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Chaos

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Chaos

Poésies de la collection chaos

    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Après la bataille Mon père, ce héros au sourire si doux, Suivi d'un seul housard qu'il aimait entre tous Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille, Parcourait à cheval, le soir d'une bataille, Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit. Il lui sembla dans l'ombre entendre un faible bruit. C'était un Espagnol de l'armée en déroute Qui se traînait sanglant sur le bord de la route, Râlant, brisé, livide, et mort plus qu'à moitié. Et qui disait : « À boire! à boire par pitié ! » Mon père, ému, tendit à son housard fidèle Une gourde de rhum qui pendait à sa selle, Et dit : « Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé. » Tout à coup, au moment où le housard baissé Se penchait vers lui, l'homme, une espèce de maure, Saisit un pistolet qu'il étreignait encore, Et vise au front mon père en criant: « Caramba ! » Le coup passa si près que le chapeau tomba Et que le cheval fit un écart en arrière. « Donne-lui tout de même à boire », dit mon père.

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    Alfred de Vigny

    Alfred de Vigny

    @alfredDeVigny

    La flûte I Un jour je vis s’asseoir au pied de ce grand arbre Un Pauvre qui posa sur ce vieux banc de marbre Son sac et son chapeau, s’empressa d’achever Uu morceau de pain noir, puis se mit à rêver. Il paraissait chercher dans les longues allées Quelqu’un pour écouter ses chansons désolées ; Il suivait à regret la trace des passants Rares et qui, pressés, s’en allaient en tous sens. Avec eux s’enfuyait l’aumône disparue, Prix douteux d’un lit dur en quelque étroite rue Et d’un amer souper dans un logis malsain. Cependant il tirait lentement de son sein, Comme se préparait au martyre un apôtre, Les trois parts d’une Flûte et liait l’une à l’autre Essayait l’embouchure à son menton tremblant, Faisait mouvoir la clef, l’épurait en soufflant, Sur ses genoux ployés frottait le bois d’ébène, Puis jouait. — Mais son front en vain gonflait sa veine, Personne autour de lui pour entendre et juger L’humble acteur d’un public ingrat et passager. J’approchais une main du vieux chapeau d’artiste Sans attendre un regard de son œil doux et triste En ce temps, de révolte et d’orgueil si rempli ; Mais, quoique pauvre, il fut modeste et très poli. II Il me fit un tableau de sa pénible vie. Poussé par ce démon qui toujours nous convie, Ayant tout essayé, rien ne lui réussit, Et le chaos entier roulait dans son récit. Ce n’était qu’élan brusque et qu’ambitions folles, Qu’entreprise avortée et grandeur en paroles. D’abord, à son départ, orgueil démesuré, Gigantesque écriteau sur un front assuré, Promené dans Paris d’une façon hautaine : Bonaparte et Byron, poète et capitaine, Législateur aussi, chef de religion (De tous les écoliers c’est la contagion), Père d’un panthéisme orné de plusieurs choses, De quelques âges d’or et des métempsychoses De Bouddha, qu’en son cœur il croyait inventer ; Il l’appliquait à tout, espérant importer Sa révolution dans sa philosophie ; Mais des contrebandiers notre âge se défie ; Bientôt par nos fleurets le défaut est trouvé ; D’un seul argument fin son ballon fut crevé. Pour hisser sa nacelle il en gonfla bien d’autres Que le vent dispersa. Fatigué des apôtres, Il dépouilla leur froc. (Lui-même le premier Souriait tristement de cet air cavalier Dont sa marche, au début, avait été fardée Et, pour d’obscurs combats, si pesamment bardée ; Car, plus grave à présent, d’une double lueur Semblait se réchauffer et s’éclairer son cœur ; Le Bon Sens qui se voit, la Candeur qui l’avoue, Coloraient en parlant les pâleurs de sa joue.) Laissant donc les couvents, Panthéistes ou non, Sur la poupe d’un drame il inscrivit son nom Et vogua sur ces mers aux trompeuses étoiles ; Mais, faute de savoir, il sombra sous ses voiles Avant d’avoir montré son pavillon aux airs. Alors rien devant lui que flots noirs et déserts, L’océan du travail si chargé de tempêtes Où chaque vague emporte et brise mille têtes. Là, flottant quelques jours sans force et sans fanal, Son esprit surnagea dans les plis d’un journal, Radeau désespéré que trop souvent déploie L’équipage affamé qui se perd et se noie. Il s’y noya de même, et de même, ayant faim, Fit ce que fait tout homme invalide et sans pain.  » Je gémis, disait-il, d’avoir une pauvre âme Faible autant que serait l’âme de quelque femme, Qui ne peut accomplir ce qu’elle a commencé Et s’abat au départ sur tout chemin tracé. L’idée à l’horizon est à peine entrevue, Que sa lumière écrase et fait ployer ma vue. Je vois grossir l’obstacle en invincible amas, Je tombe ainsi que Paul en marchant vers Damas. — Pourquoi, me dit la voix qu’il faut aimer et craindre, Pourquoi me poursuis-tu, toi qui ne peux m’étreindre ? — Et le rayon me trouble et la voix m’étourdit, Et je demeure aveugle et je me sens maudit. «  III —  » Non, criai-je en prenant ses deux mains dans les miennes, Ni dans les grandes lois des croyances anciennes, Ni dans nos dogmes froids, forgés à l’atelier, Entre le banc du maître et ceux de l’écolier, Ces faux Athéniens dépourvus d’Atticisme, Qui nous soufflent aux yeux des bulles de Sophisme, N’ont découvert un mot par qui fût condamné L’homme aveuglé d’esprit plus que l’aveugle-né. C’est assez de souffrir sans se juger coupable Pour avoir entrepris et pour être incapable ; J’aime, autant que le fort, le faible courageux Qui lance un bras débile en des flots orageux, De la glace d’un lac plonge dans la fournaise Et d’un volcan profond va tourmenter la braise. Ce Sisyphe éternel est beau, seul, tout meurtri, Brûlé, précipité, sans jeter un seul cri, Et n’avouant jamais qu’il saigne et qu’il succombe À toujours ramasser son rocher qui retombe. Si, plus haut parvenus, de glorieux esprits Vous dédaignent jamais, méprisez leur mépris ; Car ce sommet de tout, dominant toute gloire, Ils n’y sont pas, ainsi que l’œil pourrait le croire. On n’est jamais en haut. Les forts, devant leurs pas, Trouvent un nouveau mont inaperçu d’en bas. Tel que l’on croit complet et maître en toute chose Ne dit pas les savoirs qu’à tort on lui suppose, Et qu’il est tel grand but qu’en vain il entreprit. — Tout homme a vu le mur qui borne son esprit. Du corps et non de l’âme accusons l’indigence. Des organes mauvais servent l’intelligence Et touchent, en tordant et tourmentant leur nœud, Ce qu’ils peuvent atteindre et non ce qu’elle veut. En traducteurs grossiers de quelque auteur céleste Ils parlent… Elle chante et désire le reste. Et, pour vous faire ici quelque comparaison, Regardez votre Flûte, écoutez-en le son. Est-ce bien celui-là que voulait faire entendre La lèvre ? Était-il pas ou moins rude ou moins tendre ? Eh bien, c’est au bois lourd que sont tous les défauts, Votre souffle était juste et votre chant est faux. Pour moi qui ne sais rien et vais du doute au rêve, Je crois qu’après la mort, quand l’union s’achève, L’âme retrouve alors la vue et la clarté, Et que, jugeant son œuvre avec sérénité, Comprenant sans obstacle et s’expliquant sans peine, Comme ses sœurs du ciel elle est puissante et reine, Se mesure au vrai poids, connaît visiblement Que son souffle était faux par le faux instrument, N’était ni glorieux ni vil, n’étant pas libre ; Que le corps seulement empêchait l’équilibre ; Et, calme, elle reprend, dans l’idéal bonheur, La sainte égalité des esprits du Seigneur. «  IV Le Pauvre alors rougit d’une joie imprévue, Et contempla sa Flûte avec une autre vue ; Puis, me connaissant mieux, sans craindre mon aspect, Il la baisa deux fois en signe de respect, Et joua, pour quitter ses airs anciens et tristes, Ce Salve Regina que chantent les Trappistes. Son regard attendri paraissait inspiré, La note était plus juste et le souffle assuré.

