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Guerre

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Poésies de la collection guerre

    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    1er Janvier Enfant, on vous dira plus tard que le grand-père Vous adorait ; qu'il fit de son mieux sur la terre, Qu'il eut fort peu de joie et beaucoup d'envieux, Qu'au temps où vous étiez petits il était vieux, Qu'il n'avait pas de mots bourrus ni d'airs moroses, Et qu'il vous a quittés dans la saison des roses ; Qu'il est mort, que c'était un bonhomme clément ; Que, dans l'hiver fameux du grand bombardement, Il traversait Paris tragique et plein d'épées, Pour vous porter des tas de jouets, des poupées, Et des pantins faisant mille gestes bouffons ; Et vous serez pensifs sous les arbres profonds. 1er janvier 1871.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Après la bataille Mon père, ce héros au sourire si doux, Suivi d'un seul housard qu'il aimait entre tous Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille, Parcourait à cheval, le soir d'une bataille, Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit. Il lui sembla dans l'ombre entendre un faible bruit. C'était un Espagnol de l'armée en déroute Qui se traînait sanglant sur le bord de la route, Râlant, brisé, livide, et mort plus qu'à moitié. Et qui disait : « À boire! à boire par pitié ! » Mon père, ému, tendit à son housard fidèle Une gourde de rhum qui pendait à sa selle, Et dit : « Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé. » Tout à coup, au moment où le housard baissé Se penchait vers lui, l'homme, une espèce de maure, Saisit un pistolet qu'il étreignait encore, Et vise au front mon père en criant: « Caramba ! » Le coup passa si près que le chapeau tomba Et que le cheval fit un écart en arrière. « Donne-lui tout de même à boire », dit mon père.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    À la Pologne Jusqu’au jour, ô Pologne ! où tu nous montreras Quelque désastre affreux, comme ceux de la Grèce, Quelque Missolonghi d’une nouvelle espèce, Quoi que tu puisses faire, on ne te croira pas. Battez-vous et mourez, braves gens. — L’heure arrive. Battez-vous ; la pitié de l’Europe est tardive ; Il lui faut des levains qui ne soient point usés. Battez-vous et mourez, car nous sommes blasés ! 1831

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Chanson de Barberine Beau chevalier qui partez pour la guerre, Qu'allez-vous faire Si loin d'ici ? Voyez-vous pas que la nuit est profonde, Et que le monde N'est que souci ? Vous qui croyez qu'une amour délaissée De la pensée S'enfuit ainsi, Hélas ! hélas ! chercheurs de renommée, Votre fumée S'envole aussi.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Jeanne d’Arc Je cherche en vain le repos qui me fuit. Mon cœur est plein des douleurs de la France. Jusqu’en ces lieux déserts, dans l’ombre et le silence, De la patrie en deuil le malheur me poursuit. CHANT Sombre forêt, retraite solitaire, Muets témoins de mes secrets ennuis, À mes regards, de mon pauvre pays Cachez du moins la honte et la misère. Tristes rameaux, si nous sommes vaincus, Cachez le toit de mon vieux père ; Peut-être, hélas je ne le verrai plus ! RÉCITATIF Tout repose dans la vallée. Le rossignol chante sous la feuillée La mélancolie et l’amour. Déjà l’aurore éveille la nature ; Déjà brille sur la verdure La douce clarté d’un beau jour. Quel est ce bruit dans la campagne ? Le clairon sonne au pied de nos remparts ! De l’étranger je vois les étendards, Flotter au loin sur la montagne. CHANT Nous avez-vous abandonnés, Anges gardiens de la patrie ? Plaignez-nous si Dieu nous oublie ; S’il se souvient de nous, venez ! J’ai cru sentir trembler la terre. J’ai cru que le ciel répondait, Et, dans un rayon de lumière, Du fond des bois une voix m’appelait. Ce n’est pas une voix humaine : Il m’a semblé qu’elle venait des cieux. Mère du Christ, est-ce la tienne ? As-tu pitié des pleurs qui coulent de mes yeux ? Oui, l’Esprit-Saint m’éclaire ! Je sens d’un Dieu vengeur La force et la colère Descendre dans mon cœur. — En guerre !

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Le Rhin allemand Réponse à la chanson de Becker Nous l’avons eu, votre Rhin allemand, Il a tenu dans notre verre. Un couplet qu’on s’en va chantant Efface-t-il la trace altière Du pied de nos chevaux marqué dans votre sang ? Nous l’avons eu, votre Rhin allemand. Son sein porte une plaie ouverte, Du jour où Condé triomphant A déchiré sa robe verte. Où le père a passé, passera bien l’enfant. Nous l’avons eu, votre Rhin allemand. Que faisaient vos vertus germaines, Quand notre César tout-puissant De son ombre couvrait vos plaines ? Où donc est-il tombé, ce dernier ossement ? Nous l’avons eu, votre Rhin allemand. Si vous oubliez votre histoire, Vos jeunes filles, sûrement, Ont mieux gardé notre mémoire ; Elles nous ont versé votre petit vin blanc. S’il est à vous, votre Rhin allemand, Lavez-y donc votre livrée ; Mais parlez-en moins fièrement. Combien, au jour de la curée, Etiez-vous de corbeaux contre l’aigle expirant ? Qu’il coule en paix, votre Rhin allemand ; Que vos cathédrales gothiques S’y reflètent modestement ; Mais craignez que vos airs bachiques Ne réveillent les morts de leur repos sanglant.

