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Mer

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Mer

Poésies de la collection mer

    A

    Albert Mérat

    @albertMerat

    Les vagues Vous êtes la beauté. Vers, la pure Ionie C'est de vous que naquit Vénus au temps des dieux, Et vous avez formé son corps victorieux De votre onde mobile à la lumière unie. C'est vous, près des vaisseaux, qui faisiez l'harmonie Des sirènes charmant les Grecs mélodieux, Et reflétiez l'effroi des grands temples pieux De Sunium aux bois sacrés de l'Ausonie. Bien que l'âge ait passé des vieux mythes charmants Et qu'au sein de vos flots soulevés ou dormants La raison ait tué la chimère sacrée, Au fond de votre abîme impénétrable et bleu, L'âme malgré soi cherche et regarde attirée Si dans cet autre ciel on ne verrait pas Dieu.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Devant la mer, un soir Devant la mer, un soir, un beau soir d’Italie, Nous rêvions… toi, câline et d’amour amollie, Tu regardais, bercée au cœur de ton amant, Le ciel qui s’allumait d’astres splendidement. Les souffles qui flottaient parlaient de défaillance ; Là-bas, d’un bal lointain, à travers le silence, Douces comme un sanglot qu’on exhale à genoux, Des valses d’Allemagne arrivaient jusqu’à nous. Incliné sur ton cou, j’aspirais à pleine âme Ta vie intense et tes secrets parfums de femme, Et je posais, comme une extase, par instants, Ma lèvre au ciel voilé de tes yeux palpitants ! Des arbres parfumés encensaient la terrasse, Et la mer, comme un monstre apaisé par ta grâce, La mer jusqu’à tes pieds allongeait son velours, La mer… … Tu te taisais ; sous tes beaux cheveux lourds Ta tête à l’abandon, lasse, s’était penchée, Et l’indéfinissable douceur épanchée À travers le ciel tiède et le parfum amer De la grève noyait ton cœur d’une autre mer, Si bien que, lentement, sur ta main pâle et chaude Une larme tomba de tes yeux d’émeraude. Pauvre, comme une enfant tu te mis à pleurer, Souffrante de n’avoir nul mot à proférer. Or, dans le même instant, à travers les espaces Les étoiles tombaient, on eût dit, comme lasses, Et je sentis mon coeur, tout mon cœur fondre en moi Devant le ciel mourant qui pleurait comme toi… C’était devant la mer, un beau soir d’Italie, Un soir de volupté suprême, où tout s’oublie, Ô Ange de faiblesse et de mélancolie.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Matin sur le port Le soleil, par degrés, de la brume émergeant, Dore la vieille tour et le haut des mâtures ; Et, jetant son filet sur les vagues obscures, Fait scintiller la mer dans ses mailles d’argent. Voici surgir, touchés par un rayon lointain, Des portiques de marbre et des architectures ; Et le vent épicé fait rêver d’aventures Dans la clarté limpide et fine du matin. L’étendard déployé sur l’arsenal palpite ; Et de petits enfants, qu’un jeu frivole excite, Font sonner en courant les anneaux du vieux mur. Pendant qu’un beau vaisseau, peint de pourpre et d’azur Bondissant et léger sur l’écume sonore, S’en va, tout frissonnant de voiles, dans l’aurore.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    A Ulric G. Ulric, nul oeil des mers n’a mesuré l’abîme, Ni les hérons plongeurs, ni les vieux matelots. Le soleil vient briser ses rayons sur leur cime, Comme un soldat vaincu brise ses javelots. Ainsi, nul oeil, Ulric, n’a pénétré les ondes De tes douleurs sans borne, ange du ciel tombé. Tu portes dans ta tête et dans ton coeur deux mondes, Quand le soir, près de moi, tu vas triste et courbé. Mais laisse-moi du moins regarder dans ton âme, Comme un enfant craintif se penche sur les eaux ; Toi si plein, front pâli sous des baisers de femme, Moi si jeune, enviant ta blessure et tes maux.

