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Histoire

10 poésies en cours de vérification
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Poésies de la collection histoire

    Alexandre Dumas

    Alexandre Dumas

    @alexandreDumas

    Chroniques de France Notre pauvre histoire de France, grâce à MM les historiographes patentés, a acquis, près des femmes surtout, une réputation d’ennui, qui depuis deux siècles soutient avec avantage la comparaison contre toute réputation de ce genre. La paresse qui leur est naturelle, et qui, comme presque tous leurs défauts, est encore un de leurs charmes, le peu de temps qui leur reste entre la toilette du matin, les courses ou le rendez-vous de la journée, et le bal du soir, étrangle toute occupation sérieuse, et leur fait négliger d’aller chercher le vrai et le pittoresque dans ces merveilleux mémoires du moyen âge, où dès la première page elles craignent de rencontrer une fatigue. Puis après tout, à quoi bon la science à cette moitié du monde qui n’a qu’à sourire pour être belle, qu’à se coucher à demi pour être gracieuse, qu’à marcher pour être élégante? à qui l’on ne demande, pendant ses quinze ans de jeunesse et de beauté, qu’un sourire qui encourage, qu’un regard qui enhardisse, qu’un mot qui rende heureux. Est-ce ensuite à l’épouse, avec son bouquet d’enfants groupés autour d’elle, comme des boutons sur une tige, qui découvre son sein pour allaiter l’un, tend sa main aux lèvres de l’autre, suit des yeux avec inquiétude un troisième; à l’épouse dont les jours regorgent de joie, d’amour et de craintes, que vous oserez dérober une de ces heures maternelles qui lui sont comptées au ciel comme des vertus, pour l’appliquer à la vaine science des temps passés? Les mères sont comme la nature; elles ne regardent qu’en avant. Puis laissez blanchir leurs cheveux: n’auront-elles point déjà trop de ces souvenirs personnels qui à tout âge font bondir le cœur d’une femme, pour introduire parmi eux des souvenirs étrangers et froids? Il en est parmi les siens qui lui demeurent si sacrés, que ce mélange serait presque une profanation. La jeune fille pense à son amour, l’épouse montre ses enfants, la grand’mère raconte ses souvenirs, et l’histoire du monde entier est pour la femme dans ces trois époques de sa vie. Ce serait une grande et belle chose cependant, que d’oser réveiller le génie de l’histoire, de le suivre, et de l’interroger à travers les générations mortes et les siècles éteints, comme Dante suivait et interrogeait Virgile; de redescendre en lui donnant la main, de Charlemagne, le Napoléon du moyen âge, à Napoléon, le Charlemagne moderne; ce serait un spectacle nouveau, en le considérant du côté pittoresque et poétique, que celui que présenterait notre mère-patrie, vue à neuf siècles de distance du haut du trône de ses deux puissants empereurs, et cependant si rétrécie sons Charles VII, que le vieux sang français ne circule plus que goutte à goutte au travers des trois provinces qui lui restent, comme au milieu d’un sablier, ne passent qu’un à un les grains de poussière qui mesurent le temps. Certes ce serait là une tâche à remplir la vie d’un homme, à ne lui rien laisser à désirer à l’heure de la mort, et à placer sa statue sur un piédestal pareil à celui d’Homère ou de Byron. Quel est le poète auquel cette idée ne soit pas venue vingt fois comme un remords, et qui n’ait passé bien des heures de sa vie à l’abandonner et à la reprendre jusqu’à ce qu’il se soit aperçu qu’un tiers des heures de sa vie était déjà derrière lui, et qu’il ait dit en regardant à l’œuvre à accomplir et le temps qui lui restait: il est trop tard; maudit soit Dieu! C’est pour cela que nous avons tant de poètes, tant de romanciers, et pas un historien. Il faut l’œil de Dieu pour regarder si loin dans le passé, il faut les bras d’un géant pour étreindre tant de siècles. Quelques-uns peut-être eussent accompli l’œuvre, mais ils ont douté d’eux, ils ont hésité à échanger sans relâche chaque jour de leur vie contre un an des temps passés; ils ont craint de descendre dans ces profondeurs de l’histoire où ils pouvaient se perdre, et comme un homme qui franchit un abîme, ils ont sauté d’un trône à l’autre, sans oser regarder au-dessous d’eux. Là cependant était le peuple. Puis, après tout, cette gloire posthume qui aurait dévoré toutes les heures d’une vie, aurait-elle valu ce qu’elle ôtait? L’oreille des morts entend-elle les noms que les générations prononcent en passant successivement sur leurs tombes, et dont le bruit, pareil au cercle que fait naître une pierre jetée au milieu d’un étang, diminue en s’élargissant, et s’efface en touchant le bord? Mieux vaut peut-être Dorat couronné de son vivant qu’Homère mis au rang des dieux après sa mort; peut-être les seuls instants de la vie qui ne soient pas perdus au compte de l’éternité, sont-ils d’abord ceux du bonheur, ensuite ceux du plaisir, puis enfin ceux passés à rien faire ou à faire des riens. Or, bonheur et plaisir sont aux mains des femmes; les femmes ne lisent pas l’histoire. Consolons nous donc que le temps manque à qui veut l’écrire, et si quelques- unes d’elles, par hasard, ou par caprice, désirent que nous dirigions leurs regards vers une de ces grandes époques qui marquent l’accroissement ou la décadence d’une nation, exigent que nous leur apprenions à bégayer ces noms d’hommes que peut seule prononcer assez haut la voix d’un peuple entier; déchirons quelques feuillets d’un fabliau gothique, naïvement enluminé d’or, de rouge et de bleu; rapetissons la taille d’Hugues Capet, de François Ier ou de Richelieu, à la dimension des pages d’un album; laissons le vent emporter cette page sur leurs genoux, et quand elles auront, depuis sa naissance jusqu’à son agonie, dévoré un siècle en une heure, que l’œil humide d’une dernière larme, elles, diront, en nous apercevant: Oh! j’ai lu votre nouvelle! c’est délicieux! Voilà comme j’aime l’histoire. Oublions nos espérances sublimes, nos rêves d’immortalité. Oublions travail, gloire, avenir, tout enfin pour cette larme tremblante aux cils d’un œil noir, que notre bouche peut recueillir avant qu’elle ne tombe.

