Après la bataille Mon père, ce héros au sourire si doux,
Suivi d'un seul housard qu'il aimait entre tous
Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,
Parcourait à cheval, le soir d'une bataille,
Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.
Il lui sembla dans l'ombre entendre un faible bruit.
C'était un Espagnol de l'armée en déroute
Qui se traînait sanglant sur le bord de la route,
Râlant, brisé, livide, et mort plus qu'à moitié.
Et qui disait : « À boire! à boire par pitié ! »
Mon père, ému, tendit à son housard fidèle
Une gourde de rhum qui pendait à sa selle,
Et dit : « Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé. »
Tout à coup, au moment où le housard baissé
Se penchait vers lui, l'homme, une espèce de maure,
Saisit un pistolet qu'il étreignait encore,
Et vise au front mon père en criant: « Caramba ! »
Le coup passa si près que le chapeau tomba
Et que le cheval fit un écart en arrière.
« Donne-lui tout de même à boire », dit mon père.
il y a 1 mois
Alfred de Vigny
@alfredDeVigny
La flûte I
Un jour je vis s’asseoir au pied de ce grand arbre
Un Pauvre qui posa sur ce vieux banc de marbre
Son sac et son chapeau, s’empressa d’achever
Uu morceau de pain noir, puis se mit à rêver.
Il paraissait chercher dans les longues allées
Quelqu’un pour écouter ses chansons désolées ;
Il suivait à regret la trace des passants
Rares et qui, pressés, s’en allaient en tous sens.
Avec eux s’enfuyait l’aumône disparue,
Prix douteux d’un lit dur en quelque étroite rue
Et d’un amer souper dans un logis malsain.
Cependant il tirait lentement de son sein,
Comme se préparait au martyre un apôtre,
Les trois parts d’une Flûte et liait l’une à l’autre
Essayait l’embouchure à son menton tremblant,
Faisait mouvoir la clef, l’épurait en soufflant,
Sur ses genoux ployés frottait le bois d’ébène,
Puis jouait. — Mais son front en vain gonflait sa veine,
Personne autour de lui pour entendre et juger
L’humble acteur d’un public ingrat et passager.
J’approchais une main du vieux chapeau d’artiste
Sans attendre un regard de son œil doux et triste
En ce temps, de révolte et d’orgueil si rempli ;
Mais, quoique pauvre, il fut modeste et très poli.
II
Il me fit un tableau de sa pénible vie.
Poussé par ce démon qui toujours nous convie,
Ayant tout essayé, rien ne lui réussit,
Et le chaos entier roulait dans son récit.
Ce n’était qu’élan brusque et qu’ambitions folles,
Qu’entreprise avortée et grandeur en paroles.
D’abord, à son départ, orgueil démesuré,
Gigantesque écriteau sur un front assuré,
Promené dans Paris d’une façon hautaine :
Bonaparte et Byron, poète et capitaine,
Législateur aussi, chef de religion
(De tous les écoliers c’est la contagion),
Père d’un panthéisme orné de plusieurs choses,
De quelques âges d’or et des métempsychoses
De Bouddha, qu’en son cœur il croyait inventer ;
Il l’appliquait à tout, espérant importer
Sa révolution dans sa philosophie ;
Mais des contrebandiers notre âge se défie ;
Bientôt par nos fleurets le défaut est trouvé ;
D’un seul argument fin son ballon fut crevé.
Pour hisser sa nacelle il en gonfla bien d’autres
Que le vent dispersa. Fatigué des apôtres,
Il dépouilla leur froc. (Lui-même le premier
Souriait tristement de cet air cavalier
Dont sa marche, au début, avait été fardée
Et, pour d’obscurs combats, si pesamment bardée ;
Car, plus grave à présent, d’une double lueur
Semblait se réchauffer et s’éclairer son cœur ;
Le Bon Sens qui se voit, la Candeur qui l’avoue,
Coloraient en parlant les pâleurs de sa joue.)
Laissant donc les couvents, Panthéistes ou non,
Sur la poupe d’un drame il inscrivit son nom
Et vogua sur ces mers aux trompeuses étoiles ;
Mais, faute de savoir, il sombra sous ses voiles
Avant d’avoir montré son pavillon aux airs.
Alors rien devant lui que flots noirs et déserts,
L’océan du travail si chargé de tempêtes
Où chaque vague emporte et brise mille têtes.
Là, flottant quelques jours sans force et sans fanal,
Son esprit surnagea dans les plis d’un journal,
Radeau désespéré que trop souvent déploie
L’équipage affamé qui se perd et se noie.
Il s’y noya de même, et de même, ayant faim,
Fit ce que fait tout homme invalide et sans pain.
» Je gémis, disait-il, d’avoir une pauvre âme
Faible autant que serait l’âme de quelque femme,
Qui ne peut accomplir ce qu’elle a commencé
Et s’abat au départ sur tout chemin tracé.
L’idée à l’horizon est à peine entrevue,
Que sa lumière écrase et fait ployer ma vue.
Je vois grossir l’obstacle en invincible amas,
Je tombe ainsi que Paul en marchant vers Damas.
— Pourquoi, me dit la voix qu’il faut aimer et craindre,
Pourquoi me poursuis-tu, toi qui ne peux m’étreindre ?
— Et le rayon me trouble et la voix m’étourdit,
Et je demeure aveugle et je me sens maudit. «
III
— » Non, criai-je en prenant ses deux mains dans les miennes,
Ni dans les grandes lois des croyances anciennes,
Ni dans nos dogmes froids, forgés à l’atelier,
Entre le banc du maître et ceux de l’écolier,
Ces faux Athéniens dépourvus d’Atticisme,
Qui nous soufflent aux yeux des bulles de Sophisme,
N’ont découvert un mot par qui fût condamné
L’homme aveuglé d’esprit plus que l’aveugle-né.
C’est assez de souffrir sans se juger coupable
Pour avoir entrepris et pour être incapable ;
J’aime, autant que le fort, le faible courageux
Qui lance un bras débile en des flots orageux,
De la glace d’un lac plonge dans la fournaise
Et d’un volcan profond va tourmenter la braise.
Ce Sisyphe éternel est beau, seul, tout meurtri,
Brûlé, précipité, sans jeter un seul cri,
Et n’avouant jamais qu’il saigne et qu’il succombe
À toujours ramasser son rocher qui retombe.
Si, plus haut parvenus, de glorieux esprits
Vous dédaignent jamais, méprisez leur mépris ;
Car ce sommet de tout, dominant toute gloire,
Ils n’y sont pas, ainsi que l’œil pourrait le croire.
On n’est jamais en haut. Les forts, devant leurs pas,
Trouvent un nouveau mont inaperçu d’en bas.
Tel que l’on croit complet et maître en toute chose
Ne dit pas les savoirs qu’à tort on lui suppose,
Et qu’il est tel grand but qu’en vain il entreprit.
— Tout homme a vu le mur qui borne son esprit.
Du corps et non de l’âme accusons l’indigence.
Des organes mauvais servent l’intelligence
Et touchent, en tordant et tourmentant leur nœud,
Ce qu’ils peuvent atteindre et non ce qu’elle veut.