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    La frégate la Sérieuse ou la plainte du capitaine I Qu’elle était belle, ma Frégate, Lorsqu’elle voguait dans le vent ! Elle avait, au soleil levant, Toutes les couleurs de l’agate ; Ses voiles luisaient le matin Comme des ballons de satin ; Sa quille mince, longue et plate, Portait deux bandes d’écarlate Sur vingt-quatre canons cachés ; Ses mâts, en arrière penchés, Paraissaient à demi couchés. Dix fois plus vive qu’un pirate, En cent jours du Havre à Surate Elle nous emporta souvent. — Qu’elle était belle, ma Frégate, Lorsqu’elle voguait dans le vent ! II Brest vante son beau port et cette rade insigne Où peuvent manœuvrer trois cents vaisseaux de ligne ; Boulogne, sa cité haute et double, et Calais, Sa citadelle assise en mer comme un palais ; Dieppe a son vieux château soutenu par la dune, Ses baigneuses cherchant la vague au clair de lune, Et ses deux monts en vain par la mer insultés ; Cherbourg a ses fanaux de bien loin consultés, Et gronde en menaçant Guernsey la sentinelle Debout près de Jersey, presque en France ainsi qu’elle. Lorient, dans sa rade au mouillage inégal, Reçoit la poudre d’or des noirs du Sénégal ; Saint-Malo dans son port tranquillement regarde Mille rochers debout qui lui servent de garde ; Le Havre a pour parure ensemble et pour appui Notre-Dame-de-Grâce et Honfleur devant lui ; Bordeaux, de ses longs quais parés de maisons neuves, Porte jusqu’à la mer ses vins sur deux grands fleuves ; Toute ville à Marseille aurait droit d’envier Sa ceinture de fruits, d’orange et d’olivier ; D’or et de fer Bayonne en tout temps fut prodigue ; Du grand Cardinal-Duc La Rochelle a la digue ; Tous nos ports ont leur gloire ou leur luxe à nommer : Mais Toulon a lancé La Sérieuse en mer. LA TRAVERSÉE III Quand la belle Sérieuse Pour l’Egypte appareilla, Sa figure gracieuse Avant le jour s’éveilla ; A la lueur des étoiles Elle déploya ses voiles, Leurs cordages et leurs toiles, Comme de larges réseaux, Avec ce long bruit qui tremble, Qui se prolonge et ressemble Aux bruits des ailes qu’ensemble Ouvre une troupe d’oiseaux. IV Dès que l’ancre dégagée Revient par son câble à bord, La proue alors est changée, Selon l’aiguille et le Nord. La Sérieuse l’observe, Elle passe la réserve, Et puis marche de conserve Avec le grand Orient : Sa voilure toute blanche Comme un sein gonflé se penche ; Chaque mât, comme une branche, Touche la vague en pliant. V Avec sa démarche leste, Elle glisse et prend le vent, Laisse à l’arrière L’Alceste Et marche seule à l’avant. Par son pavillon conduite, L’escadre n’est à sa suite Que lorsque, arrêtant sa fuite, Elle veut l’attendre enfin : Mais, de bons marins pourvue, Aussitôt qu’elle est en vue, Par sa manœuvre imprévue, Elle part comme un dauphin. VI Comme un dauphin elle saute, Elle plonge comme lui Dans la mer profonde et haute, Où le feu Saint-Elme a lui. Le feu serpente avec grâce ; Du gouvernail qu’il embrasse Il marque longtemps la trace, Et l’on dirait un éclair Qui, n’ayant pu nous atteindre, Dans les vagues va s’éteindre, Mais ne cesse de les teindre Du prisme enflammé de l’air. VII Ainsi qu’une forêt sombre La flotte venait après, Et de loin s’étendait l’ombre De ses immenses agrès. En voyant Le Spartiate, Le Franklin et sa frégate, Le bleu, le blanc, l’écarlate De cent mâts nationaux, L’armée, en convoi, remise Comme en garde à L’Artémise, Nous nous dîmes: « C’est Venise Qui s’avance sur les eaux. » VIII Quel plaisir d’aller si vite Et de voir son pavillon, Loin des terres qu’il évite, Tracer un noble sillon ! Au large on voit mieux le monde, Et sa tête énorme et ronde Qui se balance et qui gronde Comme éprouvant un affront, Parce que l’homme se joue De sa force, et que la proue, Ainsi qu’une lourde roue, Fend sa route sur son front. IX Quel plaisir ! et quel spectacle Que l’élément triste et froid Ouvert ainsi sans obstacle Par un bois de chêne étroit ! Sur la plaine humide et sombre, La nuit, reluisaient dans l’ombre Des insectes en grand nombre, De merveilleux vermisseaux, Troupe brillante et frivole, Comme un feu follet qui vole, Ornant chaque banderole Et chaque mât des vaisseaux. X Et surtout La Sérieuse Etait belle nuit et jour; La mer, douce et curieuse, La portait avec amour, Comme un vieux lion abaisse Sa longue crinière épaisse, Et, sans l’agiter, y laisse Se jouer le lionceau ; Comme sur sa tête agile Une femme tient l’argile, Ou le jonc souple et fragile D’un mystérieux berceau. XI Moi, de sa poupe hautaine Je ne m’absentais jamais, Car, étant son capitaine, Comme un enfant je l’aimais ; J’aurais moins aimé peut-être L’enfant que j’aurais vu naître. De son cœur on n’est pas maître. Moi, je suis un vrai marin; Ma naissance est un mystère ; Sans famille, et solitaire, Je ne connais pas la terre, Et la vois avec chagrin. XII Mon banc de quart est mon trône, J’y règne plus que les Rois ; Sainte Barbe est ma patronne ; Mon sceptre est mon porte-voix ; Ma couronne est ma cocarde ; Mes officiers sont ma garde ; A tous les vents je hasarde Mon peuple de matelots, Sans que personne demande A quel bord je veux qu’il tende, Et pourquoi je lui commande D’être plus fort que les flots. XIII Voilà toute la famille Qu’en mon temps il me fallait ; Ma Frégate était ma fille. Va, lui disais-je. — Elle allait, S’élançait dans la carrière, Laissant l’écueil en arrière, Comme un cheval sa barrière ; Et l’on m’a dit qu’une fois (Quand je pris terre en Sicile) Sa marche fut moins facile, Elle parut indocile Aux ordres d’une autre voix. XIV On l’aurait crue animée ! Toute l’Egypte la prit, Si blanche et si bien formée, Pour un gracieux Esprit Des Français compatriote, Lorsqu’en avant de la flotte, Dont elle était le pilote, Doublant une vieille Tour, Elle entra, sans avarie, Aux cris : Vive la patrie ! Dans le port d’Alexandrie, Qu’on appelle Abou-Mandour. LE REPOS XV Une fois, par malheur, si vous avez pris terre, Peut-être qu’un de vous, sur un lac solitaire, Aura vu, comme moi, quelque cygne endormi, Qui se laissait au vent balancer à demi. Sa tête nonchalante, en arrière appuyée, Se cache dans la plume au soleil essuyée : Son poitrail est lavé par le flot transparent, Comme un écueil où l’eau se joue en expirant ; Le duvet qu’en passant l’air dérobe à sa plume Autour de lui s’envole et se mêle à l’écume ; Une aile est son coussin, l’autre est son éventail ; Il dort, et de son pied le large gouvernail Trouble encore, en ramant, l’eau tournoyante et douce, Tandis que sur ses flancs se forme un lit de mousse, De feuilles et de joncs, et d’herbages errants Qu’apportent près de lui d’invisibles courants. LE COMBAT XVI Ainsi près d’Aboukir reposait ma Frégate ; A l’ancre dans la rade, en avant des vaisseaux, On voyait de bien loin son corset d’écarlate Se mirer dans les eaux. Ses canots l’entouraient, à leur place assignée. Pas une voile ouverte, on était sans dangers. Ses cordages semblaient des filets d’araignée, Tant ils étaient légers. Nous étions tous marins. Plus de soldats timides Qui chancellent à bord ainsi que des enfants ; Ils marchaient sur leur sol, prenant des Pyramides, Montant des éléphants. Il faisait beau. — La mer, de sable environnée, Brillait comme un bassin d’argent entouré d’or ; Un vaste soleil rouge annonça la journée Du quinze Thermidor. La Sérieuse alors s’ébranla sur sa quille : Quand venait un combat, c’était toujours ainsi ; Je le reconnus bien, et je lui dis : Ma fille, Je te comprends, merci. J’avais une lunette exercée aux étoiles ; Je la pris, et la tins ferme sur l’horizon. — Une, deux, trois — je vis treize et quatorze voiles : Enfin, c’était Nelson. Il courait contre nous en avant de la brise ; LA Sérieuse à l’ancre, immobile s’offrant, Reçut le rude abord sans en être surprise, Comme un roc un torrent. Tous passèrent près d’elle en lâchant leur bordée ; Fière, elle répondit aussi quatorze fois, Et par tous les vaisseaux elle fut débordée, Mais il en resta trois. Trois vaisseaux de haut bord — combattre une frégate ! Est-ce l’art d’un marin ? le trait d’un amiral ? Un écumeur de mer, un forban, un pirate, N’eût pas agi si mal ! N’importe ! elle bondit, dans son repos troublée, Elle tourna trois fois jetant vingt-quatre éclairs, Et rendit tous les coups dont elle était criblée, Feux pour feux, fers pour fers. Ses boulets enchaînés fauchaient des mâts énormes, Faisaient voler le sang, la poudre et le goudron, S’enfonçaient dans le bois, comme au cœur des grands ormes Le coin du bûcheron. Un brouillard de fumée où la flamme étincelle L’entourait ; mais le corps brûlé, noir, écharpé, Elle tournait, roulait, et se tordait sous elle, Comme un serpent coupé. Le soleil s’éclipsa dans l’air plein de bitume. Ce jour entier passa dans le feu, dans le bruit ; Et lorsque la nuit vint sous cette ardente brume On ne vit pas la nuit. Nous étions enfermé comme dans un orage : Des deux flottes au loin le canon s’y mêlait ; On tirait en aveugle à travers le nuage : Toute la mer brûlait. Mais, quand le jour revint, chacun connut son œuvre. Les trois vaisseaux flottaient démâtés, et si las Qu’ils n’avaient plus de force assez pour la manœuvre ; Mais ma Frégate, hélas ! Elle ne voulait plus obéir à son maître ; Mutilée, impuissante, elle allait au hasard ; Sans gouvernail, sans mât, on n’eût pu reconnaître La merveille de l’art ! Engloutie à demi, son large pont à peine, S’affaissant par degrés, se montrait sur les flots ; Et là ne restaient plus, avec moi capitaine, Que douze matelots. Je les fis mettre en mer à bord d’une chaloupe, Hors de notre eau tournante et de son tourbillon ; Et je revins tout seul me coucher sur la poupe Au pied du pavillon. J’aperçus des Anglais les figures livides, Faisant pour s’approcher un inutile effort Sur leurs vaisseaux flottants comme des tonneaux vides, Vaincus par notre mort. La Sérieuse alors semblait à l’agonie : L’eau dans ses cavités bouillonnait sourdement ; Elle, comme voyant sa carrière finie, Gémit profondément. Je me sentis pleurer, et ce fut un prodige, Un mouvement honteux ; mais bientôt l’étouffant : Nous nous sommes conduits comme il fallait, lui dis-je ; Adieu donc, mon enfant. Elle plongea d’abord sa poupe et puis sa proue ; Mon pavillon noyé se montrait en dessous ; Puis elle s’enfonça tournant comme une roue, Et la mer vint sur nous. XVII Hélas ! deux mousses d’Angleterre Me sauvèrent alors, dit-on, Et me voici sur un ponton ; — J’aimerais presque autant la terre ! Cependant je respire ici L’odeur de la vague et des brises. Vous êtes marins, Dieu merci ! Nous causons de combats, de prises, Nous fumons, et nous prenons l’air Qui vient aux sabords de la mer. Votre voix m’anime et me flatte, Aussi je vous dirai souvent : — Qu’elle était belle, ma Frégate, Lorsqu’elle voguait dans le vent ! À Dieppe, 1828.