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    Alexandre Dumas

    Alexandre Dumas

    @alexandreDumas

    Marie Stuart Il y a, pour les rois, des noms prédestinés à la mauvaise fortune: en France, c’est le nom de Henri. Henri Ier fut empoisonné, Henri II fut tué dans un tournoi, Henri III et Henri IV furent assassinés. Quant à Henri V, pour qui le passé est déjà si fatal, Dieu seul sait ce que lui garde l’avenir. En Écosse, c’est le nom de Stuart. Robert Ier, chef de la race, mourut à vingt-huit ans d’une maladie de langueur. Robert II, le plus heureux de la famille, fut forcé de passer une partie de sa vie non seulement dans la retraite, mais encore dans l’obscurité, à cause d’une inflammation des yeux qui les lui faisait rouges comme du sang. Robert III succomba au chagrin que lui causa la mort d’un de ses fils et la captivité de l’autre. Jacques Ier fut poignardé par Grahame dans l’abbaye des Moines-Noirs de Perth. Jacques II fut tué au siège de Roxburgh par l’éclat d’une pièce de canon qui creva. Jacques III fut assassiné par un inconnu dans un moulin où il s’était réfugié pendant la bataille de Sauchie. Jacques IV, frappé de deux flèches et d’un coup de hallebarde, tomba au milieu de sa noblesse sur le champ de bataille de Flodden. Jacques V mourut du chagrin d’avoir perdu ses deux fils et du remords d’avoir fait exécuter Hamilton. Jacques VI, prédestiné à réunir sur sa tête les deux couronnes d’Écosse et d’Angleterre, fils d’un père assassiné, traîna une vie triste et craintive entre l’échafaud de sa mère Marie Stuart et celui de son fils Charles Ier. Charles II passa une partie de sa vie en exil. Jacques II y mourut. Le chevalier de Saint-Georges, après avoir été proclamé roi d’Écosse sous le nom de Jacques VIII, et d’Angleterre et d’Irlande sous celui de Jacques III, fut obligé de fuir sans avoir pu donner à ses armes l’éclat même d’une défaite. Charles Édouard, son fils, après l’échauffourée de Derby et la bataille de Culloden, traqué de montagne en montagne, poursuivi de roche en roche, nageant de rivage en rivage, recueilli à demi-nu par un vaisseau français, s’en alla mourir à Florence sans que jamais les cours de l’Europe aient voulu le reconnaître pour souverain. Enfin, son frère Henri Benoît, le dernier héritier des Stuarts, après avoir vécu d’une pension de trois mille livres sterling que lui faisait le roi Georges III, expira complètement oublié et léguant à la maison de Hanovre tous les joyaux de la couronne, que Jacques II avait emportés en passant sur le continent en 1688, tardive mais entière reconnaissance de la légitimité de la famille qui avait succédé à la sienne. Au milieu de cette race malheureuse, Marie Stuart fut la privilégiée du malheur. Aussi Brantôme a dit d’elle: «Ceux qui voudront écrire sur cette illustre reine d’Écosse en ont deux très amples sujets, l’un celui de sa vie, et l’autre celui de sa mort.» C’est qu’aussi Brantôme l’avait connue dans une des circonstances les plus douloureuses de sa vie, c’est-à-dire au moment où elle quittait la France pour l’Écosse. Ce fut le 9 août 1561, après avoir perdu sa mère et son époux dans la même année, que Marie Stuart, douairière de France et reine d’Écosse à dix-neuf ans, conduite par les cardinaux de Guise et de Lorraine ses oncles, par le duc et la duchesse de Guise, par le duc d’Aumale et M. de Nemours, arriva à Calais, où l’attendaient, pour la ramener en Écosse, deux galères, l’une sous les ordres de M. de Mévillon, et l’autre sous le commandement du capitaine Albize. Elle resta sixjours en cette ville. Enfin, le 15 du même mois, après les plus tristes adieux à sa famille, accompagnée de MM. d’Aumale, d’Elboeuf et Damville, avec force noblesse parmi laquelle étaient Brantôme et Chatelard, elle s’embarqua sur la galère de M. Mévillon, qui reçut aussitôt l’ordre de pousser au large, ce qu’elle fit à l’aide de ses rames, le vent n’étant point assez fort pour qu’on pût se servir des voiles. Marie Stuart était alors dans toute la fleur de sa beauté, plus brillante encore sous ses vêtements de deuil; beauté si merveilleuse qu’elle répandait autour d’elle un charme auquel pas un de ceux à qui elle voulut plaire n’échappa et qui fut fatal à presque tous. Aussi avait-on fait vers cette époque une chanson sur elle qui, de l’aveu même de ses rivales, ne contenait que la vérité. Elle était, disait-on, de M. de Maison-Fleur, gentil cavalier pour les lettres et pour les armes. La voici: L’on voit sous blanc atour, En grand deuil et tristesse, Se promener maint tour, De beauté la déesse: Tenant le trait en main De son fils inhumain: Et l’amour sans fronteau Voleter autour d’elle, Déguisant son bandeau Sous un funèbre voile Où sont ces mots écrits: «Mourir ou être pris.» Or, en ce moment, Marie Stuart, vêtue de son grand deuil blanc, était plus belle que jamais, car de grosses larmes coulaient silencieusement de ses yeux tandis que, secouant un mouchoir de la main, debout sur le gaillard d’arrière, elle saluait, elle qui avait si grande douleur de partir, ceux qui avaient si grande douleur de rester. Enfin, au bout d’une demi-heure, on sortit du port et l’on se trouva en pleine mer. Tout à coup, Marie entendit de grands cris derrière elle. Un bâtiment qui arrivait à pleines voiles avait, par l’ignorance du pilote, touché contre un rocher, de sorte qu’il s’était ouvert et, après avoir tremblé et gémi un instant comme un homme blessé, il commençait à s’engloutir au milieu des hurlements de tout son équipage. Marie, épouvantée, pâle, muette et immobile, le regarda s’enfoncer graduellement dans la mer, tandis que le malheureux équipage, à mesure que la carène disparaissait, montait dans les vergues et dans les haubans afin de retarder son agonie de quelques minutes. Enfin, carène, vergues, mâts, tout s’engouffra dans la gueule béante de l’Océan. On vit surnager un instant quelques points noirs qui disparurent à leur tour les uns après les autres, puis le flot poussa le flot, et les spectateurs de cet horrible drame, voyant l’Océan calme et solitaire comme si rien ne s’était passé, se demandèrent si ce n’était pas une vision qui leur était apparue et puis s’était évanouie. -Hélas! s’écria Marie en se laissant tomber assise et en appuyant ses deux bras sur la poupe de la galère, quel triste augure pour un si triste voyage! Puis, fixant de nouveau vers le port, qui commençait à s’éloigner, ses yeux séchés un instant par la terreur et qui se mouillèrent de nouveau: -Adieu, France, murmura-t-elle, adieu, France. Et pendant cinq heures elle resta ainsi, pleurant et murmurant: -Adieu, France! adieu, France! L’obscurité vint qu’elle se lamentait encore. Et alors, comme les objets s’effaçaient et qu’on l’appelait pour souper: -C’est bien maintenant, ma chère France, dit-elle en se levant, que je vous perds réellement, puisque la nuit jalouse met deuil sur deuil en jetant un voile noir devant mes yeux. Adieu donc une dernière fois, ma chère France, car jamais je ne vous verrai plus. À ces mots, elle descendit, disant qu’elle était tout au contraire de Didon qui, après le départ d’Énée, n’avait plus fait que regarder les flots, tandis qu’elle, Marie, ne pouvait détacher ses regards de la terre. Alors tous firent cercle autour d’elle pour essayer de la distraire et de la consoler. Mais elle, toujours plus triste, ne pouvant répondre tant ses larmes l’étouffaient, mangea à peine; et se faisant dresser un lit dans la traverse de la poupe, elle fit venir le timonier et lui ordonna, s’il voyait encore la terre au point du jour, de venir la réveiller aussitôt. Et sur ce point Marie fut favorisée, car le vent ayant calmi, la galère, lorsque revint le jour, se trouva encore en vue de la France. Ce fut une grande joie pour Marie lorsque, réveillée par le timonier qui n’avait point oublié l’ordre reçu, elle se leva sur son lit et, à travers la fenêtre qu’elle fit ouvrir, revit une fois encore ce rivage bien-aimé. Mais sur les cinq heures du matin, le vent ayant fraîchi, la galère s’éloigna rapidement, de sorte que bientôt la terre disparut tout à fait. Alors Marie retomba sur son lit, pâle comme si elle était morte et murmurant encore une fois: -Adieu, France! je ne te verrai plus. En effet, c’était dans cette France qu’elle regrettait tant que venaient de s’écouler les plus belles années de sa vie. Née au milieu des premiers troubles de religion, près du lit de son père mourant, le deuil du berceau devait s’étendre pour elle jusqu’à la tombe, et son séjour en France avait été un rayon de soleil dans la nuit. Calomniée dès sa naissance, le bruit s’était si généralement répandu qu’elle était mal conformée et qu’elle ne pouvait vivre qu’un jour sa mère, Marie de Guise, lassée de ces faux rapports, la débarrassa de ses langes et la montra nue à l’ambassadeur d’Angleterre qui venait, de la part de Henri VIII, la demander en mariage pour le prince de Galles, qui n’avait lui-même que cinq ans. Couronnée à neuf mois par le cardinal Beaton, archevêque de Saint-André, elle fut enfermée aussitôt par sa mère, qui craignait pour elle quelque perfidie du roi d’Angle- terre, dans le château de Stirling. Deux ans après, ne trouvant pas que cette forteresse lui présentât encore assez de sûreté, elle la transporta dans une île au milieu du lac Menteith, où un monastère, seul édifice qui existât dans ce lieu, servit d’asile à l’enfant royal et à quatre jeunes filles nées la même année qu’elle, portant comme elle le doux nom qui est l’anagramme du mot aimer et qui, ne devant la quitter dans sa bonne ni dans sa mauvaise fortune, étaient appelées les Maries de la reine. C’étaient Marie Livingston, Marie Fleming, Marie Seyton et Marie Beatoun. Elle resta dans ce monastère jusqu’à l’époque où le parlement, ayant approuvé son mariage avec le dauphin de France, fils de Henri II, elle fut conduite au château de Dumbarton pour y attendre le moment de son départ. C’est là qu’elle fut remise à M. de Brézé, qui venait la chercher de la part de Henri II. Partie sur les galères françaises mouillées à l’embouchure de la Clyde, Marie, après avoir été vivement poursuivie par la flotte anglaise, entra le 15 août 1548 dans le port de Brest, un an après la mort de François Ier. Outre les quatre Maries de la reine, les vaisseaux amenaient encore en France trois de ses frères naturels, parmi lesquels était le prieur de Saint-André, Jacques Stuart, qui devait plus tard abjurer la foi catholique et, avec le titre de régent du royaume et sous le nom de comte de Murray, devenir si fatal à la pauvre Marie. De Brest, Marie se rendit à Saint-Germain-en- Laye, où Henri II, qui venait de monter sur le trône, la combla de caresses, puis l’envoya dans un couvent où étaient élevées les héritières des plus nobles maisons de France. Là, les heureuses dispositions de Marie se développèrent. Née avec le coeur d’une femme et la tête d’un homme, Marie acquit non seulement tous les talents d’agrément qui constituaient l’éducation d’une future reine, mais encore les sciences positives qui sont le complément de celle d’un habile docteur. Aussi, à l’âge de quatorze ans, elle prononça, dans une salle du Louvre, devant Henri II, Catherine de Médicis et toute la cour, un discours latin de sa composition dans lequel elle soutenait qu’il sied bien aux femmes de cultiver les lettres et que c’est une injustice et une tyrannie que d’ôter aux fleurs leurs parfums en reléguant ainsi les jeunes filles dans les soins de leur intérieur. On comprend de quelles manière une future reine, soutenant une pareille thèse, dut être accueillie dans la cour la plus lettrée et la plus pédante de l’Europe. Entre la littérature de Rabelais et de Marot touchant à son déclin et celle de Ronsard et de Montaigne, qui marchaient à leur apogée, Marie devint reine de poésie, trop heureuse qu’elle eût été de ne jamais porter d’autre couronne que celle que Ronsard, Dubellay, Maison-Fleur et Brantôme lui posaient chaque jour sur la tête. Mais elle était prédestinée. Au milieu de ces fêtes qu’essayait de ressusciter la chevalerie mourante arriva la fatale joute des Tournelles: Henri II, frappé d’un éclat de lance au défaut de sa visière, alla se coucher avant l’âge auprès de ses ancêtres, et Marie Stuart monta sur le trône de France, où du deuil de Henri elle passa à celui de sa mère, et du deuil de sa mère, à celui de son époux. Marie ressentit cette dernière perte en femme et en poète; son coeur se répandit en larmes amères et en plaintes harmonieuses. Voici les vers qu’elle fit alors: En mon triste et doux chant, D’un ton fort lamentable, Je jette un deuil tranchant De perte incomparable, Et en soupirs cuisants Passe mes meilleurs ans. Fut-il un tel malheur De dure destinée, Ni si triste douleur De dame fortunée Qui mon coeur et mon oeil Vois en bière et cercueil? Qui dans mon doux printemps Et fleur de ma jeunesse, Toutes les peines sens D’une extrême tristesse, Et en rien n’ai plaisir Qu’en regret et désir. Ce qui m’étoit plaisant Me devint peine dure; Le jour le plus luisant Est pour moi nuit obscure, Et n’est rien si exquis Qui de moi soit requis. J’ai au coeur et à l’oeil Un portrait, une image, Qui figure mon deuil Sur mon pâle visage De violettes teint, Qui est l’amoureux teint. Pour mon mal estranger, Je ne m’arrête en place; Mais j’en ai beau changer, Si ma douleur n’efface: Car mon pis et mon mieux Sont les plus déserts lieux. Si en quelque séjour, Soit en bois, soit en prée, Soit sur l’aube du jour, Ou soit sur la vesprée, Sans cesse mon coeur sent Le regret d’un absent. Si par fois vers les cieux Viens adresser ma vue, Le doux trait de ses yeux Je vois en une nue; Si les baisse vers l’eau, Vois comme en un tombeau. Si je suis en repos, Sommeillant sur ma couche, J’oy qu’il me tient propos, Je le sens qu’il me touche; En labeur, en recoy, Toujours est près de moy. Je ne vois autre objet, Si beau qu’il se présente, À qui que soit subjet Oncques mon coeur consente: Exempt de perfection À cette affection. Mets chanson icy fin À si triste complainte Dont sera le refrain Amour vraie et non feinte, Qui, pour séparation, N’aura diminution.