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    La frégate la Sérieuse ou la plainte du capitaine I Qu’elle était belle, ma Frégate, Lorsqu’elle voguait dans le vent ! Elle avait, au soleil levant, Toutes les couleurs de l’agate ; Ses voiles luisaient le matin Comme des ballons de satin ; Sa quille mince, longue et plate, Portait deux bandes d’écarlate Sur vingt-quatre canons cachés ; Ses mâts, en arrière penchés, Paraissaient à demi couchés. Dix fois plus vive qu’un pirate, En cent jours du Havre à Surate Elle nous emporta souvent. — Qu’elle était belle, ma Frégate, Lorsqu’elle voguait dans le vent ! II Brest vante son beau port et cette rade insigne Où peuvent manœuvrer trois cents vaisseaux de ligne ; Boulogne, sa cité haute et double, et Calais, Sa citadelle assise en mer comme un palais ; Dieppe a son vieux château soutenu par la dune, Ses baigneuses cherchant la vague au clair de lune, Et ses deux monts en vain par la mer insultés ; Cherbourg a ses fanaux de bien loin consultés, Et gronde en menaçant Guernsey la sentinelle Debout près de Jersey, presque en France ainsi qu’elle. Lorient, dans sa rade au mouillage inégal, Reçoit la poudre d’or des noirs du Sénégal ; Saint-Malo dans son port tranquillement regarde Mille rochers debout qui lui servent de garde ; Le Havre a pour parure ensemble et pour appui Notre-Dame-de-Grâce et Honfleur devant lui ; Bordeaux, de ses longs quais parés de maisons neuves, Porte jusqu’à la mer ses vins sur deux grands fleuves ; Toute ville à Marseille aurait droit d’envier Sa ceinture de fruits, d’orange et d’olivier ; D’or et de fer Bayonne en tout temps fut prodigue ; Du grand Cardinal-Duc La Rochelle a la digue ; Tous nos ports ont leur gloire ou leur luxe à nommer : Mais Toulon a lancé La Sérieuse en mer. LA TRAVERSÉE III Quand la belle Sérieuse Pour l’Egypte appareilla, Sa figure gracieuse Avant le jour s’éveilla ; A la lueur des étoiles Elle déploya ses voiles, Leurs cordages et leurs toiles, Comme de larges réseaux, Avec ce long bruit qui tremble, Qui se prolonge et ressemble Aux bruits des ailes qu’ensemble Ouvre une troupe d’oiseaux. IV Dès que l’ancre dégagée Revient par son câble à bord, La proue alors est changée, Selon l’aiguille et le Nord. La Sérieuse l’observe, Elle passe la réserve, Et puis marche de conserve Avec le grand Orient : Sa voilure toute blanche Comme un sein gonflé se penche ; Chaque mât, comme une branche, Touche la vague en pliant. V Avec sa démarche leste, Elle glisse et prend le vent, Laisse à l’arrière L’Alceste Et marche seule à l’avant. Par son pavillon conduite, L’escadre n’est à sa suite Que lorsque, arrêtant sa fuite, Elle veut l’attendre enfin : Mais, de bons marins pourvue, Aussitôt qu’elle est en vue, Par sa manœuvre imprévue, Elle part comme un dauphin. VI Comme un dauphin elle saute, Elle plonge comme lui Dans la mer profonde et haute, Où le feu Saint-Elme a lui. Le feu serpente avec grâce ; Du gouvernail qu’il embrasse Il marque longtemps la trace, Et l’on dirait un éclair Qui, n’ayant pu nous atteindre, Dans les vagues va s’éteindre, Mais ne cesse de les teindre Du prisme enflammé de l’air. VII Ainsi qu’une forêt sombre La flotte venait après, Et de loin s’étendait l’ombre De ses immenses agrès. En voyant Le Spartiate, Le Franklin et sa frégate, Le bleu, le blanc, l’écarlate De cent mâts nationaux, L’armée, en convoi, remise Comme en garde à L’Artémise, Nous nous dîmes: « C’est Venise Qui s’avance sur les eaux. » VIII Quel plaisir d’aller si vite Et de voir son pavillon, Loin des terres qu’il évite, Tracer un noble sillon ! Au large on voit mieux le monde, Et sa tête énorme et ronde Qui se balance et qui gronde Comme éprouvant un affront, Parce que l’homme se joue De sa force, et que la proue, Ainsi qu’une lourde roue, Fend sa route sur son front. IX Quel plaisir ! et quel spectacle Que l’élément triste et froid Ouvert ainsi sans obstacle Par un bois de chêne étroit ! Sur la plaine humide et sombre, La nuit, reluisaient dans l’ombre Des insectes en grand nombre, De merveilleux vermisseaux, Troupe brillante et frivole, Comme un feu follet qui vole, Ornant chaque banderole Et chaque mât des vaisseaux. X Et surtout La Sérieuse Etait belle nuit et jour; La mer, douce et curieuse, La portait avec amour, Comme un vieux lion abaisse Sa longue crinière épaisse, Et, sans l’agiter, y laisse Se jouer le lionceau ; Comme sur sa tête agile Une femme tient l’argile, Ou le jonc souple et fragile D’un mystérieux berceau. XI Moi, de sa poupe hautaine Je ne m’absentais jamais, Car, étant son capitaine, Comme un enfant je l’aimais ; J’aurais moins aimé peut-être L’enfant que j’aurais vu naître. De son cœur on n’est pas maître. Moi, je suis un vrai marin; Ma naissance est un mystère ; Sans famille, et solitaire, Je ne connais pas la terre, Et la vois avec chagrin. XII Mon banc de quart est mon trône, J’y règne plus que les Rois ; Sainte Barbe est ma patronne ; Mon sceptre est mon porte-voix ; Ma couronne est ma cocarde ; Mes officiers sont ma garde ; A tous les vents je hasarde Mon peuple de matelots, Sans que personne demande A quel bord je veux qu’il tende, Et pourquoi je lui commande D’être plus fort que les flots. XIII Voilà toute la famille Qu’en mon temps il me fallait ; Ma Frégate était ma fille. Va, lui disais-je. — Elle allait, S’élançait dans la carrière, Laissant l’écueil en arrière, Comme un cheval sa barrière ; Et l’on m’a dit qu’une fois (Quand je pris terre en Sicile) Sa marche fut moins facile, Elle parut indocile Aux ordres d’une autre voix. XIV On l’aurait crue animée ! Toute l’Egypte la prit, Si blanche et si bien formée, Pour un gracieux Esprit Des Français compatriote, Lorsqu’en avant de la flotte, Dont elle était le pilote, Doublant une vieille Tour, Elle entra, sans avarie, Aux cris : Vive la patrie ! Dans le port d’Alexandrie, Qu’on appelle Abou-Mandour. LE REPOS XV Une fois, par malheur, si vous avez pris terre, Peut-être qu’un de vous, sur un lac solitaire, Aura vu, comme moi, quelque cygne endormi, Qui se laissait au vent balancer à demi. Sa tête nonchalante, en arrière appuyée, Se cache dans la plume au soleil essuyée : Son poitrail est lavé par le flot transparent, Comme un écueil où l’eau se joue en expirant ; Le duvet qu’en passant l’air dérobe à sa plume Autour de lui s’envole et se mêle à l’écume ; Une aile est son coussin, l’autre est son éventail ; Il dort, et de son pied le large gouvernail Trouble encore, en ramant, l’eau tournoyante et douce, Tandis que sur ses flancs se forme un lit de mousse, De feuilles et de joncs, et d’herbages errants Qu’apportent près de lui d’invisibles courants. LE COMBAT XVI Ainsi près d’Aboukir reposait ma Frégate ; A l’ancre dans la rade, en avant des vaisseaux, On voyait de bien loin son corset d’écarlate Se mirer dans les eaux. Ses canots l’entouraient, à leur place assignée. Pas une voile ouverte, on était sans dangers. Ses cordages semblaient des filets d’araignée, Tant ils étaient légers. Nous étions tous marins. Plus de soldats timides Qui chancellent à bord ainsi que des enfants ; Ils marchaient sur leur sol, prenant des Pyramides, Montant des éléphants. Il faisait beau. — La mer, de sable environnée, Brillait comme un bassin d’argent entouré d’or ; Un vaste soleil rouge annonça la journée Du quinze Thermidor. La Sérieuse alors s’ébranla sur sa quille : Quand venait un combat, c’était toujours ainsi ; Je le reconnus bien, et je lui dis : Ma fille, Je te comprends, merci. J’avais une lunette exercée aux étoiles ; Je la pris, et la tins ferme sur l’horizon. — Une, deux, trois — je vis treize et quatorze voiles : Enfin, c’était Nelson. Il courait contre nous en avant de la brise ; LA Sérieuse à l’ancre, immobile s’offrant, Reçut le rude abord sans en être surprise, Comme un roc un torrent. Tous passèrent près d’elle en lâchant leur bordée ; Fière, elle répondit aussi quatorze fois, Et par tous les vaisseaux elle fut débordée, Mais il en resta trois. Trois vaisseaux de haut bord — combattre une frégate ! Est-ce l’art d’un marin ? le trait d’un amiral ? Un écumeur de mer, un forban, un pirate, N’eût pas agi si mal ! N’importe ! elle bondit, dans son repos troublée, Elle tourna trois fois jetant vingt-quatre éclairs, Et rendit tous les coups dont elle était criblée, Feux pour feux, fers pour fers. Ses boulets enchaînés fauchaient des mâts énormes, Faisaient voler le sang, la poudre et le goudron, S’enfonçaient dans le bois, comme au cœur des grands ormes Le coin du bûcheron. Un brouillard de fumée où la flamme étincelle L’entourait ; mais le corps brûlé, noir, écharpé, Elle tournait, roulait, et se tordait sous elle, Comme un serpent coupé. Le soleil s’éclipsa dans l’air plein de bitume. Ce jour entier passa dans le feu, dans le bruit ; Et lorsque la nuit vint sous cette ardente brume On ne vit pas la nuit. Nous étions enfermé comme dans un orage : Des deux flottes au loin le canon s’y mêlait ; On tirait en aveugle à travers le nuage : Toute la mer brûlait. Mais, quand le jour revint, chacun connut son œuvre. Les trois vaisseaux flottaient démâtés, et si las Qu’ils n’avaient plus de force assez pour la manœuvre ; Mais ma Frégate, hélas ! Elle ne voulait plus obéir à son maître ; Mutilée, impuissante, elle allait au hasard ; Sans gouvernail, sans mât, on n’eût pu reconnaître La merveille de l’art ! Engloutie à demi, son large pont à peine, S’affaissant par degrés, se montrait sur les flots ; Et là ne restaient plus, avec moi capitaine, Que douze matelots. Je les fis mettre en mer à bord d’une chaloupe, Hors de notre eau tournante et de son tourbillon ; Et je revins tout seul me coucher sur la poupe Au pied du pavillon. J’aperçus des Anglais les figures livides, Faisant pour s’approcher un inutile effort Sur leurs vaisseaux flottants comme des tonneaux vides, Vaincus par notre mort. La Sérieuse alors semblait à l’agonie : L’eau dans ses cavités bouillonnait sourdement ; Elle, comme voyant sa carrière finie, Gémit profondément. Je me sentis pleurer, et ce fut un prodige, Un mouvement honteux ; mais bientôt l’étouffant : Nous nous sommes conduits comme il fallait, lui dis-je ; Adieu donc, mon enfant. Elle plongea d’abord sa poupe et puis sa proue ; Mon pavillon noyé se montrait en dessous ; Puis elle s’enfonça tournant comme une roue, Et la mer vint sur nous. XVII Hélas ! deux mousses d’Angleterre Me sauvèrent alors, dit-on, Et me voici sur un ponton ; — J’aimerais presque autant la terre ! Cependant je respire ici L’odeur de la vague et des brises. Vous êtes marins, Dieu merci ! Nous causons de combats, de prises, Nous fumons, et nous prenons l’air Qui vient aux sabords de la mer. Votre voix m’anime et me flatte, Aussi je vous dirai souvent : — Qu’elle était belle, ma Frégate, Lorsqu’elle voguait dans le vent ! À Dieppe, 1828.

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Adieux à la mer Murmure autour de ma nacelle, Douce mer dont les flots chéris, Ainsi qu'une amante fidèle, Jettent une plainte éternelle Sur ces poétiques débris. Que j'aime à flotter sur ton onde. A l'heure où du haut du rocher L'oranger, la vigne féconde, Versent sur ta vague profonde Une ombre propice au nocher ! Souvent, dans ma barque sans rame, Me confiant à ton amour, Comme pour assoupir mon âme, Je ferme au branle de ta lame Mes regards fatigués du jour. Comme un coursier souple et docile Dont on laisse flotter le mors, Toujours, vers quelque frais asile, Tu pousses ma barque fragile Avec l'écume de tes bords. Ah ! berce, berce, berce encore, Berce pour la dernière fois, Berce cet enfant qui t'adore, Et qui depuis sa tendre aurore N'a rêvé que l'onde et les bois ! Le Dieu qui décora le monde De ton élément gracieux, Afin qu'ici tout se réponde, Fit les cieux pour briller sur l'onde, L'onde pour réfléchir les cieux. Aussi pur que dans ma paupière, Le jour pénètre ton flot pur, Et dans ta brillante carrière Tu sembles rouler la lumière Avec tes flots d'or et d'azur. Aussi libre que la pensée, Tu brises le vaisseau des rois, Et dans ta colère insensée, Fidèle au Dieu qui t'a lancée, Tu ne t'arrêtes qu'à sa voix. De l'infini sublime image, De flots en flots l'oeil emporté Te suit en vain de plage en plage, L'esprit cherche en vain ton rivage, Comme ceux de l'éternité. Ta voix majestueuse et douce Fait trembler l'écho de tes bords, Ou sur l'herbe qui te repousse, Comme le zéphyr dans la mousse, Murmure de mourants accords. Que je t'aime, ô vague assouplie, Quand, sous mon timide vaisseau, Comme un géant qui s'humilie, Sous ce vain poids l'onde qui plie Me creuse un liquide berceau. Que je t'aime quand, le zéphire Endormi dans tes antres frais, Ton rivage semble sourire De voir dans ton sein qu'il admire Flotter l'ombre de ses forêts ! Que je t'aime quand sur ma poupe Des festons de mille couleurs, Pendant au vent qui les découpe, Te couronnent comme une coupe Dont les bords sont voilés de fleurs ! Qu'il est doux, quand le vent caresse Ton sein mollement agité, De voir, sous ma main qui la presse, Ta vague, qui s'enfle et s'abaisse Comme le sein de la beauté ! Viens, à ma barque fugitive Viens donner le baiser d'adieux ; Roule autour une voix plaintive, Et de l'écume de ta rive Mouille encor mon front et mes yeux. Laisse sur ta plaine mobile Flotter ma nacelle à son gré, Ou sous l'antre de la sibylle, Ou sur le tombeau de Virgile : Chacun de tes flots m'est sacré. Partout, sur ta rive chérie, Où l'amour éveilla mon coeur, Mon âme, à sa vue attendrie, Trouve un asile, une patrie, Et des débris de son bonheur, Flotte au hasard : sur quelque plage Que tu me fasses dériver, Chaque flot m'apporte une image ; Chaque rocher de ton rivage Me fait souvenir ou rêver...