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    Le cor I J’aime le son du Cor, le soir, au fond des bois, Soit qu’il chante les pleurs de la biche aux abois, Ou l’adieu du chasseur que l’écho faible accueille, Et que le vent du nord porte de feuille en feuille. Que de fois, seul, dans l’ombre à minuit demeuré, J’ai souri de l’entendre, et plus souvent pleuré ! Car je croyais ouïr de ces bruits prophétiques Qui précédaient la mort des Paladins antiques. Ô montagne d’azur ! ô pays adoré ! Rocs de la Frazona, cirque du Marboré, Cascades qui tombez des neiges entraînées, Sources, gaves, ruisseaux, torrents des Pyrénées ; Monts gelés et fleuris, trône des deux saisons, Dont le front est de glace et le pied de gazons ! C’est là qu’il faut s’asseoir, c’est là qu’il faut entendre Les airs lointains d’un Cor mélancolique et tendre. Souvent un voyageur, lorsque l’air est sans bruit, De cette voix d’airain fait retentir la nuit ; À ses chants cadencés autour de lui se mêle L’harmonieux grelot du jeune agneau qui bêle. Une biche attentive, au lieu de se cacher, Se suspend immobile au sommet du rocher, Et la cascade unit, dans une chute immense, Son éternelle plainte au chant de la romance. Âmes des Chevaliers, revenez-vous encor ? Est-ce vous qui parlez avec la voix du Cor ? Roncevaux ! Roncevaux ! Dans ta sombre vallée L’ombre du grand Roland n’est donc pas consolée ! II Tous les preux étaient morts, mais aucun n’avait fui. Il reste seul debout, Olivier près de lui, L’Afrique sur les monts l’entoure et tremble encore. « Roland, tu vas mourir, rends-toi, criait le More ; Tous tes Pairs sont couchés dans les eaux des torrents. » Il rugit comme un tigre, et dit : « Si je me rends, Africain, ce sera lorsque les Pyrénées Sur l’onde avec leurs corps rouleront entraînées. — Rends-toi donc, répond-il, ou meurs, car les voilà. » Et du plus haut des monts un grand rocher roula. Il bondit, il roula jusqu’au fond de l’abîme, Et de ses pins, dans l’onde, il vint briser la cime. « Merci, cria Roland ; tu m’as fait un chemin. » Et jusqu’au pied des monts le roulant d’une main, Sur le roc affermi comme un géant s’élance, Et, prête à fuir, l’armée à ce seul pas balance. III Tranquilles cependant, Charlemagne et ses preux Descendaient la montagne et se parlaient entre eux. À l’horizon déjà, par leurs eaux signalées, De Luz et d’Argelès se montraient les vallées. L’armée applaudissait. Le luth du troubadour S’accordait pour chanter les saules de l’Adour ; Le vin français coulait dans la coupe étrangère ; Le soldat, en riant, parlait à la bergère. Roland gardait les monts ; tous passaient sans effroi. Assis nonchalamment sur un noir palefroi Qui marchait revêtu de housses violettes, Turpin disait, tenant les saintes amulettes : « Sire, on voit dans le ciel des nuages de feu ; Suspendez votre marche ; il ne faut tenter Dieu. Par monsieur saint Denis, certes ce sont des âmes Qui passent dans les airs sur ces vapeurs de flammes. Deux éclairs ont relui, puis deux autres encor. » Ici l’on entendit le son lointain du Cor. — L’Empereur étonné, se jetant en arrière, Suspend du destrier la marche aventurière. « Entendez-vous ! dit-il. — Oui, ce sont des pasteurs Rappelant les troupeaux épars sur les hauteurs, Répondit l’archevêque, ou la voix étouffée Du nain vert Obéron qui parle avec sa Fée. » Et l’Empereur poursuit ; mais son front soucieux Est plus sombre et plus noir que l’orage des cieux. Il craint la trahison, et, tandis qu’il y songe, Le Cor éclate et meurt, renaît et se prolonge. « Malheur ! c’est mon neveu ! malheur ! car si Roland Appelle à son secours, ce doit être en mourant. Arrière, chevaliers, repassons la montagne ! Tremble encor sous nos pieds, sol trompeur de l’Espagne ! » IV Sur le plus haut des monts s’arrêtent les chevaux ; L’écume les blanchit ; sous leurs pieds, Roncevaux Des feux mourants du jour à peine se colore. À l’horizon lointain fuit l’étendard du More. « Turpin, n’as-tu rien vu dans le fond du torrent ? — J’y vois deux chevaliers : l’un mort, l’autre expirant. Tous deux sont écrasés sous une roche noire ; Le plus fort, dans sa main, élève un Cor d’ivoire, Son âme en s’exhalant nous appela deux fois. » Dieu ! que le son du Cor est triste au fond des bois ! Écrit à Pau, en 1825

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    Le trappiste C’était une des nuits qui des feux de l’Espagne Par des froids bienfaisants consolent la campagne : L’ombre était transparente, et le lac argenté Brillait à l’horizon sous un voile enchanté ; Une lune immobile éclairait les vallées, Où des citronniers verte serpentent les allées ; Des milliers de soleil, sans offenser les yeux, Tels qu’une poudre d’or, semaient l’azur des cieux, Et les monts inclinés, verdoyante ceinture Qu’en cercles inégaux enchaîna la nature, De leurs dômes en fleurs étalaient la beauté, Revêtus d’un manteau bleuâtre et velouté. Mais aucun n’égalait dans sa magnificence Le Mont Serrat, paré de toute sa puissance : Quand des nuages blancs sur son dos arrondi Roulaient leurs flots chassés par le vent du midi, Les brisant de son front, comme un nageur habile, Le géant semblait fuir sous ce rideau mobile ; Tantôt un piton noir, seul dans le firmament, Tel qu’un fantôme énorme, arrivait lentement ; Tantôt un bois riant, sur une roche agreste, S’éclairait, suspendu comme une île céleste. Puis enfin, des vapeurs délivrant ses contours, Comme une forteresse au milieu de ses tours, Sortait le pic immense : il semblait à ses plaines Des vents frais de la nuit partager les haleines ; Et l’orage indécis, murmurant à ses pieds, Pendait encor d’en haut sur les monts effrayés. En spectacles pompeux la nature est féconde ; Mais l’homme a des pensers bien plus grand, que le monde. Quelquefois tout un peuple endormi dans ses maux S’éveille, et, saisissant le glaive des hameaux, Maudissant la révolte impure et tortueuse, Elève tout à coup sa voix majestueuse : Il redemande à Dieu ses autels profanés, Il appelle à grands cris ses Rois emprisonnés ; Comme un tigre, il arrache, il emporte sa chaîne ; Il s’élève, il grandit, il s’étend comme un chêne, Et de ses mille bras il couvre en liberté Les sillons paternels du sol qui l’a porté. Ainsi, terre indocile, à ton Roi seul constante, Vendée, où la chaumière est encore une tente, Ainsi de ton Bocage aux détours meurtriers Sortirent en priant les paysans guerriers : Ainsi, se relevant, l’infatigable Espagne Fait sortir des héros du creux de la montagne. Sur des rochers, non loin de ces antres sacrés, Où Pélage appela les Goths désespérés, D’où sort toujours la gloire, et qui gardent encore, Hélas ! les os français mêlés à ceux du More, Au-dessus de la nue, au-dessus des torrents, Viennent de s’assembler les montagnards errants. La pourpre du réseau dont leur front s’environne Forme autour des cheveux une mâle couronne, Et la corde légère, avec des nœuds puissants, S’est tressée en sandale à leurs pieds bondissants. Le silence est profond dans la foule attentive ; Car la hache pesante, avec la flamme active, D’un chêne que cent ans n’ont pas su protéger Ont fait pour leur prière un autel passager. Là ce chef dont le nom sème au loin l’épouvante Dépose devant Dieu son oraison fervente ; Triomphateur sans pompe, il va d’une humble voix Chanter le TE DEUM sous le dôme des bois. Est-ce un guerrier farouche ? est-ce un pieux apôtre ? Sous la robe de l’un il a les traits de l’autre : Il est prêtre, et pourtant promptement irrité ; Il est soldat aussi, mais plein d’austérité ; Son front est triste et pâle, et son oeil intrépide : Son bras frappe et bénit, son langage est rapide, Il passe dans la foule et ne s’y mêle pas ; Un pain noir et grossier compose ses repas ; Il parle, on obéit ; on tremble s’il commande, Et nul sur son destin ne tente une demande. Le Trappiste est son nom : ce terrible inconnu, Sorti jadis du monde, au monde est revenu ; Car, soulevant l’oubli dont ces couvents funèbres A leurs moines muets imposent les ténèbres, Il reparut au jour, dans une main la Croix, Dans l’autre, secouant, au nom des anciens Rois, Ce fouet dont Jésus-Christ, de son bras pacifique, Du haut des longs degrés du Temple magnifique, Renversa les vendeurs qui souillaient le saint mur, Dans les débris épars de leur trafic impur. Soit que la main de Dieu le couvre ou se retire, Le condamne à la gloire ou l’élève au martyre, S’il vit, il reviendra sans plainte et sans orgueil, D’un bras sanglant encore achever son cercueil, Et reprendre, courbé, l’agriculture austère Dont il s’est trop longtemps reposé dans la guerre. Tel un mort, évoqué par de magiques voix, Envoyé du sépulcre, apparaît pour les Rois, Marche, prédit, menace, et retourne à sa tombe, Dont la pierre éternelle en gémissant retombe. Parmi les montagnards, ces robustes bergers, Aventuriers hardis, chasseurs aux pieds légers, Qui rangent sous sa loi leur troupe volontaire, Nul n’a voulu savoir ce qu’il a voulu taire. Dieu l’inspire et l’envoie, il le dit : c’est assez, Pourvu que leurs combats leur soient toujours laissés. Joyeux, ils voyaient donc, sanctifiant leur gloire, Ce prêtre offrir à Dieu leur première victoire. Pour lui, couvert de l’aube et de l’étole orné, Devant l’autel agreste il s’était retourné. Déjà, soldat du Christ, près d’entrer dans la lice, Il remplissait son cœur des baumes du calice : Mais des soupirs, des bruits s’élèvent ; un grand cri L’interrompt ; il s’étonne, et, lui-même attendri, Voit un jeune inconnu, dont la tête est sanglante, Traînant jusqu’à l’autel sa marche faible et lente, Montrant un fer brisé qui soutenait sa main, Qui défendit sa fuite et fraya son chemin. C’est un de ces guerriers dont la constante veille Fait qu’en ses palais d’or la Royauté sommeille. Il tombe; mais il parle, et sa tremblante voix S’efforce à ce discours entrecoupé trois fois : « Pour qui donc cet autel au milieu des ténèbres ? N’y chantez pas, ou bien dites des chants funèbres. Quel Espagnol ne sait les hymnes du trépas ? Les nouveaux noms des morts ne vous manqueront pas : J’apporte sur vos monts de sanglantes nouvelles. — Quoi ! le Roi n’est-il plus ? disaient les voix fidèles. — Pleurez ! — Il est donc mort ? — Pleurez, il est vivant ! » Et le jeune martyr, sur un bras se levant, Tel qu’un gladiateur dont la paupière errante Cherche le sol qui tourne et fuit sa main mourante : « Nos combats sont finis, dit-il, en un seul jour ; Nos taureaux ont quitté le cirque, et sans retour, Puisque le spectateur à qui s’offrait la lutte N’a pas daigné lui-même applaudir à leur chute. Pour vous, si vous savez les secrets du devoir, Partez, je vais mourir avant de les savoir. Mais si vous rencontrez, non loin de ces montagnes, Des soldats qui vont vite à travers les campagnes, Qui portent sous leurs bras des fusils renversés, Et passent en silence et leurs fronts abaissés, Ne es engagez pas à cesser leur retraite ; Ils vous refuseraient en secouant la tête : Car ils ont tous besoin, mon père, ainsi que moi, De retremper leur âme aux sources de la foi. Nul ne sait s’il succombe ou fidèle ou parjure, Et si le dévouement ne fut pas une injure. Vous, habitant sacré du mont silencieux, Instruit des saintes morts que préfèrent les Cieux, Jugez-nous et parlez… Vous savez quelle proie Le peuple osa vouloir dans sa féroce joie ? Vous le savez, un Roi ne porte pas des fers Sans que leur bruit s’entende au bout de l’univers. Nous qui pensions encore, avant l’heure où nous sommes, Qu’un serment prononcé devait lier les hommes, Partant avec le jour, qui se levait sur nous Brillant, mais dont le soir n’est pas venu pour tous, Au palais, dont le peuple envahissait les portes, En silence, à grands pas, marchaient nos trois cohortes : Quand le Balcon royal à nos yeux vint s’offrir, Nous l’avons salué, car nous venions mourir. Mais comme à notre voix il n’y paraît personne, Aux cris des révoltés, à leur tocsin qui sonne, A leur joie insultante, à leur nombre croissant, Nous croyons le Roi mort, parce qu’il est absent ; Et, gémissant alors sur de fausses alarmes, Accusant nos retards, nous répandions des larmes. Mais un bruit les arrête, et, passé dans nos rangs, Fait presque de leur mort repentir nos mourants. Nous n’osons plus frapper, de peur qu’un plomb fidèle N’aille blesser le Roi dans la foule rebelle. Déjà, le fer levé, s’avancent ses amis, Par nos bourreaux sanglants à nous tuer admis. Nous recevons leurs coups longtemps avant d’y croire, Et notre étonnement nous ôte la victoire. En retirant vers vous nos rangs irrésolus, Nous combattions toujours, mais nous ne pleurions plus. » Il se tut. Il régna, de montagne en montagne, Un bruit sourd qui semblait un soupir de l’Espagne. Le Trappiste incliné mit sa main sur ses yeux. On ne sait s’il pleura ; car, tranquille et pieux, Levant son front creusé par les rides antiques, Sa voix grave apaisa les bataillons rustiques : Comme au vent du midi la neige au loin se fond, La rumeur s’éteignit dans un calme profond. La lune alors plus belle écartait un nuage, Et du moine héroïque éclairait le visage ; Troublé sur ses sommets et dans sa profondeur, Le mont de tous ses bruits déployait la grandeur ; Aux mots entrecoupés du vainqueur catholique, Se mêlaient d’un torrent la voix mélancolique, Le froissement léger des mélèzes touffus, D’un combat éloigné les coups longs et confus, Et des loups affamés les hurlements funèbres, Et le cri des vautours volant dans les ténèbres : « Frères, il faut mourir : qu’importe le moment ? Et si de notre mort le fatal instrument Est cette main des Rois qui, jadis salutaire, Touchait pour les guérir les peuples de la terre ; Quand même, nous brisant sous notre propre effort, L’arche que nous portons nous donnerait la mort ; Quand même par nous seuls la couronne sauvée Ecraserait un jour ceux qui l’ont relevée, Seriez-vous étonnés, et vos fidèles bras Seraient-ils moins ardents à servir les ingrats ? Vous seriez-vous flattés qu’on trouvât sur la terre La palme réservée au martyr volontaire ? Hommes toujours déçus, j’en appelle à vous tous : Interrogez vos cœurs, voyez autour de vous ; Rappelez vos liens, vos premières années, Et d’un juste coup d’oeil sondez nos destinées. Amis, frères, amants, qui vous a donc appris Qu’un dévouement jamais dût recevoir son prix ? Beaucoup semaient le bien d’une main vigilante, Qui n’ont pu récolter qu’une moisson sanglante. Si la couche est trompeuse et le foyer pervers, Qu’avez-vous attendu des Rois de l’univers ? O faiblesse mortelle, ô misère des hommes ! Plaignons notre nature et le siècle où nous sommes ; Gémissons en secret sur les fronts couronnés ; Mais servons-les pour Dieu qui nous les a donnés. Notre cause est sacrée, et dans les cœurs subsiste. En vain les Rois s’en vont : la Royauté résiste, Son principe est en haut, en haut est son appui ; Car tout vient du Seigneur, et tout retourne à lui. Dieu seul est juste, enfants ; sans lui tout est mensonge, Sans lui le mourant dit : « La vertu n’est qu’un songe. » Nous allons le prier, et pour le Prince absent, Et pour tous les martyrs dont coule encor le sang, Je donne cette nuit à vos dernières larmes : Demain nous chercherons, à la pointe des armes, Pour le Roi la couronne, et des tombeaux pour nous. » AMEN ! dit l’assemblée en tombant à genoux. En 1822, à Courbevoie.

