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Trahison

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Trahison

Poésies de la collection trahison

    A

    Albert Lozeau

    @albertLozeau

    Douce Tromperie Je ne suis pas si fou, ma chère enfant, de croire Aux rêves que je fais et qui, dans ma mémoire, Comme sur un papier vieilli des mots tracés, Ont paru clairement et sont presque effacés. Aussi, sans nul regret comme sans amertume, J’en ébauche souvent le croquis à la plume. Nés du désir, ils sont passagers comme lui, Et c’est parce qu’une heure en mon âme ils ont lui, Parce que chaque jour je pourrai les reprendre, Que de leur doux plaisir je ne puis me défendre. J’en jouis à l’instant bref où je les conçois, Et ce moment me vaut des semaines, des mois D’espoirs et de projets tous irréalisables, ― Mais je n’y crois pas plus qu’aux fictions des fables. Ainsi, ma chère amie, évoquant vos beaux yeux, Quand mon rêve vous dit des mots ambitieux Et dont la passion vous fait frissonner toute, Je sais que je me leurre et que moi seul m’écoute… Que vous importe, à vous qui n’en apprenez rien, Si ce mensonge-là, chère, me fait du bien ?

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    La nuit d'Octobre Le poète Le mal dont j'ai souffert s'est enfui comme un rêve. Je n'en puis comparer le lointain souvenir Qu'à ces brouillards légers que l'aurore soulève, Et qu'avec la rosée on voit s'évanouir.

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    La colère de samson Le désert est muet, la tente est solitaire. Quel pasteur courageux la dressa sur la terre Du sable et des lions ? — La nuit n’a pas calmé La fournaise du jour dont l’air est enflammé. Un vent léger s’élève à l’horizon et ride Les flots de la poussière ainsi qu’un lac limpide. Le lin blanc de la tente est bercé mollement ; L’œuf d’autruche, allumé, veille paisiblement, Des voyageurs voilés intérieure étoile, Et jette longuement deux ombres sur la toile. L’une est grande et superbe, et l’autre est à ses pieds : C’est Dalila, l’esclave, et ses bras sont liés Aux genoux réunis du maître jeune et grave Dont la force divine obéit à l’esclave. Comme un doux léopard elle est souple et répand Ses cheveux dénoués aux pieds de son amant. Ses grands yeux, entr’ouverts comme s’ouvre l’amande, Sont brûlants du plaisir que son regard demande, Et jettent, par éclats, leurs mobiles lueurs. Ses bras fins tout mouillés de tièdes sueurs, Ses pieds voluptueux qui sont croisés sous elle, Ses flancs, plus élancés que ceux de la gazelle, Pressés de bracelets, d’anneaux, de boucles d’or, Sont bruns, et, comme il sied aux filles de Hatsor, Ses deux seins, tout chargés d’amulettes anciennes, Sont chastement pressés d’étoffes syriennes. Les genoux de Samson fortement sont unis Comme les deux genoux du colosse Anubis. Elle s’endort sans force et riante et bercée Par la puissante main sous sa tête placée. Lui, murmure le chant funèbre et douloureux Prononcé dans la gorge avec des mots hébreux. Elle ne comprend pas la parole étrangère, Mais le chant verse un somme en sa tête légère. « Une lutte éternelle en tout temps, en tout lieu, Se livre sur la terre, en présence de Dieu, Entre la bonté d’Homme et la ruse de Femme. Car la Femme est un être impur de corps et d’âme. L’Homme a toujours besoin de caresse et d’amour, Sa mère l’en abreuve alors qu’il vient au jour, Et ce bras le premier l’engourdit, le balance Et lui donne un désir d’amour et d’indolence. Troublé dans l’action, troublé dans le dessein, Il rêvera partout à la chaleur du sein, Aux chansons de la nuit, aux baisers de l’aurore, À la lèvre de feu que sa lèvre dévore, Aux cheveux dénoués qui roulent sur son front, Et les regrets du lit, en marchant, le suivront. Il ira dans la ville, et, là, les vierges folles Le prendront dans leurs lacs aux premières paroles. Plus fort il sera né, mieux il sera vaincu, Car plus le fleuve est grand et plus il est ému. Quand le combat que Dieu fit pour la créature Et contre son semblable et contre la nature Force l’Homme à chercher un sein où reposer, Quand ses yeux sont en pleurs, il lui faut un baiser. Mais il n’a pas encor fini toute sa tâche. Vient un autre combat plus secret, traître et lâche ; Sous son bras, sous son cœur se livre celui-là, Et, plus ou moins, la Femme est toujours Dalila. Elle rit et triomphe, en sa froideur savante, Au milieu de ses sœurs elle attend et se vante De ne rien éprouver des atteintes du feu. À sa plus belle amie elle en a fait l’aveu : « Elle se fait aimer sans aimer elle-même ; « Un Maître lui fait peur. C’est le plaisir qu’elle aime, « L’Homme est rude et le prend sans savoir le donner. « Un sacrifice illustre et fait pour étonner « Rehausse mieux que l’or, aux yeux de ses pareilles, « La beauté qui produit tant d’étranges merveilles « Et d’un sang précieux sait arroser ses pas. » — Donc ce que j’ai voulu, Seigneur, n’existe pas ! — Celle à qui va l’amour et de qui vient la vie, Celle-là, par orgueil, se fait notre ennemie. La Femme est, à présent, pire que dans ces temps Où, voyant les humains, Dieu dit : « Je me repens ! » Bientôt, se retirant dans un hideux royaume, La Femme aura Gomorrhe et l’Homme aura Sodome ; Et se jetant, de loin, un regard irrité, Les deux sexes mourront chacun de son côté. Éternel ! Dieu des forts ! vous savez que mon âme N’avait pour aliment que l’amour d’une femme, Puisant dans l’amour seul plus de sainte vigueur Que mes cheveux divins n’en donnaient à mon cœur. — Jugez-nous. — La voilà sur mes pieds endormie. Trois fois elle a vendu mes secrets et ma vie, Et trois fois a versé des pleurs fallacieux Qui n’ont pu me cacher la rage de ses yeux ; Honteuse qu’elle était, plus encor qu’étonnée, De se voir découverte ensemble et pardonnée ; Car la bonté de l’Homme est forte, et sa douceur Écrase, en l’absolvant, l’être faible et menteur. Mais enfin je suis las. J’ai l’âme si pesante, Que mon corps gigantesque et ma tête puissante Qui soutiennent le poids des colonnes d’airain Ne la peuvent porter avec tout son chagrin. Toujours voir serpenter la vipère dorée Qui se traîne en sa fange et s’y croit ignorée ; Toujours ce compagnon dont le cœur n’est pas sûr, La Femme, enfant malade et douze fois impur ! Toujours mettre sa force à garder sa colère Dans son cœur offensé, comme en un sanctuaire D’où le feu s’échappant irait tout dévorer. Interdire à ses yeux de voir ou de pleurer, C’est trop ! Dieu, s’il le veut, peut balayer ma cendre. J’ai donné mon secret, Dalila va le vendre. Qu’ils seront beaux, les pieds de celui qui viendra Pour m’annoncer la mort ! — Ce qui sera, sera ! » Il dit et s’endormit près d’elle jusqu’à l’heure Où les guerriers tremblants d’être dans sa demeure, Payant au poids de l’or chacun de ses cheveux, Attachèrent ses mains et brûlèrent ses yeux, Le traînèrent sanglant et chargé d’une chaîne Que douze grands taureaux ne tiraient qu’avec peine, La placèrent debout, silencieusement, Devant Dagon, leur Dieu, qui gémit sourdement Et deux fois, en tournant, recula sur sa base Et fit pâlir deux fois ses prêtres en extase ; Allumèrent l’encens ; dressèrent un festin Dont le bruit s’entendait du mont le plus lointain ; Et près de la génisse aux pieds du Dieu tuée Placèrent Dalila, pâle prostituée, Couronnée, adorée et reine du repas, Mais tremblante et disant : Il ne me verra pas ! – Terre et ciel ! avez-vous tressailli d’allégresse Lorsque vous avez vu la menteuse maîtresse Suivie d’un œil hagard les yeux tachés de sang Qui cherchaient le soleil d’un regard impuissant ? Et quand enfin Samson, secouant les colonnes Qui faisaient le soutien des immenses Pylônes, Écrasa d’un seul coup, sous les débris mortels, Ses trois mille ennemis, leurs dieux et leurs autels ? Terre et Ciel ! punissez par de telles justices La trahison ourdie en des amours factices, Et la délation du secret de nos cœurs Arraché dans nos bras par des baisers menteurs ! Écrit à Shavington (Angleterre), 7 avril 1839.

