Cachent de longs tourments et des voeux insensés : Ninon, vous êtes fine, et votre insouciance Se plaît, comme une fée, à deviner d’avance ; Vous me répondriez peut-être : Je le sais. Si je vous le disais, qu’une douce folie A fait de moi votre ombre, et m’attache à vos pas : Un petit air de doute et de mélancolie, Vous le savez, Ninon, vous rend bien plus jolie ; Peut-être diriez-vous que vous n’y croyez pas. Si je vous le disais, que j’emporte dans l’âme Jusques aux moindres mots de nos propos du soir : Un regard offensé, vous le savez, madame, Change deux yeux d’azur en deux éclairs de flamme ; Vous me défendriez peut-être de vous voir. Si je vous le disais, que chaque nuit je veille, Que chaque jour je pleure et je prie à genoux ; Ninon, quand vous riez, vous savez qu’une abeille Prendrait pour une fleur votre bouche vermeille ; Si je vous le disais, peut-être en ririez-vous. Mais vous ne saurez rien. – Je viens, sans rien en dire, M’asseoir sous votre lampe et causer avec vous ; Votre voix, je l’entends ; votre air, je le respire ; Et vous pouvez douter, deviner et sourire, Vos yeux ne verront pas de quoi m’être moins doux. Je récolte en secret des fleurs mystérieuses : Le soir, derrière vous, j’écoute au piano Chanter sur le clavier vos mains harmonieuses, Et, dans les tourbillons de nos valses joyeuses, Je vous sens, dans mes bras, plier comme un roseau. La nuit, quand de si loin le monde nous sépare, Quand je rentre chez moi pour tirer mes verrous, De mille souvenirs en jaloux je m’empare ; Et là, seul devant Dieu, plein d’une joie avare, J’ouvre, comme un trésor, mon cœur tout plein de vous. J’aime, et je sais répondre avec indifférence ; J’aime, et rien ne le dit ; j’aime, et seul je le sais ; Et mon secret m’est cher, et chère ma souffrance ; Et j’ai fait le serment d’aimer sans espérance, Mais non pas sans bonheur ; – je vous vois, c’est assez. Non, je n’étais pas né pour ce bonheur suprême, De mourir dans vos bras et de vivre à vos pieds. Tout me le prouve, hélas ! jusqu’à ma douleur même… Si je vous le disais pourtant, que je vous aime, Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ?

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    Chant de Suzanne au Bain De l’époux bien-aimé n’entends-je pas la voix ? Oui, pareil au chevreuil, le voici, je le vois. Il reparaît joyeux sur le haut des montagnes, Bondit sur la colline et passe les campagnes. Ô fortifiez-moi ! mêlez des fruits aux fleurs ! Car je languis d’amour et j’ai versé des pleurs. J’ai cherché dans les nuits, à l’aide de la flamme, Celui qui fait ma joie et que chérit mon âme. Ô ! comment à ma couche est-il donc enlevé ! Je l’ai cherché partout et ne l’ai pas trouvé. Mon époux est pour moi comme un collier de myrrhe ; Qu’il dorme sur mon sein, je l’aime et je l’admire. Il est blanc entre mille et brille le premier ; Ses cheveux sont pareils aux rameaux du palmier ; A l’ombre du palmier je me suis reposée, Et d’un nard précieux ma tête est arrosée. Je préfère sa bouche aux grappes d’Engaddi, Qui tempèrent, dans l’or, le soleil de midi. Qu’à m’entourer d’amour son bras gauche s’apprête, Et que de sa main droite il soutienne ma tête ! Quand son cœur sur le mien bat dans un doux transport, Je me meurs, car l’amour est fort comme la mort. Si mes cheveux sont noirs, moi je suis blanche et belle, Et jamais à sa voix mon âme n’est rebelle. Je sais que la sagesse est plus que la beauté, Je sais que le sourire est plein de vanité, Je sais la femme forte et veux suivre sa voie : « Elle a cherché la laine, et le lin, et la soie. « Ses doigts ingénieux ont travaillé longtemps ; Elle partage à tous et l’ouvrage et le temps ; Ses fuseaux ont tissu la toile d’Idumée, Le passant dans la nuit voit sa lampe allumée. « Sa main est pleine d’or et s’ouvre à l’indigent ; Elle a de la bonté le langage indulgent ; Ses fils l’ont dite heureuse et de force douée, Ils se sont levés tous, et tous ils l’ont louée. « Sa bouche sourira lors de son dernier jour. » Lorsque j’ai dit ces mots, plein d’un nouvel amour, De ses bras parfumés mon époux m’environne, Il m’appelle sa sœur, sa gloire et sa couronne.