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    Alfred Jarry

    Alfred Jarry

    @alfredJarry

    La chanson du décervelage Je fus pendant longtemps ouvrier ébéniste Dans la ru’ du Champs d’ Mars, d’ la paroiss’ de Toussaints ; Mon épouse exerçait la profession d’ modiste Et nous n’avions jamais manqué de rien. Quand le dimanch’ s’annonçait sans nuage, Nous exhibions nos beaux accoutrements Et nous allions voir le décervelage Ru’ d’ l’Echaudé, passer un bon moment. Voyez, voyez la machin’ tourner, Voyez, voyez la cervell’ sauter, Voyez, voyez les Rentiers trembler; (Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu ! Nos deux marmots chéris, barbouillés d’ confitures, Brandissant avec joi’ des poupins en papier Avec nous s’installaient sur le haut d’ la voiture Et nous roulions gaîment vers l’Echaudé. On s’ précipite en foule à la barrière, On s’ flanque des coups pour être au premier rang ; Moi j’me mettais toujours sur un tas d’pierres Pour pas salir mes godillots dans l’sang. Voyez, voyez la machin’ tourner, Voyez, voyez la cervell’ sauter, Voyez, voyez les Rentiers trembler; (Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu ! Bientôt ma femme et moi nous somm’s tout blancs d’ cervelle, Les marmots en boulott’nt et tous nous trépignons En voyant l’Palotin qui brandit sa lumelle, Et les blessur’s et les numéros d’ plomb. Soudain j’ perçois dans l’ coin, près d’ la machine, La gueul’ d’un bonz’ qui n’ m’ revient qu’à moitié. Mon vieux, que j’ dis, je r’connais ta bobine : Tu m’as volé, c’est pas moi qui t’ plaindrai. Voyez, voyez la machin’ tourner, Voyez, voyez la cervell’ sauter, Voyez, voyez les Rentiers trembler; (Choeur) : Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu ! Soudain j’ me sens tirer la manche’par mon épouse ; Espèc’ d’andouill’, qu’elle m’ dit, v’là l’ moment d’te montrer : Flanque-lui par la gueule un bon gros paquet d’ bouse. V’là l’ Palotin qu’a juste’ le dos tourné. En entendant ce raisonn’ment superbe, J’attrap’ sus l’ coup mon courage à deux mains : J’ flanque au Rentier une gigantesque merdre Qui s’aplatit sur l’ nez du Palotin. Voyez, voyez la machin’ tourner, Voyez, voyez la cervell’ sauter, Voyez, voyez les Rentiers trembler; (Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu ! Aussitôt j’ suis lancé par dessus la barrière, Par la foule en fureur je me vois bousculé Et j’ suis précipité la tête la première Dans l’ grand trou noir d’ousse qu’on n’ revient jamais. Voila c’ que c’est qu’d’aller s’ prome’ner l’ dimanche Ru’ d’ l’Echaudé pour voir décerveler, Marcher l’ Pinc’-Porc ou bien l’Démanch’- Comanche : On part vivant et l’on revient tudé ! Voyez, voyez la machin’ tourner, Voyez, voyez la cervell’ sauter, Voyez, voyez les Rentiers trembler; (Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu!

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    Alfred Jarry

    Alfred Jarry

    @alfredJarry

    Madrigal Ma fille — ma, car vous êtes à tous, Donc aucun d’eux ne fut valable maître, Dormez enfin, et fermons la fenêtre : La vie est close, et nous sommes chez nous. C’est un peu haut, le monde s’y termine Et l’absolu ne se peut plus nier ; Il est si grand de venir le dernier Puisque ce jour a lassé Messaline. Vous voici seule et d’oreilles et d’yeux, Tomber souvent désapprend de descendre. Le bruit terrestre est loin, comme la cendre Gît inconnue à l’encens bleu des dieux. Tel le clapotis des carpes nourries A Fontainebleau A des voix meurtries De baisers dans l’eau. Comment s’unit la double destinée? Tant que je n’eus point pris votre trottoir Vous étiez vierge et vous n’étiez point née, Comme un passé se noie en un miroir. La boue à peine a baisé la chaussure De votre pied infinitésimal Et c’est d’avoir mordu dans tout le mal Qui vous a fait une bouche si pure.

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    Anna de Noailles

    Anna de Noailles

    @annaDeNoailles

    Mélodie Comme un couteau dans un fruit Amène un glissant ravage, La mélodie au doux bruit Fend le coeur et le partage Et tendrement le détruit. — Et la langueur irisée Des arpèges, des accords, Descend, tranchante et rusée, Dans la faiblesse du corps Et dans l’âme divisée…

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    A

    Annie Lafleur

    @annieLafleur

    Mayday Mayday Les yeux brûlent encore des cerveaux toujours sur les bois durs aggrippés au noir minuscule se ruent sans tête baissée on les empoigne on se les enfourne dans le cri Mayday Mayday échappé des galères. Autour des fêtes surgissent d’une maison parfois d’une croix traInée dans la gorge et par la mouche la pluie le soleil et le vent mais le plus terrifiant à grands pas de cloutées ni homme-sang ni solide plus toxique. ***** Des putains au soleil échappées des vitrines la fièvre écrasée en énigme fixe un demi-cirque répète Mayday Mayday ces faces miraculeuses éteignent leur bout blanc une fois reconnues leurs cuisses abiment le cuir Inmitraillable. ****** La reconnaître de nuit à plat ventre Mayday aussitôt portée d’épaule en épaule guerriers et vidanges lancés dans les haies Mayday la lumière ne fera plus demi-cercle et les bouches ouvertes. ***** La connaître au matin les brouillards dédaigneux les yeux terminés pareils la guerre se voit badges barrées au feutre ils écrivent : Mayday migrantes armées un sirop raide les terreurs les creux les terreurs les raideurs le fer enfilé demi-tour partout les horlogers leurs cicatrices autour c’est la vérité. ***** Sans vent sec et sèche embarrée amputée peignée recousue asphaltée mure sans soif en cité en solo en toi lavée au boyau. C’est elle et Mayday la relever par les aisselles la brocher pour qu’elle ne tienne la faire dans les champs les corridors les puits les tannières c’est leur bracelet leur chose volée à eux. Sa tête sur les rails d’un jouet une hirondelle diluée : mais à eux. La joie aussi sous des lustres de bave. ***** La connaître à midi petits plats incendiés à peine sauvages et d’un seul corps l’horizon couvre les fleurs en image la solitude loin derrière pour les briser ensemble terre jaillissante épaisse fumée Mayday Mayday Mayday.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    L’homme juste Le Juste restait droit sur ses hanches solides : Un rayon lui dorait l’épaule ; des sueurs Me prirent :  » Tu veux voir rutiler les bolides ? Et, debout, écouter bourdonner les flueurs D’astres lactés, et les essaims d’astéroïdes ?  » Par des farces de nuit ton front est épié, Ô juste ! Il faut gagner un toit. Dis ta prière, La bouche dans ton drap doucement expié ; Et si quelque égaré choque ton ostiaire, Dis : Frère, va plus loin, je suis estropié !  » Et le juste restait debout, dans l’épouvante Bleuâtre des gazons après le soleil mort :  » Alors, mettrais-tu tes genouillères en vente, Ô Vieillard ? Pèlerin sacré ! barde d’Armor ! Pleureur des Oliviers ! main que la pitié gante !  » Barbe de la famille et poing de la cité, Croyant très doux : ô coeur tombé dans les calices, Majestés et vertus, amour et cécité, Juste ! plus bête et plus dégoûtant que les lices ! Je suis celui qui souffre et qui s’est révolté !  » Et ça me fait pleurer sur mon ventre, ô stupide, Et bien rire, l’espoir fameux de ton pardon ! Je suis maudit, tu sais ! je suis soûl, fou, livide, Ce que tu veux ! Mais va te coucher, voyons donc, Juste ! je ne veux rien à ton cerveau torpide.  » C’est toi le Juste, enfin, le Juste ! C’est assez ! C’est vrai que ta tendresse et ta raison sereines Reniflent dans la nuit comme des cétacés, Que tu te fais proscrire et dégoises des thrènes Sur d’effroyables becs-de-cane fracassés !  » Et c’est toi l’oeil de Dieu ! le lâche ! Quand les plantes Froides des pieds divins passeraient sur mon cou, Tu es lâche ! Ô ton front qui fourmille de lentes ! Socrates et Jésus, Saints et Justes, dégoût ! Respectez le Maudit suprême aux nuits sanglantes !  » J’avais crié cela sur la terre, et la nuit Calme et blanche occupait les cieux pendant ma fièvre. Je relevai mon front : le fantôme avait fui, Emportant l’ironie atroce de ma lèvre… – Vents nocturnes, venez au Maudit ! Parlez-lui, Cependant que silencieux sous les pilastres D’azur, allongeant les comètes et les noeuds D’univers, remuement énorme sans désastres, L’ordre, éternel veilleur, rame aux cieux lumineux Et de sa drague en feu laisse filer les astres ! Ah ! qu’il s’en aille, lui, la gorge cravatée De honte, ruminant toujours mon ennui, doux Comme le sucre sur la denture gâtée. – Tel que la chienne après l’assaut des fiers toutous, Léchant son flanc d’où pend une entraille emportée. Qu’il dise charités crasseuses et progrès… – J’exècre tous ces yeux de Chinois ou daines, Puis qui chante : nana, comme un tas d’enfants près De mourir, idiots doux aux chansons soudaines : Ô Justes, nous chierons dans vos ventres de grès !