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Ischia Le soleil va porter le jour à d’autres mondes; Dans l’horizon désert Phébé monte sans bruit, Et jette, en pénétrant les ténèbres profondes, Un voile transparent sur le front de la nuit. Voyez du haut des monts ses clartés ondoyantes Comme un fleuve de flamme inonder les coteaux, Dormir dans les vallons, ou glisser sur les pentes, Ou rejaillir au loin du sein brillant des eaux. La douteuse lueur, dans l’ombre répandue, Teint d’un jour azuré la pâle obscurité, Et fait nager au loin dans la vague étendue Les horizons baignés par sa molle clarté! L’Océan amoureux de ces rives tranquilles Calme, en baisant leurs pieds, ses orageux transports, Et pressant dans ses bras ces golfes et ces îles, De son humide haleine en rafraîchit les bords. Du flot qui tour à tour s’avance et se retire L’oeil aime à suivre au loin le flexible contour : On dirait un amant qui presse en son délire La vierge qui résiste, et cède tour à tour! Doux comme le soupir de l’enfant qui sommeille, Un son vague et plaintif se répand dans les airs : Est-ce un écho du ciel qui charme notre oreille? Est-ce un soupir d’amour de la terre et des mers? Il s’élève, il retombe, il renaît, il expire, Comme un coeur oppressé d’un poids de volupté, Il semble qu’en ces nuits la nature respire, Et se plaint comme nous de sa félicité! Mortel, ouvre ton âme à ces torrents de vie! Reçois par tous les sens les charmes de la nuit, A t’enivrer d’amour son ombre te convie; Son astre dans le ciel se lève, et te conduit. Vois-tu ce feu lointain trembler sur la colline? Par la main de l’Amour c’est un phare allumé; Là, comme un lis penché, l’amante qui s’incline Prête une oreille avide aux pas du bien-aimé! La vierge, dans le songe où son âme s’égare, Soulève un oeil d’azur qui réfléchit les cieux, Et ses doigts au hasard errant sur sa guitare Jettent aux vents du soir des sons mystérieux!  » Viens ! l’amoureux silence occupe au loin l’espace; Viens du soir près de moi respirer la fraîcheur! C’est l’heure; à peine au loin la voile qui s’efface Blanchit en ramenant le paisible pêcheur!  » Depuis l’heure où ta barque a fui loin de la rive, J’ai suivi tout le jour ta voile sur les mers, Ainsi que de son nid la colombe craintive Suit l’aile du ramier qui blanchit dans les airs!  » Tandis qu’elle glissait sous l’ombre du rivage, J’ai reconnu ta voix dans la voix des échos; Et la brise du soir, en mourant sur la plage, Me rapportait tes chants prolongés sur les flots.  » Quand la vague a grondé sur la côte écumante, À l’étoile des mers j’ai murmuré ton nom, J’ai rallumé sa lampe, et de ta seule amante L’amoureuse prière a fait fuir l’aquilonl  » Maintenant sous le ciel tout repose, ou tout aime : La vague en ondulant vient dormir sur le bord; La fleur dort sur sa tige, et la nature même Sous le dais de la nuit se recueille et s’endort.  » Voisl la mousse a pour nous tapissé la vallée, Le pampre s’y recourbe en replis tortueux, Et l’haleine de l’onde, à l’oranger mêlée, De ses fleurs qu’elle effeuille embaume mes cheveux.  » A la molle clarté de la voûte sereine Nous chanterons ensemble assis sous le jasmin, Jusqu’à l’heure où la lune, en glissant vers Misène, Se perd en pâlissant dans les feux du matin. «  Elle chante; et sa voix par intervalle expire, Et, des accords du luth plus faiblement frappés, Les échos assoupis ne livrent au zéphire Que des soupirs mourants, de silence coupésl Celui qui, le coeur plein de délire et de flamme, A cette heure d’amour, sous cet astre enchanté, Sentirait tout à coup le rêve de son âme S’animer sous les traits d’une chaste beauté; Celui qui, sur la mousse, au pied du sycomore, Au murmure des eaux, sous un dais de saphirs, Assis à ses genoux, de l’une à l’autre aurore, N’aurait pour lui parler que l’accent des soupirs; Celui qui, respirant son haleine adorée, Sentirait ses cheveux, soulevés par les vents, Caresser en passant sa paupière effleurée, Ou rouler sur son front leurs anneaux ondoyants; Celui qui, suspendant les heures fugitives, Fixant avec l’amour son âme en ce beau lieu, Oublierait que le temps coule encor sur ces rives, Serait-il un mortel, ou serait-il un dieu?… Et nous, aux doux penchants de ces verts Elysées, Sur ces bords où l’amour eût caché son Eden, Au murmure plaintif des vagues apaisées, Aux rayons endormis de l’astre élysien, Sous ce ciel où la vie, où le bonheur abonde, Sur ces rives que l’oeil se plaît à parcourir, Nous avons respiré cet air d’un autre monde, Elyse!,.. et cependant on dit qu’il faut mourir !

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Le golfe de Baya Vois-tu comme le flot paisible Sur le rivage vient mourir ! Vois-tu le volage zéphyr Rider, d’une haleine insensible, L’onde qu’il aime à parcourir ! Montons sur la barque légère Que ma main guide sans efforts, Et de ce golfe solitaire Rasons timidement les bords. Loin de nous déjà fuit la rive. Tandis que d’une main craintive Tu tiens le docile aviron, Courbé sur la rame bruyante Au sein de l’onde frémissante Je trace un rapide sillon. Dieu ! quelle fraîcheur on respire ! Plongé dans le sein de Thétis, Le soleil a cédé l’empire A la pâle reine des nuits. Le sein des fleurs demi-fermées S’ouvre, et de vapeurs embaumées En ce moment remplit les airs ; Et du soir la brise légère Des plus doux parfums de la terre A son tour embaume les mers. Quels chants sur ces flots retentissent ? Quels chants éclatent sur ces bords ? De ces deux concerts qui s’unissent L’écho prolonge les accords. N’osant se fier aux étoiles, Le pêcheur, repliant ses voiles, Salue, en chantant, son séjour. Tandis qu’une folle jeunesse Pousse au ciel des cris d’allégresse, Et fête son heureux retour. Mais déjà l’ombre plus épaisse Tombe, et brunit les vastes mers ; Le bord s’efface, le bruit cesse, Le silence occupe les airs. C’est l’heure où la mélancolie S’assoit pensive et recueillie Aux bords silencieux des mers, Et, méditant sur les ruines, Contemple au penchant des collines Ce palais, ces temples déserts. O de la liberté vieille et sainte patrie ! Terre autrefois féconde en sublimes vertus ! Sous d’indignes Césars maintenant asservie, Ton empire est tombé ! tes héros ne sont plus ! Mais dans ton sein l’âme agrandie Croit sur leurs monuments respirer leur génie, Comme on respire encor dans un temple aboli La majesté du dieu dont il était rempli. Mais n’interrogeons pas vos cendres généreuses, Vieux Romains ! fiers Catons ! mânes des deux Brutus ! Allons redemander à ces murs abattus Des souvenirs plus doux, des ombres plus heureuses, Horace, dans ce frais séjour, Dans une retraite embellie Par le plaisir et le génie, Fuyait les pompes de la cour ; Properce y visitait Cinthie, Et sous les regards de Délie Tibulle y modulait les soupirs de l’amour. Plus loin, voici l’asile où vint chanter le Tasse, Quand, victime à la fois du génie et du sort, Errant dans l’univers, sans refuge et sans port, La pitié recueillit son illustre disgrâce. Non loin des mêmes bords, plus tard il vint mourir ; La gloire l’appelait, il arrive, il succombe : La palme qui l’attend devant lui semble fuir, Et son laurier tardif n’ombrage que sa tombe. Colline de Baya ! poétique séjour ! Voluptueux vallon qu’habita tour à tour Tout ce qui fut grand dans le monde, Tu ne retentis plus de gloire ni d’amour. Pas une voix qui me réponde, Que le bruit plaintif de cette onde, Ou l’écho réveillé des débris d’alentour ! Ainsi tout change, ainsi tout passe ; Ainsi nous-mêmes nous passons, Hélas ! sans laisser plus de trace Que cette barque où nous glissons Sur cette mer où tout s’efface. Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Les voiles Quand j’étais jeune et fier et que j’ouvrais mes ailes, Les ailes de mon âme à tous les vents des mers, Les voiles emportaient ma pensée avec elles, Et mes rêves flottaient sur tous les flots amers. Je voyais dans ce vague où l’horizon se noie Surgir tout verdoyants de pampre et de jasmin Des continents de vie et des îles de joie Où la gloire et l’amour m’appelaient de la main. J’enviais chaque nef qui blanchissait l’écume, Heureuse d’aspirer au rivage inconnu, Et maintenant, assis au bord du cap qui fume, J’ai traversé ces flots et j’en suis revenu. Et j’aime encor ces mers autrefois tant aimées, Non plus comme le champ de mes rêves chéris, Mais comme un champ de mort où mes ailes semées De moi-même partout me montrent les débris. Cet écueil me brisa, ce bord surgit funeste, Ma fortune sombra dans ce calme trompeur ; La foudre ici sur moi tomba de l’arc céleste Et chacun de ces flots roule un peu de mon coeur.