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    Le bal La harpe tremble encore et la flûte soupire, Car la Walse bondit dans son sphérique empire ; Des couples passagers éblouissent les yeux, Volent entrelacés en cercle gracieux, Suspendent des repos balancés en mesure, Aux reflets d’une glace admirent leur parure, Repartent ; puis, troublés par leur groupe riant, Dans leurs tours moins adroits se heurtent en criant. La danseuse, enivrée aux transports de la fête, Sème et foule en passant les bouquets de sa tête, Au bras qui la soutient se livre, et, pâlissant, Tourne, les yeux baissés sur un sein frémissant. Courez, jeunes beautés, formez la double danse : Entendez-vous l’archet du bal joyeux, Jeunes beautés ? Bientôt la légère cadence Toutes va, tout à coup, vous mêler à mes yeux. Dansez et couronnez de fleurs vos fronts d’albâtre ; Liez au blanc muguet l’hyacinthe bleuâtre, Et que vos pas moelleux, délices d’un amant, Sur le chêne poli glissent légèrement ; Dansez, car dès demain vos mères exigeantes A vos jeunes travaux vous diront négligentes ; L’aiguille détestée aura fui de vos doigts, Ou, de la mélodie interrompant les lois, Sur l’instrument mobile, harmonieux ivoire, Vos mains auront perdu la touche blanche et noire ; Demain, sous l’humble habit du jour laborieux, Un livre, sans plaisir, fatiguera vos yeux… ; Ils chercheront en vain, sur la feuille indocile, De ses simples discours le sens clair et facile ; Loin du papier noirci votre esprit égaré, Partant, seul et léger, vers le Bal adoré, Laissera de vos yeux l’indécise prunelle Recommencer vingt fois une page éternelle. Prolongez, s’il se peut, oh ! prolongez la nuit Qui d’un pas diligent plus que vos pas s’enfuit ! Le signal est donné, l’archet frémit encore : Elancez-vous, liez ces pas nouveaux Que l’Anglais inventa, noeuds chers à Terpsichore, Qui d’une molle chaîne imitent les anneaux. Dansez, un soir encore usez de votre vie : L’étincelante nuit d’un long jour est suivie ; A l’orchestre brillant le silence fatal Succède, et les dégoûts aux doux propos du bal. Ah ! reculez le jour où, surveillantes mères, Vous saurez du berceau les angoisses amères : Car, dès que de l’enfant le cri s’est élevé, Adieu, plaisir, long voile à demi relevé, Et parure éclatante, et beaux joyaux des fêtes, Et le soir, en passant, les riantes conquêtes Sous les ormes, le soir, aux heures de l’amour, Quand les feux suspendus ont rallumé le jour. Mais, aux yeux maternels, les veilles inquiètes Ne manquèrent jamais, ni les peines muettes Que dédaigne l’époux, que l’enfant méconnaît, Et dont le souvenir dans les songes renaît. Ainsi, toute au berceau qui la tient asservie, La mère avec ses pleurs voit s’écouler sa vie. Rappelez les plaisirs, ils fuiront votre voix, Et leurs chaînes de fleurs se rompront sous vos doigts. Ensemble, à pas légers, traversez la carrière ; Que votre main touche une heureuse main, Et que vos pieds savants à leur place première Reviennent, balancés dans leur double chemin. Dansez : un jour, hélas ! ô reines éphémères ! De votre jeune empire auront fui les chimères; Rien n’occupera plus vos coeurs désenchantés, Que des rêves d’amour, bien vite épouvantés, Et le regret lointain de ces fraîches années Qu’un souffle a fait mourir, en moins de temps fanées Que la rose et l’oeillet, l’honneur de votre front ; Et, du temps indompté lorsque viendra l’affront, Quelles seront alors vos tardives alarmes ? Un teint, déjà flétri, pâlira sous les larmes, Les larmes, à présent doux trésor des amours, Les larmes, contre l’âge inutile secours : Car les ans maladifs, avec un doigt de glace, Des chagrins dans vos coeurs auront marqué la place, La morose vieillesse… O légères beautés ! Dansez, multipliez vos pas précipités, Et dans les blanches mains les mains entrelacées, Et les regards de feu, les guirlandes froissées, Et le rire éclatant, cri des joyeux loisirs, Et que la salle au loin tremble de vos plaisirs.

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    A

    Alphonse Beauregard

    @alphonseBeauregard

    Bonheur lucide J'avais le souvenir d'ineffables aurores, De ruisseaux cascadants cachés dans les vallons, De pourpres archipels et de grèves sonores Que visitent les flots crêtes et les hérons. Je gardais le sourire accueillant des pinières Qui filtrent le soleil dans leur dôme verni. J'avais en moi des horizons où les rivières, Dévalant des hauteurs, coulent vers l'infini. Et lorsque je voulus m'exprimer, ô Nature, Je trouvai ma pensée unie à ton décor, Fondue en toi, plus souple, harmonieuse et pure Et sachant se parer de symboles et d'or. Ce n'étaient, cependant, que des baisers rapides Ces révélations de formes, de couleurs ; Je passais, tu venais me ravir, mais stupide J'allais chercher au loin des plaisirs tapageurs. Aujourd'hui l'art m'a fait abandonner la hâte De voir ce qui m'attend au terme du chemin. Et chasse de mon cœur l'accoutumance ingrate D'assujettir le jour présent au lendemain. Libre, je viens à toi. Nature qui m'appelles. Déjà mes pas, froissant le trèfle, ont dégagé L'odeur d'après-midi vaguement sensuelles. Je m'enivre de paix riante et d'air léger. La lumière éblouit l'esprit et l'étendue. Les montagnes, là-bas, où finit le lac bleu, Avec les bois distants en chaîne continue, Font un cirque parfait, d'un dessin fabuleux. Des arbres espacés monte le chant des grives. La beauté de ce jour en moi trouve son nid, Et semble une caresse ancienne que ravive Un cœur infiniment lucide et rajeuni.

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    Alphonse Daudet

    Alphonse Daudet

    @alphonseDaudet

    Aux Petits Enfants Enfants d’un jour, ô nouveau-nés, Petites bouches, petits nez, Petites lèvres demi-closes, Membres tremblants, Si frais, si blancs, Si roses ; Enfants d’un jour, ô nouveaux-nés, Pour le bonheur que vous donnez, À vous voir dormir dans vos langes, Espoir des nids Soyez bénis, Chers anges ! Pour vos grands yeux effarouchés Que sous vos draps blancs vous cachez. Pour vos sourires, vos pleurs même, Tout ce qu’en vous, Êtres si doux, On aime ; Pour tout ce que vous gazouillez, Soyez bénis, baisés, choyés, Gais rossignols, blanches fauvettes ! Que d’amoureux Et que d’heureux Vous faites ! Lorsque sur vos chauds oreillers, En souriant vous sommeillez, Près de vous, tout bas, ô merveille ! Une voix dit : « Dors, beau petit ; Je veille. » C’est la voix de l’ange gardien ; Dormez, dormez, ne craignez rien ; Rêvez, sous ses ailes de neige : Le beau jaloux Vous berce et vous Protège. Enfants d’un jour, ô nouveau-nés, Au paradis, d’où vous venez, Un léger fil d’or vous rattache. À ce fil d’or Tient l’âme encor Sans tache. Vous êtes à toute maison Ce que la fleur est au gazon. Ce qu’au ciel est l’étoile blanche, Ce qu’un peu d’eau Est au roseau Qui penche. Mais vous avez de plus encor Ce que n’a pas l’étoile d’or, Ce qui manque aux fleurs les plus belles : Malheur à nous ! Vous avez tous Des ailes.

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    À un enfant, fille du poète Céleste fille du poëte, La vie est un hymne à deux voix. Son front sur le tien se reflète, Sa lyre chante sous tes doigts. Sur tes yeux quand sa bouche pose Le baiser calme et sans frisson, Sur ta paupière blanche et rose Le doux baiser a plus de son. Dans ses bras quand il te soulève Pour te montrer au ciel jaloux, On croit voir son plus divin rêve Qu’il caresse sur ses genoux ! Quand son doigt te permet de lire Les vers qu’il vient de soupirer, On dirait l’âme de sa lyre Qui se penche pour l’inspirer. Il récite ; une larme brille Dans tes yeux attachés sur lui. Dans cette larme de sa fille Son cœur nage ; sa gloire a lui ! Du chant que ta bouche répète Son cœur ému jouit deux fois. Céleste fille du poëte, La vie est un hymne à deux voix.