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    A

    Amisador Andréa

    @amisadorAndrea

    Les vices et la vertu Je m'adresse à un juif du XXe siècle On a un peu la même histoire toi et moi Toi qui un beau jour fut accusé de trahison Puis martyrisé au plus profond de ton être Ces bons adorateurs du christ Que tu refuses d'admettre Ceux qui prônent le pardon S'abstiennent d'omettre Que de ta propre foie Tu aie l'entière raison   C'est ainsi qu' on t'asservit Au vice et à l'argent Flambeau de belles discriminations Tu  devint banquier malgré toi Et devint riche jusqu'à l'ivresse Par les années et par les siècles Ces beaux adorateurs du christ Louant sa sainte piété Te reprochèrent ta richesse Te vilipendant avec passion Ce n'est pas que c'est hypocrite C'est juste une belle ironie Il était une fois On a fait de notre mieux Et on tenta de prendre congé de toi On rassembla tout notre racisme Pour dissiper les tâches sémites Qui empêchait l'europe de voir (car ta culture est une cécité L'on avait que faire de ton ancestral savoir Ta présence pesait lourd, c'était un véritable poids Par charité c'était donc de notre devoir de nous en accommoder Pour toujours) À quelle point elle est raciste, Qui se vanterait d'y croire Alors qu' elle efface lentement ses différences Alors qu'elle étouffe ses couleurs D'une telle toile ,qui veut entendre les cris Les poésies d'une douleur Qui étonna par sa latence Qui s'étoffa de malheur Et qui s'écrivit en France Pour mieux voir l'avenir Il fallait gommer la trace communiste Qui aux abords semble refléter La générosité dont elle se prétend l'image Car vivre d'eau fraîche et de partage Est quelque peu nihiliste Et faire d'idées nouvelles Un mauvais cordage Pour se pendre devant si peu de félonie Rendrait soutenable tant de marxisme Pour mieux nous repentir Nous devions aussi nous débarrasser De nos obsolètes valeurs De notre courage, notre fraternité N'en déplaise à tout ce l'on avait accomplit A nos combats pour la démocratie Et mieux encore à notre grandeur Pour devenir des lâches Et trahir ce que l'on vociféra à outrance Liberté En ce qui me concerne j'ai autrefois gambadé en Afrique Temps où elle fut riche Temps ou elle fut vierge Ce n'est une qualité que pour moi Mais je la préférais douce et sauvage Et voilà qu' un beau jour On vint me parler d'esclavage De servitude et d'Atlantique À cause de maux que je ne connus que trop tard Je dû quitter quitter ma mère, prendre une autre Trahir mon sang d'or Oublier mes soleils noirs Dans les cales d'une sorte de galère M'en aller vers les Amériques Moisissant trois mois dans ma propre merde Pour qu' ensuite on me fasse marchandise Étouffé par les chaînes Puis Languisant tendrement sous le soleil Je ramassais ma propre peine Je souffrais des cannes à sucres Et Du poids de l'injustice de ce système Dont je tairais le nom Celui qui me fit esclave Celui qui les fit maîtres Qui par le fouet sillona ma chair Y faisant naître la douleur Autant que le désespoir Et on viendrait omettre Que c'est de toi que je parle Toi qui me pris ma dignité Et qui me fis être inférieur Toi, Esclavage Tu vois, nos histoires sont similaires Toi fut martyrisé et insulté Jusqu'au plus profond de ton être Puis gazé, et brûlé Moi aussi brisé, humilié Vendu, utilisé En somme, une vie de nègre Ou la mémoire d'un déporté Enfin Comme tous ceux dont je n'ai pu aujourd'hui parler Nos histoires doivent se faire connaître Il serait idiot de refaire les erreurs du passé De vendre quelques personnes Près de l'Égypte, en Afrique du nord De séquestrer quelques croyants Voire de leur donner la mort Cette fois de condamner les méritants À la pauvreté et à la misère Ce n'est pas que l'histoire se répète C'est une coïncidence Une boutade que nous fait le sort Et non le manque de sens Ou la bêtise de nos sociétés Qui s'y ainsi honore Même si nous étions à l'image De nos propre valeurs Y verrait-on quelques présages Des désastres à venir   Et pourtant Je reste français Dans mes défauts Et mon ancestrale hypocrisie Je garde mon cran et mon courage Même si autant de fois que je les trahi Je les ai honoré J'ai parfois tant de mépris Pour ce que j'ose nommer justice Même si mon être ne laisse pas à penser Que de liberté, de fraternité et d'égalité Je demeure le feuillage Même si j'ai su me réinventer Malgré le cri de ma souffrance intérieur Qui mena des peuples à la révolution Je continue d'avoir des peurs Je continues d'être malhonnête Et de m'envenimer de corruption Même si je n'adore pas la guerre Toujours je guerroierais pour mes convictions Contre un 49.3 à république Même si j'ai soutenu les responsables De la Shoah et de l'holocauste Même si j'ai vendu et acheter des esclaves Comme 66 millions de personnes Dans mon immuable fierté Dans l'espoir d'être meilleure De me rendre plus forte A force de solidarité Je fus et demeure la France Qu' importe les épreuve Je suis et je serais français