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    Alfred Jarry

    Alfred Jarry

    @alfredJarry

    La peur Roses de feu, blanches d’effroi, Les trois Filles sur le mur froid Regardent luire les grimoires ; Et les spectres de leurs mémoires Sont évoqués sur les parquets, Avec l’ombre de doigts marqués Aux murs de leurs chemises blanches, Et de griffes comme des branches. Le poêle noir frémit et mord Des dents de sa tête de mort Le silence qui rampe autour. Le poêle noir, comme une tour Prêtant secours à trois guerrières. Ouvre ses yeux de meurtrières ! Roses de feu, blanches d’effroi, En longues chemises de cygnes, Les trois Filles, sur le mur froid Regardant grimacer les signes, Ouvrent, les bras d’effroi liés, Leurs yeux comme des boucliers.

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    André Breton

    André Breton

    @andreBreton

    Guerre Je regarde la Bête pendant qu'elle se lèche Pour mieux se confondre avec tout ce qui l'entoure Ses yeux couleur de houle A Pimproviste sont la mare tirant à elle le linge sale les détritus Celle qui arrête toujours l'homme La mare avec sa petite place de l'Opéra dans le ventre Car la phosphorescence est la clé des yeux de la Bête Qui se lèche Et sa langue Dardée on ne sait à l'avance jamais vers où Est un carrefour de fournaises D'en dessous je contemple son palais Fait de lampes dans des sacs Et sous la voûte bleu de roi D'arceaux dédorés en perspective l'un dans l'autre Pendant que court le souffle fait de la généralisation à l'infini de celui de ces misérables le torse nu qui se produisent sur la place publique avalant des torches à pétrole dans une aigre pluie de sous Les pustules de la Bête resplendissent de ces hécatombes de jeunes gens dont se gorge le Nombre Les flancs protégés par les miroitantes écailles que sont les armées Bombées dont chacune tourne à la perfection sur sa charnière Bien qu'elles dépendent les unes des autres non moins que les coqs qui s'insultent à l'aurore de fumier à fumier On touche au défaut de la conscience pourtant certains persistent à soutenir que le jour va naître La porte j'ai voulu dire la Bête se lèche sous l'aile Et l'on voit est-ce de rire se convulser des filous au fond d'une taverne Ce mirage dont on avait fait la bonté se raisonne C'est un gisement de mercure Cela pourrait bien se laper d'un seul coup J'ai cru que la Bête se tournait vers moi j'ai revu la saleté de l'éclair Qu'elle est blanche dans ses membranes dans le délié de ses bois de bouleaux où s'organise le guet Dans les cordages de ses vaisseaux a la proue desquels plonge une femme que les fatigues de l'amour ont parée d'un loup vert Fausse alerte la Bête garde ses griffes en couronne érectile autour des seins J'essaie de ne pas trop chanceler quand elle bouge la queue Qui est à la fois le carrosse biseauté et le coup de fouet Dans l'odeur suffocante de cicindèle De sa litière souillée de sang noir et d'or vers la lune elle aiguise une de ses cornes à l'arbre enthousiaste du grief En se lovant avec des langueurs effrayantes Flattée La Bête se lèche le sexe je n'ai rien dit

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    La seine en sortant de Paris La Seine en sortant de Paris, Voit près du Champ de Mars les fils de nos guerriers Étudier l’art…………… Et près d’eux vivre sous un dôme Tous nos braves soldats sous les armes vieillis, De blessures et d’âge et d’honneurs affaiblis : Saints temples où repose une mâle vieillesse, Près des murs d’où s’élance une mâle jeunesse. Ô bois de Vincennes !… bois de Boulogne !… ne tressaillez-vous point d’allégresse, lorsque, sous vos ombrages fleuris, une belle, la tête couverte d’un chapeau de plumes galope sur un cheval ?