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Consolation Quand le Dieu qui me frappe, attendri par mes larmes, De mon coeur oppressé soulève un peu sa main, Et, donnant quelque trêve à mes longues alarmes, Laisse tarir mes yeux et respirer mon sein ; Soudain, comme le flot refoulé du rivage Aux bords qui l’ont brisé revient en gémissant, Ou comme le roseau, vain jouet de l’orage, Qui plie et rebondit sous la main du passant, Mon coeur revient à Dieu, plus docile et plus tendre, Et de ses châtiments perdant le souvenir, Comme un enfant soumis n’ose lui faire entendre Qu’un murmure amoureux pour se plaindre et bénir ! Que le deuil de mon âme était lugubre et sombre ! Que de nuits sans pavots, que de jours sans soleil ! Que de fois j’ai compté les pas du temps dans l’ombre, Quand les heures passaient sans mener le sommeil! Mais loin de moi ces temps! que l’oubli les dévore ! Ce qui n’est plus pour l’homme a-t-il jamais été ? Quelques jours sont perdus; mais le bonheur encore, Peut fleurir sous mes yeux comme une fleur d’été ! Tous les jours sont à toi! que t’importe leur nombre ? Tu dis : le temps se hâte, ou revient sur ses pas; Eh ! n’es-tu pas celui qui fit reculer l’ombre Sur le cadran rempli d’un roi que tu sauvas ? Si tu voulais! ainsi le torrent de ma vie, À sa source aujourd’hui remontant sans efforts, Nourrirait de nouveau ma jeunesse tarie, Et de ses flots vermeils féconderait ses bords; Ces cheveux dont la neige, hélas ! argente à peine Un front où la douleur a gravé le passé, S’ombrageraient encor de leur touffe d’ébène, Aussi pur que la vague où le cygne a passé! L’amour ranimerait l’éclat de ces prunelles, Et ce foyer du coeur, dans les yeux répété, Lancerait de nouveau ces chastes étincelles Qui d’un désir craintif font rougir la beauté ! Dieu ! laissez-moi cueillir cette palme féconde, Et dans mon sein ravi l’emporter pour toujours, Ainsi que le torrent emporte dans son onde Les roses de Saron qui parfument son cours ! Quand pourrai-je la voir sur l’enfant qui repose S’incliner doucement dans le calme des nuits ? Quand verrai-je ses fils de leurs lèvres de rose Se suspendre à son sein comme l’abeille aux lis ! A l’ombre du figuier, près du courant de l’onde, Loin de l’oeil de l’envie et des pas du pervers, Je bâtirai pour eux un nid parmi le monde, Comme sur un écueil l’hirondelle des mers ! Là, sans les abreuver à ces sources amères Où l’humaine sagesse a mêlé son poison, De ma bouche fidèle aux leçons de mes pères, Pour unique sagesse ils apprendront ton nom ! Là je leur laisserai, pour unique héritage, Tout ce qu’à ses petits laisse l’oiseau du ciel, L’eau pure du torrent, un nid sous le feuillage, Les fruits tombés de l’arbre, et ma place au soleil! Alors, le front chargé de guirlandes fanées, Tel qu’un vieux olivier parmi ses rejetons, Je verrai de mes fils les brillantes années Cacher mon tronc flétri sous leurs jeunes festons ! Alors j’entonnerai l’hymne de ma vieillesse, Et, convive enivré des vins de ta bonté, Je passerai la coupe aux mains de la jeunesse, Et je m’endormirai dans ma félicité !

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    La gloire Généreux favoris des filles de mémoire, Deux sentiers différents devant vous vont s’ouvrir : L’un conduit au bonheur, l’autre mène à la gloire ; Mortels, il faut choisir. Ton sort, ô Manoel, suivit la loi commune ; La muse t’enivra de précoces faveurs ; Tes jours furent tissus de gloire et d’infortune, Et tu verses des pleurs ! Rougis plutôt, rougis d’envier au vulgaire Le stérile repos dont son cœur est jaloux Les dieux ont fait pour lui tous les biens de la terre, Mais la lyre est à nous. Les siècles sont à toi, le monde est ta patrie. Quand nous ne sommes plus, notre ombre a des autels Où le juste avenir prépare à ton génie Des honneurs immortels. Ainsi l’aigle superbe au séjour du tonnerre S’élance ; et, soutenant son vol audacieux, Semble dire aux mortels : je suis né sur la terre, Mais je vis dans les cieux. Oui, la gloire t’attend ; mais arrête, et contemple A quel prix on pénètre en ses parvis sacrés ; Vois : l’infortune, assise à la porte du temple, En garde les degrés. Ici, c’est ce vieillard que l’ingrate Ionie A vu de mers en mers promener ses malheurs : Aveugle, il mendiait au prix de son génie Un pain mouillé de pleurs. Là, le Tasse, brûlé d’une flamme fatale, Expiant dans les fers sa gloire et son amour, Quand il va recueillir la palme triomphale, Descend au noir séjour. Partout des malheureux, des proscrits, des victimes, Luttant contre le sort ou contre les bourreaux ; On dirait que le ciel aux cœurs plus magnanimes Mesure plus de maux. Impose donc silence aux plaintes de ta lyre, Des cœurs nés sans vertu l’infortune est l’écueil ; Mais toi, roi détrôné, que ton malheur t’inspire Un généreux orgueil ! Que t’importe après tout que cet ordre barbare T’enchaîne loin des bords qui furent ton berceau ? Que t’importe en quels lieux le destin te prépare Un glorieux tombeau ? Ni l’exil, ni les fers de ces tyrans du Tage N’enchaîneront ta gloire aux bords où tu mourras : Lisbonne la réclame, et voilà l’héritage Que tu lui laisseras ! Ceux qui l’ont méconnu pleureront le grand homme ; Athène à des proscrits ouvre son Panthéon ; Coriolan expire, et les enfants de Rome Revendiquent son nom. Aux rivages des morts avant que de descendre, Ovide lève au ciel ses suppliantes mains : Aux Sarmates grossiers il a légué sa cendre, Et sa gloire aux Romains.