En traducteurs grossiers de quelque auteur céleste
Ils parlent… Elle chante et désire le reste.
Et, pour vous faire ici quelque comparaison,
Regardez votre Flûte, écoutez-en le son.
Est-ce bien celui-là que voulait faire entendre
La lèvre ? Était-il pas ou moins rude ou moins tendre ?
Eh bien, c’est au bois lourd que sont tous les défauts,
Votre souffle était juste et votre chant est faux.
Pour moi qui ne sais rien et vais du doute au rêve,
Je crois qu’après la mort, quand l’union s’achève,
L’âme retrouve alors la vue et la clarté,
Et que, jugeant son œuvre avec sérénité,
Comprenant sans obstacle et s’expliquant sans peine,
Comme ses sœurs du ciel elle est puissante et reine,
Se mesure au vrai poids, connaît visiblement
Que son souffle était faux par le faux instrument,
N’était ni glorieux ni vil, n’étant pas libre ;
Que le corps seulement empêchait l’équilibre ;
Et, calme, elle reprend, dans l’idéal bonheur,
La sainte égalité des esprits du Seigneur. «
IV
Le Pauvre alors rougit d’une joie imprévue,
Et contempla sa Flûte avec une autre vue ;
Puis, me connaissant mieux, sans craindre mon aspect,
Il la baisa deux fois en signe de respect,
Et joua, pour quitter ses airs anciens et tristes,
Ce Salve Regina que chantent les Trappistes.
Son regard attendri paraissait inspiré,
La note était plus juste et le souffle assuré.
il y a 1 mois
Alfred Jarry
@alfredJarry
La chanson du décervelage Je fus pendant longtemps ouvrier ébéniste
Dans la ru’ du Champs d’ Mars, d’ la paroiss’ de Toussaints ;
Mon épouse exerçait la profession d’ modiste
Et nous n’avions jamais manqué de rien.
Quand le dimanch’ s’annonçait sans nuage,
Nous exhibions nos beaux accoutrements
Et nous allions voir le décervelage
Ru’ d’ l’Echaudé, passer un bon moment.
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter,
Voyez, voyez les Rentiers trembler;
(Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !
Nos deux marmots chéris, barbouillés d’ confitures,
Brandissant avec joi’ des poupins en papier
Avec nous s’installaient sur le haut d’ la voiture
Et nous roulions gaîment vers l’Echaudé.
On s’ précipite en foule à la barrière,
On s’ flanque des coups pour être au premier rang ;
Moi j’me mettais toujours sur un tas d’pierres
Pour pas salir mes godillots dans l’sang.
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter,
Voyez, voyez les Rentiers trembler;
(Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !
Bientôt ma femme et moi nous somm’s tout blancs d’ cervelle,
Les marmots en boulott’nt et tous nous trépignons
En voyant l’Palotin qui brandit sa lumelle,
Et les blessur’s et les numéros d’ plomb.
Soudain j’ perçois dans l’ coin, près d’ la machine,
La gueul’ d’un bonz’ qui n’ m’ revient qu’à moitié.
Mon vieux, que j’ dis, je r’connais ta bobine :
Tu m’as volé, c’est pas moi qui t’ plaindrai.
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter,
Voyez, voyez les Rentiers trembler;
(Choeur) : Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !
Soudain j’ me sens tirer la manche’par mon épouse ;
Espèc’ d’andouill’, qu’elle m’ dit, v’là l’ moment d’te montrer :
Flanque-lui par la gueule un bon gros paquet d’ bouse.
V’là l’ Palotin qu’a juste’ le dos tourné.
En entendant ce raisonn’ment superbe,
J’attrap’ sus l’ coup mon courage à deux mains :
J’ flanque au Rentier une gigantesque merdre
Qui s’aplatit sur l’ nez du Palotin.
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter,
Voyez, voyez les Rentiers trembler;
(Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !
Aussitôt j’ suis lancé par dessus la barrière,
Par la foule en fureur je me vois bousculé
Et j’ suis précipité la tête la première
Dans l’ grand trou noir d’ousse qu’on n’ revient jamais.
Voila c’ que c’est qu’d’aller s’ prome’ner l’ dimanche
Ru’ d’ l’Echaudé pour voir décerveler,
Marcher l’ Pinc’-Porc ou bien l’Démanch’- Comanche :
On part vivant et l’on revient tudé !
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter,
Voyez, voyez les Rentiers trembler;
(Choeur): Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu!
il y a 1 mois
Alfred Jarry
@alfredJarry
Madrigal Ma fille — ma, car vous êtes à tous,
Donc aucun d’eux ne fut valable maître,
Dormez enfin, et fermons la fenêtre :
La vie est close, et nous sommes chez nous.
C’est un peu haut, le monde s’y termine
Et l’absolu ne se peut plus nier ;
Il est si grand de venir le dernier
Puisque ce jour a lassé
Messaline.
Vous voici seule et d’oreilles et d’yeux,
Tomber souvent désapprend de descendre.
Le bruit terrestre est loin, comme la cendre
Gît inconnue à l’encens bleu des dieux.
Tel le clapotis des carpes nourries
A
Fontainebleau
A des voix meurtries
De baisers dans l’eau.
Comment s’unit la double destinée?
Tant que je n’eus point pris votre trottoir
Vous étiez vierge et vous n’étiez point née,
Comme un passé se noie en un miroir.
La boue à peine a baisé la chaussure
De votre pied infinitésimal
Et c’est d’avoir mordu dans tout le mal
Qui vous a fait une bouche si pure.
il y a 1 mois
Anna de Noailles
@annaDeNoailles
Mélodie Comme un couteau dans un fruit
Amène un glissant ravage,
La mélodie au doux bruit
Fend le coeur et le partage
Et tendrement le détruit.
— Et la langueur irisée
Des arpèges, des accords,
Descend, tranchante et rusée,
Dans la faiblesse du corps
Et dans l’âme divisée…
il y a 1 mois
A
Annie Lafleur
@annieLafleur
Mayday Mayday Les yeux brûlent encore
des cerveaux toujours sur les bois durs
aggrippés au noir minuscule
se ruent sans tête baissée
on les empoigne
on se les enfourne dans le cri
Mayday Mayday
échappé des galères.
Autour des fêtes surgissent
d’une maison parfois
d’une croix
traInée dans la gorge et par la mouche
la pluie le soleil et le vent
mais le plus terrifiant
à grands pas de cloutées
ni homme-sang ni solide
plus toxique.
*****
Des putains au soleil
échappées des vitrines
la fièvre écrasée
en énigme fixe
un demi-cirque répète
Mayday Mayday
ces faces miraculeuses
éteignent leur bout blanc
une fois reconnues
leurs cuisses abiment le cuir
Inmitraillable.
******
La reconnaître de nuit
à plat ventre
Mayday
aussitôt portée
d’épaule en épaule
guerriers et vidanges
lancés dans les haies
Mayday
la lumière
ne fera plus demi-cercle
et les bouches ouvertes.
*****
La connaître au matin
les brouillards dédaigneux
les yeux terminés pareils
la guerre se voit
badges barrées au feutre
ils écrivent : Mayday
migrantes armées
un sirop raide les terreurs les creux
les terreurs les raideurs le fer
enfilé demi-tour partout
les horlogers leurs cicatrices
autour c’est la vérité.