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    A

    Anna Gréki

    @annaGreki

    Enfance Colère devant l’enfant sans pain ni mère qui mange de la terre dessine des hélicoptères reste debout dans son sommeil Colère devant l’enfant au ventre outré araignée de la misère qui joue avec la terre sous un soleil touriste Colère devant l’enfant courant devant la guerre jusqu’aux frontières depuis sept ans sans s’arrêter s’il ne se couche dans la terre Colère devant la terre entière la terre qui est le pain qui est la joie la maison et la mort

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Bal des pendus Au gibet noir, manchot aimable, Dansent, dansent les paladins, Les maigres paladins du diable, Les squelettes de Saladins. Messire Belzébuth tire par la cravate Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel, Et, leur claquant au front un revers de savate, Les fait danser, danser aux sons d’un vieux Noël ! Et les pantins choqués enlacent leurs bras grêles Comme des orgues noirs, les poitrines à jour Que serraient autrefois les gentes damoiselles Se heurtent longuement dans un hideux amour. Hurrah ! les gais danseurs, qui n’avez plus de panse ! On peut cabrioler, les tréteaux sont si longs ! Hop ! qu’on ne sache plus si c’est bataille ou danse ! Belzébuth enragé racle ses violons ! Ô durs talons, jamais on n’use sa sandale ! Presque tous ont quitté la chemise de peau ; Le reste est peu gênant et se voit sans scandale. Sur les crânes, la neige applique un blanc chapeau : Le corbeau fait panache à ces têtes fêlées, Un morceau de chair tremble à leur maigre menton : On dirait, tournoyant dans les sombres mêlées, Des preux, raides, heurtant armures de carton. Hurrah ! la bise siffle au grand bal des squelettes ! Le gibet noir mugit comme un orgue de fer ! Les loups vont répondant des forêts violettes : A l’horizon, le ciel est d’un rouge d’enfer… Holà, secouez-moi ces capitans funèbres Qui défilent, sournois, de leurs gros doigts cassés Un chapelet d’amour sur leurs pâles vertèbres : Ce n’est pas un moustier ici, les trépassés ! Oh ! voilà qu’au milieu de la danse macabre Bondit dans le ciel rouge un grand squelette fou Emporté par l’élan, comme un cheval se cabre : Et, se sentant encor la corde raide au cou, Crispe ses petits doigts sur son fémur qui craque Avec des cris pareils à des ricanements, Et, comme un baladin rentre dans la baraque, Rebondit dans le bal au chant des ossements. Au gibet noir, manchot aimable, Dansent, dansent les paladins, Les maigres paladins du diable, Les squelettes de Saladins.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Chant de guerre Parisien Le Printemps est évident, car Du coeur des Propriétés vertes, Le vol de Thiers et de Picard Tient ses splendeurs grandes ouvertes ! Ô Mai ! quels délirants culs-nus ! Sèvres, Meudon, Bagneux, Asnières, Ecoutez donc les bienvenus Semer les choses printanières ! Ils ont shako, sabre et tam-tam, Non la vieille boîte à bougies, Et des yoles qui n'ont jam, jam... Fendent le lac aux eaux rougies ! Plus que jamais nous bambochons Quand arrivent sur nos tanières Crouler les jaunes cabochons Dans des aubes particulières ! Thiers et Picard sont des Eros, Des enleveurs d'héliotropes ; Au pétrole ils font des Corots : Voici hannetonner leurs tropes... Ils sont familiers du Grand Truc !... Et couché dans les glaïeuls, Favre Fait son cillement aqueduc, Et ses reniflements à poivre ! La grand ville a le pavé chaud Malgré vos douches de pétrole, Et décidément, il nous faut Vous secouer dans votre rôle... Et les Ruraux qui se prélassent Dans de longs accroupissements, Entendront des rameaux qui cassent Parmi les rouges froissements !

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Guerre Enfant, certains ciels ont affiné mon optique : tous les caractères nuancèrent ma physionomie. Les Phénomènes s'émurent. — À présent, l'inflexion éternelle des moments et l'infini des mathématiques me chassent par ce monde où je subis tous les succès civils, respecté de l'enfance étrange et des affections énormes. — Je songe à une Guerre, de droit ou de force, de logique bien imprévue. C'est aussi simple qu'une phrase musicale.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Le dormeur du Val C'est un trou de verdure où chante une rivière, Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent ; où le soleil, de la montagne fière, Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme : Nature, berce-le chaudement : il a froid. Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Le mal Tandis que les crachats rouges de la mitraille Sifflent tout le jour par l’infini du ciel bleu ; Qu’écarlates ou verts, près du Roi qui les raille, Croulent les bataillons en masse dans le feu ; Tandis qu’une folie épouvantable broie Et fait de cent milliers d’hommes un tas fumant ; – Pauvres morts ! dans l’été, dans l’herbe, dans ta joie, Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !… – Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées Des autels, à l’encens, aux grands calices d’or ; Qui dans le bercement des hosannah s’endort, Et se réveille, quand des mères, ramassées Dans l’angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir, Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Michel et Christine Zut alors, si le soleil quitte ces bords ! Fuis, clair déluge ! Voici l’ombre des routes. Dans les saules, dans la vieille cour d’honneur, L’orage d’abord jette ses larges gouttes. Ô cent agneaux, de l’idylle soldats blonds, Des aqueducs, des bruyères amaigries, Fuyez ! plaine, déserts, prairie, horizons Sont à la toilette rouge de l’orage ! Chien noir, brun pasteur dont le manteau s’engouffre, Fuyez l’heure des éclairs supérieurs ; Blond troupeau, quand voici nager ombre et soufre, Tâchez de descendre à des retraits meilleurs. Mais moi, Seigneur ! voici que mon esprit vole, Après les cieux glacés de rouge, sous les Nuages célestes qui courent et volent Sur cent Solognes longues comme un railway. Voilà mille loups, mille graines sauvages Qu’emporte, non sans aimer les liserons, Cette religieuse après-midi d’orage Sur l’Europe ancienne où cent hordes iront ! Après, le clair de lune ! partout la lande, Rougis et leurs fronts aux cieux noirs, les guerriers Chevauchent lentement leurs pâles coursiers ! Les cailloux sonnent sous cette fière bande ! – Et verrai-je le bois jaune et le val clair, L’Epouse aux yeux bleus, l’homme au front rouge, ô Gaule, Et le blanc Agneau Pascal, à leurs pieds chers, – Michel et Christine, – et Christ ! – fin de l’Idylle.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Morts de Quatre-vingt-douze Morts de Quatre-vingt-douze et de Quatre-vingt-treize, Qui, pâles du baiser fort de la liberté, Calmes, sous vos sabots, brisiez le joug qui pèse Sur l’âme et sur le front de toute humanité ; Hommes extasiés et grands dans la tourmente, Vous dont les coeurs sautaient d’amour sous les haillons, Ô Soldats que la Mort a semés, noble Amante, Pour les régénérer, dans tous les vieux sillons ; Vous dont le sang lavait toute grandeur salie, Morts de Valmy, Morts de Fleurus, Morts d’Italie, Ô million de Christs aux yeux sombres et doux ; Nous vous laissions dormir avec la République, Nous, courbés sous les rois comme sous une trique. – Messieurs de Cassagnac nous reparlent de vous !

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    Auguste Barbier

    Auguste Barbier

    @augusteBarbier

    L'idole Ô Corse à cheveux plats ! que ta France était belle Au grand soleil de messidor ! C'était une cavale indomptable et rebelle, Sans frein d'acier ni rênes d'or ; Une jument sauvage à la croupe rustique, Fumante encor du sang des rois, Mais fière, et d'un pied fort heurtant le sol antique, Libre pour la première fois. Jamais aucune main n'avait passé sur elle Pour la flétrir et l'outrager ; Jamais ses larges flancs n'avaient porté la selle Et le harnais de l'étranger ; Tout son poil était vierge, et, belle vagabonde, L'œil haut, la croupe en mouvement, Sur ses jarrets dressée, elle effrayait le monde Du bruit de son hennissement. Tu parus, et sitôt que tu vis son allure, Ses reins si souples et dispos, Dompteur audacieux tu pris sa chevelure, Tu montas botté sur son dos. Alors, comme elle aimait les rumeurs de la guerre, La poudre, les tambours battants, Pour champ de course, alors tu lui donnas la terre Et des combats pour passe-temps : Alors, plus de repos, plus de nuits, plus de sommes, Toujours l'air, toujours le travail. Toujours comme du sable écraser des corps d'hommes, Toujours du sang jusqu'au poitrail. Quinze ans son dur sabot, dans sa course rapide, Broya les générations ; Quinze ans elle passa, fumante, à toute bride, Sur le ventre des nations ; Enfin, lasse d'aller sans finir sa carrière, D'aller sans user son chemin, De pétrir l'univers, et comme une poussière De soulever le genre humain ; Les jarrets épuisés, haletante, sans force Et fléchissant à chaque pas, Elle demanda grâce à son cavalier corse ; Mais, bourreau, tu n'écoutas pas ! Tu la pressas plus fort de ta cuisse nerveuse, Pour étouffer ses cris ardents, Tu retournas le mors dans sa bouche baveuse, De fureur tu brisas ses dents ; Elle se releva : mais un jour de bataille, Ne pouvant plus mordre ses freins, Mourante, elle tomba sur un lit de mitraille Et du coup te cassa les reins.

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    A

    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Cri Quelle vie !… Il est dur, né pour de nobles guerres, De dépenser sa force en des luttes vulgaires ! Fier, d’avoir à défendre et partout et toujours Contre de vils besoins de misérables jours ! Brave, étouffant sa voix, jeune, éteignant sa flamme, D’immoler à son corps sa pensée et son âme ! Ou si l’on veut mourir, fidèle à son mandat, De succomber sans vaincre, inutile soldat !…

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    A

    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Le soldat On marche aux sons voilés du tambour. Sur la plaine Le soleil luit ; l’oiseau vole au bord du chemin. Oh ! que n’ai-je son aile ! oh ! que la vie est pleine De tristesse ! Mon cœur se brise dans mon sein. Au monde je n’aimais que lui, mon camarade, Que lui seul, et voici qu’on le mène à la mort. Pour le voir fusiller défile la parade ; Et c’est nous, pour tirer, nous qu’a choisis le sort. On arrive : ses yeux contemplent la lumière De ce soleil de Dieu qui monte dans le ciel… Mais d’un bandeau voici qu’on couvre sa paupière : Dieu clément, donnez-lui le repos éternel ! Nous sommes neuf en rang, déjà prêts sous les armes. Huit balles l’ont blessé ; la mienne, – de douleur Leurs mains tremblaient, leurs yeux visaient mal sous les larmes, – La mienne l’a frappé juste au milieu du cœur. Imité de l’allemand.