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Le vallon Mon cœur, lassé de tout, même de l’espérance, N’ira plus de ses vœux importuner le sort ; Prêtez-moi seulement, vallon de mon enfance, Un asile d’un jour pour attendre la mort. Voici l’étroit sentier de l’obscure vallée : Du flanc de ces coteaux pendent des bois épais, Qui, courbant sur mon front leur ombre entremêlée, Me couvrent tout entier de silence et de paix. Là, deux ruisseaux cachés sous des ponts de verdure Tracent en serpentant les contours du vallon ; Ils mêlent un moment leur onde et leur murmure, Et non loin de leur source ils se perdent sans nom. La source de mes jours comme eux s’est écoulée ; Elle a passé sans bruit, sans nom et sans retour : Mais leur onde est limpide, et mon âme troublée N’aura pas réfléchi les clartés d’un beau jour. La fraîcheur de leurs lits, l’ombre qui les couronne, M’enchaînent tout le jour sur les bords des ruisseaux ; Comme un enfant bercé par un chant monotone, Mon âme s’assoupit au murmure des eaux. Ah ! c’est là qu’entouré d’un rempart de verdure, D’un horizon borné qui suffit à mes yeux, J’aime à fixer mes pas, et, seul dans la nature, À n’entendre que l’onde, à ne voir que les cieux. J’ai trop vu, trop senti, trop aimé dans ma vie ; Je viens chercher vivant le calme du Léthé. Beaux lieux, soyez pour moi ces bords où l’on oublie : L’oubli seul désormais est ma félicité. Mon cœur est en repos, mon âme est en silence ; Le bruit lointain du monde expire en arrivant, Comme un son éloigné qu’affaiblit la distance, À l’oreille incertaine apporté par le vent. D’ici je vois la vie, à travers un nuage, S’évanouir pour moi dans l’ombre du passé ; L’amour seul est resté, comme une grande image Survit seule au réveil dans un songe effacé. Repose-toi, mon âme, en ce dernier asile, Ainsi qu’un voyageur qui, le cœur plein d’espoir, S’assied, avant d’entrer, aux portes de la ville, Et respire un moment l’air embaumé du soir. Comme lui, de nos pieds secouons la poussière ; L’homme par ce chemin ne repasse jamais ; Comme lui, respirons au bout de la carrière Ce calme avant-coureur de l’éternelle paix. Tes jours, sombres et courts comme les jours d’automne, Déclinent comme l’ombre au penchant des coteaux ; L’amitié te trahit, la pitié t’abandonne, Et, seule, tu descends le sentier des tombeaux. Mais la nature est là qui t’invite et qui t’aime ; Plonge-toi dans son sein qu’elle t’ouvre toujours : Quand tout change pour toi, la nature est la même, Et le même soleil se lève sur tes jours. De lumière et d’ombrage elle t’entoure encore : Détache ton amour des faux biens que tu perds ; Adore ici l’écho qu’adorait Pythagore, Prête avec lui l’oreille aux célestes concerts. Suis le jour dans le ciel, suis l’ombre sur la terre ; Dans les plaines de l’air vole avec l’aquilon ; Avec les doux rayons de l’astre du mystère Glisse à travers les bois dans l’ombre du vallon. Dieu, pour le concevoir, a fait l’intelligence : Sous la nature enfin découvre son auteur ! Une voix à l’esprit parle dans son silence : Qui n’a pas entendu cette voix dans son cœur ?