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    La femme adultère Mon lit est parfumé d'aloès et de myrrhe ; L'odorant cinnamome et le nard de Palmyre Ont chez moi de l'Egypte embaumé les tapis. J'ai placé sur mon front et l'or et le lapis ; Venez, mon bien-aimé, m'enivrer de délices Jusqu'à l'heure où le jour appelle aux sacrifices : Aujourd'hui que l'époux n'est plus dans la cité, extrait « Mon lit est parfumé d'aloès et de myrrhe ; L'odorant cinnamome et le nard de Palmyre Ont chez moi de l'Egypte embaumé les tapis. J'ai placé sur mon front et l'or et le lapis ; Venez, mon bien-aimé, m'enivrer de délices Jusqu'à l'heure où le jour appelle aux sacrifices : Aujourd'hui que l'époux n'est plus dans la cité, Au nocturne bonheur soyez donc invité ; Il est allé bien loin. » C'était ainsi, dans l'ombre, Sur les toits aplatis et sous l'oranger sombre, Qu'une femme parlait, et son bras abaissé Montrait la porte étroite à l'amant empressé. Il a franchi le seuil où le cèdre s'entrouvre, Et qu'un verrou secret rapidement recouvre ; Puis ces mots ont frappé le cyprès des lambris : « Voilà ces yeux si purs dont mes yeux sont épris ! Votre front est semblable au lis de la vallée, De vos lèvres toujours la rose est exhalée ; Que votre voix est douce et douces vos amours ! Oh ! quittez ces colliers et ces brillants atours ! — Non ; ma main veut tarir cette humide rosée Que l'air sur vos cheveux à longtemps déposée ; C'est pour moi que ce front s'est glacé sous la nuit ! — Mais ce cœur est brûlant, et l'amour l'a conduit. Me voici devant vous, ô belle entre les belles ! Qu'importent les dangers ? que sont les nuits cruelles Quand du palmier d'amour le fruit va se cueillir. Quand sous mes doigts tremblants je le sens tressaillir ? — Oui ! mais d'où vient ce cri, puis ces pas sur la pierre ? — C'est un des fils d'Aron qui sonne la prière. Et quoi ! vous pâlissez ! Que le feu du baiser Consume nos amours qu'il peut seul apaiser, Qu'il vienne remplacer cette crainte farouche Et fermer au refus la pourpre de ta bouche !...» On n'entendit plus rien, et les feux abrégés Dans les lampes d'airain moururent négligés.

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    Hercule Oeta, mont ennobli par cette nuit ardente, Quand l’infidèle époux d’une épouse imprudente Reçut de son amour un présent trop jaloux, Victime du centaure immolé par ses coups. Il brise tes forêts : ta cime épaisse et sombre En un bûcher immense amoncelle sans nombre Les sapins résineux que son bras a ployés. Il y porte la flamme ; il monte, sous ses pieds Étend du vieux lion la dépouille héroïque, Et l’oeil au ciel, la main sur la massue antique Attend sa récompense et l’heure d’être un dieu. Le vent souffle et mugit. Le bûcher tout en feu Brille autour du héros, et la flamme rapide Porte aux palais divins l’âme du grand Alcide !

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    L’oaristys Imitée de la XXVIIe idylle de Théocrite DAPHNIS. Hélène daigna suivre un berger ravisseur Berger comme Pâris, j’embrasse mon Hélène. NAÏS. C’est trop t’énorgueillir d’une faveur si vaine. DAPHNIS. Ah ! ces baisers si vains ne sont pas sans douceur. NAÏS. Tiens ; ma bouche essuyée en a perdu la trace. DAPHNIS. Eh bien ! d’autres baisers en vont prendre la place, NAÏS. Adresse ailleurs ces vœux dont l’ardeur me poursuit : Va, respecte une vierge. DAPHNIS. Imprudente bergère, Ta jeunesse te flatte ; ah ! n’en sois point si fière : Comme un songe insensible elle s’évanouit. NAÏS. Chaque âge a ses honneurs, et la saison dernière Aux fleurs de l’oranger fait succéder son fruit. DAPHNIS. Viens sous ces oliviers ; j’ai beaucoup à te dire. NAÏS. Non ; déjà tes discours ont voulu me tenter. DAPHNIS. Suis-moi sous ces ormeaux ; viens de grâce écouter Les sons harmonieux que ma flûte respire : J’ai fait pour toi des airs, je te les veux chanter ; Déjà tout le vallon aime à les répéter. NAÏS. Va, tes airs langoureux ne sauraient me séduire. DAPHNIS. Eh quoi ! seule à Vénus penses-tu résister ? NAÏS. Je suis chère à Diane ; elle me favorise. DAPHNIS. Vénus a des liens qu’aucun pouvoir ne brise. NAÏS. Diane saura bien me les faire éviter. Berger, retiens ta main…; berger, crains ma colère. DAPHNIS. Quoi ! tu veux fuir l’amour ! l’amour à qui jamais Le cœur d’une beauté ne pourra se soustraire ? NAÏS. Oui, je veux le braver… Ah !… si je te suis chère… Berger…, retiens ta main…, laisse mon voile en paix. DAPHNIS. Toi-même, hélas ! bientôt livreras ces attraits À quelque autre berger bien moins digne de plaire. NAÏS. Beaucoup m’ont demandée, et leurs désirs confus N’obtinrent, avant toi, qu’un refus pour salaire. DAPHNIS. Et je ne dois comme eux attendre qu’un refus. NAÏS. Hélas ! l’hymen aussi n’est qu’une loi de peine ; il n’apporte, dit-on, qu’ennuis et que douleurs. DAPHNIS. On ne te l’a dépeint que de fausses couleurs : Les danses et les jeux, voilà ce qu’il amène. NAÏS. Une femme est esclave. DAPHNIS. Ah ! plutôt elle est reine. NAÏS. Tremble près d’un époux et n’ose lui parler. DAPHNIS. Eh ! devant qui ton sexe est-il fait pour trembler ? NAÏS. À des travaux affreux Lucine nous condamne. DAPHNIS. Il est bien doux alors d’être chère à Diane. NAÏS. Quelle beauté survit à ces rudes combats ? DAPHNIS. Une mère y recueille une beauté nouvelle : Des enfans adorés feront tous tes appas ; Tu brilleras en eux d’une splendeur plus belle. NAÏS. Mais, tes vœux écoutés, quel en serait le prix ? DAPHNIS. Tout : mes troupeaux, mes bois et ma belle prairie ; Un jardin grand et riche, une maison jolie, Un bercail spacieux pour tes chères brebis ; Enfin, tu me diras ce qui pourra te plaire ; Je jure de quitter tout pour te satisfaire : Tout pour toi sera fait aussitôt qu’entrepris. NAÏS. Mon père… DAPHNIS. Oh ! s’il n’est plus que lui qui te retienne, Il approuvera tout dès qu’il saura mon nom. NAÏS. Quelquefois il suffit que le nom seul prévienne : Quel est ton nom ? DAPHNIS. Daphnis ; mon père est Palémon. NAÏS. Il est vrai : ta famille est égale à la mienne. DAPHNIS. Rien n’éloigne donc plus cette douce union. NAÏS. Montre-les moi ces bois qui seront mon partage. DAPHNIS. Viens ; c’est à ces cyprès de leurs fleurs couronnés. NAÏS. Restez chères brebis ; restez sous cet ombrage. DAPHNIS. Taureaux, paissez en paix ; à celle qui m’engage Je vais montrer les biens qui lui sont destinés. NAÏS. Satvre, que fais-tu ? Quoi ! ta main ose encore… DAPHNIS. Eh ! laisse-moi toucher ces fruits délicieux… Et ce jeune duvet… NAÏS. Berger…, au nom des dieux… Ah :… je tremble… DAPHNIS. Et pourquoi ? que crains-tu ? Je t’adore. Viens. NAÏS. Non ; arrête… Vois, cet humide gazon Va souiller ma tunique, et je serais perdue ; Mon père le verrait. DAPHNIS. Sur la terre étendue Saura te garantir cette épaisse toison. NAÏS. Dieux ! quel est ton dessein ? Tu m’ôtes ma ceinture. DAPHNIS. C’est un don pour Vénus ; vois, son astre nous luit. NAÏS. Attends… ; si quelqu’un vient… Ah dieux ! j’entends du bruit. DAPHNIS. C’est ce bois qui de joie et s’agite et murmure. NAÏS. Tu déchires mon voile !… Où me cacher ! Hélas ! Me voilà nue ! où fuir ! DAPHNIS. À ton amant unie, De plus riches habits couvriront tes appas. NAÏS. Tu promets maintenant… Tu préviens mon envie ; Bientôt à mes regrets tu m’abandonneras. DAPHNIS. Oh non ! jamais… Pourquoi, grands dieux ! ne puis-je pas Te donner et mon sang, et mon ame, et ma vie. NAÏS. Ah… Daphnis ! je me meurs… Apaise ton courroux, Diane. DAPHNIS. Que crains-tu ? L’amour sera pour nous. NAÏS. Ah ! méchant, qu’as-tu fait ? DAPHNIS. J’ai signé ma promesse. NAÏS. J’entrai fille en ce bois, et chère à ma déesse. DAPHNIS. Tu vas en sortir femme, et chère à ton époux. FRAGMENT. Accours, jeune Chromis, je t’aime, et je suis belle ; Blanche comme Diane et légère comme elle, Comme elle grande et fière ; et les bergers, le soir, Lorsque, les yeux baissés, je passe sans les voir, Doutent si je ne suis qu’une simple mortelle, Et me suivant des yeux, disent ; « Comme elle est belle ! » Néere, ne vas point te confier aux flots » De peur d’être déesse ; et que les matelots » N’invoquent, au milieu de la tourmente amère, » La blanche Galathée et la blanche Néere. »