*****
Sans vent sec et sèche
embarrée amputée peignée
recousue asphaltée
mure sans soif en cité
en solo en toi lavée au boyau.
C’est elle et Mayday
la relever par les aisselles
la brocher pour qu’elle ne tienne
la faire dans les champs
les corridors les puits
les tannières
c’est leur bracelet
leur chose volée
à eux.
Sa tête sur les rails
d’un jouet
une hirondelle diluée :
mais à eux.
La joie aussi
sous des lustres de bave.
*****
La connaître à midi
petits plats incendiés
à peine sauvages
et d’un seul corps
l’horizon couvre les fleurs en image
la solitude loin derrière
pour les briser ensemble
terre jaillissante
épaisse fumée
Mayday Mayday Mayday.
il y a 1 mois
Arthur Rimbaud
@arthurRimbaud
L’homme juste Le Juste restait droit sur ses hanches solides :
Un rayon lui dorait l’épaule ; des sueurs
Me prirent : » Tu veux voir rutiler les bolides ?
Et, debout, écouter bourdonner les flueurs
D’astres lactés, et les essaims d’astéroïdes ?
» Par des farces de nuit ton front est épié,
Ô juste ! Il faut gagner un toit. Dis ta prière,
La bouche dans ton drap doucement expié ;
Et si quelque égaré choque ton ostiaire,
Dis : Frère, va plus loin, je suis estropié ! »
Et le juste restait debout, dans l’épouvante
Bleuâtre des gazons après le soleil mort :
» Alors, mettrais-tu tes genouillères en vente,
Ô Vieillard ? Pèlerin sacré ! barde d’Armor !
Pleureur des Oliviers ! main que la pitié gante !
» Barbe de la famille et poing de la cité,
Croyant très doux : ô coeur tombé dans les calices,
Majestés et vertus, amour et cécité,
Juste ! plus bête et plus dégoûtant que les lices !
Je suis celui qui souffre et qui s’est révolté !
» Et ça me fait pleurer sur mon ventre, ô stupide,
Et bien rire, l’espoir fameux de ton pardon !
Je suis maudit, tu sais ! je suis soûl, fou, livide,
Ce que tu veux ! Mais va te coucher, voyons donc,
Juste ! je ne veux rien à ton cerveau torpide.
» C’est toi le Juste, enfin, le Juste ! C’est assez !
C’est vrai que ta tendresse et ta raison sereines
Reniflent dans la nuit comme des cétacés,
Que tu te fais proscrire et dégoises des thrènes
Sur d’effroyables becs-de-cane fracassés !
» Et c’est toi l’oeil de Dieu ! le lâche ! Quand les plantes
Froides des pieds divins passeraient sur mon cou,
Tu es lâche ! Ô ton front qui fourmille de lentes !
Socrates et Jésus, Saints et Justes, dégoût !
Respectez le Maudit suprême aux nuits sanglantes ! »
J’avais crié cela sur la terre, et la nuit
Calme et blanche occupait les cieux pendant ma fièvre.
Je relevai mon front : le fantôme avait fui,
Emportant l’ironie atroce de ma lèvre…
– Vents nocturnes, venez au Maudit ! Parlez-lui,
Cependant que silencieux sous les pilastres
D’azur, allongeant les comètes et les noeuds
D’univers, remuement énorme sans désastres,
L’ordre, éternel veilleur, rame aux cieux lumineux
Et de sa drague en feu laisse filer les astres !
Ah ! qu’il s’en aille, lui, la gorge cravatée
De honte, ruminant toujours mon ennui, doux
Comme le sucre sur la denture gâtée.
– Tel que la chienne après l’assaut des fiers toutous,
Léchant son flanc d’où pend une entraille emportée.
Qu’il dise charités crasseuses et progrès…
– J’exècre tous ces yeux de Chinois ou daines,
Puis qui chante : nana, comme un tas d’enfants près
De mourir, idiots doux aux chansons soudaines :
Ô Justes, nous chierons dans vos ventres de grès !
il y a 1 mois
B
Benjamin Delmont
@benjaminDelmont
Coma émotionnel Corps dressés suintants les ténèbres et les larmes.
Des lèvres sans visages, des milliers de sourds les dents serrés.
Lutteurs frénétiques à la gorge glaireuse,
Caisson de poudre attendant l’étincelle,
qui va vous éclater.
La grande détonation vous fera sangloter,
Comme on pleure auprès d’un cadavre.
Le chant du funeste convoi,
Sur lequel danse les ombres trépidantes,
De bêtes mordues par la mort,
Avance sur la route de l’histoire.
Nous vous voyons saigner sur vos pavais,
Et n’entendons pas votre agonie pleurer.
Lorsque le crépuscule nous plongera a tout jamais,
Dans le sommeil éternel.
Nous irons boires vos larmes à la source de vos paupières.
« plus jamais » gémira la rose fleure de l’aube.
Jusqu’à ce que l’oubli vienne broyer notre grande mémoire,
Jusqu’à ce que les feux qui dressent nos phallus
et que nos orgasmes puant l’humidité
de la terre fraichement retournée,
Balayent nos prières.
il y a 1 mois
B
Benjamin Delmont
@benjaminDelmont
Un corps offert en pature L’âme vidée, le cœur éteint et les reins lourds,
La douce brise que la bise à engager a laissé battre les tambours
des fossoyeurs de l’amour.
Les corps crispés dans une brutale contraction
S’abandonnent sans passion à la pénétration.
Pas un regard, pas un geste tendre,
Il suffisait d’attendre, que l’orgasme masculin soit rassasié,
comme le sont les bêtes après la transe du festin.
Dans le silence lourd du commandant qui s’endort.
Le tirailleur n’a pas pu profiter du festin.
Et doit, attendre la prochaine lutte intestine.
Pour fantasmer le lointain butin,
Promis par de nombreux États-majors.
Alors mutilez-vous, arrêtez cette guerre de tranchée.
Faites tomber les têtes et faites-leur tirer la langue.
Pour votre plaisir.
crucifiez les, pour que leur bras soit docile
Et viennent vous caresser l’âme.
Parlez ! pensez ! découvrez ! imaginez et rêvez !
Soyez fou, inventif, brutal et tendres.
Et dans le chevauchement ultime, ou le drapeau blanc se dresse
Ou les souffles sont coupés, regardez-vous,
Ni maitre ni esclave,
Et murmurez-vous,
Je t’aime.
il y a 1 mois
Casimir Delavigne
@casimirDelavigne
La Bataille de Waterloo Ils ne sont plus, laissez en paix leur cendre;
Par d’injustes clameurs ces braves outragés
À se justifier n’ont pas voulu descendre;
Mais un seul jour les a vengés :
Ils sont tous morts pour vous défendre.
Malheur à vous si vos yeux inhumains
N’ont point de pleurs pour la patrie!
Sans force contre vos chagrins,
Contre le mal commun votre âme est aguerrie;
Tremblez, la mort peut-être étend sur vous ses mains!
Que dis-je? Quel français n’a répandu des larmes
Sur nos défenseurs expirans?