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    S

    Sadek Belhamissi

    @sadekBelhamissi

    L'enfant innocent Il venait d’avoir ses huit ans On fêtait son anniversaire. Le matin, il était vivant Et il souriait à sa mère . Le soir règnait une lumière, Un ange tenait une croix. L’enfant n’était plus sur terre, Dormant pour la dernière fois. Il était l’espoir de son père, Qui comptait chacun de ses pas. Cette nuit était la dernière, L’enfant prit son dernier repas. On n’osait regarder le cierge, La vie semblait brûler aussi. On pense à son propre cortège, L’on se voit consumer ainsi. On ne chercha pas à comprendre La vraie raison de cette mort. On ne pouvait se défendre Dit-on contre ce ”coup du sort”. Cependant ce fut là un crime, L’arme encore là comme témoin. Sur son lit gisait la victime, Et le coupable n’était pas loin. Pourtant nul ne put être juge, Le père ne fut pas accusé. La prison n’est pas son refuge, Tous ses proches l’ont excusé. L’enfant dans son lit est un ange, Il continue au ciel ses jeux. La guerre, ô combien étrange L’a atteint de ses cruels feux . Soldat defendant la frontière, Le père se croyait armé. Et pourtant la vie entière, Le destin l’aura désarmé. Par Sadek Belhamissi 25.11.2016 . Comment/ Ce poème est tiré d’une histoire réelle survenue durant la guerre. Une histoire d’un accident terrible survenu lorsque le père inconscient (la fatalité ?) en présence de son enfant qui jouait non loin de lui , s’est mis à nettoyer son arme et le coup est parti comme cela arrive très souvent ! Quelqu’un qui met fin à la vie de son enfant, même accidentellement,sa vie entière est foutue en l’air, peut-être « l’œil de Caïn « du poème de Victor Hugo en pire car là, il s’agit de son propre enfant.

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    B

    Benjamin Delmont

    @benjaminDelmont

    Un corps offert en pature L’âme vidée, le cœur éteint et les reins lourds, La douce brise que la bise à engager a laissé battre les tambours des fossoyeurs de l’amour. Les corps crispés dans une brutale contraction S’abandonnent sans passion à la pénétration. Pas un regard, pas un geste tendre, Il suffisait d’attendre, que l’orgasme masculin soit rassasié, comme le sont les bêtes après la transe du festin. Dans le silence lourd du commandant qui s’endort. Le tirailleur n’a pas pu profiter du festin. Et doit, attendre la prochaine lutte intestine. Pour fantasmer le lointain butin, Promis par de nombreux États-majors. Alors mutilez-vous, arrêtez cette guerre de tranchée. Faites tomber les têtes et faites-leur tirer la langue. Pour votre plaisir. crucifiez les, pour que leur bras soit docile Et viennent vous caresser l’âme. Parlez ! pensez ! découvrez ! imaginez et rêvez ! Soyez fou, inventif, brutal et tendres. Et dans le chevauchement ultime, ou le drapeau blanc se dresse Ou les souffles sont coupés, regardez-vous, Ni maitre ni esclave, Et murmurez-vous, Je t’aime.

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    Aux Ruines de la Grèce païenne O sommets de Taygète, ô rives du Pénée, De la sombre Tempé vallons silencieux, Ô campagnes d’Athène, ô Grèce infortunée, Où sont pour t’affranchir tes guerriers et tes dieux ? Doux pays, que de fois ma muse en espérance Se plut à voyager sous ton ciel toujours pur ! De ta paisible mer, où Vénus prit naissance, Tantôt du haut des monts je contemplais l’azur, Tantôt, cachant au jour ma tête ensevelie Sous tes bosquets hospitaliers, J’arrêtais vers le soir, dans un bois d’oliviers, Un vieux pâtre de Thessalie. « Des dieux de ce vallon contez-moi les secrets, Berger ; quelle déesse habite ces fontaines ? Voyez-vous quelquefois les nymphes des forêts Entr’ouvrir l’écorce des chênes ? Bacchus vient-il encor féconder vos coteaux ? Ce gazon que rougit le sang d’un sacrifice, Est-ce un autel aux dieux des champs et des troupeaux ? Est-ce le tombeau d’Eurydice ? » Mais le pâtre répond par ses gémissemens : C’est sa fille au cercueil qui dort sous ces bruyères ; Ce sang qui fume encor, c’est celui de ses frères Égorgés par les musulmans. O sommets de Taygète, ô rives du Pénée, De la sombre Tempé vallons silencieux, Ô campagnes d’Athène, ô Grèce infortunée, Où sont pour t’affranchir tes guerriers et tes dieux ? « Quelle cité jadis a couvert ces collines ? Sparte, répond mon guide… » Eh quoi ! Ces murs éserts, Quelques pierres sans nom, des tombeaux, des ruines, Voilà Sparte, et sa gloire a rempli l’univers ! Le soldat d’Ismaël, assis sur ces décombres, Insulte aux grandes ombres Des enfans d’Hercule en courroux. N’entends-je pas gémir sous ces portiques sombres ? Mânes des trois cents, est-ce vous ? … Eurotas, Eurotas, que font ces lauriers-roses Sur ton rivage en deuil, par la mort habité ? Est-ce pour faire outrage à ta captivité Que ces nobles fleurs sont écloses ? Non, ta gloire n’est plus ; non, d’un peuple puissant Tu ne reverras plus la jeunesse héroïque Laver parmi tes lis ses bras couverts de sang, Et dans ton cristal pur sous ses pas jaillissant Secouer la poudre olympique. C’en est fait, et ces jours que sont-ils devenus, Où le cygne argenté, tout fier de sa parure, Des vierges dans ses jeux caressait les pieds nus, Où tes roseaux divins rendaient un doux murmure, Où réchauffant Léda pâle de volupté, Froide et tremblante encore au sortir de tes ondes, Dans le sein qu’il couvrait de ses ailes fécondes, Un dieu versait la vie et l’immortalité ? C’en est fait ; et le cygne, exilé d’une terre Où l’on enchaîne la beauté, Devant l’éclat du cimeterre A fui comme la liberté. O sommets de Taygète, ô rives du Pénée, De la sombre Tempé vallons silencieux, Ô campagnes d’Athène, ô Grèce infortunée, Où sont pour t’affranchir tes guerriers et tes dieux ? Ils sont sur tes débris ! Aux armes ! Voici l’heure Où le fer te rendra les beaux jours que je pleure ! Voici la Liberté, tu renais à son nom ; Vierge comme Minerve, elle aura pour demeure Ce qui reste du Parthénon. Des champs de Sunium, des bois du Cythéron, Descends, peuple chéri de Mars et de Neptune ! Vous, relevez les murs ; vous, préparez les dards ! Femmes, offrez vos vœux sur ces marbres épars : Là fut l’autel de la fortune. Autour de ce rocher rassemblez-vous, vieillards : Ce rocher portait la tribune ; Sa base encor debout parle encore aux héros Qui peuplent la nouvelle Athènes : Prêtez l’oreille… Il a retenu quelques mots Des harangues de Démosthènes. Guerre, guerre aux tyrans ! Nochers ! Fendez les flots ! Du haut de son tombeau Thémistocle domine Sur ce port qui l’a vu si grand ; Et la mer à vos pieds s’y brise en murmurant Le nom sacré de Salamine. Guerre aux tyrans ! Soldats, le voilà ce clairon Qui des perses jadis a glacé le courage ! Sortez par ce portique, il est d’heureux présage : Pour revenir vainqueur, par là sortit Cimon. C’est là que de son père on suspendit l’image ! Partez, marchez, courez, vous courez au carnage, C’est le chemin de Marathon ! O sommets de Taygète, ô débris du Pyrée, Ô Sparte, entendez-vous leurs cris victorieux ? La Grèce a des vengeurs, la Grèce est délivrée, La Grèce a retrouvé ses héros et ses dieux !