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    Adieux à Rome L’airain avait sonné l’hymne pieux du soir. Sur les temples de Rome, où cessait la prière, La lune répandait sa paisible lumière; Au Forum à pas lents, triste, j’allai m’asseoir. J’admirais ses débris, ses longs portiques sombres, Et clans ce jour douteux, par leur masse arrêté, Tous ces grands monuments empruntaient de leurs ombres Plus de grandeur encore et plus de majesté; Comme l’objet absent, qu’un regret nous rappelle, Reçoit du souvenir une beauté nouvelle, Mon luth, longtemps muet, préluda dans mes mains, Et sur l’air grave et doux dont le chant se marie Aux accents inspirés des poètes romains, Cet adieu s’échappa de mon âme attendrie; << Rome, pour la dernière fois << Je parcours ta funèbre enceinte: << Inspire les chants dont ma voix << Va saluer ta gloire éteinte. << Luis dans mes vers, astre éclipsé << Dont la splendeur fut sans rivale; << Ombre-éclatante du passé, << Le présent n'a rien qui t'égale. << Tout doit mourir, tout doit changer: << La grandeur s'élève et succombe. << Un culte même est passager; << Il souffre, persécute et tombe. << Tu brillais de ce double éclat, << Et tu n'as pas fait plus d'esclaves << Avec la toge du sénat << Que sous la pourpre des conclaves. << Du sang de tes premiers soutiens << Cette colline est arrosée; << Le sang de les héros chrétiens << Rougit encor lé Cotisée. << A travers ces deux souvenirs << Tu m'apparais pâle et flétrie, << Entre les palmes des martyrs << Et les lauriers de la patrie. << Que tes grands noms, que tes exploits, << Tes souvenirs de tous les âges, << Viennent se confondre sans choix << Dans mes regrets et mes hommages, << Comme ces temples abattus, << Comme les tombeaux et les ombres << De tes Césars, de tes Brutus << Se confondent dans tes décombres. << Adieu, Forum, que Cicéron << Remplit encor de sa mémoire! << Ici, chaque pierre a son nom, << Ici, chaque débris sa gloire. << Je passe, et mes pieds ont foulé << Dans ce tombeau d'où sortit Rome, << Les restes d'un dieu mutilé << Ou la poussière d'un grand homme. << Adieu, vallon frais où Numa << Consultait sa nymphe chérie! << J'entends le ruisseau qu'il aima << Murmurer le nom d'Égérie. << Son eau coule encor; mais les rois, << Que séduit une autre déesse, << Ne viennent plus chercher des lois << Où Numa puise la sagesse. << Temple, dont l'Olympe exilé << A fui la majesté déserte, << Panthéon, ce ciel étoile << Achève ta voûte entr'ouverte; << Et ses feux du haut de l'éther, << Cherchant tes dieux dans ton enceinte << Vont sur l'autel de Jupiter << Mourir au pied de la croix sainte. << Qui t'éleva, dôme éternel, << Du Panthéon céleste frère? << Si tu fus l'oeuvre d'un mortel << Les arts ont aussi leur Homère; << Et du génie en ce saint lieu << Je sens l'invisible présence, << Comme je sens celle du Dieu << Qui remplit ta coupole immense. << Je vous revois, parvis sacrés << Qu'un poète a rendus célèbres! << Je foule les noms ignorés << Qui chargent vos pavés funèbres, << Et de tous ces tombeaux obscurs << Le marbre qui tient tant de place, << Laisse .à peine un coin clans vos murs << Pour la cendre et le nom du Tasse! << Cloître désert, sous les arceaux << Mourut l'amant d'Éléonore, << Près du chêne dont les rameaux << Devaient pour lui verdir encore. << Avant l'âge ainsi meurt Byron; << Un même trépas les immole: << L'un tombe au seuil du Parthénon, << Et l'autre au pied du Capitole... >> Je les pleurais tous deux, et je sentis ma voix Mourir avec leurs noms sur mes lèvres tremblantes; Je sentis les accords s’affaiblir sous mes doigts, Pareils au bruit plaintif, aux notes expirantes Qui se perdent dans l’air, quand du Miserere Les sous au Vatican s’éteignent par degré. Jaloux pour mon pays, je cherchais en silence Quels noms il opposait à ces noms immortels; Il m’apparaît alors, celui dont l’éloquence Des demi-dieux romains releva les autels; Le Sophocle français, l’orgueil de sa patrie, L’égal de ses héros, celui qui crayonna L’âme du grand Pompée et l’esprit do Cinna; Emu d’un saint respect, je l’admire et m’écrie; << Chantre de ces guerriers fameux, << Grand homme, ô Corneille, ô mon maître, << Tu n'as pas habité comme eux << Cette Rome où tu devais naître; << Mais les dieux t'avaient au berceau << Révélé sa grandeur passée, << Et sans fléchir sous ton fardeau, << Tu la portais dans ta pensée! << Ah! tu dois errer sur ces bords, << Où le Tibre te rend hommage! << Viens converser avec les morts << Dont ta main retraça l'image. << Viens, et, ranimés pour te voir, << Ils vont se lever sur tes traces; << Viens, grand Corneille, viens t'asseoir << Au pied du tombeau des Horaces! << De quel noble-frémissement << L'orgueil doit agiter ton âme, << Lorsque sur ce froid monument << De tes vers tu répands la flamme! << Il tremble, et dans son sein profond << J'entends murmurer sur la terre << Deux fils morts, dont la voix répond << Au qu'il mourût de leur vieux père. << Beau comme ces marbres vivants << Dont l'art enfanta les merveilles, << Ton front vaste abandonne aux vents << Ses cheveux blanchis par les veilles; << Et quand les fils de Romulus << Autour de toi couvrent ces plaines, << Je crois voir un Romain de plus << Évoquant les ombres romaines. << Je pars, mais ces morts me suivront: << Ta muse a soufflé sur leur cendre. << En renaissant ils grandiront << Dans tes vers, qui vont me les rendre; << Et l'airain, qui, vainqueur du temps, << Jusqu'aux cieux porta leurs images, << Les plaça sur des monuments << Moins sublimes que tes ouvrages! >>