Prêt à revoir les rois qu’il regretta vingt ans,
Quel vieillard n’a rougi du malheur de nos armes?
En pleurant ces guerriers par le destin trahis,
Quel vieillard n’a senti s’éveiller dans son ame
Quelque reste assoupi de cette antique flamme
Qui l’embrasait pour son pays?
Que de leçons, grand dieu! Que d’horribles images
L’histoire d’un seul jour présente aux yeux des rois!
Clio, sans que la plume échappe de ses doigts,
Pourra-t-elle en tracer les pages?
Cachez-moi ces soldats sous le nombre accablés,
Domptés par la fatigue, écrasés par la foudre,
Ces membres palpitans dispersés sur la poudre,
Ces cadavres amoncelés!
Eloignez de mes yeux ce monument funeste
De la fureur des nations;
Ô mort! Epargne ce qui reste!
Varus, rends-nous nos légions!
Les coursiers frappés d’épouvante,
Les chefs et les soldats épars,
Nos aigles et nos étendards
Souillés d’une fange sanglante,
Insultés par les léopards,
Les blessés mourant sur les chars,
Tout se presse sans ordre, et la foule incertaine,
Qui se tourmente en vains efforts,
S’agite, se heurte, se traîne,
Et laisse après soi dans la plaine
Du sang, des débris et des morts.
Parmi des tourbillons de flamme et de fumée,
Ô douleur, quel spectacle à mes yeux vient s’offrir?
Le bataillon sacré, seul devant une armée,
S’arrête pour mourir.
C’est en vain que, surpris d’une vertu si rare,
Les vainqueurs dans leurs mains retiennent le trépas.
Fier de le conquérir, il court, il s’en empare;
La garde, avait-il dit, meurt et ne se rend pas.
On dit qu’en les voyant couchés sur la poussière,
D’un respect douloureux frappé par tant d’exploits,
L’ennemi, l’oeil fixé sur leur face guerrière,
Les regarda sans peur pour la première fois.
Les voilà ces héros si long-temps invincibles!
Ils menacent encor les vainqueurs étonnés!
Glacés par le trépas, que leurs yeux sont terribles!
Que de hauts faits écrits sur leurs fronts sillonnés!
Ils ont bravé les feux du soleil d’Italie,
De la castille ils ont franchi les monts;
Et le nord les a vus marcher sur les glaçons
Dont l’éternel rempart protége la Russie.
Ils avaient tout dompté… Le destin des combats
Leur devait, après tant de gloire,
Ce qu’aux français naguère il ne refusait pas;
Le bonheur de mourir dans un jour de victoire.
Ah! Ne les pleurons pas! Sur leurs fronts triomphans
La palme de l’honneur n’a pas été flétrie;
Pleurons sur nous, français, pleurons sur la patrie;
L’orgueil et l’intérêt divisent ses enfans.
Quel siècle en trahisons fut jamais plus fertile?
L’amour du bien commun de tous les coeurs s’exile;
La timide amitié n’a plus d’épanchemens;
On s’évite, on se craint; la foi n’a plus d’asile,
Et s’enfuit d’épouvante au bruit de nos sermens.
O vertige fatal! Déplorables querelles
Qui livrent nos foyers au fer de l’étranger!
Le glaive étincelant dans nos mains infidèles,
Ensanglante le sein qu’il devrait protéger.
L’ennemi cependant renverse les murailles
De nos forts et de nos cités;
La foudre tonne encore, au mépris des traités.
L’incendie et les funérailles
Épouvantent encor nos hameaux dévastés;
D’avides proconsuls dévorent nos provinces;
Et, sous l’écharpe blanche, ou sous les trois couleurs,
Les français, disputant pour le choix de leurs princes,
Détrônent des drapeaux et proscrivent des fleurs.
Des soldats de la Germanie
J’ai vu les coursiers vagabonds
Dans nos jardins pompeux errer sur les gazons,
Parmi ces demi-dieux qu’enfanta le génie.
J’ai vu des bataillons, des tentes et des chars,
Et l’appareil d’un camp dans le temple des arts.
Faut-il, muets témoins, dévorer tant d’outrages?
Faut-il que le français, l’olivier dans la main,
Reste insensible et froid comme ces dieux d’airain
Dont ils insultent les images?
Nous devons tous nos maux à ces divisions
Que nourrit notre intolérance.
Il est temps d’immoler au bonheur de la France
Cet orgueil ombrageux de nos opinions.
Etouffons le flambeau des guerres intestines.
Soldats, le ciel prononce, il relève les lis;
Adoptez les couleurs du héros de Bovines,
En donnant une larme aux drapeaux d’Austerlitz.
France, réveille-toi! Qu’un courroux unanime
Enfante des guerriers autour du souverain!
Divisés, désarmés, le vainqueur nous opprime;
Présentons-lui la paix, les armes à la main.
Et vous, peuples si fiers du trépas de nos braves,
Vous, les témoins de notre deuil,
Ne croyez pas, dans votre orgueil,
Que, pour être vaincus, les français soient esclaves.
Gardez-vous d’irriter nos vengeurs à venir;
Peut-être que le ciel, lassé de nous punir,
Seconderait notre courage;
Et qu’un autre Germanicus
Irait demander compte aux Germains d’un autre âge
De la défaite de Varus.
il y a 1 mois
Casimir Delavigne
@casimirDelavigne
La dévastation du musée et des monumens La sainte vérité qui m’échauffe et m’inspire
Écarte et foule aux pieds les voiles imposteurs;
Ma muse de nos maux flétrira les auteurs,
Dussé-je voir briser ma lyre
Par le glaive insolent de nos libérateurs.
Où vont ces chars pesans conduits par leurs cohortes?
Sous les voûtes du Louvre ils marchent à pas lents;
Ils s’arrêtent devant ses portes;
Viennent-ils lui ravir ses sacrés ornemens?
Muses, penchez vos têtes abattues;
Du siècle de Léon les chefs-d’oeuvre divins
Sous un ciel sans clarté suivront les froids Germains;
Les vaisseaux d’Albion attendent nos statues.
Des profanateurs inhumains
Vont-ils anéantir tant de veilles savantes?
Porteront-ils le fer sur les toiles vivantes
Que Raphaël anima de ses mains?
Dieu du jour, dieu des vers, ils brisent ton image.
C’en est fait : la victoire et la divinité
Ne couronnent plus ton visage
D’une double immortalité.
C’en est fait : loin de toi jette un arc inutile.
Non, tu n’inspiras point le vieux chantre d’Achille;
Non, tu n’es pas le dieu qui vengea les neuf soeurs
Des fureurs d’un monstre sauvage,
Toi qui n’as pas un trait pour venger ton outrage
Et terrasser tes ravisseurs.
Le deuil est aux bosquets de Gnide.
Muet, pâle et le front baissé,
L’amour, que la guerre intimide,
Eteint son flambeau renversé.
Des grâces la troupe légère
L’interroge sur ses douleurs;
Il leur dit en versant des pleurs:
<< J’ai vu Mars outrager ma mère. >>
Je crois entendre encor les clameurs des soldats
Entraînant la jeune immortelle;
Le fer a mutilé ses membres délicats;
Hélas, elle semblait et plus chaste et plus belle,
Cacher sa honte entre leurs bras.