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    Pasiphaé Tu gémis sur l’Ida, mourante, échevelée, Ô reine ! ô de Minos épouse désolée ! Heureuse si jamais, dans ses riches travaux, Cérès n’eût pour le joug élevé des troupeaux ! Tu voles épier sous quelle yeuse obscure, Tranquille, il ruminait son antique pâture ; Quel lit de fleurs reçut ses membres nonchalants Quelle onde a ranimé l’albâtre de ses flancs. Ô nymphes, entourez, fermez, nymphes de Crète, De ces vallons fermez, entourez la retraite. Oh ! craignez que vers lui des vestiges épars Ne viennent à guider ses pas et ses regards. Insensée, à travers ronces, forêts, montagnes, Elle court. Ô fureur ! dans les vertes campagnes, Une belle génisse à son superbe amant Adressait devant elle un doux mugissement. La perfide mourra ; Jupiter la demande. Elle-même à son front attache la guirlande, L’entraine, et sur l’autel prenant le fer vengeur :  » Sois belle maintenant, et plais à mon vainqueur. «  Elle frappe. Et sa haine, à la flamme lustrale, Rit de voir palpiter le coeur de sa rivale.

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    Antonin Artaud

    Antonin Artaud

    @antoninArtaud

    Amour Et l’amour ? Il faut nous laver De cette crasse héréditaire Où notre vermine stellaire Continue à se prélasser L’orgue, l’orgue qui moud le vent Le ressac de la mer furieuse Sont comme la mélodie creuse De ce rêve déconcertant D’Elle, de nous, ou de cette âme Que nous assîmes au banquet Dites-nous quel est le trompé O inspirateur des infâmes Celle qui couche dans mon lit Et partage l’air de ma chambre Peut jouer aux dés sur la table Le ciel même de mon esprit

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    Antonin Artaud

    Antonin Artaud

    @antoninArtaud

    L’amour sans trêve Ce triangle d’eau qui a soif cette route sans écriture Madame, et le signe de vos mâtures sur cette mer où je me noie Les messages de vos cheveux le coup de fusil de vos lèvres cet orage qui m’enlève dans le sillage de vos yeux. Cette ombre enfin, sur le rivage où la vie fait trêve, et le vent, et l’horrible piétinement de la foule sur mon passage. Quand je lève les yeux vers vous on dirait que le monde tremble, et les feux de l’amour ressemblent aux caresses de votre époux.

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    A

    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Dieu et la liberté Tu ne peux le comprendre et ta bouche blasphème : Porte moins haut l’audace et connais-toi toi-même ! Le Mal est fils de l’homme et de sa volonté. Cet arbre aux fruits mortels s’ouvrit sur la nature Du jour où l’Éternel fit à sa créature Le présent de la liberté. L’homme, hélas ! en a mal usé : voilà son crime ! Du superbe et du fort, du faible qu’on opprime, Un jour Dieu jugera l’orgueil et les douleurs. Humble, à tes malheurs même il faut donc te soumettre, Toi qui dois rendre compte à ton souverain maître Du trésor amer de tes pleurs.