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    La mort de Jeanne d’Arc Silence au camp ! La vierge est prisonnière ; Par un injuste arrêt Bedfort croit la flétrir : Jeune encore, elle touche à son heure dernière… Silence au camp ! La vierge va périr. Des pontifes divins, vendus à la puissance, Sous les subtilités des dogmes ténébreux Ont accablé son innocence. Les anglais commandaient ce sacrifice affreux : Un prêtre en cheveux blancs ordonna le supplice ; Et c’est au nom d’un dieu par lui calomnié, D’un dieu de vérité, d’amour et de justice, Qu’un prêtre fut perfide, injuste et sans pitié. Dieu, quand ton jour viendra, quel sera le partage Des pontifes persécuteurs ? Oseront-ils prétendre au céleste héritage De l’innocent dont ils ont bu les pleurs ? Ils seront rejetés, ces pieux imposteurs, Qui font servir ton nom de complice à leur rage, Et t’offrent pour encens la vapeur du carnage. A qui réserve-t-on ces apprêts meurtriers ? Pour qui ces torches qu’on excite ? L’airain sacré tremble et s’agite… D’où vient ce bruit lugubre ? Où courent ces guerriers Dont la foule à long flots roule et se précipite ? La joie éclate sur leurs traits, Sans doute l’honneur les enflamme : Ils vont pour un assaut former leurs rangs épais : Non, ces guerriers sont des anglais Qui vont voir mourir une femme. Qu’ils sont nobles dans leur courroux ! Qu’il est beau d’insulter au bras chargé d’entraves ! La voyant sans défense, ils s’écriaient, ces braves : Qu’elle meure ! Elle a contre nous Des esprits infernaux suscité la magie… Lâches ! Que lui reprochez-vous ? D’un courage inspiré la brûlante énergie, L’amour du nom français, le mépris du danger, Voilà sa magie et ses charmes ; En faut-il d’autres que des armes Pour combattre, pour vaincre et punir l’étranger ? Du Christ avec ardeur Jeanne baisait l’image ; Ses longs cheveux épars flottaient au gré des vents, Au pied de l’échafaud, sans changer de visage, Elle s’avançait à pas lents. Tranquille, elle y monta : quand, debout sur le faîte, Elle vit ce bûcher qui l’allait dévorer, Les bourreaux en suspens, la flamme déjà prête, Sentant son cœur faillir, elle baissa la tête, Et se prit à pleurer. Ah ! Pleure, fille infortunée ! Ta jeunesse va se flétrir, Dans sa fleur trop tôt moissonnée ! Adieu, beau ciel, il faut mourir. Ainsi qu’une source affaiblie, Près du lieu même où naît son cours, Meurt en prodiguant ses secours Au berger qui passe et l’oublie ; Ainsi, dans l’âge des amours, Finit ta chaste destinée, Et tu péris abandonnée Par ceux dont tu sauvas les jours. Tu ne reverras plus tes riantes montagnes, Le temple, le hameau, les champs de Vaucouleurs, Et ta chaumière et tes compagnes, Et ton père expirant sous le poids des douleurs. Chevaliers, parmi vous qui combattra pour elle ? N’osez-vous entreprendre une cause si belle ? Quoi ! Vous restez muets ! Aucun ne sort des rangs ! Aucun pour la sauver ne descend dans la lice ! Puisqu’un forfait si noir les trouve indifférens, Tonnez, confondez l’injustice, Cieux, obscurcissez-vous de nuages épais ; Éteignez sous leurs flots les feux du sacrifice, Ou guidez au lieu du supplice, À défaut du tonnerre, un chevalier français. Après quelques instans d’un horrible silence, Tout à coup le feu brille, il s’irrite, il s’élance… Le cœur de la guerrière alors s’est ranimé ; À travers les vapeurs d’une fumée ardente, Jeanne, encor menaçante, Montre aux anglais son bras à demi consumé. Pourquoi reculer d’épouvante, Anglais ? Son bras est désarmé. La flamme l’environne, et sa voix expirante Murmure encore : ô France ! O mon roi bien-aimé ! Que faisait-il ce roi ? Plongé dans la mollesse, Tandis que le malheur réclamait son appui, L’ingrat, il oubliait, aux pieds d’une maîtresse, La vierge qui mourait pour lui ! Ah ! Qu’une page si funeste De ce règne victorieux, Pour n’en pas obscurcir le reste, S’efface sous les pleurs qui tombent de nos yeux ! Qu’un monument s’élève aux lieux de ta naissance, Ô toi, qui des vainqueurs renversas les projets ! La France y portera son deuil et ses regrets, Sa tardive reconnaissance ; Elle y viendra gémir sous de jeunes cyprès : Puissent croître avec eux ta gloire et sa puissance ! Que sur l’airain funèbre ou grave des combats, Des étendards anglais fuyant devant tes pas, Dieu vengeant par tes mains la plus juste des causes. Venez, jeunes beautés ; venez, braves soldats ; Semez sur son tombeau les lauriers et les roses ! Qu’un jour le voyageur, en parcourant ces bois, Cueille un rameau sacré, l’y dépose, et s’écrie : « À celle qui sauva le trône et la patrie, Et n’obtint qu’un tombeau pour prix de ses exploits. » Notre armée au cercueil eut mon premier hommage ; Mon luth chante aujourd’hui les vertus d’un autre âge : Ai-je trop présumé de ses faibles accens ? Pour célébrer tant de vaillance, Sans doute il n’a rendu que des sons impuissans ; Mais, poète et français, j’aime à vanter la France. Qu’elle accepte en tribut de périssables fleurs. Malheureux de ses maux et fier de ses victoires, Je dépose à ses pieds ma joie ou mes douleurs : J’ai des chants pour toutes ses gloires, Des larmes pour tous ses malheurs.

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    Les troyennes Aux bords du Simoïs, les Troyennes captives Ensemble rappelaient, par des hymnes pieux, De leurs félicités les heures fugitives, Et, le deuil sur le front, les larmes dans les yeux, Adressaient de leurs voix plaintives Aux restes d’Ilion ces éternels adieux : CHŒUR D’un peuple d’exilés déplorable patrie, Ton empire n’est plus, et ta gloire est flétrie. UNE TROYENNE Des rois voisins puissant recours, Que de fois Ilion s’arma pour leur défense ! D’un peuple heureux l’innombrable concours S’agitait dans les murs de cette ville immense : Ses tours bravaient des ans les progrès destructeurs, Et, fondés par les dieux, ses temples magnifiques Touchaient de leurs voûtes antiques Au séjour de leurs fondateurs. UNE TROYENNE Cinquante fils, l’honneur de Troie, Assis au banquet paternel, Environnaient Priam de splendeur et de joie ; Heureux père, il croyait son bonheur éternel ! UNE AUTRE Royal espoir de ta famille, Hector, tu prends le bouclier, Sur ton sein la cuirasse brille, Le fer couvre ton front guerrier. Aux yeux d’Hécube, qui frissonne, Dans les jeux obtiens la couronne, Pour en couvrir ses cheveux blancs ; Du ciel allumant la colère, Déjà le crime de ton frère T’apprête des jeux plus sanglants. UNE JEUNE FILLE Polyxène disait à ses jeunes compagnes : Dépouillez ce vallon favorisé des cieux ; C’est pour nous que les fleurs naissent dans ces campagnes ; Le printemps sourit à nos jeux. Elle ne disait pas : Vous plaindrez ma misère Sur ces bords où mes jours coulent dans les honneurs ; Elle ne disait pas : Mon sang teindra la terre Où je cueille aujourd’hui des fleurs. CHŒUR D’un peuple d’exilés déplorable patrie, Ton empire n’est plus, et ta gloire est flétrie. UNE TROYENNE Sous l’azur d’un beau ciel, qui promet d’heureux jours, Quel est ce passager dont la nef couronnée, Dans un calme profond, s’avance abandonnée Au souffle des Amours ? UNE AUTRE Il apporte dans nos murailles Le carnage et les funérailles. Neptune, au fond des mers que ton trident vengeur Ouvre une tombe à l’adultère ! Et vous, dieux de l’Olympe, ordonnez au tonnerre De dévorer le ravisseur. UNE TROYENNE Mais non, le clairon sonne et le fer étincelle ; Je vois tomber les rocs, j’entends siffler les dards ; Dans les champs dévastés le sang au loin ruisselle, Les chars sont heurtés par les chars. Achille s’élance, Il vole, tout fuit, L’horreur le devance, Le trépas le suit, La crainte et la honte Sont dans tous les yeux, Hector seul affronte Achille et les dieux. UNE AUTRE Sur les restes d’Hector qu’on épanche une eau pure. Apportez des parfums, faites fumer l’encens. Autour de son bûcher, vos sourds gémissements Forment un douloureux murmure ; Ah ! gémissez, Troyens ! soldats, baignez de pleurs Une cendre si chère !… Des fleurs ! vierges, semez des fleurs ! Hector dans le tombeau précède son vieux père. CHŒUR Des fleurs ! vierges, semez des fleurs ! Hector dans le tombeau précède son vieux père. UNE TROYENNE Ilion, Ilion, tu dors, et dans tes murs Pyrrhus veille enflammé d’une cruelle joie ; Tels que des loups errants par des sentiers obscurs, Les Grecs viennent saisir leur proie. UNE AUTRE Hélas ! demain à son retour Le soleil pour Argos ramènera le jour ; Mais il ne luira plus pour Troie. UNE TROYENNE 0 détestable nuit ! ô perfide sommeil ! D’où vient qu’autour de moi brille une clarté sombre ? Quels affreux hurlements se prolongent dans l’ombre ? Quel épouvantable réveil ! UNE JEUNE TROYENNE Sthénélus massacre mon frère. UNE JEUNE TROYENNE Ajax poursuit ma sœur dans les bras de ma mère. UNE AUTRE Ulysse foule aux pieds mon père. UNE TROYENNE Nos palais sont détruits, nos temples ravagés ; Femmes, enfants, vieillards, sous le fer tout succombe, Par un même trépas dans une même tombe Tous les citoyens sont plongés. UNE AUTRE Adieu, champs où fut Troie ; adieu, terre chérie, Et vous, mânes sacrés des héros et des rois, Doux sommets de l’Ida, beau ciel de la patrie, Adieu pour la dernière fois ! UNE TROYENNE Un jour, en parcourant la plage solitaire, Des forêts le tigre indompté Souillera de ses pas l’auguste sanctuaire, Séjour de la divinité. UNE TROYENNE Le pâtre de l’Ida, seul près d’un vieux portique, Sous les rameaux sanglants du laurier domestique, Où l’ombre de Priam semble gémir encor, Cherchera des cités l’antique souveraine, Tandis que le bélier bondira dans la plaine Sur le tombeau d’Hector. UNE AUTRE Et nous, tristes débris, battus par les tempêtes, La mer nous jettera sur quelque bord lointain. UNE AUTRE Des vainqueurs nous verrons les fêtes, Nous dresserons aux Grecs la table du festin. Leurs épouses riront de notre obéissance ; Et dans les coupes d’or où buvaient nos aïeux, Debout, nous verserons aux convives joyeux Le vin, l’ivresse et l’arrogance. UNE TROYENNE Chantez cette Ilion proscrite par les dieux ; Chantez, nous diront-ils, misérables captives, Et que l’hymne troyen retentisse en ces lieux. 0 fleuves d’Ilion, nous chantions sur vos rives, Quand des murs de Priam les nombreux citoyens, Enrichis dans la paix, triomphaient dans la guerre ; Mais les hymnes troyens Ne retentiront plus sur la rive étrangère ! UNE AUTRE Si tu veux entendre nos chants, Rends-nous, peuple cruel, nos époux et nos pères, Nos enfants et nos frères ! Fais sortir Ilion de ses débris fumants ! Mais puisque nul effort aujourd’hui ne peut rendre La splendeur à Pergame en cendre, La vie aux guerriers phrygiens, Sans cesse nous voulons pleurer notre misère, Et les hymnes troyens Ne retentiront pas sur la rive étrangère. CHŒUR Adieu, mânes sacrés des héros et des rois ! Adieu, terre chérie ! Doux sommet de l’Ida, beau ciel de la patrie, Vous entendez nos chants pour la dernière fois !