Dans un fort pris d’assaut, telle une vierge en larmes,
Aux yeux des forcenés dont l’insolente ardeur
Déchira les tissus qui dérobaient ses charmes,
Se voile encor de sa pudeur.
Adieu, débris fameux de Grèce et d’Ausonie,
Et vous, tableaux errans de climats en climats;
Adieu, Corrége, Albane, immortel Phidias!
Adieu, les arts et le génie!
Noble France, pardonne! A tes pompeux travaux,
Aux Pujet, aux Lebrun, ma douleur fait injure.
David a ramené son siècle à la nature;
Parmi ses nourrissons il compte des rivaux…
Laissons-la s’élever cette école nouvelle!
Le laurier de David de lauriers entouré,
Fier de ses rejetons, enfante un bois sacré
Qui protége les arts de son ombre éternelle.
Le marbre animé parle aux yeux;
Une autre Vénus plus féconde,
Près d’Hercule victorieux,
Étend son flambeau sur le monde.
Ajax, de son pied furieux,
Insulte au flot qui se retire;
L’oeil superbe, un bras dans les cieux,
Il s’élance, et je l’entends dire:
<< J’échapperai malgré les dieux. >>
Mais quels monceaux de morts! Que de spectres livides!
Ils tombent dans Jaffa ces vieux soldats français
Qui réveillaient naguère, au bruit de leurs succès,
Les siècles entassés au fond des pyramides.
Ah! Fuyons ces bords meurtriers!
D’où te vient, Austerlitz, l’éclat qui t’environne?
Qui dois-je couronner du peintre ou des guerriers?
Les guerriers et le peintre ont droit à la couronne.
Des chefs-d’oeuvre français naissent de toutes parts;
Ils surprennent mon coeur à d’invincibles charmes;
Au déluge, en tremblant, j’applaudis par mes larmes;
Didon enchante mes regards;
Versant sur un beau corps sa clarté caressante,
À travers le feuillage un faible et doux rayon
Porte les baisers d’une amante
Sur les lèvres d’Endymion;
De son flambeau vengeur Némésis m’épouvante;
Je frémis avec Phèdre, et n’ose interroger
L’accusé dédaigneux qui semble la juger.
Je vois Léonidas. O courage! O patrie!
Trois cents héros sont morts dans ce détroit fameux;
Trois cents! Quel souvenir! … Je pleure… Et je m’écrie:
Dix-huit mille Français ont expiré comme eux!
Oui : j’en suis fier encor : ma patrie est l’asile,
Elle est le temple des beaux-arts;
À l’ombre de nos étendards,
Ils reviendront ces dieux que la fortune exile.
L’étranger, qui nous trompe, écrase impunément
La justice et la foi sous le glaive étouffées;
Il ternit pour jamais sa splendeur d’un moment;
Il triomphe en barbare et brise nos trophées;
Que cet orgueil est misérable et vain!
Croit-il anéantir tous nos titres de gloire?
On peut les effacer sur le marbre ou l’airain;
Qui les effacera du livre de l’histoire?
Ah! Tant que le soleil luira sur vos états,
Il en doit éclairer d’impérissables marques;
Comment disparaîtront, ô superbes monarques,
Ces champs où les lauriers croissaient pour nos soldats?
Allez, détruisez donc tant de cités royales
Dont les clefs d’or suivaient nos pompes triomphales;
Comblez ces fleuves écumans
Qui nous ont opposé d’impuissantes barrières,
Aplanissez ces monts dont les rochers fumans
Tremblaient sous nos foudres guerrières.
Voilà nos monumens : c’est là que nos exploits
Redoutent peu l’orgueil d’une injuste victoire;
Le fer, le feu, le temps plus puissant que les rois,
Ne peut rien contre leur mémoire.
il y a 1 mois
Charles Baudelaire
@charlesBaudelaire
La destruction Sans cesse à mes côtés s’agite le Démon ;
Il nage autour de moi comme un air impalpable ;
Je l’avale et le sens qui brûle mon poumon
Et l’emplit d’un désir éternel et coupable.
Parfois il prend, sachant mon grand amour de l’Art,
La forme de la plus séduisante des femmes,
Et, sous de spécieux prétextes de cafard,
Accoutume ma lèvre à des philtres infâmes.
Il me conduit ainsi, loin du regard de Dieu,
Haletant et brisé de fatigue, au milieu
Des plaines de l’Ennui, profondes et désertes,
Et jette dans mes yeux pleins de confusion
Des vêtements souillés, des blessures ouvertes,
Et l’appareil sanglant de la Destruction !
il y a 1 mois
Charles Cros
@charlesCros
Révolte Absurde et ridicule à force d’être rose,
À force d’être blanche, à force de cheveux
Blonds, ondés, crêpelés, à force d’avoir bleus
Les yeux, saphirs trop vains de leur métempsycose.
Absurde, puisqu’on n’en peut pas parler en prose,
Ridicule, puisqu’on n’en a jamais vu deux,
Sauf, peut-être, dans des keepsakes nuageux…
Dépasser le réel ainsi, c’est de la pose.
C’en est même obsédant, puisque le vert des bois
Prend un ton d’émeraude impossible en peinture
S’il sert de fond à ces cheveux contre nature.
Et ces blancheurs de peau sont cause quelquefois
Qu’on perdrait tout respect des blancheurs que le rite
Classique admet : les lys, la neige. Ça m’irrite !
il y a 1 mois
C
Christophe Bregaint
@christopheBregaint
Texte d’info toxique Extraordinaire ère exemplaire exsangue
Paradoxe des toxs orthodoxes
Cette vox populi à l’existence exigüe
Qui exalte l’expression de l’intox
Ces inexhaustibles axiomes, Hoax ;
Anxiolytiques pour Cortex cérébral ; créant l’apraxie,
Et exigeant la génuflexion de toute réflexion
Oxygénée par les toxines de maximes
Excommuniant les sexes sous latex ;
Excités par un exutoire botoxé,
Extraverti sous plexiglas taxé ;
Coulant dans le Styx proxénète inoxydable
Ex-cathedra, d’une excellence excrémentielle
Dans le complexe contexte toxique….
Qui s’exprime en pixels, via Explorer.
Qui asphyxie, exploite et mets à l’index
La galaxie des extra-muros exogènes,
Où loin des box de syntaxes laxatives ;
Des exclus, extirpent contre le vortex
Dans leur exil au vertex des terres de bauxites
L’excalibur semtex explosif
Alors que les exocet exterminent le thorax
De l’existence élixir exondée
Luxuriant Deus ex machina, extatique.
il y a 1 mois
C
Christophe Bregaint
@christopheBregaint
Vers à cités Le caoutchouc de mes baskets
Colle à l’asphalte,
Qui coule au milieu des murs,
De la cité cernée
Par les graffitis qui s’alignent dans la grisaille
De l’enceinte où j’avance
Vers les vapeurs de néant
Qui s’engouffrent dans la nature
Désossée telle une carcasse de caisse
Rouillant sur le parking où je sombre…
No man’s land, delta du vide
Entre voie express, voie ferrée et tours ZUPées
Entre vide du jour et bourdonnements nocturnes,
Symphonie de dysharmonies,
Dans un microcosme qui s’affaisse….
il y a 1 mois
C
Claire Raphaël
@claireRaphael
Guerre Les échos de la mort d’un peuple sacrifié
nous parviennent soudain par les couleurs sépia
arrachées à la poudre
de ces photographies d’un drame trop humain.