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    L’aveugle « Dieu, dont l’arc est d’argent, dieu de Claros, écoute, » Ô Sminthée-Apollon, je périrai sans doute, » Si tu ne sers de guide à cet aveugle errant. » C’est ainsi qu’achevait l’aveugle en soupirant, Et près des bois marchait, faible, et sur une pierre S’asseyait. Trois pasteurs, enfans de cette terre, Le suivaient, accourus aux abois turbulens Des Molosses, gardiens de leurs troupeaux bêlans. Ils avaient, retenant leur fureur indiscrète, Protégé du vieillard la faiblesse inquiète ; Ils l’écoutaient de loin ; et s’approchant de lui : « Quel est ce vieillard blanc, aveugle et sans appui ? » Serait-ce un habitant de l’empire céleste ? » Ses traits sont grands et fiers ; de sa ceinture agreste » Pend une lyre informe, et les sons de sa voix » Émeuvent l’air et l’onde et le ciel et les bois. » Mais il entend leurs pas, prête l’oreille, espère, Se trouble, et tend déjà les mains à la prière. « Ne crains point, disent-ils, malheureux étranger ; » (Si plutôt sous un corps terrestre et passager » Tu n’es point quelque dieu protecteur de la Grèce, » Tant une grâce auguste ennoblit ta vieillesse !) » Si tu n’es qu’un mortel, vieillard infortuné, » Les humains près de qui les flots t’ont amené, » Aux mortels malheureux n’apportent point d’injures. » Les destins n’ont jamais de faveurs qui soient pures. » Ta voix noble et touchante est un bienfait des dieux ; » Mais aux clartés du jour ils ont fermé tes yeux. » — Enfans, car votre voix est enfantine et tendre, » vos discours sont prudens, plus qu’on n’eût dû l’attendre ; » Mais toujours soupçonneux, l’indigent étranger » Croit qu’on rit de ses maux et qu’on veut l’outrager. » Ne me comparez point à la troupe immortelle : » Ces rides, ces cheveux, cette nuit éternelle, » Voyez ; est-ce le front d’un habitant des cieux ? » Je ne suis qu’un mortel, un des plus malheureux » Si vous en savez un pauvre, errant, misérable, » C’est à celui-là seul que je suis comparable ; » Et pourtant je n’ai point, comme fit Thomyris, » Des chansons à Phœbus voulu ravir le prix ; » Ni, livré comme OEdipe à la noire Euménide, » Je n’ai puni sur moi l’inceste parricide ; » Mais les dieux tout-puissans gardaient à mon déclin » Les ténèbres, l’exil, l’indigence et la faim. » Prends ; et puisse bientôt changer ta destinée, » Disent-ils. » Et tirant ce que, pour leur journée, Tient la peau d’une chèvre aux crins noirs et luisans, Ils versent à l’envi, sur ses genoux pesans, Le pain de pur froment, les olives huileuses, Le fromage et l’amande, et les figues mielleuses, Et du pain à son chien entre ses pieds gissant, Tout hors d’haleine encore, humide et languissant ; Qui malgré les rameurs, se lançant à la nage, L’avait loin du vaisseau rejoint sur le rivage.. « Le sort, dit le vieillard, n’est pas toujours de fer. » Je vous salue, enfans venus de Jupiter. » Heureux sont les parens qui tels vous firent naître ! » Mais venez, que mes mains cherchent à vous connaît ; » Je crois avoir des yeux. Vous êtes beaux tous trois. » Vos visages sont doux, car douce est votre, voix. » Qu’aimable est la vertu que la grâce environne ! » Croissez, comme j’ai vu ce palmier de Latone, » Alors qu’ayant des yeux je traversai les flots ; » Car jadis, abordant à la sainte Délos, » Je vis près d’Apollon, à son autel de pierre, » Un palmier, don du ciel, merveille de la terre. » Vous croîtrez, comme lui, grands, féconds, révérés. »’Puisque les malheureux sont par vous honorés. » Le plus âgé de vous aura vu treize années : » À peine, mes enfans, vos mères étaient nées, » Que j’étais presque vieux. Assieds-toi près de moi, » Toi, le plus grand de tous ; je me confie à toi. » Prends soin du vieil aveugle.-O sage magnanime ! » Comment, et d’où viens-tu ? car l’oncle maritime » Mugit de toutes parts sur nos bords orageux. » — Des marchands de Cymé m’avaient pris avec eux. » J’allais voir, m’éloignant des rives de Carie, » Si la Grèce pour moi n’aurait point de patrie, » Et des dieux moins jaloux, et de moins tristes jours ; » Car jusques à la mort nous espérons toujours. » Mais pauvre, et n’ayant rien pour payer mon passage, » Ils m’ont, je ne sais où, jeté sur le rivage. » — Harmonieux vieillard, tu n’as donc point chanté ? » Quelques sons de ta voix auraient tout acheté. » — Enfans, du rossignol la voix pure et légère » N’a jamais apaisé le vautour sanguinaire, » Et les riches grossiers, avares, insolens, » N’ont pas une ame ouverte à sentir les talens. » Guidé par ce bâton, sur l’arène glissante, » Seul, en silence, au bord de l’onde mugissante, » J’allais ; et j’écoutais le bêlement lointain » Da troupeaux agitant leurs Sonnettes d’airain. » Puis j’ai pris cette lyre, et les cordes mobiles » Ont encor résonné sous mes vieux doigts débiles. » Je voulais deS grands dieux implorer la bonté, » Et surtout Jupiter, dieu d’hospitalité : » Lorsque d’énormes chiens, à la voix formidable, » Sont venus m’assaillir ; et j’étais misérable, » Si vous (car c’était vous) avant qu’ils m’eussent pris » N’eussiez armé pour moi les pierres et les cris. » — Mon père, il est donc vrai : tout est devenu pire ? » Car jadis, aux accens d’une éloquente lyre, » Les tigres et les loups, vaincus, humiliés, » D’un chanteur comme toi vinrent baiser les pieds. » — Les barbares ! J’étais assis près de la poupe. » Aveugle vagabond, dit l’insolente troupe, » Chante ; si ton esprit n’est point comme tes yeux, » Amuse notre ennui ; tu rendras grâce aux dieux. » J’ai fait taire mon cœur qui voulait les confondre ; » Ma bouche ne s’est point ouverte à leur répondre. » Ils n’ont pas entendu ma voix, et sous ma main » J’ai retenu le dieu courroucé dans mon sein. » Cymé, puisque tes fils dédaignent Mnémosyne, » Puisqu’ils ont fait outrage à la muse divine, » Que leur vie et leur mort s’éteigne dans l’oubli ; » Que ton nom dans la nuit demeure enseveli. » — Viens, suis-nous à la ville ; elle est toute voisine, » Et chérit les amis de la muse divine. » Un siége aux cloux d’argent te place à nos festins ; » Et là les mets choisis, le miel et les bons vins, » Sous la colonne où pend une lyre d’ivoire, » Te feront de tes maux oublier la mémoire. » Et si, dans le chemin, rhapsode ingénieux, » Tu veux nous accorder tes chants dignes des cieux, » Nous dirons qu’Apollon, pour charmer les oreilles, » T’a lui-même dicté de si douces merveilles. » — Oui, je le veux ; marchons. Mais où m’entraînez-vous ? » Enfans du vieil aveugle, en quel lieu sommes-nous » — Sicos est l’île heureuse où nous vivons, mon père. » — Salut, belle Sicos, deux fois hospitalière ! » Car sur ses bords heureux je suis déjà venu, » Amis, je la connais. Vos pères m’ont connu : » Ils croissaient comme vous ; mes yeux s’ouvraient encore » Au Soleil, au printemps, aux roses de l’aurore ; » J’étais jeune et vaillant. Aux danses des guerriers, » À la course, aux combats, j’ai paru des premiers. » J’ai vu Corinthe, Argos, et Crète et les cent villes, » Et du fleuve Égyptus les rivages fertiles ; » ; Mais la terre et la mer, et l’âge et les malheurs, » Ont épuisé ce corps fatigué de douleurs. » La voix me reste. Ainsi la cigale innocente, » Sur un arbuste assise, et se console et chante. » Commençons par les dieux : Souverain Jupiter ; » Soleil, qui vois, entends, connais tout ; et toi, mer, » Fleuves, terre, et noirs dieux des vengeances trop lentes, » Salut ! Venez à moi de l’Olympe habitantes, » Muses ; vous savez tout, vous déesses ; et nous, » Mortels, ne savons rien qui ne vienne de vous. » Il poursuit ; et déjà les antiques ombrages Mollement en cadence inclinaient leurs feuillages ; Et pâtres oubliant leur troupeau délaissé, Et voyageurs quittant leur chemin commencé, Couraient ; il les entend, près de son jeune guide, L’un sur l’autre pressés tendre une oreille avide ; Et nymphes et sylvains sortaient pour l’admirer, Et l’écoutaient en foule, et n’osaient respirer ; Car, en de longs détours de chansons vagabondes, Il enchaînait de tout les semences fécondes ; Les principes du feu, les eaux, la terre et l’air, Les fleuves descendus du sein de Jupiter, Les oracles, les arts, les cités fraternelles, Et depuis le chaos les amours immortelles. D’abord le Roi divin, et l’Olympe et les Cieux Et le Monde, ébranlés d’un signe de ses yeux ; Et les dieux partagés en une immense guerre, Et le sang plus qu’humain venant rougir la terré, Et les rois assemblés, et Sous les pieds guerriers, Une nuit de poussière, : et les chars meurtriers ; Et les héros armés, brillans dans les campagnes, Comme un vaste incendie aux cimes des montagnes. Les coursiers hérissant leur crinière à longs flots, Et d’une voix humaine excitant les héros. De là, portant ses pas dans les paisibles villes, Les lois, les orateurs, les récoltes fertiles. Mais bientôt de soldats les remparts entourés, Les victimes tombant dans les parvis sacrés, Et les assauts, mortels aux épouses plaintives, Et les mères en deuil, et les filles captives ; Puis aussi les moissons joyeuses, les troupeaux Bêlans ou mugissans, les rustiques pipeaux, Les chansons, les festins, les vendanges bruyantes, Et la flûte et la lyre, et les notes dansantes ; Puis, déchaînant les vents à soulever les mers, Il perdait les nochers sur les gouffres amers. De là, dans le sein frais d’une roche azurée, En foule il appelait les filles de Nérée, Qui bientôt, à des cris, s’élevant sur les eaux, Aux rivages troyens parcouraient des vaisseaux ; Puis il ouvrait du Styx la rive criminelle, Et puis les demi-dieux et les champs d’Asphodèle, Et la foule des morts ; vieillards seuls et souffrans, Jeunes gens emportés aux yeux de leurs parens, Enfans dont au berceau la vie est terminée, Vierges dont le trépas suspendit l’hyménée. Mais ô bois, ô ruisseaux, ô monts, ô durs cailloux, Quels doux frémissemens vous agitèrent tous Quand bientôt à Lemnos, sur l’enclume divine, Il forgeait cette trame irrésistible et fine, Autant que d’Arachné les piéges inconnus, Et dans ce fer mobile emprisonnait Vénus ! Et quand il revêtit d’une pierre soudaine La fière Niobé, cette mère thébaine, Et quand il répétait en accens de douleurs’ De la triste Aédon l’imprudence et les pleurs, Qui, d’un fils méconnu marâtre involontaire, Vola, doux rossignol, sous le bois solitaire ; Ensuite, avec le vin, il versait aux héros Le puissant Népenthès, oubli de tous les maux ; Il cueillait le Moly, fleur qui rend l’homme sage ; Du paisible Lotos il mêlait le breuvage. Les mortels oubliaient, à ce philtre charmés, Et la douce patrie et les parens aimés ; Enfin, l’Ossa, l’Olympe et les bois du Pénée Voyaient ensanglanter les banquets d’hyménée, Quand Thésée, au milieu de la joie et du vin, La nuit où son ami reçut à son festin Le peuple monstrueux des enfans de la nue, Fut contraint d’arracher l’épouse demi-nue Au bras ivre et nerveux du sauvage Eurytus. Soudain, le glaive en main, l’ardent Pirithoüs « Attends ; il faut ici que mon affront s’expie, » Traître ! » Mais, avant lui, sur le centaure impie, Dryas a fait tomber, avec tous ses rameaux, Un long arbre de fer hérissé de flambeaux. L’insolent quadrupède en vain s’écrie, il tombe ; Et son pied bat le sol qui doit être sa tombe. Sous l’effort de Nessus, la table du repas Roule, écrase Cymèle, Évagre, Périphas. Pirithoüs égorge Antimaque, et Pétrée, Et Cyllare aux pieds blancS, et le noir Macarée, Qui de trois fiers lions, dépouillés par sa main, Couvrait ses quatre flancs, armait son double sein. Courbé, levant un roc choisi pour leur vengeance, Tout-à-coup, sous l’airain d’un vase antique, immense, L’imprudent Bianor, par Hercule surpris, Sent de sa tête énorme éclater les débris. Hercule et la massue entassent en trophée Clanis, Démoléon, Lycotas, et Riphée Qui portait sur ses crins, de taches, colorés, L’héréditaire éclat des nuages dorés. Mais d’un double combat Eurynome est avide ; Car ses pieds, agités en un cercle rapide, Battent à coups pressés l’armure de Nestor ; Le quadrupède Hélops fuit l’agile Crantor ; Le bras levé l’atteint ; Eurynome l’arrête. D’un érable noueux il va fendre sa tête : Lorsque le fils d’Égée, invincible, sanglant, L’aperçoit ; à l’autel prend un chêne brûlant ; Sur sa croupe indomptée, avec un cri terrible, S’élance ; va saisir sa chevelure horrible, L’entraîne, et quand sa bouche ouverte avec effort, Crie ; il y plonge ensemble et la flamme et la mort. L’autel est dépouillé. Tous vont s’armer de flamme, Et le bois porte au loin les hurlernens de femme, L’ongle frappant la terre, et les guerriers meurtris, Et les vases brisés, et l’injure, et les cris. Ainsi le grand vieillard, en images hardies, Déployait, le tissu des saintes mélodies. Les trois enfans, émus à son auguste aspect, Admiraient, d’un regard de joie et de respect, De sa bouche abonder les paroles divines, Comme en hiver la neige aux sommets des collines. E partout accourus, dansant sur son chemin, Hommes, femmes, enfans, les rameaux à la main, Et vierges et guerriers, jeunes fleurs de la ville, Chantaient : « Viens dans nos murs, viens habiter notre île ; » Viens, prophète éloquent, aveugle harmonieux, » Convive du nectar, disciple aimé des dieux ; » Des jeux, tous les cinq ans, rendront saint et prospère » Le jour où nous avons reçu le grand Homère. »