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    Georges Ribemont-Dessaignes

    Georges Ribemont-Dessaignes

    @georgesRibemontDessaignes

    Vie et mort d'ève L’arbre du jardin A mûri ses pommes Et dans chaque pomme Ont mûri les grains, Et dans chaque grain Il y a un arbre, Dans l’arbre la terre, Dans son poids de terre Masse de soleil Et le firmament Avec ses étoiles Et la grande Voie Des immenses mondes De poussière immense Et dans chaque monde Est son poids de vide, Ô pomme magique, Et ton pesant d’or, Ton pesant de vide, Petit grain de vide Ô petit grain d’or, Germe du désir Au souhait d’un cœur, Tel est le présent Par un ange offert, Par un prince blanc, Par un prince noir, Ô caresse, haleine, La graine du vide Et des apparences Et baise, ô cœur chaud, Le bien et le mal Pesés dans l’amour. Ève dit : Toujours il y eut ce jardin. On le traça perdu, On le planta perdu, On le nomma perdu. Mais le jardin de l’innocence et ce souvenir qu’on a... Est-ce ce désert où n’entrèrent que des pierres ? Tous. les jardins sont perdus, Et le ciel n’est ciel que de la terre — Elle était vieille déjà, elle dit encore : Je rêvais — Et elle mourut.