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    A

    Amable Tastu

    @amableTastu

    La barque Mon œil rêveur suit la barque lointaine Qui vient à moi, faible jouet des flots ; J’aime à la voir déposer sur l’arène D’adroits pécheurs, de joyeux matelots. Mais à ma voix, nulle voix qui réponde ! La barque est vide, et je n’ose approcher. Nacelle vagabonde, A la merci de l’onde, Pourquoi voguer sans rame et sans nocher ? La mer paisible et le ciel sans nuage Sont embellis des feux du jour naissant ; Mais dans la nuit grondait un noir orage ; L’air était sombre et le flot menaçant !… Quand l’espérance, en promesses féconde, Ouvrit l’anneau qui t’enchaîne au rocher, Nacelle vagabonde, A la merci de l’onde, Pourquoi voguer sans rame et sans nocher ? Oui, ton retour cache un triste mystère ! D’un poids secret il oppresse mon cœur. Sur cette plage, errante et solitaire, J’ai vu pleurer la femme du pêcheur ! Es-tu l’objet de sa douleur profonde ? Ses longs regards allaient-ils te chercher ? Nacelle vagabonde, A la merci de l’onde, Pourquoi voguer sans rame et sans nocher ?

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    A

    Amable Tastu

    @amableTastu

    La mer Viens ! ô viens avec moi sur la mer azurée ; Qu'aux vents capricieux ma barque soit livrée. Tu seras ma compagne, alors que le soleil Colore l'Océan de son éclat vermeil, Ou lorsque, s'échappant de la nue orageuse, La neige au sein des flots tombe silencieuse. Que nous font des saisons les changements divers ! La flamme qui nous luit ne connaît point d'hivers. Ah ! qu'importe le sort si ta main caressante S'appuie au gouvernail de ma nef inconstante ! Si nous sommes unis, si l'amour suit nos pas, La vie est près de toi, la mort où tu n'es pas. Viens ! ô viens avec moi sur la mer azurée ; Qu'aux vents capricieux ma barque soit livrée, Oublions des saisons les changements divers : La flamme qui nous luit ne connaît point d'hivers. Crois-moi, fuyons la terre et ses brillantes chaînes, L'Océan fût créé pour les âmes hautaines ; Confions-nous sans crainte à son sein indompté, Refuge de l'amour et de la liberté. Là, point d'œil curieux, point de langues traîtresses N'oseront épier ou blâmer nos caresses : Nous n'aurons pour témoin qu'un ciel propice et doux Qui semble s'abaisser entre le monde et nous. Viens ! ô viens avec moi sur la mer azurée, Qu'aux vents capricieux ma barque soit livrée ; Oublions des saisons les changements divers : La flamme qui nous luit ne connaît point d'hivers.

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    A

    Amina Saïd

    @aminaSaid

    Ciel et mer se sont unis Dans le matin de Ravello entre deux soupirs glisse la chair apaisée de la montagne je cueille la lave du monde dans le jour bleu de l'œil s'édifie un temple à l'or premier du soleil fleurs lumineuses nées de ses rayons dans les antiques jardins en terrasses le cœur tremblant de chacune garde en mémoire un visage chanteras-tu la vie sous la haute coupole blanche diras-tu la voie qui mène au lieu précis de la fontaine où s'étanchent toutes les soifs ciel et mer sont un seul regard

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    Chrysé Pourquoi, belle Chrysé, t’abandonnant aux voiles, T’éloigner de nos bords sur la foi des étoiles ? Dieux ! je t’ai vue en songe ; et, de terreur glacé, J’ai vu sur des écueils ton vaisseau fracassé, Ton corps flottant sur l’onde, et tes bras avec peine Cherchant à repousser la vague ionienne. Les filles de Nérée ont volé près de toi. Leur sein fut moins troublé de douleur et d’effroi, Quand, du bélier doré qui traversait leurs ondes, La jeune Hellé tomba dans leurs grottes profondes. Oh ! que j’ai craint de voir à cette mer, un jour, Tiphys donner ton nom et plaindre mon amour ! Que j’adressai de voeux aux dieux de l’onde amère ! Que de voeux à Neptune, à Castor, à son frère ! Glaucus ne te vit point ; car sans doute avec lui Déesse au sein des mers tu vivrais aujourd’hui. Déjà tu n’élevais que des mains défaillantes ; Tu me nommais déjà de tes lèvres mourantes, Quand, pour te secourir, j’ai vu fendre les flots Au dauphin qui sauva le chanteur de Lesbos.

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    La jeune tarentine Pleurez, doux alcyons, ô vous, oiseaux sacrés, Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez. Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine. Un vaisseau la portait aux bords de Camarine. Là l'hymen, les chansons, les flûtes, lentement, Devaient la reconduire au seuil de son amant. Une clef vigilante a pour cette journée Dans le cèdre enfermé sa robe d'hyménée Et l'or dont au festin ses bras seraient parés Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés. Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles, Le vent impétueux qui soufflait dans les voiles L'enveloppe. Étonnée, et loin des matelots, Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots. Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine. Son beau corps a roulé sous la vague marine. Thétis, les yeux en pleurs, dans le creux d'un rocher Aux monstres dévorants eut soin de le cacher. Par ses ordres bientôt les belles Néréides L'élèvent au-dessus des demeures humides, Le portent au rivage, et dans ce monument L'ont, au cap du Zéphir, déposé mollement. Puis de loin à grands cris appelant leurs compagnes, Et les Nymphes des bois, des sources, des montagnes, Toutes frappant leur sein et traînant un long deuil, Répétèrent : « Hélas ! » autour de son cercueil. Hélas ! chez ton amant tu n'es point ramenée. Tu n'as point revêtu ta robe d'hyménée. L'or autour de tes bras n'a point serré de nœuds. Les doux parfums n'ont point coulé sur tes cheveux.

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    A

    André Lemoyne

    @andreLemoyne

    À Saint-Georges-sur-Mer À Gabriel Audiat. Pourquoi donc m'en irais-je aux pays transalpins, Quand tout charme les yeux dans ma forêt de pins ? Pourquoi fuir en ingrat cet heureux coin du monde Où le vieil Océan épouse la Gironde ; Où sur des sables fins le flot vert s'effrangeant Jusqu'à mes pieds déroule un grand ourlet d'argent ? Là j'aime à respirer le parfum de résine Se mêlant aux sels purs de la brise marine ; Sous le tranquille abri des hauts pins murmurants J'aime à voir s'effacer les navires errants. La marjolaine en fleur et les oeillets sauvages Aux marins qui s'en vont parlent de nos rivages. Le soir, quand à son nid d'amour l'oiseau revient, J'écoute un cœur qui bat à l'unisson du mien.

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    A

    André Lemoyne

    @andreLemoyne

    Côtes de Saintonge Comme un orgue lointain sur une immense grève, Bruit du flot qui recouvre un lit de sable fin, Et toujours recommence et jamais ne s'achève, La mer, la vaste mer se déroulait sans fin. Sur les dunes épars, de grands pins maritimes Dans le rythme des flots murmurants s'accordaient Aux souffles du matin, en secouant leurs cimes, Et comme à l'unisson gravement répondaient. Sur l'Océan d'azur, où passait un navire, Sans crainte aventurés, des papillons volaient Comme un vrai tourbillon de neige. Ils semblaient dire Aux marins du pays, qui sous bon vent filaient : « Lorsque s'achèvera votre course lointaine, Nous ne saluerons pas votre joyeux retour, Car, livrant aux hasards notre vie incertaine, Nous durons peu d'instants, comme les fleurs d'un jour. À l'horizon des flots, noyant ses voiles hautes, Quand le vaisseau parti lentement s'effaçait, Le croisant dans sa route en approchant des côtes, Un autre grand navire au large apparaissait. Après un long voyage aux mers orientales, Les hommes revenaient, las d'avoir navigué, Mais la fièvre d'amour pour les grèves natales Verse un baume divin dans le corps fatigué. Ils avaient aperçu le clocher de Marennes, Dont la flèche en plein ciel des eaux semblait jaillir, Et dans le chaud parfum des plantes riveraines Les plus robustes cœurs se sentaient défaillir.

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    A

    André Lemoyne

    @andreLemoyne

    Marine À L. G. de Bellée. Au fond d'un lointain souvenir, Je revois, comme dans un rêve, Entre deux rocs, sur une grève, Une langue de mer bleuir. Ce pauvre coin de paysage Vu de très loin apparaît mieux, Et je n'ai qu'à fermer les yeux Pour éclairer la chère image. Dans mon cœur les rochers sont peints Tout verdis de criste marine, Et je m'imprègne de résine Sous le vent musical des pins. L'œillet sauvage, fleur du sable, Exhale son parfum poivré, Et je me sens comme enivré D'une ivresse indéfinissable. De longs groupes de saules verts, À l'éveil des brises salées, Mêlent aux dunes éboulées Leurs feuillages, blancs à l'envers. Je revois comme dans un rêve, Au fond d'un lointain souvenir, Une langue de mer bleuir Entre deux rocs, sur une grève.

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    A

    André Mage de Fiefmelin

    @andreMageDeFiefmelin

    Comme un navire en mer au fort de la tourmente Comme un navire en mer au fort de la tourmente, Prêt à choquer les rocs par les vents agité, Sitôt qu’un feu de joie a montré sa clarté, L’air se tait, l’eau se calme, et l’orage s’absente, La nef sans peur recourt sur sa première sente Au rivage étranger qu’elle avait écarté, Fait voile assurément, mire son nord quitté, Et selon son dessein surgit au port contente, Mon âme ainsi, battue et des vagues d’ennui Et des rocs du malheur, périssait aujourd’hui Au gouffre de ses maux, sans la faveur divine. Ton oeil, mon feu de joie, ô Dieu, m’a secouru, Et ta main m’a d’enfer demi-mort recouru : Ainsi vit qui en temps sent ta grâce bénigne.