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    A

    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Les bois détruits À la mémoire de mon ami Louis Féry d’Esclands de l’île Bourbon I J’ai vu des nobles fils de nos forêts superbes Les grands troncs abattus dispersés dans les herbes, Et de l’homme en ces lieux j’ai reconnu les pas. Renversant de ses mains l’œuvre des mains divines, Partout sur son passage il sème et les ruines Et l’incendie et le trépas. Que de jours ont passé sur ces monts, que d’années Pour voiler de fraîcheur leurs cimes couronnées D’arbres aux troncs d’airain, aux feuillages mouvants ! S’il faut, hélas ! au temps des siècles pour produire, A l’homme un jour suffit pour abattre et détruire L’œuvre séculaire des ans. Sur ces sommets boisés qu’un souffle tiède embaume, Ma muse, blonde enfant qui naquit sous le chaume, Vers des cieux bleus et clairs essaya son essor ; Et butinant leur miel aux fleurs de Salazie, Elle errait et cueillait sa fraîche poésie, Légère abeille aux ailes d’or. Peut-être avant le jour où ma tête blanchie Penchera vers le sol, pesante et réfléchie, Revenant à ces lieux demander leurs abris, Je reverrai des monts sans verdure et sans ombres, Et, pleurant en secret nos solitudes sombres, Je gémirai sur leurs débris. Je veux fermer mon cœur aux douloureux présages… O gigantesques monts où dorment les nuages, De vos arbres sur nous balancez les arceaux ! Défendant vos beaux flancs des haches meurtrières, Que notre main conserve à vos têtes altières Leurs chevelures de rameaux ! Et vous, doux habitants de ces lieux solitaires, Hommes simples et purs, aux mœurs hospitalières, Respectez-les, ces bois qu’ont respectés les ans ! Laissez sous leur verdure et leurs ombres profondes Errer les couples blancs, jouer les têtes blondes Des colombes et des enfants. Joignez à l’arbre fier de sa haute stature L’humble arbuste où l’oiseau trouve sa nourriture ; Aux marges du torrent qui bouillonne argenté, Laissez rougir la fraise et la framboise éclore ; Que la pêche y suspende au soleil et colore Son fruit au duvet velouté. Que la brise, agitant vos touffes de jam-roses, Épanche autour de vous la douce odeur des roses ; Que leur dôme embaumé s’incline sur les eaux ; Sous leur voûte cachez vos maisonnettes blanches, Comme on voit, suspendus dans l’épaisseur des branches, Les nids ombragés des oiseaux. Restez sourds aux conseils d’une avide opulence ; De sagesse et d’amour vivez dans le silence. Le trésor le plus pur vient de la paix des cœurs. Mais chassez l’étranger de vos bois centenaires, Car il profanerait de ses mains mercenaires Vos forêts vierges et vos mœurs ! II Qu’ont-ils fait de nos bois, qu’ont-ils fait de nos terres, Ces défricheurs venus des plages étrangères, Par un vent de malheur sur nos grèves jetés ? Ne voulant voir en eux que des déshérités, Notre île hospitalière accueillit leur détresse En mère, et sur leurs deuils mesura sa tendresse. Abritant leurs fronts las, de son ciel tiède et pur Elle étendit sur eux la coupole d’azur ; Sous leurs pieds écartant les épines jalouses, Elle ouvrit le velours de ses molles pelouses, Fit chanter, pour bercer leurs souvenirs amers, Les oiseaux de ses bois et les flots de ses mers, Et leur prouva par l’acte et non par la parole La chaude loyauté de l’amitié créole. Mais tes fils adoptifs ont trahi tes bontés. Ils ont porté la mort dans tes champs dévastés. Le froid amour de l’or éteignant dans leurs âmes Le foyer virginal et noble aux belles flammes, Ils ont privé ton ciel de ses peuples d’oiseaux, Tes plaines de leurs fleurs, tes nymphes de leurs eaux ; Et, sapant tes forêts, ô ma mère ! leur glaive Fit tomber de ton front ta chevelure d’ Ève. Et nous avons permis que leurs bras éhontés Missent à nu les flancs qui nous ont enfantés ! Et sous nos yeux ils ont, de leurs mains libertines, Profané les secrets de tes formes divines ! Et nous l’avons souffert ! et nos justes fureurs N’ont pas honni, chassé ces durs dévastateurs Que la vague en courroux, rebuts d’un autre monde, Déposa sur nos bords comme une vase immonde ! O misère ! ô douleur ! Ce n’est pas tout encor, Car ils nous ont légué leur appétit pour l’or : A leur souffle glacé notre âme s’est flétrie ; Nous n’avons plus au cœur l’amour de la patrie ! De la terre natale où dorment nos aïeux Nous éloignons nos pas, nous détournons les yeux ; Nous n’aspirons qu’à l’heure où gorgés de richesses, Fuyant ces lieux, berceaux de nos pures jeunesses, Nous pourrons dans le sein des lointaines cités Étaler au grand jour nos sottes vanités ! Et pour voler au but où notre espoir s’attache, Nous portons en tous lieux et la flamme et la hache ; Et l’on ne voit partout que des champs dépouillés, Que d’arides plateaux aux rocs noirs et pelés, Qu’une herbe rare et jaune et des arbustes fauves Sur les flancs décharnés de nos montagnes chauves ; Et, courbés vers le sol, chaque jour dans son sein Nous fouillons de la pioche et du pic assassin. De nos champs épuisés, sans remords et sans trêve, Notre lèvre acharnée a bu toute la sève ; Et, desséchant ce sein qui nous a tous nourris, Quand il n’est plus de lait dans ses vaisseaux taris, Tout gonflés et repus du sang de notre mère, Nous faisons voile, hélas ! vers la rive étrangère, Et nous allons aux yeux des superbes cités Étaler au grand jour nos sottes vanités ! III O mère malheureuse ! ô mère délaissée ! Oui, garde sur tes yeux ta paupière baissée. Je comprends ta tristesse et comprends tes douleurs, Et mêle à tes regrets mes regrets et mes pleurs. Plus de verte savane et d’ombreuses collines, Où s’ouvrait la grenade aux perles purpurines ; Plus de hauts cocotiers et de beaux orangers S’affaissant sous le poids de leurs rameaux chargés ; Et tu ne verses plus sur la mer langoureuse Qui vient baiser tes pieds de sa vague amoureuse, Les souffles parfumés et les fraîches senteurs De tes arbres si beaux que les oiseaux pêcheurs, Fuyant des flots émus les rumeurs éternelles, Venaient s’y reposer pour embaumer leurs ailes ! Mais tout n’est pas perdu, mère, console-toi ! Il te reste des fils qui t’ont gardé leur foi, Qui, n’empruntant jamais leur vol aux hirondelles, Quand tout te trahirait te resteraient fidèles, Et qui, pour te servir jusqu’à leur dernier jour, A défaut du génie auront du moins l’amour ! Et près d’eux j’en sais un qui, sevré de tendresses, Du sort n’a point connu les prodigues caresses ; Mais qui, fils de tes flancs, fidèle humilié, Se consolant en toi-de lutter oublié, Se souviendra toujours que ses lèvres jumelles Ont sucé l’existence à tes brunes mamelles. Il ira, cet enfant dont le front révolté Porte un natal reflet de ta mâle âpreté, Il ira sur tes monts où siègent les nuages, Bleus-palais éthérés de l’esprit des orages ; Et là, seul avec toi, si dans l’ombre des nuits Il exhale en secret l’hymne de ses ennuis, Mère, à sa voix pardonne un accent de colère : Cette voix dut flétrir ta honte séculaire. S’il naquit pour chanter les bois, les eaux, les fleurs, Le sort ne lui fut pas avare de douleurs ; Enfant né pour le jour, persécuté par l’ombre, Il sait ce que la vie a de dégoûts sans nombre ; Aussi, triste, mais calme et bravant tout écueil, Il va seul à son but dans son tranquille orgueil. Sur les sommets altiers, sur la montagne austère, Il marche loin des pas des heureux de la terre ; Leurs injustes dédains à son âme ont appris A payer leurs dédains d’un trop juste mépris ; Mais de ce cœur blessé l’indulgence hautaine N’est jamais descendue au niveau de la haine ; Vers des dieux plus cléments il aspira toujours, Et toujours la nature eut ses hautes amours. Les torrents écumeux, la foudre et ses ravages Ont façonné son âme à leurs concerts sauvages ; Mais son verbe attendri, pour célébrer tes bords, O mon île ! oubliera les farouches accords. Pour chanter sur les monts ta verte Salazie Sa lèvre épanchera le miel de poésie ; Et le jour où, donnant dans un dernier adieu Sa dépouille à la tombe et son esprit à Dieu, Il se reposera d’une existence amère, Tu verseras peut-être une larme, ô ma mère !