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    Homère

    Homère

    @homere

    L'odyssée Dis-moi, Muse, cet homme subtil qui erra si longtemps, après qu’il eut renversé la citadelle sacrée de Troiè. Et il vit les cités de peuples nombreux, et il connut leur esprit ; et, dans son cœur, il endura beaucoup de maux, sur la mer, pour sa propre vie et le retour de ses compagnons Mais il ne les sauva point, contre son désir ; et ils périrent par leur impiété, les insensés ! ayant mangé les bœufs de Hèlios Hypérionade. Et ce dernier leur ravit l’heure du retour. Dis-moi une partie de ces choses, Déesse, fille de Zeus. Tous ceux qui avaient évité la noire mort, échappés de la guerre et de la mer, étaient rentrés dans leurs demeures ; mais Odysseus restait seul, loin de son pays et de sa femme, et la vénérable Nymphe Kalypsô, la très-noble déesse, le retenait dans ses grottes creuses, le désirant pour mari. Et quand le temps vint, après le déroulement des années, où les Dieux voulurent qu’il revît sa demeure en Ithakè, même alors il devait subir des combats au milieu des siens. Et tous les Dieux le prenaient en pitié, excepté Poseidaôn, qui était toujours irrité contre le divin Odysseus, jusqu’à ce qu’il fût rentré dans son pays. Et Poseidaôn était allé chez les Aithiopiens qui habitent au loin et sont partagés en deux peuples, dont l’un regarde du côté de Hypériôn, au couchant, et l’autre au levant. Et le Dieu y était allé pour une hécatombe de taureaux et d’agneaux. Et comme il se réjouissait, assis à ce repas, les autres Dieux étaient réunis dans la demeure royale de Zeus Olympien. Et le Père des hommes et des Dieux commença de leur parler, se rappelant dans son cœur l’irréprochable Aigisthos que l’illustre Orestès Agamemnonide avait tué. Se souvenant de cela, il dit ces paroles aux Immortels: – Ah ! combien les hommes accusent les Dieux ! Ils disent que leurs maux viennent de nous, et, seuls, ils aggravent leur destinée par leur démence. Maintenant, voici qu’Aigisthos, contre le destin, a épousé la femme de l’Atréide et a tué ce dernier, sachant quelle serait sa mort terrible ; car nous l’avions prévenu par Herméias, le vigilant tueur d’Argos, de ne point tuer Agamemnôn et de ne point désirer sa femme, de peur que l’Atréide Orestès se vengeât, ayant grandi et désirant revoir son pays. Herméias parla ainsi, mais son conseil salutaire n’a point persuadé l’esprit d’Aigisthos, et, maintenant, celui-ci a tout expié d’un coup. Et Athènè, la Déesse aux yeux clairs, lui répondit : – Ô notre Père, Kronide, le plus haut des Rois ! celui-ci du moins a été frappé d’une mort juste. Qu’il meure ainsi celui qui agira de même ! Mais mon cœur est déchiré au souvenir du brave Odysseus, le malheureux ! qui souffre depuis longtemps loin des siens, dans une île, au milieu de la mer, et où en est le centre. Et, dans cette île plantée d’arbres, habite une Déesse, la fille dangereuse d’Atlas, lui qui connaît les profondeurs de la mer, et qui porte les hautes colonnes dressées entre la terre et l’Ouranos. Et sa fille retient ce malheureux qui se lamente et qu’elle flatte toujours de molles et douces paroles, afin qu’il oublie Ithakè ; mais il désire revoir la fumée de son pays et souhaite de mourir. Et ton cœur n’est point touché, Olympien, par les sacrifices qu’Odysseus accomplissait pour toi auprès des nefs Argiennes, devant la grande Troiè. Zeus, pourquoi donc es-tu si irrité contre lui ? Et Zeus qui amasse les nuées, lui répondant, parla ainsi : – Mon enfant, quelle parole s’est échappée d’entre tes dents ? Comment pourrais-je oublier le divin Odysseus, qui, par l’intelligence, est au-dessus de tous les hommes, et qui offrait le plus de sacrifices aux Dieux qui vivent toujours et qui habitent le large Ouranos ? Mais Poseidaôn qui entoure la terre est constamment irrité à cause du Kyklôps qu’Odysseus a aveuglé, Polyphèmos tel qu’un Dieu, le plus fort des Kyklôpes. La Nymphe Thoôsa, fille de Phorkyn, maître de la mer sauvage, l’enfanta, s’étant unie à Poseidaôn dans ses grottes creuses. C’est pour cela que Poseidaôn qui secoue la terre, ne tuant point Odysseus, le contraint d’errer loin de son pays. Mais nous, qui sommes ici, assurons son retour ; et Poseidaôn oubliera sa colère, car il ne pourra rien, seul, contre tous les dieux immortels. Et la Déesse Athènè aux yeux clairs lui répondit : – Ô notre Père, Kronide, le plus haut des Rois ! s’il plaît aux Dieux heureux que le sage Odysseus retourne en sa demeure, envoyons le Messager Herméias, tueur d’Argos, dans l’île Ogygiè, afin qu’il avertisse la Nymphe à la belle chevelure que nous avons résolu le retour d’Odysseus à l’âme forte et patiente. Et moi j’irai à Ithakè, et j’exciterai son fils et lui inspirerai la force, ayant réuni l’agora des Akhaiens chevelus, de chasser tous les Prétendants qui égorgent ses brebis nombreuses et ses bœufs aux jambes torses et aux cornes recourbées. Et je l’enverrai à Spartè et dans la sablonneuse Pylos, afin qu’il s’informe du retour de son père bien-aimé, et qu’il soit très honoré parmi les hommes. -- Chant 11 -- Étant arrivés à la mer, nous traînâmes d’abord notre nef à la mer divine. Puis, ayant dressé le mât, avec les voiles blanches de la nef noire, nous y portâmes les victimes offertes. Et, nous-mêmes nous y prîmes place, pleins de tristesse et versant des larmes abondantes. Et Kirkè à la belle chevelure, déesse terrible et éloquente, fit souffler pour nous un vent propice derrière la nef à proue bleue, et ce vent, bon compagnon, gonfla la voile. Toutes choses étant mises en place sur la nef, nous nous assîmes, et le vent et le pilote nous dirigeaient. Et, tout le jour, les voiles de la nef qui courait sur la mer furent déployées, et Hèlios tomba, et tous les chemins s’emplirent d’ombre. Et la nef arriva aux bornes du profond Okéanos. Là, étaient le peuple et la ville des Kimmériens, toujours enveloppés de brouillards et de nuées ; et jamais le brillant Hèlios ne les regardait de ses rayons, ni quand il montait dans l’Ouranos étoilé, ni quand il descendait de l’Ouranos sur la terre ; mais une affreuse nuit était toujours suspendue sur les misérables hommes. Arrivés là, nous arrêtâmes la nef, et, après en avoir retiré les victimes, nous marchâmes le long du cours d’Okéanos, jusqu’à ce que nous fussions parvenus dans la contrée que nous avait indiquée Kirkè. Et Périmèdès et Eurylokhos portaient les victimes. Alors je tirai mon épée aiguë de sa gaine, le long de ma cuisse, et je creusai une fosse d’une coudée dans tous les sens, et j’y fis des libations pour tous les morts, de lait mielleux d’abord, puis de vin doux, puis enfin d’eau, et, par-dessus, je répandis la farine blanche. Et je priai les têtes vaines des morts, promettant, dès que je serais rentré dans Ithakè, de sacrifier dans mes demeures la meilleure vache stérile que je posséderais, d’allumer un bûcher formé de choses précieuses, et de sacrifier à part, au seul Teirésias, un bélier entièrement noir, le plus beau de mes troupeaux. Puis, ayant prié les générations des morts, j’égorgeai les victimes sur la fosse, et le sang noir y coulait. Et les âmes des morts qui ne sont plus sortaient en foule de l’Érébos. Les nouvelles épouses, les jeunes hommes, les vieillards qui ont subi beaucoup de maux, les tendres vierges ayant un deuil dans l’âme, et les guerriers aux armes sanglantes, blessés par les lances d’airain, tous s’amassaient de toutes parts sur les bords de la fosse, avec un frémissement immense. Et la terreur pâle me saisit. Alors j’ordonnai à mes compagnons d’écorcher les victimes qui gisaient égorgées par l’airain cruel, de les brûler et de les vouer aux dieux, à l’illustre Aidès et à l’implacable Perséphonéia. Et je m’assis, tenant l’épée aiguë tirée de sa gaine, le long de ma cuisse ; et je ne permettais pas aux têtes vaines des morts de boire le sang, avant que j’eusse entendu Teirésias. La première, vint l’âme de mon compagnon Elpènôr. Et il n’avait point été enseveli dans la vaste terre, et nous avions laissé son cadavre dans les demeures de Kirkè, non pleuré et non enseveli, car un autre souci nous pressait. Et je pleurai en le voyant, et je fus plein de pitié dans le cœur. Et je lui dis ces paroles ailées : – Elpènôr, comment es-tu venu dans les épaisses ténèbres ? Comment as-tu marché plus vite que moi sur ma nef noire ? Je parlai ainsi, et il me répondit en pleurant : – Divin Laertiade, subtil Odysseus, la mauvaise volonté d’un daimôn et l’abondance du vin m’ont perdu. Dormant sur la demeure de Kirkè, je ne songeai pas à descendre par la longue échelle, et je tombai du haut du toit, et mon cou fut rompu, et je descendis chez Aidès. Maintenant, je te supplie par ceux qui sont loin de toi, par ta femme, par ton père qui t’a nourri tout petit, par Tèlémakhos, l’enfant unique que tu as laissé dans tes demeures ! Je sais qu’en sortant de la demeure d’Aidès tu retourneras sur ta nef bien construite à l’île Aiaiè. Là, ô roi, je te demande de te souvenir de moi, et de ne point partir, me laissant non pleuré et non enseveli, de peur que je ne te cause la colère des dieux ; mais de me brûler avec toutes mes armes. Élève sur le bord de la mer écumeuse le tombeau de ton compagnon malheureux. Accomplis ces choses, afin qu’on se souvienne de moi dans l’avenir, et plante sur mon tombeau l’aviron dont je me servais quand j’étais avec mes compagnons. Il parla ainsi, et, lui répondant, je dis : – Malheureux, j’accomplirai toutes ces choses. Nous nous parlions ainsi tristement, et je tenais mon épée au-dessus du sang, tandis que, de l’autre côté de la fosse, mon compagnon parlait longuement. Puis, arriva l’âme de ma mère morte, d’Antikléia, fille du magnanime Autolykos, que j’avais laissée vivante en partant pour la sainte Ilios. Et je pleurai en la voyant, le cœur plein de pitié ; mais, malgré ma tristesse, je ne lui permis pas de boire le sang avant que j’eusse entendu Teirésias. Et l’âme du Thébain Teirésias arriva, tenant un sceptre d’or, et elle me reconnut et me dit : – Pourquoi, ô malheureux, ayant quitté la lumière de Hèlios, es-tu venu pour voir les morts et leur pays lamentable ? Mais recule de la fosse, écarte ton épée, afin que je boive le sang, et je te dirai la vérité. Il parla ainsi, et, me reculant, je remis dans la gaine mon épée aux clous d’argent. Et il but le sang noir, et, alors, l’irréprochable divinateur me dit : – Tu désires un retour très facile, illustre Odysseus, mais un dieu te le rendra difficile ; car je ne pense pas que celui qui entoure la terre apaise sa colère dans son cœur, et il est irrité parce que tu as aveuglé son fils. Vous arriverez cependant, après avoir beaucoup souffert, si tu veux contenir ton esprit et celui de tes compagnons. En ce temps, quand ta nef solide aura abordé l’île Thrinakiè, où vous échapperez à la sombre mer, vous trouverez là, paissant, les bœufs et les gras troupeaux de Hèlios qui voit et entend tout. Si vous les laissez sains et saufs, si tu te souviens de ton retour, vous parviendrez tous dans Ithakè, après avoir beaucoup souffert ; mais, si tu les blesses, je te prédis la perte de ta nef et de tes compagnons. Tu échapperas seul, et tu reviendras misérablement, ayant perdu ta nef et tes compagnons, sur une nef étrangère. Et tu trouveras le malheur dans ta demeure et des hommes orgueilleux qui consumeront tes richesses, recherchant ta femme et lui offrant des présents. Mais, certes, tu te vengeras de leurs outrages en arrivant. Et, après que tu auras tué les prétendants dans ta demeure, soit par ruse, soit ouvertement avec l’airain aigu, tu partiras de nouveau, et tu iras, portant un aviron léger, jusqu’à ce que tu rencontres des hommes qui ne connaissent point la mer et qui ne salent point ce qu’ils mangent, et qui ignorent les nefs aux proues rouges et les avirons qui sont les ailes des nefs. Et je te dirai un signe manifeste qui ne t’échappera pas. Quand tu rencontreras un autre voyageur qui croira voir un fléau sur ta brillante épaule, alors, plante l’aviron en terre et fais de saintes offrandes au roi Poseidaôn, un bélier, un taureau et un verrat. Et tu retourneras dans ta demeure, et tu feras, selon leur rang, de saintes hécatombes à tous les dieux immortels qui habitent le large Ouranos. Et la douce mort te viendra de la mer et te tuera consumé d’une heureuse vieillesse, tandis qu’autour de toi les peuples seront heureux. -- Chant 20 -- Et le divin Odysseus se coucha dans le vestibule, et il étendit une peau de bœuf encore saignante, et, pardessus, les nombreuses peaux de brebis que les Akhaiens avaient sacrifiées ; et Eurykléia jeta un manteau sur lui, quand il se fut couché. C’est là qu’Odysseus était couché, méditant dans son esprit la mort des prétendants, et plein de vigilance. Et les femmes qui s’étaient depuis longtemps livrées aux prétendants sortirent de la maison, riant entre elles et songeant à la joie. Alors, le cœur d’Odysseus s’agita dans sa poitrine, et il délibérait dans son âme, si, se jetant sur elles, il les tuerait toutes, ou s’il les laisserait pour la dernière fois s’unir aux prétendants insolents. Et son cœur aboyait dans sa poitrine, comme une chienne qui tourne autour de ses petits aboie contre un inconnu et désire le combattre. Ainsi son cœur aboyait dans sa poitrine contre ces outrages ; et, se frappant la poitrine, il réprima son cœur par ces paroles : – Souffre encore, ô mon cœur ! Tu as subi des maux pires le jour où le kyklôps indomptable par sa force mangea mes braves compagnons. Tu le supportas courageusement, jusqu’à ce que ma prudence t’eût retiré de la caverne où tu pensais mourir. Il parla ainsi, apaisant son cher cœur dans sa poitrine, et son cœur s’apaisa et patienta. Mais Odysseus se retournait çà et là. De même qu’un homme tourne et retourne, sur un grand feu ardent, un ventre plein de graisse et de sang, de même il s’agitait d’un côté et de l’autre, songeant comment, seul contre une multitude, il mettrait la main sur les prétendants insolents. Et voici qu’Athènè, étant descendue de l’Ouranos, s’approcha de lui, semblable à une femme, et, se tenant près de sa tête, lui dit ces paroles : – Pourquoi veilles-tu, ô le plus malheureux de tous les hommes ? Cette demeure est la tienne, ta femme est ici, et ton fils aussi, lui que chacun désirerait pour fils. Et le sage Odysseus lui répondit : – Certes, déesse, tu as parlé très sagement, mais je songe dans mon âme comment je mettrai la main sur les prétendants insolents, car je suis seul, et ils se réunissent ici en grand nombre. Et j’ai une autre pensée plus grande dans mon esprit. Serai-je tué par la volonté de Zeus et par la tienne ? Échapperai-je ? Je voudrais le savoir de toi. Et la déesse aux yeux clairs, Athènè, lui répondit : – Insensé ! Tout homme a confiance dans le plus faible de ses compagnons, qui n’est qu’un mortel, et de peu de sagesse. Mais moi, je suis déesse, et je t’ai protégé dans tous tes travaux, et je te le dis hautement : Quand même cinquante armées d’hommes parlant des langues diverses nous entoureraient pour te tuer avec l’épée, tu n’en ravirais pas moins leurs bœufs et leurs grasses brebis. Dors donc. Il est cruel de veiller toute la nuit. Bientôt tu échapperas à tous tes maux. Elle parla ainsi et répandit le sommeil sur ses paupières. Puis, la noble déesse remonta dans l’Olympos, dès que le sommeil eut saisi Odysseus, enveloppant ses membres et apaisant les peines de son cœur. Et sa femme se réveilla ; et elle pleurait, assise sur son lit moelleux. Et, après qu’elle se fut rassasiée de larmes, la noble femme supplia d’abord la vénérable déesse Artémis, fille de Zeus : – Artémis, vénérable déesse, fille de Zeus, plût aux dieux que tu m’arrachasses l’âme, à l’instant même, avec tes flèches, ou que les tempêtes pussent m’emporter par les routes sombres et me jeter dans les courants du rapide Okéanos ! Ainsi, les tempêtes emportèrent autrefois les filles de Pandaros. Les dieux avaient fait mourir leurs parents et elles étaient restées orphelines dans leurs demeures, et la divine Aphroditè les nourrissait de fromage, de miel doux et de vin parfumé. Hèrè les doua, plus que toutes les autres femmes, de beauté et de prudence, et la chaste Artémis d’une haute taille, et Athènè leur enseigna à faire de beaux ouvrages. Alors, la divine Aphroditè monta dans le haut Olympos, afin de demander, pour ces vierges, d’heureuses noces à Zeus qui se réjouit de la foudre et qui connaît les bonnes et les mauvaises destinées des hommes mortels. Et, pendant ce temps, les Harpyes enlevèrent ces vierges et les donnèrent aux odieuses Érinnyes pour les servir. Que les Olympiens me perdent ainsi ! Qu’Artémis aux beaux cheveux me frappe, afin que je revoie au moins Odysseus sous la terre odieuse, plutôt que réjouir l’âme d’un homme indigne ! On peut supporter son mal, quand, après avoir pleuré tout le jour, le cœur gémissant, on dort la nuit ; car le sommeil, ayant fermé leurs paupières, fait oublier à tous les hommes les biens et les maux. Mais l’insomnie cruelle m’a envoyé un daimôn qui a couché cette nuit auprès de moi, semblable à ce qu’était Odysseus quand il partit pour l’armée. Et mon cœur était consolé, pensant que ce n’était point un songe, mais la vérité. Elle parla ainsi, et, aussitôt, Éôs au thrône d’or apparut. Et le divin Odysseus entendit la voix de Pènélopéia qui pleurait. Et il pensa et il lui vint à l’esprit que, placée au-dessus de sa tête, elle l’avait reconnu. C’est pourquoi, ramassant le manteau et les toisons sur lesquelles il était couché, il les plaça sur le thrône dans la salle ; et, jetant dehors la peau de bœuf, il leva les mains et supplia Zeus : – Père Zeus ! si, par la volonté des dieux, tu m’as ramené dans ma patrie, à travers la terre et la mer, et après m’avoir accablé de tant de maux, fais qu’un de ceux qui s’éveillent dans cette demeure dise une parole heureuse, et, qu’au-dehors, un de tes signes m’apparaisse. Il parla ainsi en priant, et le très sage Zeus l’entendit, et, aussitôt, il tonna du haut de l’Olympos éclatant et par-dessus les nuées, et le divin Odysseus s’en réjouit. Et, aussitôt, une femme occupée à moudre éleva la voix dans la maison. Car il y avait non loin de là douze meules du prince des peuples, et autant de servantes les tournaient, préparant l’huile et la farine, moelle des hommes. Et elles s’étaient endormies, après avoir moulu le grain, et l’une d’elles n’avait pas fini, et c’était la plus faible de toutes. Elle arrêta sa meule et dit une parole heureuse pour le roi : – Père Zeus, qui commandes aux dieux et aux hommes, certes, tu as tonné fortement du haut de l’Ouranos étoilé où il n’y a pas un nuage. C’est un de tes signes à quelqu’un. Accomplis donc mon souhait, à moi, malheureuse : Que les prétendants, en ce jour et pour la dernière fois, prennent le repas désirable dans la demeure d’Odysseus ! Ils ont rompu mes genoux sous ce dur travail de moudre leur farine ; qu’ils prennent aujourd’hui leur dernier repas ! Elle parla ainsi, et le divin Odysseus se réjouit de cette parole heureuse et du tonnerre de Zeus, et il se dit qu’il allait punir les coupables. Et les autres servantes se rassemblaient dans les belles demeures d’Odysseus, et elles allumèrent un grand feu dans le foyer. Et le divin Tèlémakhos se leva de son lit et se couvrit de ses vêtements. Il suspendit une épée à ses épaules et il attacha de belles sandales à ses pieds brillants ; puis, il saisit une forte lance à pointe d’airain, et, s’arrêtant, comme il passait le seuil, il dit à Eurykléia : – Chère nourrice, comment avez-vous honoré l’étranger dans la demeure ? Lui avez-vous donné un lit et de la nourriture, ou gît-il négligé ? Car ma mère est souvent ainsi, bien que prudente ; elle honore inconsidérément le moindre des hommes et renvoie le plus méritant sans honneurs.