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    Antonin Artaud

    Antonin Artaud

    @antoninArtaud

    Le navire mystique Il se sera perdu le navire archaïque Aux mers où baigneront mes rêves éperdus, Et ses immenses mâts se seront confondus Dans les brouillards d’un ciel de Bible et de Cantiques. Et ce ne sera pas la Grecque bucolique Qui doucement jouera parmi les arbres nus ; Et le Navire Saint n’aura jamais vendu La très rare denrée aux pays exotiques. Il ne sait pas les feux des havres de la terre, Il ne connaît que Dieu, et sans fin, solitaire Il sépare les flots glorieux de l’Infini. Le bout de son beaupré plonge dans le mystère ; Aux pointes de ses mâts tremble toutes les nuits L’Argent mystique et pur de l’étoile polaire.

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    Antonin Artaud

    Antonin Artaud

    @antoninArtaud

    Petit poème des poissons de la mer Je me suis penché sur la mer Pour communiquer mon message Aux poissons : « Voilà ce que je cherche et que je veux savoir. » Les petits poissons argentés Du fond des mers sont remontés Répondre à ce que je voulais. La réponse des petits poissons était : « Nous ne pouvons pas vous le dire Monsieur PARCE QUE » Là la mer les a arrêtés. Alors j’ai écarté la mer Pour les mieux fixer au visage Et leur ai redit mon message : « Vaut-il mieux être que d’obéir ? » Je le leur redis une fois, je leur dis une seconde Mais j’eus beau crier à la ronde Ils n’ont pas voulu entendre raison ! Je pris une bouilloire neuve Excellente pour cette épreuve Où la mer allait obéir. Mon cœur fit hamp, mon cœur fit hump Pendant que j’actionnais la pompe À eau douce, pour les punir. Un, qui mit la tête dehors Me dit : « Les petits poissons sont tous morts. » « C’est pour voir si tu les réveilles, Lui criai-je en plein dans l’oreille, Va rejoindre le fond de la mer. » Dodu Mafflu haussa la voix jusqu’à hurler en déclamant ces trois derniers vers, et Alice pensa avec un frisson : « Pour rien au monde je n’aurai voulu être ce messager ! » Celui qui n’est pas ne sait pas L’obéissant ne souffre pas. C’est à celui qui est à savoir Pourquoi l’obéissance entière Est ce qui n’a jamais souffert Lorsque l’être est ce qui s’effrite Comme la masse de la mer. Jamais plus tu ne seras quitte, Ils vont au but et tu t’agites. Ton destin est le plus amer. Les poissons de la mer sont morts Parce qu’ils ont préféré à être D’aller au but sans rien connaître De ce que tu appelles obéir. Dieu seul est ce qui n’obéit pas, Tous les autres êtres ne sont pas Encore, et ils souffrent. Ils souffrent ni vivants ni morts. Pourquoi ? Mais enfin les obéissants vivent, On ne peut pas dire qu’ils ne sont pas. Ils vivent et n’existent pas. Pourquoi ? Pourquoi ? Il faut faire tomber la porte Qui sépare l’Être d’obéir ! L’Être est celui qui s’imagine être Être assez pour se dispenser D’apprendre ce que veut la mer… Mais tout petit poisson le sait ! Il y eut une longue pause. « Est-ce là tout ? » demanda Alice timidement.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Le bateau ivre Comme je descendais des Fleuves impassibles, Je ne me sentis plus guidé par les haleurs : Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles, Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs. J’étais insoucieux de tous les équipages, Porteur de blés flamands ou de cotons anglais. Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages, Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais. Dans les clapotements furieux des marées, Moi, l’autre hiver, plus sourd que les cerveaux d’enfants, Je courus ! Et les Péninsules démarrées N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants. La tempête a béni mes éveils maritimes. Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes, Dix nuits, sans regretter l’oeil niais des falots ! Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sures, L’eau verte pénétra ma coque de sapin Et des taches de vins bleus et des vomissures Me lava, dispersant gouvernail et grappin. Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème De la Mer, infusé d’astres, et lactescent, Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême Et ravie, un noyé pensif parfois descend ; Où, teignant tout à coup les bleuités, délires Et rhythmes lents sous les rutilements du jour, Plus fortes que l’alcool, plus vastes que nos lyres, Fermentent les rousseurs amères de l’amour ! Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes Et les ressacs et les courants : je sais le soir, L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes, Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir ! J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques, Illuminant de longs figements violets, Pareils à des acteurs de drames très antiques Les flots roulant au loin leurs frissons de volets ! J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies, Baisers montant aux yeux des mers avec lenteurs, La circulation des sèves inouïes, Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs ! J’ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries Hystériques, la houle à l’assaut des récifs, Sans songer que les pieds lumineux des Maries Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs ! J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux D’hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides Sous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux ! J’ai vu fermenter les marais énormes, nasses Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan ! Des écroulements d’eaux au milieu des bonaces, Et les lointains vers les gouffres cataractant ! Glaciers, soleils d’argent, flots nacreux, cieux de braises ! Échouages hideux au fond des golfes bruns Où les serpents géants dévorés des punaises Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums ! J’aurais voulu montrer aux enfants ces dorades Du flot bleu, ces poissons d’or, ces poissons chantants. – Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades Et d’ineffables vents m’ont ailé par instants. Parfois, martyr lassé des pôles et des zones, La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes Et je restais, ainsi qu’une femme à genoux… Presque île, ballottant sur mes bords les querelles Et les fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds. Et je voguais, lorsqu’à travers mes liens frêles Des noyés descendaient dormir, à reculons ! Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses, Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau, Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses N’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau ; Libre, fumant, monté de brumes violettes, Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur Qui porte, confiture exquise aux bons poètes, Des lichens de soleil et des morves d’azur ; Qui courais, taché de lunules électriques, Planche folle, escorté des hippocampes noirs, Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ; Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais, Fileur éternel des immobilités bleues, Je regrette l’Europe aux anciens parapets ! J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur : – Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t’exiles, Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur ? Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes. Toute lune est atroce et tout soleil amer : L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes. Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer ! Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache Noire et froide où vers le crépuscule embaumé Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche Un bateau frêle comme un papillon de mai. Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames, Enlever leur sillage aux porteurs de cotons, Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes, Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    L’eternité Elle est retrouvée. Quoi ? – L’Eternité. C’est la mer allée Avec le soleil. Ame sentinelle, Murmurons l’aveu De la nuit si nulle Et du jour en feu. Des humains suffrages, Des communs élans Là tu te dégages Et voles selon. Puisque de vous seules, Braises de satin, Le Devoir s’exhale Sans qu’on dise : enfin. Là pas d’espérance, Nul orietur. Science avec patience, Le supplice est sûr. Elle est retrouvée. Quoi ? – L’Eternité. C’est la mer allée Avec le soleil.

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    A

    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Le piton des neiges Océan, Océan, quand ta houle écumante Roule, vague sur vague, aux coups de la tourmente, Un flot majestueux, d’un seul jet dans les airs, Monte submergeant tout de son élan sublime : Comme un cratère on voit au vent fumer sa cime, Et de sa masse énorme il domine les mers. Les ondulations que son volume écrase Viennent incessamment se briser à sa base ; L’eau bouillonne et bondit vers son front orgueilleux, Mais lui, voyez ! debout au fort de la tempête, D’écume et de vapeurs il couronne sa tête, Maîtrisant à ses pieds les assauts furieux. Tel de ces pics que tu domines, Superbe mont salazien, Tel de ces montagnes voisines Jaillit ton front aérien. Immense, immuable, immobile, Du plateau central de notre île Ton sommet auguste et tranquille Se dresse, embrassant l’horizon ; Un hiver éternel y siège, Et tes flancs que la nue assiège, Se couvrent de glace et de neige, A jamais chauves de gazon. L’œil qui du sein des mers profondes Contemple ta mâle beauté, Sur la verte fille des ondes Aime ta farouche âpreté. Tu sembles, dans le vide immense, Du vent léger qui se balance, Ou de l’ouragan qui s’élance, Écouter le bruit dans les cieux, Et, comme un aïeul solitaire, Sur l’océan et sur la terre Fixant un regard centenaire, Veiller, penseur silencieux. Quand le soleil s’éteint et que l’ombre est venue, Quand la lune se lève au-dessus de la nue, La mer autour de toi roule, mouvant miroir ; Des cieux l’astre des nuits blanchit les vastes dômes, Et tu vois les vaisseaux, comme de blancs fantômes, Glisser à l’horizon dans les vapeurs du soir. Et le hardi pêcheur dont la barque rapide Bondit légèrement sur la nappe limpide, Et l’oiseau que la nuit a surpris sur les mers, Voyant bleuir au ciel ta forme aérienne, Orientant leur vol sur ta cime lointaine, S’avancent au roulis berceur des flots amers. Et ton front d’un azur intense, Aux clartés de l’astre songeur, Apparaît plus sombre à distance A l’œil pensif du voyageur. Il voit l’essaim des paille-en-queue, Qui font d’un coup d’aile une lieue, Tachant de blanc la voûte bleue, Regagner l’île aux verts îlots. Et ta masse antique et profonde, Qu’une clarté d’opale inonde, Semble le noir spectre de l’onde Debout sur l’abîme des flots. Ah ! devant ton profil austère Combien de siècles ont passé ! Sur ton granit que rien n’altère Le pas du temps s’est effacé. Que de jours de calme et d’orage, Et de trombe et d’ardent mirage, Et de tourmente et de naufrage, Pour ton œil séculaire ont lui ! Tempête, ombre, aquilon, lumière, Tout rentra dans la nuit première ; Mais toi, dans ta stature altière, Tu fus alors comme aujourd’hui. Alors comme aujourd’hui les rougeurs de l’aurore, Et la pourpre des soirs que l’ombre décolore, Sur ta tête de neige ont répandu leurs feux ; Et quand l’aube ou la nuit vint sourire à la terre, Dans le vide étoilé tu brillas solitaire, Comme un phare aux reflets doux et mystérieux. Alors comme aujourd’hui de tes rochers arides Tu versas dans nos bois la nappe aux eaux limpides ; Et défiant toujours le vent dévastateur, Et drapant tes flancs nus du manteau des nuages, Adamastor des monts et trônant sur les âges, Tu levas dans les cieux ton front dominateur. O colosses de la nature, Pics d’inaccessible hauteur, Dont l’inébranlable structure Brave l’ouragan destructeur ! Blocs altiers, masse indéfinie, Gouffres, chaos, dés harmonie, Que la main d’un fatal génie Sema dans ces lieux écartés ; Gerbes d’éclairs, sombres nuages, Nids fulgurants d’où les orages S’élancent en éclats sauvages Au sein des monts épouvantés ; Torrent, gouffre, océan, tempête, Emportez-moi dans vos terreurs, Car j’aime à sentir sur ma tête Passer le vent de vos fureurs ! J’aime à contempler vos abîmes, A mesurer vos hautes cimes, A suivre vos houles sublimes, A me remplir de votre effroi ! Au vent, à l’éclair, à la flamme Je veux, je veux mêler mon âme ! Mon âme en tes grandeurs t’acclame, O nature ! et grandit en moi.