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    B

    Benjamin Delmont

    @benjaminDelmont

    Coma émotionnel Corps dressés suintants les ténèbres et les larmes. Des lèvres sans visages, des milliers de sourds les dents serrés. Lutteurs frénétiques à la gorge glaireuse, Caisson de poudre attendant l’étincelle, qui va vous éclater. La grande détonation vous fera sangloter, Comme on pleure auprès d’un cadavre. Le chant du funeste convoi, Sur lequel danse les ombres trépidantes, De bêtes mordues par la mort, Avance sur la route de l’histoire. Nous vous voyons saigner sur vos pavais, Et n’entendons pas votre agonie pleurer. Lorsque le crépuscule nous plongera a tout jamais, Dans le sommeil éternel. Nous irons boires vos larmes à la source de vos paupières. « plus jamais » gémira la rose fleure de l’aube. Jusqu’à ce que l’oubli vienne broyer notre grande mémoire, Jusqu’à ce que les feux qui dressent nos phallus et que nos orgasmes puant l’humidité de la terre fraichement retournée, Balayent nos prières.

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    B

    Benjamin Delmont

    @benjaminDelmont

    Un corps offert en pature L’âme vidée, le cœur éteint et les reins lourds, La douce brise que la bise à engager a laissé battre les tambours des fossoyeurs de l’amour. Les corps crispés dans une brutale contraction S’abandonnent sans passion à la pénétration. Pas un regard, pas un geste tendre, Il suffisait d’attendre, que l’orgasme masculin soit rassasié, comme le sont les bêtes après la transe du festin. Dans le silence lourd du commandant qui s’endort. Le tirailleur n’a pas pu profiter du festin. Et doit, attendre la prochaine lutte intestine. Pour fantasmer le lointain butin, Promis par de nombreux États-majors. Alors mutilez-vous, arrêtez cette guerre de tranchée. Faites tomber les têtes et faites-leur tirer la langue. Pour votre plaisir. crucifiez les, pour que leur bras soit docile Et viennent vous caresser l’âme. Parlez ! pensez ! découvrez ! imaginez et rêvez ! Soyez fou, inventif, brutal et tendres. Et dans le chevauchement ultime, ou le drapeau blanc se dresse Ou les souffles sont coupés, regardez-vous, Ni maitre ni esclave, Et murmurez-vous, Je t’aime.

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    La Bataille de Waterloo Ils ne sont plus, laissez en paix leur cendre; Par d’injustes clameurs ces braves outragés À se justifier n’ont pas voulu descendre; Mais un seul jour les a vengés : Ils sont tous morts pour vous défendre. Malheur à vous si vos yeux inhumains N’ont point de pleurs pour la patrie! Sans force contre vos chagrins, Contre le mal commun votre âme est aguerrie; Tremblez, la mort peut-être étend sur vous ses mains! Que dis-je? Quel français n’a répandu des larmes Sur nos défenseurs expirans? Prêt à revoir les rois qu’il regretta vingt ans, Quel vieillard n’a rougi du malheur de nos armes? En pleurant ces guerriers par le destin trahis, Quel vieillard n’a senti s’éveiller dans son ame Quelque reste assoupi de cette antique flamme Qui l’embrasait pour son pays? Que de leçons, grand dieu! Que d’horribles images L’histoire d’un seul jour présente aux yeux des rois! Clio, sans que la plume échappe de ses doigts, Pourra-t-elle en tracer les pages? Cachez-moi ces soldats sous le nombre accablés, Domptés par la fatigue, écrasés par la foudre, Ces membres palpitans dispersés sur la poudre, Ces cadavres amoncelés! Eloignez de mes yeux ce monument funeste De la fureur des nations; Ô mort! Epargne ce qui reste! Varus, rends-nous nos légions! Les coursiers frappés d’épouvante, Les chefs et les soldats épars, Nos aigles et nos étendards Souillés d’une fange sanglante, Insultés par les léopards, Les blessés mourant sur les chars, Tout se presse sans ordre, et la foule incertaine, Qui se tourmente en vains efforts, S’agite, se heurte, se traîne, Et laisse après soi dans la plaine Du sang, des débris et des morts. Parmi des tourbillons de flamme et de fumée, Ô douleur, quel spectacle à mes yeux vient s’offrir? Le bataillon sacré, seul devant une armée, S’arrête pour mourir. C’est en vain que, surpris d’une vertu si rare, Les vainqueurs dans leurs mains retiennent le trépas. Fier de le conquérir, il court, il s’en empare; La garde, avait-il dit, meurt et ne se rend pas. On dit qu’en les voyant couchés sur la poussière, D’un respect douloureux frappé par tant d’exploits, L’ennemi, l’oeil fixé sur leur face guerrière, Les regarda sans peur pour la première fois. Les voilà ces héros si long-temps invincibles! Ils menacent encor les vainqueurs étonnés! Glacés par le trépas, que leurs yeux sont terribles! Que de hauts faits écrits sur leurs fronts sillonnés! Ils ont bravé les feux du soleil d’Italie, De la castille ils ont franchi les monts; Et le nord les a vus marcher sur les glaçons Dont l’éternel rempart protége la Russie. Ils avaient tout dompté… Le destin des combats Leur devait, après tant de gloire, Ce qu’aux français naguère il ne refusait pas; Le bonheur de mourir dans un jour de victoire. Ah! Ne les pleurons pas! Sur leurs fronts triomphans La palme de l’honneur n’a pas été flétrie; Pleurons sur nous, français, pleurons sur la patrie; L’orgueil et l’intérêt divisent ses enfans. Quel siècle en trahisons fut jamais plus fertile? L’amour du bien commun de tous les coeurs s’exile; La timide amitié n’a plus d’épanchemens; On s’évite, on se craint; la foi n’a plus d’asile, Et s’enfuit d’épouvante au bruit de nos sermens. O vertige fatal! Déplorables querelles Qui livrent nos foyers au fer de l’étranger! Le glaive étincelant dans nos mains infidèles, Ensanglante le sein qu’il devrait protéger. L’ennemi cependant renverse les murailles De nos forts et de nos cités; La foudre tonne encore, au mépris des traités. L’incendie et les funérailles Épouvantent encor nos hameaux dévastés; D’avides proconsuls dévorent nos provinces; Et, sous l’écharpe blanche, ou sous les trois couleurs, Les français, disputant pour le choix de leurs princes, Détrônent des drapeaux et proscrivent des fleurs. Des soldats de la Germanie J’ai vu les coursiers vagabonds Dans nos jardins pompeux errer sur les gazons, Parmi ces demi-dieux qu’enfanta le génie. J’ai vu des bataillons, des tentes et des chars, Et l’appareil d’un camp dans le temple des arts. Faut-il, muets témoins, dévorer tant d’outrages? Faut-il que le français, l’olivier dans la main, Reste insensible et froid comme ces dieux d’airain Dont ils insultent les images? Nous devons tous nos maux à ces divisions Que nourrit notre intolérance. Il est temps d’immoler au bonheur de la France Cet orgueil ombrageux de nos opinions. Etouffons le flambeau des guerres intestines. Soldats, le ciel prononce, il relève les lis; Adoptez les couleurs du héros de Bovines, En donnant une larme aux drapeaux d’Austerlitz. France, réveille-toi! Qu’un courroux unanime Enfante des guerriers autour du souverain! Divisés, désarmés, le vainqueur nous opprime; Présentons-lui la paix, les armes à la main. Et vous, peuples si fiers du trépas de nos braves, Vous, les témoins de notre deuil, Ne croyez pas, dans votre orgueil, Que, pour être vaincus, les français soient esclaves. Gardez-vous d’irriter nos vengeurs à venir; Peut-être que le ciel, lassé de nous punir, Seconderait notre courage; Et qu’un autre Germanicus Irait demander compte aux Germains d’un autre âge De la défaite de Varus.