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    La Bataille de Waterloo Ils ne sont plus, laissez en paix leur cendre; Par d’injustes clameurs ces braves outragés À se justifier n’ont pas voulu descendre; Mais un seul jour les a vengés : Ils sont tous morts pour vous défendre. Malheur à vous si vos yeux inhumains N’ont point de pleurs pour la patrie! Sans force contre vos chagrins, Contre le mal commun votre âme est aguerrie; Tremblez, la mort peut-être étend sur vous ses mains! Que dis-je? Quel français n’a répandu des larmes Sur nos défenseurs expirans? Prêt à revoir les rois qu’il regretta vingt ans, Quel vieillard n’a rougi du malheur de nos armes? En pleurant ces guerriers par le destin trahis, Quel vieillard n’a senti s’éveiller dans son ame Quelque reste assoupi de cette antique flamme Qui l’embrasait pour son pays? Que de leçons, grand dieu! Que d’horribles images L’histoire d’un seul jour présente aux yeux des rois! Clio, sans que la plume échappe de ses doigts, Pourra-t-elle en tracer les pages? Cachez-moi ces soldats sous le nombre accablés, Domptés par la fatigue, écrasés par la foudre, Ces membres palpitans dispersés sur la poudre, Ces cadavres amoncelés! Eloignez de mes yeux ce monument funeste De la fureur des nations; Ô mort! Epargne ce qui reste! Varus, rends-nous nos légions! Les coursiers frappés d’épouvante, Les chefs et les soldats épars, Nos aigles et nos étendards Souillés d’une fange sanglante, Insultés par les léopards, Les blessés mourant sur les chars, Tout se presse sans ordre, et la foule incertaine, Qui se tourmente en vains efforts, S’agite, se heurte, se traîne, Et laisse après soi dans la plaine Du sang, des débris et des morts. Parmi des tourbillons de flamme et de fumée, Ô douleur, quel spectacle à mes yeux vient s’offrir? Le bataillon sacré, seul devant une armée, S’arrête pour mourir. C’est en vain que, surpris d’une vertu si rare, Les vainqueurs dans leurs mains retiennent le trépas. Fier de le conquérir, il court, il s’en empare; La garde, avait-il dit, meurt et ne se rend pas. On dit qu’en les voyant couchés sur la poussière, D’un respect douloureux frappé par tant d’exploits, L’ennemi, l’oeil fixé sur leur face guerrière, Les regarda sans peur pour la première fois. Les voilà ces héros si long-temps invincibles! Ils menacent encor les vainqueurs étonnés! Glacés par le trépas, que leurs yeux sont terribles! Que de hauts faits écrits sur leurs fronts sillonnés! Ils ont bravé les feux du soleil d’Italie, De la castille ils ont franchi les monts; Et le nord les a vus marcher sur les glaçons Dont l’éternel rempart protége la Russie. Ils avaient tout dompté… Le destin des combats Leur devait, après tant de gloire, Ce qu’aux français naguère il ne refusait pas; Le bonheur de mourir dans un jour de victoire. Ah! Ne les pleurons pas! Sur leurs fronts triomphans La palme de l’honneur n’a pas été flétrie; Pleurons sur nous, français, pleurons sur la patrie; L’orgueil et l’intérêt divisent ses enfans. Quel siècle en trahisons fut jamais plus fertile? L’amour du bien commun de tous les coeurs s’exile; La timide amitié n’a plus d’épanchemens; On s’évite, on se craint; la foi n’a plus d’asile, Et s’enfuit d’épouvante au bruit de nos sermens. O vertige fatal! Déplorables querelles Qui livrent nos foyers au fer de l’étranger! Le glaive étincelant dans nos mains infidèles, Ensanglante le sein qu’il devrait protéger. L’ennemi cependant renverse les murailles De nos forts et de nos cités; La foudre tonne encore, au mépris des traités. L’incendie et les funérailles Épouvantent encor nos hameaux dévastés; D’avides proconsuls dévorent nos provinces; Et, sous l’écharpe blanche, ou sous les trois couleurs, Les français, disputant pour le choix de leurs princes, Détrônent des drapeaux et proscrivent des fleurs. Des soldats de la Germanie J’ai vu les coursiers vagabonds Dans nos jardins pompeux errer sur les gazons, Parmi ces demi-dieux qu’enfanta le génie. J’ai vu des bataillons, des tentes et des chars, Et l’appareil d’un camp dans le temple des arts. Faut-il, muets témoins, dévorer tant d’outrages? Faut-il que le français, l’olivier dans la main, Reste insensible et froid comme ces dieux d’airain Dont ils insultent les images? Nous devons tous nos maux à ces divisions Que nourrit notre intolérance. Il est temps d’immoler au bonheur de la France Cet orgueil ombrageux de nos opinions. Etouffons le flambeau des guerres intestines. Soldats, le ciel prononce, il relève les lis; Adoptez les couleurs du héros de Bovines, En donnant une larme aux drapeaux d’Austerlitz. France, réveille-toi! Qu’un courroux unanime Enfante des guerriers autour du souverain! Divisés, désarmés, le vainqueur nous opprime; Présentons-lui la paix, les armes à la main. Et vous, peuples si fiers du trépas de nos braves, Vous, les témoins de notre deuil, Ne croyez pas, dans votre orgueil, Que, pour être vaincus, les français soient esclaves. Gardez-vous d’irriter nos vengeurs à venir; Peut-être que le ciel, lassé de nous punir, Seconderait notre courage; Et qu’un autre Germanicus Irait demander compte aux Germains d’un autre âge De la défaite de Varus.

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    Parthénope et l’étrangère À M. Pouqueville O femme, que veux-tu ? – Parthénope, un asile. – Quel est ton crime ? – Aucun. – Qu’as-tu fait ? – Des ingrats. – Quels sont tes ennemis ? – Ceux qu’affranchit mon bras ; Hier on m’adorait, aujourd’hui l’on m’exile. – Comment dois-tu payer mon hospitalité ? – Par des périls d’un jour et des lois éternelles. – Qui t’osera poursuivre au sein de ma cité ? – Des rois. – Quand viendront-ils ? – Demain. – De quel côté ? – De tous… Eh bien ! Pour moi tes portes s’ouvrent-elles ? – Entre ; quel est ton nom ? – Je suis la Liberté ! Recevez-la, remparts antiques, Par elle autrefois habités ; Au rang de vos divinités Recevez-la, sacrés portiques ; Levez-vous, ombres héroïques, Faites cortége à ses côtés. Beau ciel napolitain, rayonne d’allégresse ; Ô terre, enfante des soldats ; Et vous, peuples, chantez ; peuples, c’est la déesse Pour qui mourut Léonidas. Sa tête a dédaigné des ornemens futiles : Les siens sont quelques fleurs qui semblent s’entr’ouvrir ; Le sang les fit éclore au pied des thermopyles : Deux mille ans n’ont pu les flétrir. Sa couronne immortelle exhale sur sa trace Je ne sais quel parfum dont s’enivre l’audace ; Sa voix terrible et douce a des accens vainqueurs, Qui ne trouvent point de rebelle ; Ses yeux d’un saint amour font palpiter les cœurs, Et la vertu seule est plus belle. Le peuple se demande, autour d’elle arrêté, Comment elle a des rois encouru la colère. « Hélas ! Répond cette noble étrangère, Je leur ai dit la vérité. Si jamais sous mon nom l’imprudence ou la haine Ébranla leur pouvoir, que je veux contenir, Est-ce à moi d’en porter la peine ? Est-ce aux Germains à m’en punir ? « Ont-ils donc oublié, ces vaincus de la veille, Ces esclaves d’hier, aujourd’hui vos tyrans, Que leurs cris de détresse ont frappé mon oreille, Qu’auprès d’Arminius j’ai marché dans leurs rangs ? Seule, j’ai rallié leurs peuplades tremblantes ; Et, de la Germanie armant les défenseurs, J’ai creusé de mes mains, dans ses neiges sanglantes, Un lit de mort aux oppresseurs. « Vengez-moi, justes dieux qui voyez mes outrages. Puisse le souvenir de mes bienfaits passés Poursuivre ces ingrats, par l’effroi dispersés ! Puissent les fils d’Odin errans sur les nuages, Le front chargé d’orages, La nuit leur apparaître à la lueur des feux ! Et puissent les débris des légions romaines, Dont j’ai blanchi leurs plaines, Se lever devant eux ! « Que dis-je ? Rome entière est-elle ensevelie Dans la poudre de leurs sillons ? Mon pied, frappant le sein de l’antique Italie, En fait jaillir des bataillons. Rome, ne sens-tu pas, au fond de tes entrailles, S’agiter les froids ossemens Des guerriers citoyens, que tant de funérailles Ont couchés sous tes monumens ? « Génois, brisez vos fers ; la mer impatiente De vous voir secouer un indigne repos, Se gonfle avec orgueil sous la forêt flottante Où vous arborez mes drapeaux. « Veuve des Médicis, renais, noble Florence ! Préfère à ton repos tes droits que je défends ; Préfère à l’esclavage, où dorment tes enfans, Ton orageuse indépendance. « Ô fille de Neptune, ô Venise, ô cité Belle comme Vénus, et qui sortis comme elle De l’écume des flots, surpris de ta beauté, Épouvante Albion d’une splendeur nouvelle. Doge, règne en mon nom ; sénat, reconnais-moi ; Réveille-toi, Zéno ; Pisani, lève-toi : C’est la liberté qui t’appelle. » Elle dit : à sa voix s’agite un peuple entier. Dans la fournaise ardente Je vois blanchir l’acier : J’entends le fer crier Sous la lime mordante ; L’enclume au loin gémit, l’airain sonne, un guerrier Prépare à ce signal sa lance menaçante, Un autre son coursier. Le père chargé d’ans, mais jeune encor d’audace, Arme son dernier fils, le devance et prend place Au milieu des soldats. Arrêté par sa sœur qui rit de sa colère, L’enfant dit à sa mère : Je veux mourir dans les combats. Que n’auraient-ils pas fait, ceux en qui la vaillance Avait la force pour appui ? Quel homme dans la fuite eût mis son espérance, Et quel homme aurait craint pour lui Cette mort que cherchaient la vieillesse et l’enfance ? Ils s’écrièrent tous d’une commune voix : « Assis sous ton laurier que nous courons défendre, Virgile, prends ta lyre et chante nos exploits ; Jamais un oppresseur ne foulera ta cendre. » Ils partirent alors ces peuples belliqueux, Et trente jours plus tard, oppresseur et tranquille, Le germain triomphant s’enivrait avec eux Au pied du laurier de Virgile. La Liberté fuyait en détournant les yeux, Quand Parthénope la rappelle. La déesse un moment s’arrête au haut des cieux ; « Tu m’as trahie ; adieu, dit-elle, Je pars. – Quoi ! Pour toujours ? – On m’attend. – Dans quel lieu ? – En Grèce. – On y suivra tes traces fugitives. – J’aurai des défenseurs. – Là, comme sur mes rives, On peut céder au nombre. – Oui, mais on meurt ; adieu ! »