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    A

    Auxana Triphose

    @auxanaTriphose

    Amour en Mer Ton odeur iodée me monte à la tête, Tes ondulations incessantes m'entêtent, Ton bruit tel une berceuse d'enfant, Je quitte un instant l'espace temps, Ton grain virevolte lentement, Au gré des souffles et du vent, Mes yeux sont rivés sur l'horizon, Je te regarde, sans réelle raison. Tu brilles de mille feux, Ta beauté fait un heureux, Chaque fois que je te vois, Paisible puis tempête parfois. Mon amour... l'Atlantique.

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    S

    Sadek Belhamissi

    @sadekBelhamissi

    Dans la belle onde Émeraude Un beau jour, nous serons ensemble sur une plage des folies, nous ferons pas toujours trés sages. Et roulant sur la douce dune tous les deux, tels des enfants nos deux âmes ne faisant qu' une à la manière de beaux amants. Rien de mieux pour éteindre le feu si doux qui te taraude qu' à moi ,Mignonne, te joindre dans la si belle onde émeraude Au sortir, superbe, de ton bain de mes douces lèvres, je sécherai, de ma belle sirène, sur le sable fin les jolies perles amassées par milliers. De nos corps, entremêlés, saturés du plaisir infini de nos coeurs qu' il est doux, tendrement savourer après la fièvre, la si douce fraicheur.

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    Le départ A bord de la Madone. Que la brise des mers te porte mes adieux, O France, je te quitte; adieu, France chérie! Adieu, doux ciel natal, terre où j’ouvris les yeux! Adieu, patrie! adieu, patrie ! Il tombe, ce mistral, dont le souffle glacé M’enchaînait dans le port de l’antique Marseille; Mon brick napolitain, qui sommeillait la veille Sur cette onde captive où les vents l’ont bercé, Aux cris qui frappent mon oreille Sous ses agrès tremblants s’émeut, frémit, s’éveille, Et loin du port s’est élancé. O toi, des Phocéens brillante colonie, Adieu, Marseille, adieu! Je vois blanchir tes forts. Puisses-tu féconder, par de constants efforts, Les germes de vertu, de valeur, de génie, Dont les Grecs tes aïeux vinrent semer tes bords. Que la mer te soit douce, et que le ciel prospère Regarde avec amour tes opulents remparts! O fille de la Grèce, encore adieu, je pars; Sois plus heureuse que ta mère! Je les brave, tes flots, je ris de leur courroux; J’aime à sentir dans l’air leur mordante amertume; Ils viennent, et de loin soulevant leur écume, A la proue élancés, ils bondissent vers nous. Mais, tels que des lions dont la fureur avide Sous une main connue expire en rugissant, Je les vois caresser le voile blanchissant De la Madone qui nous guide, Lorsque son bras doré, sur leur dos s’abaissant, Joue avec leur crinière humide. Courage, mon vaisseau! double ce cap lointain; Penche-toi sur les mers; que le beaupré s’incline Sous le foc déployé qui s’enfle et le domine. Mais ce cap, c’est la France; elle aura fui demain… Je l’entends demander d’une voix douce et fière, Sur quels bords, dans quels champs en lauriers plus féconds, Ma muse va chercher des débris et des noms, Et des siècles passés évoquer la poussière? Elle étale au midi ses monuments romains, Les colonnades de ses bains, De ses cirques déserts la ruine éloquente, Ce temple sans rival, dont la main d’Apollon, Sur des appuis de marbre et des feuilles d’acanthe, Suspendit l’élégant fronton; Ses palais, ses tombeaux, ses théâtres antiques, Et les deux monts unis où gronde le Gardon Sous un triple rang de portiques. Elle me montre au nord ses murs irréguliers Et leurs clochers pieux sortant d’un noir feuillage, Où j’entendis gémir durant les nuits d’orage Et la muse des chevaliers, Et les spectres du moyen âge; Ses vieux donjons normands, bâtis par nos aïeux, Et les créneaux brisés du château solitaire, ‘ Qui raconte leur gloire, en parlant à nos yeux De ce bâtard victorieux Dont le bras conquis l’Angleterre. Je la vois, cette France, agiter les rameaux Du chêne prophétique adoré des druides; Elle couronne encor leurs ombres intrépides, De la verveine des tombeaux, Et chante les exploits prédits par leurs oracles, Que, sous les trois couleurs, sous l’aigle ou sous les lis, Vingt siècles rivaux de miracles Par la victoire ont accomplis. Puis, voilant sous des pleurs l’éclat dont son oeil brille, Elle m’invite avec douceur A reprendre ma place au foyer de famille, Et murmure les noms d’un père et d’une soeur… Arrête, mon vaisseau, tu m’emportes trop vite. Pour mes derniers regards que la France a d’attraits! Quel parfum de patrie apporte ce vent frais! Que la patrie est belle au moment qu’on la quitte! Famille, et vous, amis, recevez mes adieux! Et toi, France, pardonne! Adieu, France chérie, Adieu, doux ciel natal, terre où j’ouvris les yeux! Adieu, patrie! adieu, patrie!… Deux fois dans les flots purs, où tremblait sa clarté. J’ai vu briller du ciel l’éblouissante image, Et dans l’ombre deux fois la proue à son passage Creuser en l’enflammant un sillon argenté. Quels sont ces monts hardis, ces roches inconnues? Leur pied se perd sous l’onde et leur front dans les nues. C’est la Corse!… O destin! Faible enfant sur ce bord, Sujet à sa naissance et captif à sa mort, Il part du sein des mers, où plus tard il retombe, Celui dont la grandeur eut, par un jeu du sort, Une île pour berceau, pour asile et pour tombe. Tel, du vaste Océan chaque jour nous voyons Le globe du soleil s’élever sans rayons; Il monte, il brille, il monte encore; Sur le trône vacant de l’empire des cieux, Il s’élance, et, monarque, il découvre à nos yeux Sa couronne de feu dont l’éclat nous dévore; Puis il descend, se décolore, Et dans l’Océan, étonné De le voir au déclin ce qu’il fut à l’aurore, Rentrer pâle et découronné. Où va-t-il, cet enfant qui s’ignore lui-même? La main des vieux nochers passe sur ses cheveux Qui porteront un diadème. Ils lui montrent la France en riant de ses jeux… Ses jeux seront un jour la conquête et la guerre; Les bras de cet enfant ébranleront la terre. O toi, rivage hospitalier, Qui le reçois sans le connaître, Et le rejetteras sans pouvoir l’oublier, France, France, voilà ton maître; Louis, voilà ton héritier. Où va-t-il, ce vainqueur que l’Italie admire? Il va du bruit de ses exploits Réveiller les échos de Thèbe et de Palmire. Il revient; tout tremble à sa voix; Républicains trompés, courbez-vous sous l’empire! Le midi de sa gloire alors le couronna Des rayons d’Austerlitz, de Wagram, d’Iéna. Esclaves et tyrans, sa gloire était la nôtre, Et d’un de ses deux bras, qui nous donna des fers, Appuyé sur la France, il enchaînait de l’autre Ce qui restait de l’univers. Non, rien n’ébranlera cette vaste puissance!… L’île d’Elbe à mes yeux se montre et me répond; C’est là qu’il languissait, l’oeil tourné vers la France. Mais un brick fend ces mers : << Courbez-vous sur le pont! << A genoux! le jour vient d’éclore; << Couchez-vous sur cette arme inutile aujourd’hui! << Cachez ce lambeau tricolore… >> C’est sa voix : il aborde, et la France est à lui. Il la joue, il la perd; l’Europe est satisfaite, Et l’aigle, qui, tombant aux pieds du léopard, Change en grand capitaine un héros de hasard, Illustre aussi vingt rois, dont la gloire muette N’eut jamais retenti dans la postérité; Et d’une part dans sa défaite, Il fait à chacun d’eux une immortalité. Il n’a régné qu’un jour; mais à travers l’orage Il versait tant d’éclat sur son peuple séduit, Que le jour qui suivit son rapide passage, Terne et décoloré, ressemblait à la nuit. La Liberté parut : son flambeau tutélaire, Brûlant d’un feu nouveau, nous guide et nous éclaire. Depuis l’heure où, donnant un maître à des héros, Rome enfanta César, la nature épuisée Pour créer son pareil s’est longtemps reposée. La voilà derechef condamnée au repos. Respirons sous les lois, et, mieux instruits que Rome, Profitons, pour fonder leur pouvoir souverain, Des siècles de répit promis au genre humain Par l’enfantement d’un seul homme. Défends ta liberté, ce sont là mes adieux! France, préfère à tout ta liberté chérie; Adieu, doux ciel natal, terre où j’ouvris les yeux! Adieu, patrie! adieu, patrie!