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    La dévastation du musée et des monumens La sainte vérité qui m’échauffe et m’inspire Écarte et foule aux pieds les voiles imposteurs; Ma muse de nos maux flétrira les auteurs, Dussé-je voir briser ma lyre Par le glaive insolent de nos libérateurs. Où vont ces chars pesans conduits par leurs cohortes? Sous les voûtes du Louvre ils marchent à pas lents; Ils s’arrêtent devant ses portes; Viennent-ils lui ravir ses sacrés ornemens? Muses, penchez vos têtes abattues; Du siècle de Léon les chefs-d’oeuvre divins Sous un ciel sans clarté suivront les froids Germains; Les vaisseaux d’Albion attendent nos statues. Des profanateurs inhumains Vont-ils anéantir tant de veilles savantes? Porteront-ils le fer sur les toiles vivantes Que Raphaël anima de ses mains? Dieu du jour, dieu des vers, ils brisent ton image. C’en est fait : la victoire et la divinité Ne couronnent plus ton visage D’une double immortalité. C’en est fait : loin de toi jette un arc inutile. Non, tu n’inspiras point le vieux chantre d’Achille; Non, tu n’es pas le dieu qui vengea les neuf soeurs Des fureurs d’un monstre sauvage, Toi qui n’as pas un trait pour venger ton outrage Et terrasser tes ravisseurs. Le deuil est aux bosquets de Gnide. Muet, pâle et le front baissé, L’amour, que la guerre intimide, Eteint son flambeau renversé. Des grâces la troupe légère L’interroge sur ses douleurs; Il leur dit en versant des pleurs: << J’ai vu Mars outrager ma mère. >> Je crois entendre encor les clameurs des soldats Entraînant la jeune immortelle; Le fer a mutilé ses membres délicats; Hélas, elle semblait et plus chaste et plus belle, Cacher sa honte entre leurs bras. Dans un fort pris d’assaut, telle une vierge en larmes, Aux yeux des forcenés dont l’insolente ardeur Déchira les tissus qui dérobaient ses charmes, Se voile encor de sa pudeur. Adieu, débris fameux de Grèce et d’Ausonie, Et vous, tableaux errans de climats en climats; Adieu, Corrége, Albane, immortel Phidias! Adieu, les arts et le génie! Noble France, pardonne! A tes pompeux travaux, Aux Pujet, aux Lebrun, ma douleur fait injure. David a ramené son siècle à la nature; Parmi ses nourrissons il compte des rivaux… Laissons-la s’élever cette école nouvelle! Le laurier de David de lauriers entouré, Fier de ses rejetons, enfante un bois sacré Qui protége les arts de son ombre éternelle. Le marbre animé parle aux yeux; Une autre Vénus plus féconde, Près d’Hercule victorieux, Étend son flambeau sur le monde. Ajax, de son pied furieux, Insulte au flot qui se retire; L’oeil superbe, un bras dans les cieux, Il s’élance, et je l’entends dire: << J’échapperai malgré les dieux. >> Mais quels monceaux de morts! Que de spectres livides! Ils tombent dans Jaffa ces vieux soldats français Qui réveillaient naguère, au bruit de leurs succès, Les siècles entassés au fond des pyramides. Ah! Fuyons ces bords meurtriers! D’où te vient, Austerlitz, l’éclat qui t’environne? Qui dois-je couronner du peintre ou des guerriers? Les guerriers et le peintre ont droit à la couronne. Des chefs-d’oeuvre français naissent de toutes parts; Ils surprennent mon coeur à d’invincibles charmes; Au déluge, en tremblant, j’applaudis par mes larmes; Didon enchante mes regards; Versant sur un beau corps sa clarté caressante, À travers le feuillage un faible et doux rayon Porte les baisers d’une amante Sur les lèvres d’Endymion; De son flambeau vengeur Némésis m’épouvante; Je frémis avec Phèdre, et n’ose interroger L’accusé dédaigneux qui semble la juger. Je vois Léonidas. O courage! O patrie! Trois cents héros sont morts dans ce détroit fameux; Trois cents! Quel souvenir! … Je pleure… Et je m’écrie: Dix-huit mille Français ont expiré comme eux! Oui : j’en suis fier encor : ma patrie est l’asile, Elle est le temple des beaux-arts; À l’ombre de nos étendards, Ils reviendront ces dieux que la fortune exile. L’étranger, qui nous trompe, écrase impunément La justice et la foi sous le glaive étouffées; Il ternit pour jamais sa splendeur d’un moment; Il triomphe en barbare et brise nos trophées; Que cet orgueil est misérable et vain! Croit-il anéantir tous nos titres de gloire? On peut les effacer sur le marbre ou l’airain; Qui les effacera du livre de l’histoire? Ah! Tant que le soleil luira sur vos états, Il en doit éclairer d’impérissables marques; Comment disparaîtront, ô superbes monarques, Ces champs où les lauriers croissaient pour nos soldats? Allez, détruisez donc tant de cités royales Dont les clefs d’or suivaient nos pompes triomphales; Comblez ces fleuves écumans Qui nous ont opposé d’impuissantes barrières, Aplanissez ces monts dont les rochers fumans Tremblaient sous nos foudres guerrières. Voilà nos monumens : c’est là que nos exploits Redoutent peu l’orgueil d’une injuste victoire; Le fer, le feu, le temps plus puissant que les rois, Ne peut rien contre leur mémoire.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    La destruction Sans cesse à mes côtés s’agite le Démon ; Il nage autour de moi comme un air impalpable ; Je l’avale et le sens qui brûle mon poumon Et l’emplit d’un désir éternel et coupable. Parfois il prend, sachant mon grand amour de l’Art, La forme de la plus séduisante des femmes, Et, sous de spécieux prétextes de cafard, Accoutume ma lèvre à des philtres infâmes. Il me conduit ainsi, loin du regard de Dieu, Haletant et brisé de fatigue, au milieu Des plaines de l’Ennui, profondes et désertes, Et jette dans mes yeux pleins de confusion Des vêtements souillés, des blessures ouvertes, Et l’appareil sanglant de la Destruction !