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

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    Du besoin de s’unir après le départ des étrangers Ô toi que l’univers adore, Ô toi que maudit l’univers, Fortune, dont la main, du couchant à l’aurore, Dispense les lauriers, les sceptres et les fers, Ton aveugle courroux nous garde-t-il encore Des triomphes et des revers? Nos malheurs trop fameux proclament ta puissance; Tes jeux furent sanglans dans notre belle France; Le peuple mieux instruit, mais trop fier de ses droits, Sur les débris du trône établit son empire, Poussa la liberté jusqu’au mépris des lois, Et la raison jusqu’au délire. Bientôt au premier rang porté par ses exploits, Un roi nouveau brisa d’un sceptre despotique Les faisceaux de la république, Tout dégouttans du sang des rois. Pour affermir son trône, il lassa la victoire, D’un peuple généreux prodigua la valeur; L’Europe qu’il bravait a fléchi sous sa gloire; Elle insulte à notre malheur. C’est qu’ils ne vivent plus que dans notre mémoire Ces guerriers dont le nord a moissonné la fleur. O désastre! O pitié! Jour à jamais célèbre, Où ce cri s’éleva dans la patrie en deuil; Ils sont morts, et Moscow fut le flambeau funèbre Qui prêta ses clartés à leur vaste cercueil. Ces règnes d’un moment, et les chutes soudaines De ces trônes d’un jour l’un sur l’autre croulans, Ont laissé des levains de discorde et de haines Dans nos esprits plus turbulens. Cessant de comprimer la fièvre qui l’agite, Le fier républicain, sourd aux leçons du temps, Appelle avec fureur, dans ses rêves ardens, Une liberté sans limite; Mais cette liberté fut féconde en forfaits; Cet océan trompeur, qui n’a point de rivages, N’est connu jusqu’à nous que par de grands naufrages Dans les annales des Français. << Que nos maux, direz-vous, nous soient du moins utiles; Opposons une digue aux tempêtes civiles; Que deux pouvoirs rivaux, l’un émané des rois, L’autre sorti du peuple et garant de ses droits, Libres et dépendans, offrent au rang suprême Un rempart contre nous, un frein contre lui-même. >> Vainement la raison vous dicte ces discours; L’égoïsme et l’orgueil sont aveugles et sourds; Cet amant du passé, que le présent irrite, Jaloux de voir ses rois d’entraves dégagés, Le front baissé, se précipite Sous la verge des préjugés. Quoi! Toujours des partis proclamés légitimes, Tant qu’ils règnent sur nos débris, L’un par l’autre abattus, proscrivant ou proscrits, Tour à tour tyrans ou victimes! Empire malheureux! Voilà donc ton destin! … Français, ne dites plus : << La France nous est chère; >> Elle désavoûrait votre amour inhumain. Cessez, enfans ingrats, d’embrasser votre mère, Pour vous étouffer dans son sein. Contre ses ennemis tournez votre courage; Au conseil des vainqueurs son sort est agité; Ces rois qui l’encensaient fiers de leur esclavage, Vont lui vendre la liberté. Non, ce n’est pas en vain que sa voix nous appelle; Et, s’ils ont prétendu, par d’infames traités, Imprimer sur nos fronts une tache éternelle; Si de leur doigt superbe ils marquent les cités Que veut se partager une ligue infidèle; Si la foi des sermens n’est qu’un garant trompeur; Si, le glaive à la main, l’iniquité l’emporte; Si la France n’est plus, si la patrie est morte, Mourons tous avec elle, ou rendons-lui l’honneur. Qu’entends-je? Et d’où vient cette ivresse Qui semble croître dans son cours? Quels chants, quels transports d’allégresse! Quel bruyant et nombreux concours! De nos soldats la foule au loin se presse; D’une nouvelle ardeur leurs yeux sont embrasés; Plus d’anglais parmi nous! Plus de joug! Plus d’entraves! Levez plus fièrement vos fronts cicatrisés… Oui, l’étranger s’éloigne; oui, vos fers sont brisés; Soldats, vous n’êtes plus esclaves! Reprends ton orgueil, Ma noble patrie; Quitte enfin ton deuil, Liberté chérie; Liberté, patrie, Sortez du cercueil! D’un vainqueur insolent méprisons les injures; Riches des étendards conquis sur nos rivaux, Nous pouvons à leurs yeux dérober nos blessures En les cachant sous leurs drapeaux. Voulons-nous enchaîner leurs fureurs impuissantes? Soyons unis, français; nous ne les verrons plus Nous dicter d’Albion les décrets absolus, Arborer sur nos tours ses couleurs menaçantes. Nous ne les verrons plus, le front ceint de lauriers, Troublant de leur aspect les fêtes du génie, Chez Melpomène et Polymnie Usurper une place où siégeaient nos guerriers. Nous ne les verrons plus nous accorder par grace Une part des trésors flottans sur nos sillons. Soyons unis; jamais leurs bataillons De nos champs envahis ne couvriront la face; La France dans son sein ne les peut endurer, Et ne les recevrait que pour les dévorer. Ah! Ne l’oublions pas; naguère, dans ces plaines Où le sort nous abandonna, Nous n’avions pas porté des ames moins romaines Qu’aux champs de Rivoli, de Fleurus, d’Iéna; Mais nos divisions nous y forgeaient des chaînes. Effrayante leçon qui doit unir nos coeurs Par des liens indestructibles; Le courage fait des vainqueurs; La concorde, des invincibles. Henri, divin Henri, toi qui fus grand et bon, Qui chassas l’espagnol et finis nos misères, Les partis sont d’accord en prononçant ton nom; Henri, de tes enfans fais un peuple de frères. Ton image déjà semble nous protéger, Tu renais; avec toi renaît l’indépendance; Ô roi le plus français dont s’honore la France, Il est dans ton destin de voir fuir l’étranger! Et toi, son digne fils, après vingt ans d’orage, Règne sur des sujets par toi-même ennoblis. Leurs droits sont consacrés dans ton plus bel ouvrage. Oui, ce grand monument, affermi d’âge en âge, Doit couvrir de son ombre et le peuple et les lis. Il est des opprimés l’asile impérissable, La terreur du tyran, du ministre coupable, Le temple de nos libertés. Que la France prospère en tes mains magnanimes, Que tes jours soient sereins, tes décrets respectés, Toi, qui proclames ces maximes; Ô rois, pour commander, obéissez aux lois; Peuple, en obéissant, sois libre sous tes rois!

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    La Bataille de Waterloo Ils ne sont plus, laissez en paix leur cendre; Par d’injustes clameurs ces braves outragés À se justifier n’ont pas voulu descendre; Mais un seul jour les a vengés : Ils sont tous morts pour vous défendre. Malheur à vous si vos yeux inhumains N’ont point de pleurs pour la patrie! Sans force contre vos chagrins, Contre le mal commun votre âme est aguerrie; Tremblez, la mort peut-être étend sur vous ses mains! Que dis-je? Quel français n’a répandu des larmes Sur nos défenseurs expirans? Prêt à revoir les rois qu’il regretta vingt ans, Quel vieillard n’a rougi du malheur de nos armes? En pleurant ces guerriers par le destin trahis, Quel vieillard n’a senti s’éveiller dans son ame Quelque reste assoupi de cette antique flamme Qui l’embrasait pour son pays? Que de leçons, grand dieu! Que d’horribles images L’histoire d’un seul jour présente aux yeux des rois! Clio, sans que la plume échappe de ses doigts, Pourra-t-elle en tracer les pages? Cachez-moi ces soldats sous le nombre accablés, Domptés par la fatigue, écrasés par la foudre, Ces membres palpitans dispersés sur la poudre, Ces cadavres amoncelés! Eloignez de mes yeux ce monument funeste De la fureur des nations; Ô mort! Epargne ce qui reste! Varus, rends-nous nos légions! Les coursiers frappés d’épouvante, Les chefs et les soldats épars, Nos aigles et nos étendards Souillés d’une fange sanglante, Insultés par les léopards, Les blessés mourant sur les chars, Tout se presse sans ordre, et la foule incertaine, Qui se tourmente en vains efforts, S’agite, se heurte, se traîne, Et laisse après soi dans la plaine Du sang, des débris et des morts. Parmi des tourbillons de flamme et de fumée, Ô douleur, quel spectacle à mes yeux vient s’offrir? Le bataillon sacré, seul devant une armée, S’arrête pour mourir. C’est en vain que, surpris d’une vertu si rare, Les vainqueurs dans leurs mains retiennent le trépas. Fier de le conquérir, il court, il s’en empare; La garde, avait-il dit, meurt et ne se rend pas. On dit qu’en les voyant couchés sur la poussière, D’un respect douloureux frappé par tant d’exploits, L’ennemi, l’oeil fixé sur leur face guerrière, Les regarda sans peur pour la première fois. Les voilà ces héros si long-temps invincibles! Ils menacent encor les vainqueurs étonnés! Glacés par le trépas, que leurs yeux sont terribles! Que de hauts faits écrits sur leurs fronts sillonnés! Ils ont bravé les feux du soleil d’Italie, De la castille ils ont franchi les monts; Et le nord les a vus marcher sur les glaçons Dont l’éternel rempart protége la Russie. Ils avaient tout dompté… Le destin des combats Leur devait, après tant de gloire, Ce qu’aux français naguère il ne refusait pas; Le bonheur de mourir dans un jour de victoire. Ah! Ne les pleurons pas! Sur leurs fronts triomphans La palme de l’honneur n’a pas été flétrie; Pleurons sur nous, français, pleurons sur la patrie; L’orgueil et l’intérêt divisent ses enfans. Quel siècle en trahisons fut jamais plus fertile? L’amour du bien commun de tous les coeurs s’exile; La timide amitié n’a plus d’épanchemens; On s’évite, on se craint; la foi n’a plus d’asile, Et s’enfuit d’épouvante au bruit de nos sermens. O vertige fatal! Déplorables querelles Qui livrent nos foyers au fer de l’étranger! Le glaive étincelant dans nos mains infidèles, Ensanglante le sein qu’il devrait protéger. L’ennemi cependant renverse les murailles De nos forts et de nos cités; La foudre tonne encore, au mépris des traités. L’incendie et les funérailles Épouvantent encor nos hameaux dévastés; D’avides proconsuls dévorent nos provinces; Et, sous l’écharpe blanche, ou sous les trois couleurs, Les français, disputant pour le choix de leurs princes, Détrônent des drapeaux et proscrivent des fleurs. Des soldats de la Germanie J’ai vu les coursiers vagabonds Dans nos jardins pompeux errer sur les gazons, Parmi ces demi-dieux qu’enfanta le génie. J’ai vu des bataillons, des tentes et des chars, Et l’appareil d’un camp dans le temple des arts. Faut-il, muets témoins, dévorer tant d’outrages? Faut-il que le français, l’olivier dans la main, Reste insensible et froid comme ces dieux d’airain Dont ils insultent les images? Nous devons tous nos maux à ces divisions Que nourrit notre intolérance. Il est temps d’immoler au bonheur de la France Cet orgueil ombrageux de nos opinions. Etouffons le flambeau des guerres intestines. Soldats, le ciel prononce, il relève les lis; Adoptez les couleurs du héros de Bovines, En donnant une larme aux drapeaux d’Austerlitz. France, réveille-toi! Qu’un courroux unanime Enfante des guerriers autour du souverain! Divisés, désarmés, le vainqueur nous opprime; Présentons-lui la paix, les armes à la main. Et vous, peuples si fiers du trépas de nos braves, Vous, les témoins de notre deuil, Ne croyez pas, dans votre orgueil, Que, pour être vaincus, les français soient esclaves. Gardez-vous d’irriter nos vengeurs à venir; Peut-être que le ciel, lassé de nous punir, Seconderait notre courage; Et qu’un autre Germanicus Irait demander compte aux Germains d’un autre âge De la défaite de Varus.