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Abel et Caïn I Race d’Abel, dors, bois et mange ; Dieu te sourit complaisamment. Race de Caïn, dans la fange Rampe et meurs misérablement. Race d’Abel, ton sacrifice Flatte le nez du Séraphin ! Race de Caïn, ton supplice Aura-t-il jamais une fin ? Race d’Abel, vois tes semailles Et ton bétail venir à bien ; Race de Caïn, tes entrailles Hurlent la faim comme un vieux chien. Race d’Abel, chauffe ton ventre À ton foyer patriarcal ; Race de Caïn, dans ton antre Tremble de froid, pauvre chacal ! Race d’Abel, aime et pullule ! Ton or fait aussi des petits. Race de Caïn, cœur qui brûle, Prends garde à ces grands appétits. Race d’Abel, tu croîs et broutes Comme les punaises des bois ! Race de Caïn, sur les routes Traîne ta famille aux abois. II Ah ! race d’Abel, ta charogne Engraissera le sol fumant ! Race de Caïn, ta besogne N’est pas faite suffisamment ; Race d’Abel, voici ta honte : Le fer est vaincu par l’épieu ! Race de Caïn, au ciel monte, Et sur la terre jette Dieu !

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    D

    Didier Venturini

    @didierVenturini

    Pour l’exemple Pas de clairon ni de couronne juste une chanson celle de Craonne pour les mutins d’la der des ders pour le trop-plein de leurs colères chemins des drames bout du rouleau poser les armes l’assaut de trop jours sans soleils il fait si froid même nos sommeils portent leurs croix tombe la sentence du déshonneur morts pour l’offense au champ d’horreur alors adieux frères de combat quel douloureux jour ce trépas c’est en soldats que nous mourons ne laissez pas salir nos noms même sans clairon même sans couronne reste une chanson celle de Craonne

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    D

    Dominique Pagnier

    @dominiquePagnier

    L'heure de la trahison Quand sous le luxe sombre de septembre se couche le corps animal du monde — les prés humides, les tourbières suant le soir, la sphaigne au fond des étangs —, et que l'âme s'élève par les étages les plus frêles de l'air jusqu'à la suffocation bleue de son essence, Quand sonne l'heure d'adorer la divinité sensible dont la musculature se transforme en étoile de plomb, et que l'amant doit s'effacer sans connaître un amour, Mère revoit sa vie comme un objet de honte. (Les règles contrefaites, les clefs perdues, les verrous forcés et la toilette vite refaite pour le retour de son seigneur avec des airs de fatigue bien méritée.) Entendant s'éloigner les pas du soupirant, l'enfant dont c'est la beauté d'être malade garde la chambre. Pendant des heures, sa vue s'abîme à trouver des empires sur l'image transparente de ses poumons. Des trompettes tonnent lointaines annonçant qu'un héros se lève de Juda pour vaincre avec puissance.

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    D

    Dominique Pagnier

    @dominiquePagnier

    La fin des adultères Le poudrier ouvert sur le secret des fausses pâleurs après quoi languissent les soupirants derrière la porte. La main spécieuse qui en tire un nuage comme autour de la lune rousse d'été. La mélancolie des bijoux sur le marbre de la console quand ils refroidissent de la tiédeur que leur donna la cbair émue. Les seins blancs découverts au miroir et ce miroir qui ne montre que la verdure du paradis où descend d'entre les nuées l'épée de lumière cherchant les corps tremblants de honte. Puis les bras qu'elle plie pour remonter ses cheveux et les aisselles s'ouvrant telles des conques avec une sueur de naufrage. Enfin la chambre qu'on aère pour dissiper l'odeur obscure de la scène. Mais dehors le dernier orage avec ses vieilles couleurs romantiques et le chagrin du Seigneur qui n'a pu empêcher que ne soit lapidée la rose par la grêle. Les adieux des silhouettes sous le platane. Les forêts lointaines où les trompes sonnent qu'on a retrouvé nue la sainte brabançonne.

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    D

    Dominique Pagnier

    @dominiquePagnier

    Les infidélités Parfois l'amour dure un hiver et, dans la pure figure morale des forêts, même vertu éclaire cœurs d'amants et consciences des cervidés. Une étoile toujours plus froide monte de l'est avant la nuit. En elle meurt un monde ; le dit sa clarté rouge plus que son nom qui marqua la naissance d'un chasseur. Couples qui n'avez à cette heure où le soir ronge les feuillages pas une seule parole pour apaiser la vive bête du sentiment, quel abri cherchez-vous sous des arbres d'un tel dénuement ? Toute femme qui rentre assez tard et sans excuses a une odeur de carburant et de destruction des forêts. Qu'elle se couche tournant le dos à l'époux, demeurent au fond de son cœur de vieux essais d'amour, des pas perdus d'animaux, et ses joues passionnées trahissent l'amitié du faune.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Ferrum est quod amant À José Maria de Heredia. Sous les pleurs du jet d’eau qui bruit dans la vasque, Armide étreint les flancs du héros enchaîné. Près d’Ares, qui de sang ruisselle, Dioné Mêle ses fins cheveux aux crins rudes d’un casque Donc, ô femme, toujours ton caprice fantasque Aux boucles des brassards s’accroche fasciné. Ton orgueil, par le glaive absurde dominé, Tombe aux pieds des pesants pourfendeurs comme un masque. Si tu t’offres ainsi, lubrique, à ces vainqueurs, C’est qu’ils ont comme toi versé le sang des cœurs. C’est que ta lèvre rouge est pareille à des traces Sanglantes sur l’épée aux sinistres éclairs, Et que, mieux qu’au miroir, dans l’acier des cuirasses Tu te plais à mirer tes yeux cruels et clairs.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Solitude Je sais une chapelle horrible et diffamée, Dans laquelle autrefois un prêtre s’est pendu. Depuis ce sacrilège effroyable on a dû La tenir pour toujours aux fidèles fermée. Plus de croix sur l’autel, plus de cierge assidu, Plus d’encensoir perdant son âme parfumée. Sous les arceaux déserts une funèbre armée De feuilles mortes court en essaim éperdu. Ma conscience est cette église de scandales ; Mes remords affolés bondissent sur les dalles ; Le doute, qui faisait mon orgueil, me punit. Obstiné sans grandeur, je reste morne et sombre, Et ne puis même pas mettre mon âme à l’ombre Du grand geste de Christ qui plane et qui bénit.

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    François Mauriac

    François Mauriac

    @francoisMauriac

    La marée infidèle Dans ce corps que mes bras creusaient comme des lierres. Où la trace est encore de leurs furieux gestes. Je n'entends rien qui bat, non plus qu'au temps des siestes Lorsque, enfant, j'appuyais mon oreille à la terre. Moi qui n'exigeais rien de la terre muette Qu'à mes poignets un rêche attouchement de mousse. J'eusse voulu de vous, quand vous m'étiez sujette. Ce zèle de la mer que la lune repousse. Réticentes amours sans cesse retirées, N'épandrez-vous jamais sur mon aride sable Cette fidélité grondante des marées. Ces retours d'amertume à l'heure inéluctable ? Poursuivi de ton flux, si je me voulais chaste. Je fuyais vainement l'écume défendue. Mais quand je t'appelais pour que tu me dévastes. Tu feignais de dormir, mer étale et perdue.

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    François Mauriac

    François Mauriac

    @francoisMauriac

    Trahison d'atys Les cimes de la mer imitaient le murmure. L'orage qui rôdait à travers les ramures Eclaira d'un feu bref deux mondes confondus. Deux pâles univers l'un dans l'autre perdus : Atys et Sangaris, dont la blancheur humaine. L'espace d'un éclair, déconcerta ma haine. Je tordis sur leurs corps mille bras furieux. Mais l'âpre paradis où ces corps m'avaient fuie, Le plaisir, les rendait indifférents aux dieux Et la foudre inutile embrasait de ses feux Leurs jeunes flancs luisants de sueur et de pluie. Alors je fis silence autour de ce bonheur. Mes branches s'égouttaient sur la double torpeur, Sur le double sommeil de cette chair souillée D'où montait le parfum de la terre mouillée.