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Révolte Absurde et ridicule à force d’être rose, À force d’être blanche, à force de cheveux Blonds, ondés, crêpelés, à force d’avoir bleus Les yeux, saphirs trop vains de leur métempsycose. Absurde, puisqu’on n’en peut pas parler en prose, Ridicule, puisqu’on n’en a jamais vu deux, Sauf, peut-être, dans des keepsakes nuageux… Dépasser le réel ainsi, c’est de la pose. C’en est même obsédant, puisque le vert des bois Prend un ton d’émeraude impossible en peinture S’il sert de fond à ces cheveux contre nature. Et ces blancheurs de peau sont cause quelquefois Qu’on perdrait tout respect des blancheurs que le rite Classique admet : les lys, la neige. Ça m’irrite !

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    C

    Christophe Bregaint

    @christopheBregaint

    Texte d’info toxique Extraordinaire ère exemplaire exsangue Paradoxe des toxs orthodoxes Cette vox populi à l’existence exigüe Qui exalte l’expression de l’intox Ces inexhaustibles axiomes, Hoax ; Anxiolytiques pour Cortex cérébral ; créant l’apraxie, Et exigeant la génuflexion de toute réflexion Oxygénée par les toxines de maximes Excommuniant les sexes sous latex ; Excités par un exutoire botoxé, Extraverti sous plexiglas taxé ; Coulant dans le Styx proxénète inoxydable Ex-cathedra, d’une excellence excrémentielle Dans le complexe contexte toxique…. Qui s’exprime en pixels, via Explorer. Qui asphyxie, exploite et mets à l’index La galaxie des extra-muros exogènes, Où loin des box de syntaxes laxatives ; Des exclus, extirpent contre le vortex Dans leur exil au vertex des terres de bauxites L’excalibur semtex explosif Alors que les exocet exterminent le thorax De l’existence élixir exondée Luxuriant Deus ex machina, extatique.

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    C

    Christophe Bregaint

    @christopheBregaint

    Vers à cités Le caoutchouc de mes baskets Colle à l’asphalte, Qui coule au milieu des murs, De la cité cernée Par les graffitis qui s’alignent dans la grisaille De l’enceinte où j’avance Vers les vapeurs de néant Qui s’engouffrent dans la nature Désossée telle une carcasse de caisse Rouillant sur le parking où je sombre… No man’s land, delta du vide Entre voie express, voie ferrée et tours ZUPées Entre vide du jour et bourdonnements nocturnes, Symphonie de dysharmonies, Dans un microcosme qui s’affaisse….

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    C

    Claire Raphaël

    @claireRaphael

    Guerre Les échos de la mort d’un peuple sacrifié nous parviennent soudain par les couleurs sépia arrachées à la poudre de ces photographies d’un drame trop humain. Nous regardons ces corps entrés dans l’agonie calcinés par la peur noircis par la folie d’une guerre animale arrachant des enfants à leurs rêves futurs et leurs destins s’épuisent. Ces images mouillées par le sang des martyres crèvent notre avenir brisent nos lendemains nos promesses de paix nos serments les plus chers, affirment la passion d’une histoire indomptable où nos esprits nos âmes souillées par la violence et son comptant de drames tremblent sous les accords d’un ciel plus ténébreux que l’image du mal.

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    C

    Claude-Michel Cluny

    @claudeMichelCluny

    Voix dans le chaos choral Tel l'amandier qui mesure et médite le lent mûrissement de la mémoire (tout poète abrite l'âme d'un arbre) l'avancée de la noire amertume l'élan repris aux passions provisoires - ta force de refus ô terre antique ! -le cœur à l'écoute du chant que prête le temps à l'homme en quête d'origines: tel je vous imagine - vous - pur guetteur de notre périssable éternité. Collines ocres et haute solitude à peine altière où composer sceller comme le peintre appose le visage des donateurs douleur et plénitude - humer l'offrande douce des servantes riant d'herber les draps - odeur des simples autrefois - enfant né aux vieilles rives - fenêtre ouverte sur les perspectives du passé d'où renaissent - ombre et lumière à la fois - verbe et silence - l'autre et soi. Veilleur et rassembleur de nos fragments perdus dispersés usés par le fleuve détruits par les guerres - et ne s'en émeuvent guère les Dieux ! - sous des cieux aux segments portés par d'étincelantes ténèbres selon la lente exaltation des astres L'âme des choses à votre voix se lève sur l'aire de l'âge et de nos désastres - flamme pure dans la nuit de FErôbe - et nous parle au cœur du chaos choral.

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    D

    Didier Venturini

    @didierVenturini

    Minuscules Y’a t’il un big Y’a t’il un bang Un bout d’intrigue Dessous la gangue Un point d’départ Avant la chute Ou qu’du hasard Qui s’répercute Tout en mini En minuscules Tout en parties En particules Y’a t’il quelqu’un Y’a t’il quelqu’une Lointains voisins Derrière la lune Ou est ce pour rien Qu’on gesticule Juste comme des points Des points virgules Tout en mini En minuscules Tout en parties En particules Y’a t’il du vide Y’a t’il du plein Sommes nous liquides Sommes nous des grains Y’a t’il une suite A cette affaire Ou rien qu’un pschitt Dans l’univers Que du mini Du minuscule Que des parties Des particules Toi ma partie Ma particule Ma belle de vie Ma molécule En attendant Un nouveau bang On s’prend du temps Dessus la gangue Tout au maxi Au maximum Tout en opti en optimum

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    D

    Djelloul Marbrook

    @djelloulMarbrook

    Victimes La vie ne s'est pas bien passé depuis que j'ai couru derrière le chien et je ne dirais pas le contraire pour lui non plus mais considérant le peu de choses que je sais il se peut qu'il est en train de s'amuser en ce moment Je n'ai, moi-même, fini qu'en face de mastodontes jappant à leurs mains l'air des alentours C'est pour ça que je sais vraiment quelque chose de l'obstination et même comment ça ressent d'être abattu mais je ne sais vraiment pas comment faire le deuil d'un vieux chien noir ou ma propre âme rompue.

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    E

    Edgar Georges

    @edgarGeorges

    Randonneuse Apprendre à descendre vite la vie est faite de montagnes de chutes inattendues, de cascades infinies de paysages verticaux sublimes, de couchers de soleils eternels Ne jamais s’arrêter Ne jamais s’arrêter même au creux de la vallée où le chemin se rétrécit sans cesse et les sommets s’écroulent, sans fondations S’essouffler, crier détresse Je me réveille les jambes lourdes je fixe l’horizon je prends ma bouteille d’eau et la jette contre le rocher je regarde pendant des heures chaque goutte descendre Je rentre par la forêt le rêve peut recommencer sans qu’elle puisse me voir sans qu’elle puisse me parler

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    E

    Edouard J. Maunick

    @edouardJMaunick

    Alabama des chiens Il y avait l’homme Blanc il y avait l’homme Noir il y a maintenant les Chiens les chiens aboyant dans Alabama… quelque part dans Birmingham des enfants ne chantent plus les blues de la faim de la faim de vivre enfin Birmingham est une prison une nuit de portes de fer rabattues sur des corps noirs comme un verrou de braise Birmingham est lieu de mort la lèpre noire est déclarée rentrez madame vos toutous et vos caniches les molosses vont sauter aux poignets et mordre dans les jambes déchirer les dos baver contre les ventres laver la ville ternir les miroirs nègres jusqu’à l’image de peur… et pourtant dans ces miroirs leurs yeux du souvenir pas très loin dans autrefois vivait Mindanao brûlait Guadalcanal flambait Tassafong en ce temps là le sang fuyait également la peau roussissait également l’abîme s’ouvrait également en ce temps là un seul et même doigt libérait le chien des fusils… Amérique quelque chose rôde autour de toi pétri du sang de peau et de vertige des blues se préparent qui seront alléluias Amérique ne force pas la naissance d’un Chaka n’appelle pas d’étranges sortilèges car les nègres Amérique les nègres vont sortir…