Nous regardons ces corps entrés dans l’agonie
calcinés par la peur
noircis par la folie
d’une guerre animale arrachant des enfants
à leurs rêves futurs et leurs destins s’épuisent.
Ces images mouillées par le sang des martyres
crèvent notre avenir
brisent nos lendemains
nos promesses de paix
nos serments les plus chers,
affirment la passion d’une histoire indomptable
où nos esprits nos âmes
souillées par la violence et son comptant de drames
tremblent sous les accords
d’un ciel plus ténébreux que l’image du mal.
il y a 1 mois
C
Claude-Michel Cluny
@claudeMichelCluny
Voix dans le chaos choral Tel l'amandier qui mesure et médite le lent mûrissement de la mémoire (tout poète abrite l'âme d'un arbre) l'avancée de la noire amertume l'élan repris aux
passions provisoires - ta force de refus ô terre antique ! -le cœur à l'écoute du chant que prête le temps à l'homme en quête d'origines: tel je vous imagine
- vous - pur guetteur de notre périssable éternité.
Collines ocres et haute solitude
à peine altière où composer sceller
comme le peintre appose le visage
des donateurs douleur et plénitude - humer
l'offrande douce des servantes
riant d'herber les draps - odeur des simples
autrefois - enfant né aux vieilles rives -
fenêtre ouverte sur les perspectives
du passé d'où renaissent - ombre et lumière
à la fois - verbe et silence - l'autre et soi.
Veilleur et rassembleur de nos fragments
perdus dispersés usés par le fleuve
détruits par les guerres - et ne s'en émeuvent
guère les
Dieux ! - sous des cieux aux segments
portés par d'étincelantes ténèbres
selon la lente exaltation des astres
L'âme des choses à votre voix se lève
sur l'aire de l'âge et de nos désastres
- flamme pure dans la nuit de
FErôbe -
et nous parle au cœur du chaos choral.
il y a 1 mois
D
Didier Venturini
@didierVenturini
Minuscules Y’a t’il un big
Y’a t’il un bang
Un bout d’intrigue
Dessous la gangue
Un point d’départ
Avant la chute
Ou qu’du hasard
Qui s’répercute
Tout en mini
En minuscules
Tout en parties
En particules
Y’a t’il quelqu’un
Y’a t’il quelqu’une
Lointains voisins
Derrière la lune
Ou est ce pour rien
Qu’on gesticule
Juste comme des points
Des points virgules
Tout en mini
En minuscules
Tout en parties
En particules
Y’a t’il du vide
Y’a t’il du plein
Sommes nous liquides
Sommes nous des grains
Y’a t’il une suite
A cette affaire
Ou rien qu’un pschitt
Dans l’univers
Que du mini
Du minuscule
Que des parties
Des particules
Toi ma partie
Ma particule
Ma belle de vie
Ma molécule
En attendant
Un nouveau bang
On s’prend du temps
Dessus la gangue
Tout au maxi
Au maximum
Tout en opti
en optimum
il y a 1 mois
D
Djelloul Marbrook
@djelloulMarbrook
Victimes La vie ne s'est pas bien passé depuis que j'ai couru derrière le chien
et je ne dirais pas le contraire pour lui non plus
mais considérant le peu de choses que je sais
il se peut qu'il est en train de s'amuser en ce moment
Je n'ai, moi-même, fini qu'en face de mastodontes
jappant à leurs mains l'air des alentours
C'est pour ça que je sais vraiment quelque chose de l'obstination
et même comment ça ressent d'être abattu
mais je ne sais vraiment pas comment faire le deuil
d'un vieux chien noir ou ma propre âme rompue.
il y a 1 mois
E
Edgar Georges
@edgarGeorges
Randonneuse Apprendre à descendre vite
la vie est faite de montagnes
de chutes inattendues, de cascades infinies
de paysages verticaux sublimes, de couchers de soleils eternels
Ne jamais s’arrêter
Ne jamais s’arrêter même au creux de la vallée
où le chemin se rétrécit sans cesse
et les sommets s’écroulent, sans fondations
S’essouffler, crier détresse
Je me réveille les jambes lourdes
je fixe l’horizon
je prends ma bouteille d’eau et la jette contre le rocher
je regarde pendant des heures chaque goutte descendre
Je rentre par la forêt
le rêve peut recommencer
sans qu’elle puisse me voir
sans qu’elle puisse me parler
il y a 1 mois
E
Edouard J. Maunick
@edouardJMaunick
Alabama des chiens Il y avait l’homme Blanc
il y avait l’homme Noir
il y a maintenant les Chiens
les chiens aboyant dans Alabama…
quelque part dans Birmingham des enfants ne chantent plus
les blues de la faim de la faim de vivre enfin
Birmingham est une prison une nuit de portes de fer
rabattues sur des corps noirs comme un verrou de braise
Birmingham est lieu de mort la lèpre noire est déclarée
rentrez madame vos toutous et vos caniches
les molosses vont sauter aux poignets et mordre dans les jambes
déchirer les dos baver contre les ventres laver la ville
ternir les miroirs nègres jusqu’à l’image de peur…
et pourtant dans ces miroirs leurs yeux du souvenir
pas très loin dans autrefois vivait Mindanao
brûlait Guadalcanal flambait Tassafong
en ce temps là le sang fuyait également
la peau roussissait également
l’abîme s’ouvrait également
en ce temps là un seul et même doigt
libérait le chien des fusils…
Amérique quelque chose rôde autour de toi
pétri du sang de peau et de vertige
des blues se préparent qui seront alléluias
Amérique ne force pas la naissance d’un Chaka
n’appelle pas d’étranges sortilèges
car les nègres Amérique les nègres vont sortir…
il y a 1 mois
E
Eleni Cay
@eleniCay
Les temples des pensées intactes Fatiguée, je suis fatiguée.
Blasée de textes, de sons, de mots.
Comme pour me droguer je vais me connecter sur internet.
M’emmêler un instant dans mes filets, c’est tout ce que je souhaite…
Alors permets-moi de raccrocher un instant,
permets-moi de me perdre sur l’écran.
C’est dans une ville où l’air est suffoquant
que je voudrais laisser se reposer un souvenir vivant.
Autrefois, j’allais en chercher dans le vide des églises.
Dans le silence, sans sonneries, sans écrans.
Aux yeux rafraîchis, mon âme résista à l’appel
d’autres slogans.
Aujourd’hui, je cherche en vain une cachette pour y déposer mes expériences fânées.
De la pression, on me met, de tous les côtés – il te faut enregistrer, écrire, filmer…
Tu navigues à bord de petits bâteaux ronds dans des eaux claires
en prenant le cap de tes pensées cachées au fond d’un palais royal.
Quand tu entres dans un temple pour être originale,
il faut encore que tu sois accompagnée de quelqu’un.