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    François-René de Chateaubriand

    François-René de Chateaubriand

    @francoisReneDeChateaubriand

    Ballade de l’Abencerage Le roi don Juan Un jour chevauchant Vit sur la montagne Grenade d’Espagne ; Il lui dit soudain : Cité mignonne, Mon coeur te donne Avec ma main. Je t’épouserai, Puis apporterai En dons à ta ville Cordoue et Séville. Superbes atours Et perles fines Je te destine Pour nos amours. Grenade répond : Grand roi de Léon, Au Maure liée, Je suis mariée. Garde tes présents : J’ai pour parure Riche ceinture Et beaux enfants. Ainsi tu disais ; Ainsi tu mentais. O mortelle injure ! Grenade est parjure ! Un chrétien maudit D’Abencerage Tient l’héritage : C’était écrit ! Jamais le chameau N’apporte au tombeau, Près de la piscine, L’haggi de Médine. Un chrétien maudit D’Abencerage Tient l’héritage : C’était écrit ! O bel Alhambra ! O palais d’Allah ! Cité des fontaines ! Fleuve aux vertes plaines ! Un chrétien maudit D’Abencerage Tient l’héritage : C’était écrit !

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    A

    Alexis-Félix Arvers

    @alexisFelixArvers

    À Alfred Tattet Alfred, j’ai vu des jours où nous vivions en frères, Servant les mêmes dieux aux autels littéraires : Le ciel n’avait formé qu’une âme pour deux corps ; Beaux jours d’épanchement, d’amour et d’harmonie, Où ma voix à la tienne incessamment unie Allait se perdre au ciel en de divins accords. Qui de nous a changé ? Pourquoi dans la carrière L’un court-il en avant, laissant l’autre en arrière ? Lequel des deux soldats a déserté les rangs ? Pourquoi ces deux vaisseaux qui naviguaient ensemble, Désespérant déjà d’un port qui les rassemble, Vont-ils chercher si loin des bords si différents ? Je n’ai pas dévoué mon maître aux gémonies, Je n’ai pas abreuvé de fiel et d’avanies L’idole où mes genoux s’usaient à se plier : Je n’ai point du passé répudié la trace, J’y suis resté fidèle, et n’ai point, comme Horace, Au milieu du combat jeté mon bouclier. Non, c’est toi qui changeas. Un nom qui se révèle T’éblouit des rayons de sa gloire nouvelle. Tu vois dans le bourgeon le fruit qui doit mûrir : Mécène du Virgile et saint Jean du Messie, Tu répands en tous lieux la saint Prophétie, Tu sèmes la parole et tu la fais fleurir. Je ne suis pas de ceux qui vont dans les orgies S’inspirer aux lueurs blafardes des bougies, Qui dans l’air obscurci par les vapeurs du vin, Tentent de ranimer leur muse exténuée, Comme un vieillard flétri qu’une prostituée Sous ses baisers impurs veut réchauffer en vain. C’est ainsi que j’entends l’œuvre de poésie : Chacun de nous s’est fait l’art à sa fantaisie, Chacun de nous l’a vu d’un différent côté. Prisme aux mille couleurs, chaque œil en saisit une Suivant le point divers où l’a mis la fortune : Dieu lui seul peut tout voir dans son immensité. Conserve la croyance et respecte la nôtre, Apôtre dévoué de la gloire d’un autre ; Fais-toi du nouveau Dieu confesseur et martyr, Ne crois pas que mon cœur cède comme une argile Ni que ta voix, prêchant le nouvel Évangile, Si chaude qu’elle soit, puisse me convertir. Adieu. Garde ta foi, garde ton opulence. Laisse-moi recueillir mon cœur dans le silence, Laisse-moi consumer mes jours comme un reclus ; Pardonne cependant à cette rêverie, C’est le chant d’un proscrit en quittant la patrie, C’est la voix d’un ami que tu n’entendras plus.

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    A

    Alexis-Félix Arvers

    @alexisFelixArvers

    La femme adultère Écoutez ce que c’est que la femme adultère. Sa joie est un tourment, sa douleur un mystère : Dans son cœur dégradé que le crime avilit Un autre a pris la place à l’époux réservée ; D’impures voluptés elle s’est abreuvée ; Un autre est venu dans son lit. Dévorée au dedans d’une flamme cachée, Toujours, devant les yeux son image attachée Jusqu’aux bras d’un époux vient encor la troubler ; Elle reste au logis des heures à l’attendre. Prête l’oreille et dit, quand elle croit l’entendre, A ses enfants de s’en aller. Son complice ! des lois il brave la vengeance ! Qui pourrait, trahissant leur sourde intelligence, Éveiller dans les cœurs le soupçon endormi ? De son crime impuni le succès l’encourage, La mère lui sourit, et l’époux qu’il outrage L’embrasse en disant : mon ami. Voici venir enfin l’heure tant retardée ; Les voilà seuls, la porte est close et bien gardée : Pourquoi cet air pensif, pourquoi cet œil distrait ? Pourquoi toujours trembler et pâlir d’épouvante ? Personne ne l’a vu monter, et la suivante A reçu le prix du secret. Dans un festin brillant le hasard les rassemble ; Leurs sièges sont voisins. Que vont-ils dire ensemble ? Quel sinistre bonheur dans leurs regards a lui ! Oh retiens les éclairs de ta prunelle ardente, Garde de te trahir, et de boire, imprudente ! Dans la même coupe après lui ! Que dis-je ? Du mépris et de l’indifférence Elle sait à son œil imposer l’apparence : Un regard indiscret jamais ne révéla De son cœur déchiré la sombre inquiétude. Elle s’observe, et sait, à force d’habitude, Rester froide quand il est là ! Ses tourments sont cachés à tous, soyez sans crainte ; Aussi regardez-la sans gêne et sans contrainte Répondre à vingt propos, sourire… oh si du moins, Pour apaiser l’ardeur dont elle est embrasée, Elle pouvait, auprès d’une obscure croisée, L’avoir un instant sans témoins ! Sentir le bruit léger de sa robe froissée, Dans les plis de satin sa jambe entrelacée, Lui donner d’un regard l’heure du lendemain, Et, dans ce tourbillon qui roule et qui l’emporte. Lui dire… ou seulement debout, près de la porte, En passant lui serrer la main ! Cependant, pas à pas, la vieillesse est venue Troubler son cœur flétri d’une crainte inconnue. Le prestige enivrant s’est enfin dissipé : Il faut quitter l’amour, l’amour et son ivresse ; Il faut se trouver seule et subir la tendresse De cet homme qu’elle a trompé.

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    A

    Alexis-Félix Arvers

    @alexisFelixArvers

    La vengeance Quand j’entrai dans la vie, au sortir de l’enfance, A cet âge innocent où l’homme sans défense, Inquiet, sans appui, cherche un guide indulgent, Et, demandant au ciel un ami qui l’entende. Sent qu’il a si besoin d’une main qu’on lui tende Et d’un regard encourageant ; Toi seule, armant ta voix d’une affreuse ironie, As fait sur un enfant peser ta tyrannie : A tes rires amers que tu m’as immolé ! Par un plaisir cruel prolongeant ma souffrance, Ta bouche comme un crime a puni l’ignorance Et tes dédains m’ont accablé. Sais-tu que se venger est bien doux ? Mon courage A supporté l’affront et dévoré l’outrage : Comme une ombre importune attachée à tes pas J’ai su te fatiguer par ma fausse tendresse, J’ai su tromper ton cœur, j’ai su feindre l’ivresse D’un amour que je n’avais pas. Te souviens-tu d’abord comme ta résistance Par de cruels mépris éprouva ma constance. Mais je pleurai, je crois, je parlai de mourir… Et puis, on ne peut pas toujours être rebelle ; A s’entendre sans fin répéter qu’on est belle, Il faut pourtant bien s’attendrir. Grâce au ciel ! ma victoire est enfin assurée ; Au mépris d’un époux et de la foi jurée. Enfin, tu t’es livrée à moi, tu m’appartiens ! J’ai senti dans ma main frémir ta main tremblante Et mes baisers errants sur ta bouche brûlante Se sont mêlés avec les tiens ! Et bien ! sache à présent, et que ton cœur se brise. Sache que je te hais et que je te méprise, Sache bien que jamais je ne voulus t’avoir Que pour pouvoir un jour en face te maudire. Rire de tes tourments, à mon tour, et te dire Tout ce que je souffre à te voir ! As-tu donc pu jamais, malheureuse insensée, Croire que ton image occupait ma pensée ? Connais-moi maintenant et comprends désormais Quelle horreur me poussait, quelle rage m’enflamme, Et ce qu’il m’a fallu de haine au fond de l’âme Pour te dire que je t’aimais ? J’ai donc bien réussi, je t’ai donc bien frappée ; Par un adolescent ta vanité trompée A pu croire aux serments que ma voix te jurait ! Malgré cet œil perçant, malgré ce long usage, Tu n’as donc jamais rien trouvé sur mon visage Qui trahît cet affreux secret ? Je te lègue en fuyant, une honte éternelle. Je veux que le remords, active sentinelle. S’attache à sa victime, et veille à tes côtés, Qu’il expie à la fois mes chagrins, mes injures Et cette horrible gêne et ces mille parjures Que la vengeance m’a coûtés. C’est bien. Je suis content : j’ai passé mon envie ; D’un souvenir amer j’empoisonne ta vie. Va-t’en ! pour me fléchir ces cris sont superflus. Va-t’en ! pleure à jamais ta honte et ta faiblesse Et songe bien au moins que c’est moi qui te laisse Et que c’est moi qui ne veux plus !