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    E

    Eleni Cay

    @eleniCay

    Les temples des pensées intactes Fatiguée, je suis fatiguée. Blasée de textes, de sons, de mots. Comme pour me droguer je vais me connecter sur internet. M’emmêler un instant dans mes filets, c’est tout ce que je souhaite… Alors permets-moi de raccrocher un instant, permets-moi de me perdre sur l’écran. C’est dans une ville où l’air est suffoquant que je voudrais laisser se reposer un souvenir vivant. Autrefois, j’allais en chercher dans le vide des églises. Dans le silence, sans sonneries, sans écrans. Aux yeux rafraîchis, mon âme résista à l’appel d’autres slogans. Aujourd’hui, je cherche en vain une cachette pour y déposer mes expériences fânées. De la pression, on me met, de tous les côtés – il te faut enregistrer, écrire, filmer… Tu navigues à bord de petits bâteaux ronds dans des eaux claires en prenant le cap de tes pensées cachées au fond d’un palais royal. Quand tu entres dans un temple pour être originale, il faut encore que tu sois accompagnée de quelqu’un. L’inspiration ondule avec innocence en allant de toi en moi. J’ai trouvé la paix, je me suis trouvée moi-même comme sur une surface, celle de la mer. Eleni Cay, Frémissements d’un papillon en ère numérique, 2015

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Le bazar C’est un bazar, au bout des faubourgs rouges : Étalages bondés, éventaires ventrus. Tumulte et cris brandis, gestes bourrus et crus, Et lettres d’or, qui soudain bougent, En torsades, sur la façade. Chaque matin, on vend, en ce bazar, Parmi les épices, les fards Et les drogues omnipotentes, À bon marché, pour quelques sous, Les diamants dissous De la rosée immense et éclatante. Le soir, à prix numéroté, Avec le désir noir de trafiquer de la pureté, On y brocante le soleil Que toutes les vagues de la mer claire Lavent, entre leurs doigts vermeils, Aux horizons auréolaires. C’est un bazar, avec des murs géants Et des balcons et des sous-sols béants Et des tympans montés sur des corniches Et des drapeaux et des affiches, Où deux clowns noirs plument un ange. À travers boue, à travers fange, Roulent, la nuit vers le bazar, Les chars, les camions et les fardiers, Qui s’en reviennent des usines Voisines, Des cimetières et des charniers, Avec un tel poids noir de cargaisons, Que le sol bouge et les maisons. On met au clair à certains jours, En de vaines et frivoles boutiques, Ce que l’humanité des temps antiques Croyait divinement être l’amour ; Aussi les Dieux et leur beauté Et l’effrayant aspect de leur éternité Et leurs yeux d’or et leurs mythes et leurs emblèmes Et des livres qui les blasphèment. Toutes ardeurs, tous souvenirs, toutes prières Sont là, sur des étals, et s’empoussièrent. Des mots qui renfermaient l’âme du monde Et que les prêtres seuls disaient au nom de tous, Sont charriés et ballottés, dans la faconde Des camelots et des voyous. L’immensité se serre en des armoires Dérisoires et rayonne de plaies Et le sens même de la gloire Se définit par des monnaies. Lettres jusques au ciel, lettres en or qui bouge, C’est un bazar au bout des faubourgs rouges ! La foule et ses flots noirs S’y bouscule près des comptoirs ; La foule et ses désirs multipliés, Par centaines et par milliers, Y tourne, y monte, au long des escaliers, Et s’érige folle et sauvage, En spirale, vers les étages. Là haut, c’est la pensée Immortelle, mais convulsée, Avec ses triomphes et ses surprises, Qu’à la hâte on expertise. Tous ceux dont le cerveau S’enflamme aux feux des problèmes nouveaux, Tous les chercheurs qui se fixent pour cible Le front d’airain de l’impossible Et le cassent, pour que les découvertes S’en échappent, ailes ouvertes, Sont là gauches, fiévreux, distraits, Dupes des gens qui les renient Mais utilisent leur génie, Et font argent de leurs secrets. Oh ! les Edens, là-bas, au bout du monde, Avec des arbres purs à leurs sommets, Que ces voyants des lois profondes Ont exploré pour à jamais, Sans se douter qu’ils sont les Dieux. Oh ! leur ardeur à recréer la vie, Selon la foi qu’ils ont en eux Et la douceur et la bonté de leurs grands yeux, Quand, revenus de l’inconnu Vers les hommes, d’où ils s’érigent, On leur vole ce qui leur reste aux mains De vérité conquise et de destin. C’est un bazar tout en vertiges Que bat, continûment, la foule, avec ses houles Et ses vagues d’argent et d’or ; C’est un bazar tout en décors, Avec des tours de feux et des lumières, Si large et haut que, dans la nuit, Il apparaît la bête éclatante de bruit Qui monte épouvanter le silence stellaire.

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    A

    Alexis-Félix Arvers

    @alexisFelixArvers

    Examen de conscience Frères, je me confesse, et vais vous confier Mon sort, pour vous instruire et vous édifier. Un jour, je me sentis le désir de connaître Ce qu’enfermait en soi le secret de mon être, Ignorant jusque-là, je brûlai de savoir ; J’examinai mon âme et j’eus peur à la voir. Alors, et quand je l’eus à souhait regardée, Que je la connus bien, il me vint à l’idée De m’enquérir un peu pourquoi j’étais ainsi, Et d’où je pouvais m’être à ce point endurci : Car je ne pouvais pas me faire à la pensée Qu’elle se fût si vite et si bas affaissée, Car j’étais tout confus, car, en y bien cherchant, Il me semblait à moi n’être pas né méchant. En effet, je pouvais être bon. Mais j’espère Que Dieu pardonne et fait miséricorde au père Qui veut trop pour son fils, et lui fait désirer Un sort où la raison lui défend d’aspirer ! Mon malheur vient de là, d’avoir pu méconnaître L’humble condition où Dieu m’avait fait naître. D’avoir tâché trop loin, et d’avoir prétendu A m’élever plus haut que je ne l’aurais dû ! Hélas ! j’allai partout, chétif et misérable. Traîner péniblement ma blessure incurable ; Comme un pauvre à genoux au bord d’un grand chemin, J’ai montré mon ulcère, et j’ai tendu la main ; Malheureux matelot perdu dans un naufrage. J’ai crié ; mais ma voix s’est mêlée à l’orage ; Mais je n’ai rencontré personne qui voulût Me plaindre, et me jeter la planche de salut. Et moi, je n’allai point, libre et sans énergie. Exhaler ma douleur en piteuse élégie. Comme un enfant mutin pleure de ne pouvoir Atteindre un beau fruit mûr qu’il vient d’apercevoir. Je gardai mon chagrin pour moi, j’eus le courage De renfermer ma haine et d’étouffer ma rage, Personne n’entrevit ce que je ressentais. Et l’on me crut joyeux parce que je chantais. Tel s’est passé pour moi cet âge d’innocence Où des songes riants bercent l’adolescence. Sans jouir de la vie, et sans avoir jamais Vu contenter un seul des vœux que je formais : Jamais l’Illusion, jamais le doux Prestige, Lutin capricieux qui rit et qui voltige, Ne vint auprès de moi, dans son vol caressant, Secouer sur mon front ses ailes en passant, Et jamais voix de femme, harmonieuse et tendre, N’a trouvé de doux mots qu’elle me fit entendre. Une fois, une fois pourtant, sans le savoir, J’ai cru naître à la vie, au bonheur, j’ai cru voir Comme un éclair d’amour, une vague pensée Qui vint luire à mon âme et qui l’a traversée, A ce rêve si doux je crus quelques instants ; — Mais elle est sitôt morte et voilà si longtemps ! Je me livrai dès lors à l’ardeur délirante D’un cerveau maladif et d’une âme souffrante ; J’entrepris de savoir tout ce que recelait En soi le cœur humain de difforme et de laid ; Je me donnai sans honte à ces femmes perdues Qu’a séduites un lâche, ou qu’un père a vendues. J’excitai dans leurs bras mes désirs épuisés, Et je leur prodiguai mon or et mes baisers : Près d’elles, je voulus contenter mon envie De voir au plus profond des secrets de la vie. J’allai, je descendis aussi loin que je pus Dans les sombres détours de ces cœurs corrompus, Trop heureux, quand un mot, un signe involontaire D’un vice, neuf pour moi, trahissait le mystère, Et qu’aux derniers replis à la fin parvenu, Mon œil, comme leurs corps, voyait leur âme à nu. Or, vous ne savez pas, combien à cette vie, A poursuivre sans fin cette fatale envie De tout voir, tout connaître, et de tout épuiser, L’âme est prompte à s’aigrir et facile à s’user. Malheur à qui, brûlant d’une ardeur insensée De lire à découvert dans l’homme et sa pensée. S’y plonge, et ne craint pas d’y fouiller trop souvent, D’en approcher trop près, et d’y voir trop avant ! C’est ce qui m’acheva : c’est cette inquiétude A chercher un cœur d’homme où mettre mon étude, C’est ce mal d’avoir pu, trop jeune, apercevoir Ce que j’aurais mieux fait de ne jamais savoir. Désabusé de tout, je me suis vu ravie La douce illusion qui fait aimer la vie, Le riant avenir dont mon cœur s’est flétri, Et ne pouvant plus croire à l’amour, j’en ai ri : Et j’en suis venu là, que si, par occurrence, — Je suis si jeune encore, et j’ai tant d’espérance ! — Une vierge aux doux yeux, et telle que souvent J’en voyais autrefois m’apparaître en rêvant, Simple, et croyant encore à la magie antique De ces traditions du foyer domestique. M’aimait, me le disait, et venait à son tour Me demander sa part de mon âme en retour ; Vierge, il faudrait me fuir, et faire des neuvaines Pour arracher bientôt ce poison de tes veines, Il faudrait me haïr, car moi, je ne pourrais Te rendre cet amour que tu me donnerais, Car je me suis damné, moi, car il faut te dire Que je passe mes jours et mes nuits à maudire, Que, sous cet air joyeux, je suis triste et nourris Pour tout le genre humain le plus profond mépris : Mais il faudrait me plaindre encore davantage De m’être fait si vieux et si dur à cet âge, D’avoir pu me glacer le cœur, et le fermer A n’y laisser l’espoir ni la place d’aimer.