L’inspiration ondule avec innocence
en allant de toi en moi.
J’ai trouvé la paix, je me suis trouvée moi-même
comme sur une surface, celle de la mer.
Eleni Cay, Frémissements d’un papillon en ère numérique, 2015
il y a 1 mois
Emile Verhaeren
@emileVerhaeren
Le bazar C’est un bazar, au bout des faubourgs rouges :
Étalages bondés, éventaires ventrus.
Tumulte et cris brandis, gestes bourrus et crus,
Et lettres d’or, qui soudain bougent,
En torsades, sur la façade.
Chaque matin, on vend, en ce bazar,
Parmi les épices, les fards
Et les drogues omnipotentes,
À bon marché, pour quelques sous,
Les diamants dissous
De la rosée immense et éclatante.
Le soir, à prix numéroté,
Avec le désir noir de trafiquer de la pureté,
On y brocante le soleil
Que toutes les vagues de la mer claire
Lavent, entre leurs doigts vermeils,
Aux horizons auréolaires.
C’est un bazar, avec des murs géants
Et des balcons et des sous-sols béants
Et des tympans montés sur des corniches
Et des drapeaux et des affiches,
Où deux clowns noirs plument un ange.
À travers boue, à travers fange,
Roulent, la nuit vers le bazar,
Les chars, les camions et les fardiers,
Qui s’en reviennent des usines
Voisines,
Des cimetières et des charniers,
Avec un tel poids noir de cargaisons,
Que le sol bouge et les maisons.
On met au clair à certains jours,
En de vaines et frivoles boutiques,
Ce que l’humanité des temps antiques
Croyait divinement être l’amour ;
Aussi les Dieux et leur beauté
Et l’effrayant aspect de leur éternité
Et leurs yeux d’or et leurs mythes et leurs emblèmes
Et des livres qui les blasphèment.
Toutes ardeurs, tous souvenirs, toutes prières
Sont là, sur des étals, et s’empoussièrent.
Des mots qui renfermaient l’âme du monde
Et que les prêtres seuls disaient au nom de tous,
Sont charriés et ballottés, dans la faconde
Des camelots et des voyous.
L’immensité se serre en des armoires
Dérisoires et rayonne de plaies
Et le sens même de la gloire
Se définit par des monnaies.
Lettres jusques au ciel, lettres en or qui bouge,
C’est un bazar au bout des faubourgs rouges !
La foule et ses flots noirs
S’y bouscule près des comptoirs ;
La foule et ses désirs multipliés,
Par centaines et par milliers,
Y tourne, y monte, au long des escaliers,
Et s’érige folle et sauvage,
En spirale, vers les étages.
Là haut, c’est la pensée
Immortelle, mais convulsée,
Avec ses triomphes et ses surprises,
Qu’à la hâte on expertise.
Tous ceux dont le cerveau
S’enflamme aux feux des problèmes nouveaux,
Tous les chercheurs qui se fixent pour cible
Le front d’airain de l’impossible
Et le cassent, pour que les découvertes
S’en échappent, ailes ouvertes,
Sont là gauches, fiévreux, distraits,
Dupes des gens qui les renient
Mais utilisent leur génie,
Et font argent de leurs secrets.
Oh ! les Edens, là-bas, au bout du monde,
Avec des arbres purs à leurs sommets,
Que ces voyants des lois profondes
Ont exploré pour à jamais,
Sans se douter qu’ils sont les Dieux.
Oh ! leur ardeur à recréer la vie,
Selon la foi qu’ils ont en eux
Et la douceur et la bonté de leurs grands yeux,
Quand, revenus de l’inconnu
Vers les hommes, d’où ils s’érigent,
On leur vole ce qui leur reste aux mains
De vérité conquise et de destin.
C’est un bazar tout en vertiges
Que bat, continûment, la foule, avec ses houles
Et ses vagues d’argent et d’or ;
C’est un bazar tout en décors,
Avec des tours de feux et des lumières,
Si large et haut que, dans la nuit,
Il apparaît la bête éclatante de bruit
Qui monte épouvanter le silence stellaire.
il y a 1 mois
A
Alexis-Félix Arvers
@alexisFelixArvers
Examen de conscience Frères, je me confesse, et vais vous confier
Mon sort, pour vous instruire et vous édifier.
Un jour, je me sentis le désir de connaître
Ce qu’enfermait en soi le secret de mon être,
Ignorant jusque-là, je brûlai de savoir ;
J’examinai mon âme et j’eus peur à la voir.
Alors, et quand je l’eus à souhait regardée,
Que je la connus bien, il me vint à l’idée
De m’enquérir un peu pourquoi j’étais ainsi,
Et d’où je pouvais m’être à ce point endurci :
Car je ne pouvais pas me faire à la pensée
Qu’elle se fût si vite et si bas affaissée,
Car j’étais tout confus, car, en y bien cherchant,
Il me semblait à moi n’être pas né méchant.
En effet, je pouvais être bon. Mais j’espère
Que Dieu pardonne et fait miséricorde au père
Qui veut trop pour son fils, et lui fait désirer
Un sort où la raison lui défend d’aspirer !
Mon malheur vient de là, d’avoir pu méconnaître
L’humble condition où Dieu m’avait fait naître.
D’avoir tâché trop loin, et d’avoir prétendu
A m’élever plus haut que je ne l’aurais dû !
Hélas ! j’allai partout, chétif et misérable.
Traîner péniblement ma blessure incurable ;
Comme un pauvre à genoux au bord d’un grand chemin,
J’ai montré mon ulcère, et j’ai tendu la main ;
Malheureux matelot perdu dans un naufrage.
J’ai crié ; mais ma voix s’est mêlée à l’orage ;
Mais je n’ai rencontré personne qui voulût
Me plaindre, et me jeter la planche de salut.
Et moi, je n’allai point, libre et sans énergie.
Exhaler ma douleur en piteuse élégie.
Comme un enfant mutin pleure de ne pouvoir
Atteindre un beau fruit mûr qu’il vient d’apercevoir.
Je gardai mon chagrin pour moi, j’eus le courage
De renfermer ma haine et d’étouffer ma rage,
Personne n’entrevit ce que je ressentais.
Et l’on me crut joyeux parce que je chantais.
Tel s’est passé pour moi cet âge d’innocence
Où des songes riants bercent l’adolescence.
Sans jouir de la vie, et sans avoir jamais
Vu contenter un seul des vœux que je formais :
Jamais l’Illusion, jamais le doux Prestige,
Lutin capricieux qui rit et qui voltige,
Ne vint auprès de moi, dans son vol caressant,
Secouer sur mon front ses ailes en passant,
Et jamais voix de femme, harmonieuse et tendre,
N’a trouvé de doux mots qu’elle me fit entendre.
Une fois, une fois pourtant, sans le savoir,
J’ai cru naître à la vie, au bonheur, j’ai cru voir
Comme un éclair d’amour, une vague pensée
Qui vint luire à mon âme et qui l’a traversée,
A ce rêve si doux je crus quelques instants ;
— Mais elle est sitôt morte et voilà si longtemps !