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    Le retour Au Havre. Le voilà, ce vieux môle où j’errai si souvent ! Ainsi grondaient alors les rafales du vent, Quand aux pâles clartés des fanaux de la Hève Si tristes à minuit, Le flux, en s’abattant pour envahir la grève, Blanchissait dans la nuit. Au souffle du matin qui déchirait la brume, Ainsi sur mes cheveux volait la fraîche écume ; Et quand à leur zénith les feux d’un jour d’été Inondaient les dalles brûlantes, Ainsi, dans sa splendeur et dans sa majesté, La mer sous leurs rayons roulait l’immensité De ses houles étincelantes. Mais là, mais toujours là, hormis si l’ouragan Des flots qu’il balayait restait le seul tyran, Toujours là, devant moi, ces voiles ennemies Que la Tamise avait vomies Pour nous barrer notre Océan ! Alors j’étais enfant, et toutefois mon âme Bondissait dans mon sein d’un généreux courroux, Je sentais de la haine y fermenter la flamme : Enfant, j’aimais la France et d’un amour jaloux. J’aimais du port natal l’appareil militaire ; J’aimais les noirs canons, gardiens de ses abords ; J’aimais la grande voix que prêtaient à nos bords Ces vieux mortiers d’airain sous qui tremblait la terre ; Enfant, j’aimais la France : aimer la France alors, C’était détester l’Angleterre ! Que disaient nos marins lui demandant raison De sa tyrannie éternelle, Quand leurs deux poings fermés menaçaient l’horizon ? Que murmuraient les vents quand ils me parlaient d’elle ? Ennemie implacable, alliée infidèle ! On citait ses serments de parjures suivis, Les trésors du commerce en pleine paix ravis, Aussi bien que sa foi sa cruauté punique : Témoin ces prisonniers ensevelis vingt ans, Et vingt ans dévorés dans des cachots flottants Par la liberté britannique ! Plus tard, un autre prisonnier, Dont les bras en tous lieux s’allongeant pour l’atteindre Par-dessus l’Océan n’avaient pas pu l’étreindre, Osa s’asseoir à son foyer. Ceux qui le craignaient tant, il aurait dû les craindre ; Il les crut aussi grands qu’il était malheureux, Et le jour d’être grands brillait enfin pour eux. Mais ce jour, où, déchu, l’hôte sans défiance Vint, le sein découvert, le fer dans le fourreau, Ce jour fut pour l’Anglais celui de la vengeance : Il se fit le geôlier de la Sainte-Alliance, Et de geôlier devint bourreau ! Oui, du vautour anglais l’impitoyable haine But dans le cœur de l’aigle expirant sous sa chaîne Un sang qui pour la France eût voulu s’épuiser : Car il leur faisait peur, car ils n’ont pu l’absoudre D’avoir quinze ans porté la foudre Dont il faillit les écraser. Il ne resta de lui qu’une tombe isolée Où l’ouragan seul gémissait. En secouant ses fers, la grande ombre exilée Dans mes rêves m’apparaissait. Et j’étais homme alors, et maudissais la terre Qui le rejeta de ses bords : Convenez-en, Français, aimer la France alors, C’était détester l’Angleterre ! Mais voici que Paris armé Tue et meurt pour sa délivrance, Vainqueur aussitôt qu’opprimé ; Trois jours ont passé sur la France : L’œuvre d’un siècle est consommé. Des forêts d’Amérique aux cendres de la Grèce, Du ciel brûlant d’Egypte au ciel froid des Germains, Les peuples frémissaient d’une sainte allégresse. Les lauriers s’ouvraient des chemins Pour tomber à nos pieds des quatre points du monde ; Sentant que pour tous les humains Notre victoire était féconde, Tous les peuples battaient des mains. Entre l’Anglais et nous les vieux griefs s’effacent : Des géants de l’Europe enfin les bras s’enlacent ; Et libres nous disons : « Frères en liberté, « Dans les champs du progrès guidons l’humanité ! » Et nous oublions tout, jusqu’à trente ans de guerre ; Car les Français victorieux Sont le plus magnanime et le plus oublieux De tous les peuples de la terre. Sa cendre, on nous la rend ! mer, avec quel orgueil De tes flots tu battais d’avance Ce rivage du Havre, où tu dois à la France Rapporter son cercueil ! Mais à peine ce bruit fait tressaillir ton onde, Qu’un vertige de guerre a ressaisi le monde. Homme étrange, est-il dans son sort Que tout soit ébranlé quand sa cendre est émue ? Elle a tremblé, sa tombe, et le monde remue ; Elle s’ouvre, et la guerre en sort ! Encore une Sainte-Alliance ! Eh bien ! si son orgueil s’obstine à prévaloir Contré l’œuvre immortel des jours de délivrance, Ce que l’honneur voudra, nous saurons le vouloir. Aux Anglais de choisir ! et leur choix est le nôtre, Quand nous serions seuls contre tous ; Car un duel entre eux et nous, C’est d’un côté l’Europe et la France de l’autre. Viens, ton exil a cessé ; Romps ta chaîne, ombre captive ; Fends l’écume, avance, arrive : Le cri de guerre est poussé. Viens dans ton linceul de gloire, Toi qui nous as faits si grands ; Viens, spectre que la victoire Reconnaîtra dans nos rangs. Contre nous que peut le nombre ? Devant nous tu marcheras ; Pour vaincre à ta voix, grande ombre, Nous t’attendons l’arme au bras ! Partez, vaisseaux ; cinglez, volez vers Sainte-Hélène, Pour escorter sa cendre encor loin de nos bords ; Le noir cercueil flottant qui d’exil le ramène Peut avoir à forcer un rempart de sabords. Volez ! seul contre cent fallût-il la défendre, Joinville périra plutôt que de la rendre, Et dans un tourbillon de salpêtre enflammé il ira, s’il le faut, l’ensevelir fumante Au fond de la tombe écumante Où le Vengeur s’est abîmé ! Que dis-je ? vain effroi ! Dieu veut qu’il la rapporte Sous la bouche de leur canon, Et passe avec ou sans escorte. Que l’Océan soit libre ou non. Mais qu’il ferait beau voir l’escadre funéraire, Un fantôme pour amiral, Mitrailler en passant l’arrogance insulaire, Et lui sous son deuil triomphal, Pour conquérir ses funérailles, Joindre aux lauriers conquis par quinze ans de batailles Les palmes d’un combat naval ! Viens dans ce linceul de gloire, Toi qui nous as faits si grands ; Viens, spectre que la victoire Reconnaîtra dans nos rangs. Contre nous que peut le nombre ? Devant nous tu marcheras : Pour vaincre à ta voix, grande ombre, Nous t’attendons l’arme au bras ! Arme au bras ! fier débris de la phalange antique, Qui, de tant d’agresseurs vengeant la république, Foula sous ses pieds nus tant de drapeaux divers ; Arme au bras ! vétérans d’Arcole et de Palmyre, Vous, restes mutilés des braves de l’Empire ; Vous, vainqueurs d’Ulloa, de l’Atlas et d’Anvers ! Dans les camps, sur la plaine, aux créneaux des murailles, Avec tes vieux soutiens et tes jeunes soldats, Avec tous les enfants qu’ont portés tes entrailles, Arme au bras, patrie, arme au bras ! Il aborde, et la France, en un camp transformée, Reçoit son ancien général ; Il écarte à ses cris le voile sépulcral, Cherche un peuple, et trouve une armée ! Les pères sont debout, revivant dans les fils ; Ses vieux frères de gloire, il les revoit encore : « Vous serez, nous dit-il, ce qu’ils furent jadis ; « Une ligue nouvelle aujourd’hui vient d’éclore : « D’un nouveau soleil d’Austerlitz « Demain se lèvera l’aurore ! » Aux salves de canon que j’entends retentir, Sur lui le marbre saint retombe ; Et peut-être avec lui va rentrer dans la tombe La guerre qu’il en fit sortir ! Mais que sera pour nous l’amitié britannique ? Entre les deux pays, séparés désormais, Le temps peut renouer un lien politique ; Un lien d’amitié, jamais ! Consultons son tombeau, qui devant nous s’élève : Au seul nom des Anglais nous y verrons son glaive Frémir d’un mouvement guerrier ! Consultons la voix du grand homme, Et nous l’entendrons nous crier : « Jamais de paix durable entre Carthage et Rome ! » Il le disait vivant ; il le dit chez les morts ; C’est qu’en vain sur ce cœur pèse une froide pierre : Il est le même, ô France ! il t’aime, noble terre, Comme alors il t’aimait… Aimer la France alors, C’était détester l’Angleterre !