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    G

    Grégory Rateau

    @gregoryRateau

    Beyrouth « Ce ne peut être que la fin du monde, en avançant. » Rimbaud Un taxi noir, Celui d’après minuit, Mon chauffeur slame, Mixe de plusieurs langues, Et ses sourcils de loup-garou, Dans les nuits fauves de Beyrouth, Cette montagne dressée au loin, Constellation d’un Pollock en transe, Je décroche À côté de mes pompes, Tel un somnambule, La ville jappe, Puis bat la mesure en rythme, Par la fenêtre Des fils électriques tressés à l’infini, Tout va trop vite, Ça défile, Appartements percés de part en part, Éclats de balle, Des trous de la taille d’un obus, Un goût de poussière, Odeur de pneus brûlés, Ma tête prête à exploser, Comme si des doigts essayaient de me faire avouer Mais quoi ? Je délire, Un gamin court après la voiture, Le feu passe au rouge, Des scooters nous tournent autour, Haine de l’étranger, Je fonce Sur les bords de mer, La lune fait du sur-place, Le ciel pris de folie, Des lucioles rebondissent sur le sable, Des chars défilent, Tremblement, La terre entame son solo de jazz, Je rêve d’une femme, La peau claire, Aux cheveux noirs, Mais j’ai droit à la lampe d’un militaire, Braquée sur mon désir, Il nous fait ranger sur le bas-côté, Fouille au corps, Vérification des papiers, Le loup-garou ne veut pas aller plus loin, Je longe la plage, Des couples se cachent dans des voitures Tous phares éteints, Dans l’eau, elle est là, La femme à la peau claire, Aux cheveux noirs, Elle n’a pas peur des flammes, Des reflets brûlants sur les vagues, Nous plongeons Sous l’eau, une autre nuit, Une longue phrase, Sans un mot, « A love » suprême.

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    G

    Grégory Rateau

    @gregoryRateau

    Poème païen A la fin, je me présenterai devant vous Presque nu Avec seulement mes bagues en éventail Une pour chaque vie que j’ai vampirisée Les yeux gris d’un trop plein de soleil L’iris en parchemin Récit des folies de ma jeunesse Mes muscles à présent atrophiés d’avoir trop ou mal aimé De rares cheveux formeront ici ma couronne Unique récompense pour toutes mes conquêtes Personne pour laver ma dépouille Lui donner les derniers sacrements païens Juste une vieille photo monstrueuse pliée dans mon poing droit Et qui n’aura plus rien à voir Avec cette chose sans âge aux traits aguicheurs Couchée là Sur son lit de ronces L’ironie glorieuse aux coins des lèvres Innocence encadrée dans un miroir de poche Enfin confrontée à son portrait ravagé Une vie entière pour un rien Car privée de tout Même d’une descendance

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Fusée-signal Des villages flambaient dans la nuit intérieure Une fermière conduit son auto sur une route vers Galveston Qui a lancé cette fusée-signal Néanmoins tu feras bien de tenir la porte ouverte Et puis le vent scieur de long Suscitera en toi la terreur des fantômes Ta langue Le poisson rouge dans le bocal De ta voix Mais ce regret A peine une infirmière plus blanche que l’hiver Éblouissant tandis qu’à l’horizon décroît Un régiment de jours plus bleus que les collines lointaines et plus doux que ne sont les coussins de l’auto.