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    G

    Gaston Couté

    @gastonCoute

    La rose de l’absent Le beau chevalier était à la guerre… Le beau chevalier avait dit adieu A sa dame aimée, Anne de Beaucaire Aux yeux plus profonds que le grand ciel bleu. Le beau chevalier, à genoux près d’elle, Avait soupiré, lui baisant la main :  » Je suis tout à vous ! soyez-moi fidèle ; A bientôt !… je vais me mettre en chemin.  » Anne répondit avec un sourire :  » Toujours, sur le Christ ! je vous aimerai, Emportez mon coeur ! allez, mon beau sire, Il vous appartient tant que je vivrai.  » Alors, le vaillant, tendant à sa dame Une rose blanche en gage d’amour, S’en était allé près de l’oriflamme De son Suzerain, duc de Rocamour. Le beau chevalier était à la guerre… Anne, la perfide aux yeux de velours, Foulant son naÏf serment de naguère, Reniait celui qui l’aimait toujours ; Et, sa blanche main dans les boucles folles D’un page mignard, elle murmurait Doucement, tout bas, de tendres paroles A l’éphèbe blond qui s’abandonnait. Mais, soudain, voulant respirer la rose Du fier paladin oublié depuis, Elle eut peur et vit perler quelque chose De brillant avec des tons de rubis. Cela s’étendait en tache rougeâtre Sur la fleur soyeuse aux pétales blancs Comme ceux des lis et comme l’albâtre… La rose échappa de ses doigts tremblants ; La rose roula tristement par terre… Une voix alors sortit de son coeur ; Cette voix était la voix du mystère, La voix du reproche et de la douleur.  » Il est mort, méchante, il est mort en brave ! Et songeant à toi, le beau chevalier ; Son âme est au ciel, chez le bon Dieu grave Et doux, où jamais tu n’iras veiller ; Où tu n’iras pas, même une seconde, Car ta lèvre doit éternellement Souffrir et brûler, par dans l’autre monde, Au feu des baisers d’un démon méchant…  » Et la voix se tut sous le coup du charme, La fleur se flétrit, Anne, se baissant N’aperçut plus rien, plus rien qu’une larme Avec une goutte épaisse de sang.

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    G

    Guillaume Riou

    @guillaumeRiou

    Dérapage Contre toute attente – subitement – de bouches, que je croyais respectueuses, tombent des mots barbelés d’intolérance. Douloureuse, la déception m’étrangle, me brusque et me plante sa lame en pleine naïveté.

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    Gérard de Nerval

    Gérard de Nerval

    @gerardDeNerval

    Le Christ aux oliviers Dieu est mort ! le ciel est vide… Pleurez ! enfants, vous n’avez plus de père ! I Quand le Seigneur, levant au ciel ses maigres bras Sous les arbres sacrés, comme font les poètes, Se fut longtemps perdu dans ses douleurs muettes, Et se jugea trahi par des amis ingrats ; Il se tourna vers ceux qui l’attendaient en bas Rêvant d’être des rois, des sages, des prophètes… Mais engourdis, perdus dans le sommeil des bêtes, Et se prit à crier : « Non, Dieu n’existe pas ! » Ils dormaient. « Mes amis, savez-vous la nouvelle ? J’ai touché de mon front à la voûte éternelle ; Je suis sanglant, brisé, souffrant pour bien des jours ! « Frères, je vous trompais : Abîme ! abîme ! abîme ! Le dieu manque à l’autel où je suis la victime… Dieu n’est pas ! Dieu n’est plus ! » Mais ils dormaient toujours !… II Il reprit : « Tout est mort ! J’ai parcouru les mondes ; Et j’ai perdu mon vol dans leurs chemins lactés, Aussi loin que la vie en ses veines fécondes, Répand des sables d’or et des flots argentés : « Partout le sol désert côtoyé par les ondes, Des tourbillons confus d’océans agités… Un souffle vague émeut les sphères vagabondes, Mais nul esprit n’existe en ces immensités. « En cherchant l’œil de Dieu, je n’ai vu qu’un orbite Vaste, noir et sans fond, d’où la nuit qui l’habite Rayonne sur le monde et s’épaissit toujours ; « Un arc-en-ciel étrange entoure ce puits sombre, Seuil de l’ancien chaos dont le néant est l’ombre, Spirale engloutissant les Mondes et les Jours ! III « Immobile Destin, muette sentinelle, Froide Nécessité !… Hasard qui, t’avançant Parmi les mondes morts sous la neige éternelle, Refroidis, par degrés, l’univers pâlissant, « Sais-tu ce que tu fais, puissance originelle, De tes soleils éteints, l’un l’autre se froissant… Es-tu sûr de transmettre une haleine immortelle, Entre un monde qui meurt et l’autre renaissant ?… « Ô mon père ! est-ce toi que je sens en moi-même ? As-tu pouvoir de vivre et de vaincre la mort ? Aurais-tu succombé sous un dernier effort « De cet ange des nuits que frappa l’anathème ?… Car je me sens tout seul à pleurer et souffrir, Hélas ! et, si je meurs, c’est que tout va mourir ! » IV Nul n’entendait gémir l’éternelle victime, Livrant au monde en vain tout son cœur épanché ; Mais prêt à défaillir et sans force penché, Il appela le seul – éveillé dans Solyme : « Judas ! lui cria-t-il, tu sais ce qu’on m’estime, Hâte-toi de me vendre, et finis ce marché : Je suis souffrant, ami ! sur la terre couché… Viens ! ô toi qui, du moins, as la force du crime ! » Mais Judas s’en allait, mécontent et pensif, Se trouvant mal payé, plein d’un remords si vif Qu’il lisait ses noirceurs sur tous les murs écrites… Enfin Pilate seul, qui veillait pour César, Sentant quelque pitié, se tourna par hasard : « Allez chercher ce fou ! » dit-il aux satellites. V C’était bien lui, ce fou, cet insensé sublime… Cet Icare oublié qui remontait les cieux, Ce Phaéton perdu sous la foudre des dieux, Ce bel Atys meurtri que Cybèle ranime ! L’augure interrogeait le flanc de la victime, La terre s’enivrait de ce sang précieux… L’univers étourdi penchait sur ses essieux, Et l’Olympe un instant chancela vers l’abîme. « Réponds ! criait César à Jupiter Ammon, Quel est ce nouveau dieu qu’on impose à la terre ? Et si ce n’est un dieu, c’est au moins un démon… » Mais l’oracle invoqué pour jamais dut se taire ; Un seul pouvait au monde expliquer ce mystère : – Celui qui donna l’âme aux enfants du limon.

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    Jacques Prévert

    Jacques Prévert

    @jacquesPrevert

    Les amoureux trahis Moi j'avais une lampe et toi la lumière Qui a vendu la mèche ?

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