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    J

    Jean Cayrol

    @jeanCayrol

    On est violent quand on est doux On est violent quand on est doux, le sourire à l'étouffée, je voudrais bien retrouver mon bagout et cette façon de prendre les mots pour des faits. Le tendre graffiti a disparu dans les bois, voici le temps où les armures ont laissé retomber leur épi dans le froid. Franco s'en va doucement dans ses décombres ; où trouver l'homme qui marche à côté de son ombre ? La mère-patrie pousse un landau sans enfant. Je parle de l'Espagne avec l'accent tonique, le Pardo demande pardon, et toute une famille dans un grand drame antique l'entoure comme autant de chardons sur une nuit de trente-six ans. Franco entouré d'une affection cardiaque ronge l'os de sa vie, les docteurs se promènent, une montre à la main. Les bandelettes de l'Histoire se défont dans la survie : « Madrid en coma politique »

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    Walt Whitman

    Walt Whitman

    @waltWhitman

    À un historien Vous qui chantez les choses d’autrefois, Vous qui avez exploré le dehors, la surface des races, la vie qui se montre, Qui avez traité de l’homme comme créature des politiques, sociétés, législateurs et prêtres, Moi, citoyen des Alleghanies, traitant de l’homme tel qu’il est en soi, en ses propres droits, Tâtant le pouls de la vie qui s’est rarement montrée d’elle-même (le grand orgueil de l’homme en soi), Chantre de la Personnalité, esquissant ce qui doit encore être, Je projette l’histoire de l’avenir

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