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    Ô jours de mon printemps, jours couronnés de rose Ô jours de mon printemps, jours couronnés de rose, A votre fuite en vain un long regret s'oppose. Beaux jours, quoique, souvent obscurcis de mes pleurs, Vous dont j'ai su jouir même au sein des douleurs, Sur ma tête bientôt vos fleurs seront fanées ; Hélas ! bientôt le flux des rapides années Vous aura loin de moi fait voler sans retour. Oh ! si du moins alors je pouvais à mon tour ; Champêtre possesseur, dans mon humble chaumière Offrir à mes amis une ombre hospitalière ; Voir mes lares charmés, pour les bien recevoir, A de joyeux banquets la nuit les faire asseoir ; Et là nous souvenir, au milieu de nos fêtes, Combien chez eux longtemps, dans leurs belles retraites, Soit sur ces bords heureux, opulents avec choix, Où Montigny s'enfonce en ses antiques bois, Soit où la Marne lente, en un long cercle d'îles, Ombrage de bosquets l'herbe et les prés fertiles, J'ai su, pauvre et content, savourer à longs traits Les muses, les plaisirs, et l'étude et la paix. Qui ne sait être pauvre est né pour l'esclavage. Qu'il serve donc les grands, les flatte, les ménage ; Qu'il plie, en approchant de ces superbes fronts, Sa tête à la prière, et son âme aux affronts, Pour qu'il puisse, enrichi de ces affronts utiles, Enrichir à son tour quelques têtes serviles. De ses honteux trésors je ne suis point jaloux. Une pauvreté libre est un trésor si doux ! Il est si doux, si beau, de s'être fait soi-même, De devoir tout à soi, tout aux beaux-arts qu'on aime ; Vraie abeille en ses dons, en ses soins, en ses mœurs, D'avoir su se bâtir, des dépouilles des fleurs, Sa cellule de cire, industrieux asile Où l'on coule une vie innocente et facile ; De ne point vendre aux grands ses hymnes avilis ; De n'offrir qu'aux talents de vertus ennoblis, Et qu'à l'amitié douce et qu'aux douces faiblesses, D'un encens libre et pur les honnêtes caresses ! Ainsi l'on dort tranquille, et, dans son saint loisir, Devant son propre cœur on n'a point à rougir. Si le sort ennemi m'assiège et me désole, On pleure : mais bientôt la tristesse s'envole ; Et les arts, dans un cœur de leur amour rempli, Versent de tous les maux l'indifférent oubli. Les délices des arts ont nourri mon enfance. Tantôt, quand d'un ruisseau, suivi dès sa naissance, La nymphe aux pieds d'argent a sous de longs berceaux Fait serpenter ensemble et mes pas et ses eaux, Ma main donne au papier, sans travail, sans étude, Des vers fils de l'amour et de la solitude ; Tantôt de mon pinceau les timides essais Avec d'autres couleurs cherchent d'autres succès Ma toile avec Sappho s'attendrit et soupire ; Elle rit et s'égaye aux danses du satyre ; Ou l'aveugle Ossian y vient pleurer ses yeux, Et pense voir et voit ses antiques aïeux Qui dans l'air, appelés à ses hymnes sauvages, Arrêtent près de lui leurs palais de nuages. Beaux-arts, ô de la vie aimables enchanteurs, Des plus sombres ennuis riants consolateurs, Amis sûrs dans la peine et constantes maîtresses, Dont l'or n'achète point l'amour ni les caresses, Beaux-arts, dieux bienfaisants, vous que vos favoris Par un indigne usage ont tant de fois flétris, Je n'ai point partagé leur honte trop commune ; Sur le front des époux de l'aveugle Fortune Je n'ai point fait ramper vos lauriers trop jaloux : J'ai respecté les dons que j'ai reçus de vous. Je ne vais point, à prix de mensonges serviles, Vous marchander au loin des récompenses viles, Et partout, de mes vers ambitieux lecteur, Faire trouver charmant mon luth adulateur. Abel, mon jeune Abel, et Trudaine et son frère, Ces vieilles amitiés de l'enfance première, Quand tous quatre, muets, sous un maître inhumain, Jadis au châtiment nous présentions la main ; Et mon frère, et Le Brun, les Muses elles-mêmes De Pange, fugitif de ces neuf Sœurs qu'il aime : Voilà le cercle entier qui, le soir quelquefois, A des vers non sans peine obtenus de ma voix, Prête une oreille amie et cependant sévère. Puissé-je ainsi toujours dans cette troupe chère Me revoir, chaque fois que mes avides yeux Auront porté longtemps mes pas de lieux en lieux, Amant des nouveautés compagnes de voyage ; Courant partout, partout cherchant à mon passage Quelque ange aux yeux divins qui veuille me charmer, Qui m'écoute ou qui m'aime, ou qui se laisse aimer !