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    La dévastation du musée et des monumens La sainte vérité qui m’échauffe et m’inspire Écarte et foule aux pieds les voiles imposteurs; Ma muse de nos maux flétrira les auteurs, Dussé-je voir briser ma lyre Par le glaive insolent de nos libérateurs. Où vont ces chars pesans conduits par leurs cohortes? Sous les voûtes du Louvre ils marchent à pas lents; Ils s’arrêtent devant ses portes; Viennent-ils lui ravir ses sacrés ornemens? Muses, penchez vos têtes abattues; Du siècle de Léon les chefs-d’oeuvre divins Sous un ciel sans clarté suivront les froids Germains; Les vaisseaux d’Albion attendent nos statues. Des profanateurs inhumains Vont-ils anéantir tant de veilles savantes? Porteront-ils le fer sur les toiles vivantes Que Raphaël anima de ses mains? Dieu du jour, dieu des vers, ils brisent ton image. C’en est fait : la victoire et la divinité Ne couronnent plus ton visage D’une double immortalité. C’en est fait : loin de toi jette un arc inutile. Non, tu n’inspiras point le vieux chantre d’Achille; Non, tu n’es pas le dieu qui vengea les neuf soeurs Des fureurs d’un monstre sauvage, Toi qui n’as pas un trait pour venger ton outrage Et terrasser tes ravisseurs. Le deuil est aux bosquets de Gnide. Muet, pâle et le front baissé, L’amour, que la guerre intimide, Eteint son flambeau renversé. Des grâces la troupe légère L’interroge sur ses douleurs; Il leur dit en versant des pleurs: << J’ai vu Mars outrager ma mère. >> Je crois entendre encor les clameurs des soldats Entraînant la jeune immortelle; Le fer a mutilé ses membres délicats; Hélas, elle semblait et plus chaste et plus belle, Cacher sa honte entre leurs bras. Dans un fort pris d’assaut, telle une vierge en larmes, Aux yeux des forcenés dont l’insolente ardeur Déchira les tissus qui dérobaient ses charmes, Se voile encor de sa pudeur. Adieu, débris fameux de Grèce et d’Ausonie, Et vous, tableaux errans de climats en climats; Adieu, Corrége, Albane, immortel Phidias! Adieu, les arts et le génie! Noble France, pardonne! A tes pompeux travaux, Aux Pujet, aux Lebrun, ma douleur fait injure. David a ramené son siècle à la nature; Parmi ses nourrissons il compte des rivaux… Laissons-la s’élever cette école nouvelle! Le laurier de David de lauriers entouré, Fier de ses rejetons, enfante un bois sacré Qui protége les arts de son ombre éternelle. Le marbre animé parle aux yeux; Une autre Vénus plus féconde, Près d’Hercule victorieux, Étend son flambeau sur le monde. Ajax, de son pied furieux, Insulte au flot qui se retire; L’oeil superbe, un bras dans les cieux, Il s’élance, et je l’entends dire: << J’échapperai malgré les dieux. >> Mais quels monceaux de morts! Que de spectres livides! Ils tombent dans Jaffa ces vieux soldats français Qui réveillaient naguère, au bruit de leurs succès, Les siècles entassés au fond des pyramides. Ah! Fuyons ces bords meurtriers! D’où te vient, Austerlitz, l’éclat qui t’environne? Qui dois-je couronner du peintre ou des guerriers? Les guerriers et le peintre ont droit à la couronne. Des chefs-d’oeuvre français naissent de toutes parts; Ils surprennent mon coeur à d’invincibles charmes; Au déluge, en tremblant, j’applaudis par mes larmes; Didon enchante mes regards; Versant sur un beau corps sa clarté caressante, À travers le feuillage un faible et doux rayon Porte les baisers d’une amante Sur les lèvres d’Endymion; De son flambeau vengeur Némésis m’épouvante; Je frémis avec Phèdre, et n’ose interroger L’accusé dédaigneux qui semble la juger. Je vois Léonidas. O courage! O patrie! Trois cents héros sont morts dans ce détroit fameux; Trois cents! Quel souvenir! … Je pleure… Et je m’écrie: Dix-huit mille Français ont expiré comme eux! Oui : j’en suis fier encor : ma patrie est l’asile, Elle est le temple des beaux-arts; À l’ombre de nos étendards, Ils reviendront ces dieux que la fortune exile. L’étranger, qui nous trompe, écrase impunément La justice et la foi sous le glaive étouffées; Il ternit pour jamais sa splendeur d’un moment; Il triomphe en barbare et brise nos trophées; Que cet orgueil est misérable et vain! Croit-il anéantir tous nos titres de gloire? On peut les effacer sur le marbre ou l’airain; Qui les effacera du livre de l’histoire? Ah! Tant que le soleil luira sur vos états, Il en doit éclairer d’impérissables marques; Comment disparaîtront, ô superbes monarques, Ces champs où les lauriers croissaient pour nos soldats? Allez, détruisez donc tant de cités royales Dont les clefs d’or suivaient nos pompes triomphales; Comblez ces fleuves écumans Qui nous ont opposé d’impuissantes barrières, Aplanissez ces monts dont les rochers fumans Tremblaient sous nos foudres guerrières. Voilà nos monumens : c’est là que nos exploits Redoutent peu l’orgueil d’une injuste victoire; Le fer, le feu, le temps plus puissant que les rois, Ne peut rien contre leur mémoire.

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    La vie de Jeanne d’Arc Un jour que l’océan gonflé par la tempête, Réunissant les eaux de ses fleuves divers, Fier de tout envahir, marchait à la conquête De ce vaste univers; Une voix s’éleva du milieu des orages, Et Dieu, de tant d’audace invinsible témoin, Dit aux flots étonnés : << Mourez sur ces rivages, Vous n’irez pas plus loin. >> Ainsi, quand, tourmentés d’une impuissante rage, Les soldats de Bedfort, grossis par leurs succès, Menaçaient d’un prochain naufrage Le royaume et le nom français; Une femme, arrêtant ces bandes formidables, Se montra dans nos champs de leur foule inondés; Et ce torrent vainqueur expira dans les sables Que naguère il couvrait de ses flots débordés. Une femme paraît, une vierge, un héros; Elle arrache son maître aux langueurs du repos. La France qui gémit se réveille avec peine, Voit son trône abattu, voit ses champs dévastés, Se lève en secouant sa chaîne, Et rassemble à ce bruit ses enfans irrités. Qui t’inspira, jeune et faible bergère, D’abandonner la houlette légère Et les tissus commencés par ta main? Ta sainte ardeur n’a pas été trompée; Mais quel pouvoir brise sous ton épée Les cimiers d’or et les casques d’airain? L’aube du jour voit briller ton armure, L’acier pesant couvre ta chevelure, Et des combats tu cours braver le sort. Qui t’inspira de quitter ton vieux père, De préférer aux baisers de ta mère L’horreur des camps, le carnage et la mort? C’est Dieu qui l’a voulu, c’est le dieu des armées, Qui regarde en pitié les pleurs des malheureux, C’est lui qui délivra nos tribus opprimées Sous le poids d’un joug rigoureux; C’est lui, c’est l’éternel, c’est le dieu des armées! L’ange exterminateur bénit ton étendard; Il mit dans tes accens un son mâle et terrible, La force dans ton bras, la mort dans ton regard, Et dit à la brebis paisible; Va déchirer le léopard. Richemont, Lahire, Xaintrailles, Dunois, et vous, preux chevaliers, Suivez ses pas dans les batailles; Couvrez-la de vos boucliers, Couvrez-la de votre vaillance; Soldats, c’est l’espoir de la France Que votre roi vous a commis. Marchez quand sa voix vous appelle, Car la victoire est avec elle; La fuite, avec ses ennemis. Apprenez d’une femme à forcer des murailles, À gravir leurs débris sous des feux dévorans, À terrasser l’anglais, à porter dans ses rangs Un bras fécond en funérailles! Honneur à ses hauts faits! Guerriers, honneur à vous! Chante, heureuse Orléans, les vengeurs de la France, Chante ta délivrance; Les assaillans nombreux sont tombés sous leurs coups. Que sont-ils devenus ces conquérans sauvages Devant le fer vainqueur qui combattait pour nous? … Ce que deviennent des nuages D’insectes dévorans dans les airs rassemblés, Quand un noir tourbillon élancé des montagnes Disperse en tournoyant ces bataillons ailés, Et fait pleuvoir sur nos campagnes Leurs cadavres amoncelés. Aux yeux d’un ennemi superbe Le lis a repris ses couleurs; Ses longs rameaux courbés sous l’herbe Se relèvent couverts de fleurs. Jeanne au front de son maître a posé la couronne. A l’attrait des plaisirs qui retiennent ses pas La noble fille l’abandonne; Délices de la cour, vous n’enchaînerez pas L’ardeur d’une vertu si pure; Des armes, voilà sa parure, Et ses plaisirs sont les combats. Ainsi tout prospérait à son jeune courage. Dieu conduisit deux ans ce merveilleux ouvrage. Il se plut à récompenser Pour la France et ses rois son amour idolâtre, Deux ans il la soutint sur ce brillant théâtre, Pour apprendre aux anglais, qu’il voulait abaisser Que la France jamais ne périt tout entière, Que, son dernier vengeur fût-il dans la poussière, Les femmes, au besoin, pourraient les en chasser.

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