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    Homère

    Homère

    @homere

    Batrachomyomachia Muses daignez abandonner les hauteurs de l’Hélicon, venez dans mon âme m’inspirer mes vers. Mes tablettes sont placées sur mes genoux, je vais apprendre à tous les hommes une grande querelle, ouvrage terrible du dieu Mars : comment les rats marchèrent contre les grenouilles, comment ils imitèrent dans leurs exploits ces mortels qui passent pour être les géants fils de la Terre. Voici quel fut le principe de la guerre : Un jour un rat échappé aux poursuites d’un chat, et pressé par la soif, se désaltérait au bord d’un étang. Son menton velu trempait dans l’eau, dont il se gorgeait à plaisir. Une grenouille, heureuse habitante de ces marais, habile à coasser sur plus d’un ton, l’ayant aperçu lui parla ainsi : « Étranger, qui donc es-tu ? quel pays as-tu quitté pour venir sur nos bords ? qui t’a donné le jour ? Prends garde à ne pas déguiser la vérité. Si tu me parais mériter mon affection, je te conduirai dans ma demeure, et je te ferai les présents de l’hospitalité. C’est Physignathe qui te parle. Je suis la reine de cet étang ; j’y suis honorée comme telle, et j’ai toujours régné sur les autres grenouilles. Pélée et Hydroméduse s’étant unis d’amour sur les rives de l’Éridan me donnèrent le jour. Ta beauté, ton air courageux, me font connaître que tu es fort au-dessus de ceux de ton espèce. Tu es sans doute un grand roi décoré du sceptre ou habile guerrier. Mais, en grâce, ne diffère plus à me faire connaître ton origine. » Psicharpax lui répondit en ces mots : « Comment peux-tu ne pas connaître ma race ? Elle est connue aux hommes, aux dieux, et à tous les oiseaux habitants de l’air. Mon nom est Psicharpax ; je suis le fils du généreux Troxarte ; la fille du prince Pternotrocte, Lychomyle, est ma mère. Elle me donna le jour au fond d’une cabane et me nourrit avec des figues, des noix et des mets de toute espèce. Comment pourrais-tu me recevoir comme ton ami ? puisqu’il n’y a rien de commun entre nous. Tu passes la vie au fond des eaux, et moi je me nourris comme les hommes, je me nourris de tout ce qu’ils amassent pour eux-mêmes. Rien n’échappe à l’avidité de mes recherches : ni le pain qu’on entasse dans des corbeilles, ni ces gâteaux aux larges bords assaisonnés avec beaucoup de sésame, ni les morceaux de jambon, ni les foies d’animaux recouverts de graisse blanche, ni le fromage frais, ni ces délicieux gâteaux de miel dont les dieux mêmes sont friands, en un mot rien de ce que les cuisiniers apprêtent pour les repas et qu’ils relèvent de mille assaisonnements divers. Jamais on ne m’a vu fuir dans un combat au fort du danger ; c’est alors que je m’élance avec ardeur dans les premiers rangs. J’approche sans crainte d’un homme, malgré l’énormité de sa stature ; souvent même, grimpant sur son lit, je lui mords hardiment le bout du doigt. Je lui saisis le talon avec tant d’adresse qu’il le sent à peine et que le doux sommeil ne l’abandonne point. À la vérité je redoute fort deux animaux, l’épervier et le chat. Ces espèces sont pour la nôtre une source de maux ; je crains aussi les souricières, ce piège douloureux où réside une mort trompeuse. Mais ce que je redoute surtout, c’est le chat, cet ennemi cruel qui parvient à nous saisir à l’entrée même des trous où nous nous réfugions. Je ne mange ni raves, ni choux, ni courges ; la verte poirée et le céleri ne sont pas dignes de me nourrir. Ce sont là des mets faits pour vous et vos marécages. » Physignathe sourit à ces mots et répliqua ainsi : « Ami, tu fais bien le glorieux et tout cela au sujet de ton ventre ! Je pourrais vanter moi aussi les merveilles qu’on voit chez nous, soit dans nos marais, soit sur terre. Le maître des dieux a donné aux grenouilles la faculté de vivre dans plus d’un élément : il nous est libre de parcourir les terres en sautant ou de nous plonger dans les eaux. Si tu es curieux de t’en convaincre, la chose est facile : viens sur mon dos, serre-moi fortement dans la crainte de périr, et tu goûteras un plaisir infini à visiter ma demeure ! » À ces mots, elle lui présente la croupe. Psicharpax y saute d’un léger bond et la tient embrassée par le cou. Ravi de voir Physignathe nager sous lui, Psicharpax ne se sentait pas d’aise en considérant les divers renfoncements de la rive qui formaient autant de petits ports voisins les uns des autres. Bientôt l’onde devenant agitée, il se sentit mouillé ; alors il a recours aux larmes, aux plaintes inutiles et tardives, il s’arrache des poils et replie ses pieds sous son ventre. Une situation si étrange le jette dans un trouble extrême : tantôt il porte ses regards vers le bord ; tantôt, en proie à de mortelles alarmes, il gémit et soupire amèrement. D’abord il abaisse sa queue à la surface des eaux, et, s’en servant comme d’une rame, il la traîne après soi. Puis se sentant de plus en plus surmonté par les vagues armées, il supplie les dieux de le ramener au rivage. Enfin il pousse d’horribles cris, et sa bouche laisse échapper ces paroles : « Le noir taureau qui conduisit autrefois Europe à travers les flots dans l’île de Crète ne porta jamais sur son dos le poids que l’amour lui imposait aussi facilement que cette grenouille me transporte à cette heure sur les eaux vers son habitation. Comme son corps verdâtre s’élève au-dessus de l’onde blanchissante ! » Tout à coup, horrible spectacle pour tous les deux ! une hydre leur apparaît relevant sa tête au-dessus des ondes. Physignathe ne l’aperçut pas plus tôt qu’elle fit le plongeon, sans penser quel noble ami elle allait perdre ; elle descendit au fond de l’abîme, et par là elle évita un destin cruel. Psicharpax, ainsi abandonné, tomba renversé sur son dos. Il agite inutilement les pieds, et près de périr, il fait entendre un cri plaintif. Tantôt il descend au-dessous de l’eau, tantôt il remonte à la surface, et frappant du pied, il se relève et surnage. Il ne put cependant se dérober à sa destinée. Son poil pénétré par l’eau ajoutait à sa pesanteur naturelle. Il touchait à son dernier moment lorsque s’adressant à Physignathe : « Tu n’échapperas point aux dieux, lui dit-il, après le crime que tu viens de commettre. Tu as causé ma perte en me précipitant de dessus ton dos comme de la cime d’un rocher. Sur terre, perfide, tu ne te serais jamais montrée supérieure à moi dans aucune espèce de combat, ni au pugilat, ni à la lutte, ni à la course ; mais c’est en employant la ruse que tu m’as précipité au fond des eaux. L’œil des dieux est un œil vengeur. Un jour tu porteras la peine de ta perfidie ; c’est à l’armée des rats à t’en punir, tu ne saurais leur échapper. » À ces mots il expire sous les eaux. Cependant Lichopinax, assis sur les bords fleuris de l’étang, avait été témoin de ce malheur ; il en gémit amèrement et se hâte d’aller l’annoncer aux autres rats. Dès qu’ils apprirent le triste sort de leur compagnon, ils entrèrent en fureur. Les hérauts reçurent ordre de convoquer le lendemain matin une assemblée dans le palais de Troxarte, père du malheureux Psicharpax, dont le cadavre, éloigné de la rive, flottait au milieu du marais. Au lever de l’aurore, les rats s’étant rendus en hâte au conseil, Troxarte le premier se leva au milieu de l’assemblée, et dans le ressentiment que lui causait la perte de son fils, il parla en ces termes : « Chers compagnons, quoique jusqu’à présent j’aie été seul à souffrir de l’insolence des grenouilles, les mêmes malheurs vous menacent tous.

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    Jacques Réda

    @jacquesReda

    Seuil du désordre J'avais assez d'orgueil pour n'attendre que l'éclatement, le surcroît. (Commencer est terrible, oui, terrible et défendu, Hors cette irruption d'oiseaux inconnus qui foudroie.) Cependant était-ce la foudre, ou bien Sur cet espace dévasté par ma naissance L'ordre enfin rétabli dont me saisissait la douceur ? Mais quel ordre sinon celui du monde innocent avant moi, Plein de mots non souillés encore par ma bouche, plein De la présence où je ne fus que porte battant sur le noir ? Et par là vinrent les longs bras ignobles du noir ; Par là se sont glissés les yeux d'une nuit dégoûtante Et qui n'était pas moi mais poussait toujours cette porte. Là parurent aussi la rose et le bouvreuil que je ne connais pas. Des animaux à la cruauté douce en moi se coulant vite, Et le silence où tout s'accorde, neige Antérieure à la trace funèbre de mes pas.

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    Jacques Viallebesset

    @jacquesViallebesset

    Fumées de la mémoire L’écume des peuples s’efface de la mémoire Dans les sillons stériles des parois du temps Des hommes sans visages sont venus les chercher Ils ont amassé leurs bagages dans les clameurs Toutes ces vies entassées dans des énigmes d’ombre Les trains gris poussaient des cris de violon brisé Enfants barbouillés des couleurs du cauchemar Lignes de leurs mains creusées des rails du destin Leur étoile était clouée sur cette nuit sans aube Un désespoir tout jaune marqué au fer rouge L’immense fumée noire qui emportait leurs cris A dissous leurs rêves de miel dans un brasier Sur le magma rougeoyant de leurs entrailles Le soleil a quitté un ciel vide vitrifié d’horreur Images fragiles volées au secret de la mort Ces cendres et ces fumées brûlent encore mes larmes.

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