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    A

    André Frénaud

    @andreFrenaud

    C'est à valoir C’est une bonne base. C’est un très bon fondement. C’est en acompte sur le bonheur. C’est à valoir sur l’amour. C’est à valoir, toujours à valoir. C’est pour en avoir encore plus. C’est pour avaler, c’est pour la dent creuse. C’est pour avaliser notre bon vouloir ou c’est pour l’amuser en attendant. Parce que nous sommes pauvres, mais parce que demain nous serons très comblés. Je le crois bien. Cela brille presque. C’est pour être à notre aise. C’est pour nous dégarnir du trop peu. C’est pour devenir à la hauteur. Peut-être, c’est pour nous porter chance. Parce que les corps sont froids. Parce que les cœurs sont friands. Parce que les rats sans façon se glissent hors de nos bouteilles. Parce que les ramages de la vertu à la fin s’emberlificotent. Parce que tout cela donne envie de plaisanter parce que nous prenons les choses au tragique. C’est toujours cela de pris. Cela pourrait être pire. C’est à défaut de mieux. C’est extrêmement bien de la sorte. Cela ne pourrait pas être autrement. Cela pourrait l’être. Cela sera peut-être. Mais qu’est-ce que l’on sait ? Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que C’EST?

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    A

    André Lemoyne

    @andreLemoyne

    À une chanteuse des rues Petite zingarelle à voix d'or, tu nous charmes, Et nous ouvrons l'oreille à tes enchantements. Ton accent pur va droit à la source des larmes Et réveille en nos cœurs de longs échos dormants. Sous tes grands cheveux noirs, mince, pâle, amaigrie, Errante par le monde en fille d'Israël, Si tu nous vins à pied des steppes de Hongrie, Nous voyons dans tes yeux resplendir tout un ciel. Comme les rossignols, ignorant ton génie, Tu chantes... les heureux s'enivrent de ta voix, Et les infortunés te disent : « Sois bénie, » En évoquant pour nous les bonheurs d'autrefois !

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    Anna de Noailles

    Anna de Noailles

    @annaDeNoailles

    Le coeur Mon coeur tendu de lierre odorant et de treilles, Vous êtes un jardin où les quatre saisons Tenant du buis nouveau, des grappes de groseilles Et des pommes de pin, dansent sur le gazon. – Sous les poiriers noueux couverts de feuilles vives Vous êtes le coteau qui regarde la mer, Ivre d’ouïr chanter, quand le matin arrive, La cigale collée au brin de menthe amer. – Vous êtes un vallon escarpé ; la nature Tapisse votre espace et votre profondeur De mousse délicate et de fraîche verdure. – Vous êtes dans votre humble et pastorale odeur Le verger fleurissant et le gai pâturage Où les joyeux troupeaux et les pigeons dolents Broutent le chèvrefeuille ou lissent leur plumage. – Et vous êtes aussi, coeur grave et violent, La chaude, spacieuse et prudente demeure Pleine de vins, de miel, de farine et de riz, Ouverte au bon parfum des saisons et des heures, Où la tendresse humaine habite et se nourrit.