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    Le vaisseau Naples. Par les flots balancée, une barque légère Hier m’avait porté sur ce vaste vaisseau Qui fatiguait le golfe et sa vaine colère D’un inébranlable fardeau. Ses longs mâts dans les deux montaient en pyramides : Comme un serpent ailé, leur flamme au sein des airs Déroulait ses anneaux rapides, Et j’admirais ce noir géant des mers, Armé d’un triple rang de bronzes homicides, Qui sortaient à demi de ses flancs entr’ouverts. Ces mots : Demain ! demain ! ce doux nom de la Grèce, Volent débouche en bouche : on s’agite, on s’empresse. L’un, penché sur les ponts, aux câbles des sabords Enchaîne les foudres roulantes ; L’autre court, suspendu sur les vergues tremblantes, Où la voile, en criant, cède à ses longs efforts. Leur chef le commandait, et son regard tranquille De la poupe à la proue errait de tous côtés, Avant d’abandonner cette masse immobile Au souffle des vents irrités. Ainsi, prêt à quitter les sphères immortelles, Pour ravir une proie au vautour furieux, L’aigle, tranquille et fier, se mesure des yeux, Essaie, eu les ouvrant, si ses ongles fidèles A sa colère obéiront encor, Et, pour battre les airs, étend deux fois ses ailes Avant de prendre son essor. Témoin de ces apprêts, debout sous la misaine, Il part, disais-je, il part ; mais doit-il affranchir Les généreux enfants de Sparte et de Mécène ? Doit-il sous un pacha les contraindre à fléchir ? Pour qui grondera son tonnerre ? A ce peuple persécuté Porte-t-il dans ses flancs où la paix ou la guerre, L’esclavage ou la liberté ? La liberté, sans doute !… et la Grèce est mourante ; Son sang coule et s’épuise. Ah ! qu’il parte ! il est temps De sauver, d’arracher au sabre des sultans La victime encor palpitante. Quand je la vois toucher à ses derniers instants, Il fatigue mon cœur d’une trop longue attente. Comme toi menaçant, et comme toi muet, Vésuve, que fait-il sous ton double sommet, Qui, trompant mon espoir par la vapeur légère Que ta bouche béante exhale vers les cieux, Fume éternellement sans éblouir mes yeux Du spectacle de ta colère ? Dors, volcan imposteur, par les ans refroidi, Dors, et sois pour l’enfance un objet de risée ; Vieillard, sous la cendre engourdi, Je suis las d’insulter à ta lave épuisée ; Mais qu’il tonne du moins ce Vésuve flottant, Moins avare que loi des flammes qu’il recèle ! Que son courroux tardif soit juste en éclatant Sur les mers du Bosphore où Canaris l’appelle ! Quand il fendra les flots, si souvent éclairés Par des esquifs brûlants qui vengeaient la patrie. S’il faut une étincelle à sa flamme assoupie, Qu’elle s’allume aux feux de ces brandons sacrés Que la Grèce avait préparés Pour les flottes d’Alexandrie ! Mais non ; son seul aspect sous les murs ottomans Fera triompher la croix sainte ; Il verra du sérail trembler les fondements, Les flots de Marmara se troubleront de crainte, Et, sans contraindre Athène à payer un succès Qui l’arrache expirante au joug de l’infidèle, Si l’Anglais la délivre, au moins quelques Français Auront versé leur sang pour elle. Toi qu’ils ont devancé dans ton noble dessein, Vaisseau libérateur, reçois-moi sur ton sein ; Pars, va me déposer sous ces blanches colonnes Où Socrate inspirait les discours de Platon. Mes yeux verront flotter les premières couronnes Que les Grecs vont suspendre aux murs du Parthénon. Laisse-moi, sous des fleurs et sous de verts feuillages Consacrés par mes mains à ses dieux exilés, Laisse-moi cacher les outrages De ses marbres vainqueurs de la guerre et des âges Que votre Elgin a mutilés. Je les verrai, ces morts qui vivent dans l’histoire, Pour saluer des jours si beaux, Renaître et soulever les trois mille ans de gloire Dont le temps chargea leurs tombeaux ; Et moi, chantant comme eux ces jours de délivrance,. J’irai mêler la voix, l’hymne à peine écouté D’un obscur enfant de la France, A leurs cris de reconnaissance, A leurs hymnes de liberté. Va donc, n’hésite plus, n’attends pas les étoiles ; Des flambeaux de la nuit les feux seront pour toi. N’entends-tu pas le vent qui frémit dans tes voiles ? Il t’invite à partir ; pars, vole, emporte-moi ! N’oins, je me confie à ton humide haleine ; A toi, brûlant Siroc ; à toi, noir Aquilon ; Mugis, qui que tu sois qui souffles vers Athène : Tout me sera Zéphyr, quelque vent qui m’entraîna Du tombeau de Virgile au tombeau de Byron ! Vain songe !… Il dédaigna ma prière inutile. Hélas ! pour un Français il n’avait point d’asile. Au lever du soleil, mes yeux l’ont découvert Entre le doux Sorrente, où la grappe dorée Se marie au citronnier vert, Et les rochers aigus de la pâle Caprée. Sans doute il entendit, sur ce pic menaçant, L’infâme successeur des demi-dieux du Tibre, Tibère, s’éveillant au nom d’un peuple libre, Des Grecs ressuscites lui demander le sang. Sur la rive opposée il ne put méconnaître Ce chantre harmonieux que Sorrente a vu naître : Le Tasse errait encor dans l’asile enchanté Où l’amour d’une sœur recueillit sa misère ; Du sein de l’immortalité, Poète, il fit des vœux pour, les enfants d’Homère !… Le vaisseau cependant voguait sur l’onde amère. Oui des deux a-t-il écouté ?…

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

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    Le voyageur Tu nous rends nos derniers signaux; Le long du bord le câble crie; L’ancre s’élève et sort des eaux; La voile s’ouvre; adieu, patrie! Des flots l’un par l’autre heurtés Je vois fuir les cimes mouvantes, Comme les flocons argentés Des toisons sur nos monts errantes. << Je vois se dérouler les noeuds Qui mesurent l’humide plaine, Et je vogue, averti par eux Que loin de toi le vent m’entraîne. << Doux pays, bois sacrés, beaux lieux, Je pars, et pour toujours peut-être! >> Disait un grec dans ses adieux À Cypre qui l’avait vu naître; << Sur vos rives la liberté, Ainsi que la gloire, est proscrite; Je pars, je les suis, et je quitte Le beau ciel qu’elles ont quitté. >> Il chercha la liberté sainte D’Agrigente aux vallons d’Enna; Sa flamme antique y semble éteinte, Comme les flammes de l’Etna. A Naple, il trouva son idole Qui tremblait un glaive à la main; Il vit Rome, et pas un Romain Sur les débris du capitole! O Venise, il vit tes guerriers; Mais ils ont perdu leur audace Plus vite que tes gondoliers N’ont oublié les vers du Tasse. Il chercha sous le ciel du nord Pour les Grecs un autre Alexandre… Ah! Dit-il, le Phénix est mort, Et ne renaît plus de sa cendre! A Vienne, il apprit dans les rangs Des oppresseurs de l’Ausonie Que le succès change en tyrans Les vainqueurs de la tyrannie. Il trouva les Anglais trop fiers; Albion se dit magnanime; Des noirs elle a brisé les fers, Et ce sont les blancs qu’elle opprime; Il parcourt Londre, en y cherchant Cet homme, l’effroi de la terre, Dont la splendeur à son couchant Pour tombeau choisit l’Angleterre. Mais elle a craint ce prisonnier, Et, reculant devant sa gloire, A mis l’océan tout entier Entre un seul homme et la victoire. Sur toi, Cadix, il vient pleurer; Nos soldats couvraient ton rivage; Il vient, maudissant leur courage; Il part, de peur de l’admirer. Paris l’appelle; au seuil d’un temple Le Grec, dans nos murs arrêté, Sur l’autel voit la liberté… Mais c’est un marbre qu’il contemple, Semblable à ces dieux inconnus, À ces images immortelles Dont les formes sont encor belles, Dont la divinité n’est plus. Pour revoir son île chérie, Il franchit les flots écumans; Mais le courroux des Musulmans Avait passé sur sa patrie. Des débris en couvraient les bords, Et de leur cendre amoncelée Les vautours, prenant leur volée, Emportaient les lambeaux des morts. Il dit, s’élançant dans l’abîme: << Les peuples sont nés pour souffrir; Noir océan, prends ta victime, S’il faut être esclave ou mourir! >> Ainsi l’alcyon, moins timide, Part et se croit libre en quittant La rive où sa mère l’attend Dans le nid qu’il a laissé vide. Il voltige autour des palais, Orgueil de la cité prochaine, Et voit ses frères qu’on enchaîne, Se débattre dans des filets. Il voit le rossignol, qui chante Les amours et la liberté, Puni par la captivité Des doux sons de sa voix touchanté. De l’Olympe il voit l’aigle altier Briser, pour sortir d’esclavage, Son front royal et prisonnier Contre les barreaux de sa cage. Vers sa mère il revient tremblant, Et l’appelle en vain sur la rive, Où flotte le duvet sanglant De quelque plume fugitive. L’oiseau reconnait ces débris; Il suit le flot qui les emporte, Rase l’onde en poussant des cris, Plonge et meurt… Où sa mère est morte.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

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    L'albatros Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers. À peine les ont-ils déposés sur les planches, Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d'eux. Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid! L'un agace son bec avec un brûle-gueule, L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait ! Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l'archer ; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

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