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    Antoine de Latour

    @antoineDeLatour

    Le bonheur Du creux de la montagne où Dieu l'avait cachée, Une fleur est tombée, et je bénis la main Qui, recueillant sa tige à demi détachée, Devant vos pas, ami, l'apporte de si loin. Vous savez maintenant où croît le saint dictame Qui parfume la vie et rend l'homme meilleur ; Maintenant, goutte à goutte, il coule sur votre âme, Et pour vous désormais il n'est plus de douleur. Moi, je cheminais seul dans mon sentier plus rude ; Vous m'avez fait un signe et je suis accouru, Et vous m'avez mené dans votre solitude, Et j'ai compris alors ce bonheur inconnu : Cette sérénité de deux amés choisies Qui de leur seul amour se font leur univers, Et se baignent aux flots des saintes poésies, Croyances, Dieu, beauté, nature, cieux et mers. Mais jamais devant tous ne laissez se répandre Cet hymne impatient de la félicité ; Une jalouse oreille, hélas ! pourrait l'entendre, Et le chant des heureux n'est que trop écouté. Gardez que nul soupir ne trahisse l'ombrage Où s'abrite en secret votre rêve charmant. Ce monde n'est pas bon, et son humeur sauvage Au bonheur qui le fuit pardonne rarement. Lorsque le fer jaloux qui frappe les vieux chênes Livre au jour tout-à-coup le mystère des bois, L'oiseau qui se berçait au doux bruit des fontaines S'envole de la mousse avec sa douce voix. Ainsi fuit le bonheur que son aile rapide Emporte sans retour sur quelque bord nouveau, Et qui jamais deux fois, oiseau fier et timide, Ne rebâtit son nid sur le même rameau.

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    Antoine de Rambouillet

    @antoineDeRambouillet

    Je sais que ma joie est prochaine Je sais que ma joie est prochaine, Que bientôt je vous dois revoir, Mais que l'impatience est une étrange peine ! Je languis dans ce doux espoir. Pour vous, dans votre solitude, Êtes-vous sans inquiétude ? Le calme et les plaisirs vous suivent-ils toujours ? Ne regrettez-vous point vos aimables demeures ? Et ne comptez-vous point les jours, Dont je compte toutes les heures ?

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    Antoine-Vincent Arnault

    Antoine-Vincent Arnault

    @antoineVincentArnault

    Au maître d'un jardin De ce chaume heureux possesseur, De bon cœur, hélas ! que j'envie Tes travaux, ta philosophie, Ta solitude et ton bonheur ! Pour prix des soins que tu leur donnes, Tes arbustes reconnaissants Et des printemps et des automnes Te prodiguent les doux présents. Ô trop heureux qui peut connaître La jouissance de cueillir Le fruit que ses soins font mûrir, La fleur que ses soins ont fait naître ! Toujours la terre envers nos bras S'est acquittée avec usure. Qui veut s'éloigner des ingrats Se rapproche de la nature. Ne craindre et ne désirer rien, Etre aimé de l'objet qu'on aime, C'est bien là le bonheur suprême ; C'est le sort des dieux, c'est le tien. Écrit en 1792.

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    Antoine-Vincent Arnault

    Antoine-Vincent Arnault

    @antoineVincentArnault

    À une dame qui m'appelait son frère Lisez et relisez, ma sœur, De Psyché l'admirable histoire : Vous y verrez que le bonheur N'est pas toujours avec la gloire. Vous y verrez qu'assez souvent La plus belle est la plus à plaindre ; Et qu'un succès trop éclatant Est moins à désirer qu'à craindre. Vous y verrez que les maris Ont parfois l'humeur trop farouche, Et qu'il n'est pas toujours permis De savoir avec qui l'on couche. Psyché veut connaître une nuit À quel homme elle avait affaire ; Son époux s'éveille et s'enfuit : Je crois qu'il aurait pu mieux faire. Qui dormirait entre vos bras, Si le jour frappait sa paupière, À coup sûr ne se plaindrait pas D'être éveillé par la lumière. Écrit le I<sup>er</sup> janvier 1803.

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    Antoine-Vincent Arnault

    Antoine-Vincent Arnault

    @antoineVincentArnault

    Le bonheur Stances irrégulières. À Madame la princesse D'Hatzfeld. Le bonheur ici-bas tient à bien peu de chose. Vous ne l'ignorez pas ; vous savez, d'après vous, Que le sort au hasard porte souvent ses coups, Et que l'aquilon en courroux N'épargne pas même la rose. Aussi n'êtes-vous pas de ces cœurs rigoureux Qui, prompts à condamner ceux que le sort opprime, Dans un revers n'ont jamais vu qu'un crime ; Compatissante aux malheureux, Étrangère aux calculs d'une froide prudence, Aussi vous voyons-nous réparer envers eux Les oublis de la Providence. Bien qu'à l'agneau tondu Dieu mesure le vent, J'aime qu'une bergère ait un cœur secourable. Dieu ne souffle pas seul, hélas ! et plus souvent Aux tondeurs qu'aux tondus le vent est favorable. Au vent qui m'a fané reverdit Richelieu. Pauvres humains ! point de milieu : Oui, dans ce siècle impitoyable, Dès qu'on vous recommande à Dieu, C'est qu'on vous abandonne au diable. Le doigt divin pourtant se révèle à moitié Dans les maux dont il frappe une âme peu commune. Didon devint meilleure au sein de l'infortune ; En éprouvant la peine elle apprit la pitié. L'or s'épure ainsi dans la flamme. Comme elle, belle et bonne, ah ! qu'il vous sied, madame, D'apprendre à cette école autant qu'elle en apprit. C'est le propre d'un bon esprit, Tout autant que d'une belle âme.

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    Antonin Artaud

    Antonin Artaud

    @antoninArtaud

    Extase Argentin brasier, braise creusée Avec la musique de son intime force Braise évidée, délivrée, écorce Occupée à livrer ses mondes. Recherche épuisante du moi Pénétration qui se dépasse Ah! joindre le bûcher de glace Avec l'esprit qui le pensa. La vieille poursuite insondable En jouissance s'extravase Sensualités sensibles, extase Aux cristaux chantants véritables. Ô musique d'encre, musique Musique des charbons enterrés Douce, pesante qui nous délivre Avec ses phosphores secrets.

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