Je me livrai dès lors à l’ardeur délirante
D’un cerveau maladif et d’une âme souffrante ;
J’entrepris de savoir tout ce que recelait
En soi le cœur humain de difforme et de laid ;
Je me donnai sans honte à ces femmes perdues
Qu’a séduites un lâche, ou qu’un père a vendues.
J’excitai dans leurs bras mes désirs épuisés,
Et je leur prodiguai mon or et mes baisers :
Près d’elles, je voulus contenter mon envie
De voir au plus profond des secrets de la vie.
J’allai, je descendis aussi loin que je pus
Dans les sombres détours de ces cœurs corrompus,
Trop heureux, quand un mot, un signe involontaire
D’un vice, neuf pour moi, trahissait le mystère,
Et qu’aux derniers replis à la fin parvenu,
Mon œil, comme leurs corps, voyait leur âme à nu.
Or, vous ne savez pas, combien à cette vie,
A poursuivre sans fin cette fatale envie
De tout voir, tout connaître, et de tout épuiser,
L’âme est prompte à s’aigrir et facile à s’user.
Malheur à qui, brûlant d’une ardeur insensée
De lire à découvert dans l’homme et sa pensée.
S’y plonge, et ne craint pas d’y fouiller trop souvent,
D’en approcher trop près, et d’y voir trop avant !
C’est ce qui m’acheva : c’est cette inquiétude
A chercher un cœur d’homme où mettre mon étude,
C’est ce mal d’avoir pu, trop jeune, apercevoir
Ce que j’aurais mieux fait de ne jamais savoir.
Désabusé de tout, je me suis vu ravie
La douce illusion qui fait aimer la vie,
Le riant avenir dont mon cœur s’est flétri,
Et ne pouvant plus croire à l’amour, j’en ai ri :
Et j’en suis venu là, que si, par occurrence,
— Je suis si jeune encore, et j’ai tant d’espérance !
— Une vierge aux doux yeux, et telle que souvent
J’en voyais autrefois m’apparaître en rêvant,
Simple, et croyant encore à la magie antique
De ces traditions du foyer domestique.
M’aimait, me le disait, et venait à son tour
Me demander sa part de mon âme en retour ;
Vierge, il faudrait me fuir, et faire des neuvaines
Pour arracher bientôt ce poison de tes veines,
Il faudrait me haïr, car moi, je ne pourrais
Te rendre cet amour que tu me donnerais,
Car je me suis damné, moi, car il faut te dire
Que je passe mes jours et mes nuits à maudire,
Que, sous cet air joyeux, je suis triste et nourris
Pour tout le genre humain le plus profond mépris :
Mais il faudrait me plaindre encore davantage
De m’être fait si vieux et si dur à cet âge,
D’avoir pu me glacer le cœur, et le fermer
A n’y laisser l’espoir ni la place d’aimer.
il y a 1 mois
G
Grégory Rateau
@gregoryRateau
Beyrouth « Ce ne peut être que la fin du monde, en avançant. » Rimbaud
Un taxi noir,
Celui d’après minuit,
Mon chauffeur slame,
Mixe de plusieurs langues,
Et ses sourcils de loup-garou,
Dans les nuits fauves de Beyrouth,
Cette montagne dressée au loin,
Constellation d’un Pollock en transe,
Je décroche
À côté de mes pompes,
Tel un somnambule,
La ville jappe,
Puis bat la mesure en rythme,
Par la fenêtre
Des fils électriques tressés à l’infini,
Tout va trop vite,
Ça défile,
Appartements percés de part en part,
Éclats de balle,
Des trous de la taille d’un obus,
Un goût de poussière,
Odeur de pneus brûlés,
Ma tête prête à exploser,
Comme si des doigts essayaient de me faire avouer
Mais quoi ?
Je délire,
Un gamin court après la voiture,
Le feu passe au rouge,
Des scooters nous tournent autour,
Haine de l’étranger,
Je fonce
Sur les bords de mer,
La lune fait du sur-place,
Le ciel pris de folie,
Des lucioles rebondissent sur le sable,
Des chars défilent,
Tremblement,
La terre entame son solo de jazz,
Je rêve d’une femme,
La peau claire,
Aux cheveux noirs,
Mais j’ai droit à la lampe
d’un militaire,
Braquée sur mon désir,
Il nous fait ranger sur le bas-côté,
Fouille au corps,
Vérification des papiers,
Le loup-garou ne veut pas aller plus loin,
Je longe la plage,
Des couples se cachent dans des voitures
Tous phares éteints,
Dans l’eau, elle est là,
La femme à la peau claire,
Aux cheveux noirs,
Elle n’a pas peur des flammes,
Des reflets brûlants sur les vagues,
Nous plongeons
Sous l’eau, une autre nuit,
Une longue phrase,
Sans un mot,
« A love » suprême.
il y a 1 mois
G
Grégory Rateau
@gregoryRateau
Poème païen A la fin, je me présenterai devant vous
Presque nu
Avec seulement mes bagues en éventail
Une pour chaque vie que j’ai vampirisée
Les yeux gris d’un trop plein de soleil
L’iris en parchemin
Récit des folies de ma jeunesse
Mes muscles à présent atrophiés d’avoir trop ou mal aimé
De rares cheveux formeront ici ma couronne
Unique récompense pour toutes mes conquêtes
Personne pour laver ma dépouille
Lui donner les derniers sacrements païens
Juste une vieille photo monstrueuse pliée dans mon poing droit
Et qui n’aura plus rien à voir
Avec cette chose sans âge aux traits aguicheurs
Couchée là
Sur son lit de ronces
L’ironie glorieuse aux coins des lèvres
Innocence encadrée dans un miroir de poche
Enfin confrontée à son portrait ravagé
Une vie entière pour un rien
Car privée de tout
Même d’une descendance
il y a 1 mois
Guillaume Apollinaire
@guillaumeApollinaire
Fusée-signal Des villages flambaient dans la nuit intérieure
Une fermière conduit son auto sur une route vers Galveston
Qui a lancé cette fusée-signal
Néanmoins tu feras bien de tenir la porte ouverte
Et puis le vent scieur de long
Suscitera en toi la terreur des fantômes
Ta langue
Le poisson rouge dans le bocal
De ta voix
Mais ce regret
A peine une infirmière plus blanche que l’hiver
Éblouissant tandis qu’à l’horizon décroît
Un régiment de jours plus bleus que les collines lointaines et plus doux que ne sont les coussins de l’auto.
il y a 1 mois
Homère
@homere
Batrachomyomachia Muses daignez abandonner les hauteurs de l’Hélicon, venez dans mon âme m’inspirer mes vers. Mes tablettes sont placées sur mes genoux, je vais apprendre à tous les hommes une grande querelle, ouvrage terrible du dieu Mars : comment les rats marchèrent contre les grenouilles, comment ils imitèrent dans leurs exploits ces mortels qui passent pour être les géants fils de la Terre.
Voici quel fut le principe de la guerre :
Un jour un rat échappé aux poursuites d’un chat, et pressé par la soif, se désaltérait au bord d’un étang. Son menton velu trempait dans l’eau, dont il se gorgeait à plaisir. Une grenouille, heureuse habitante de ces marais, habile à coasser sur plus d’un ton, l’ayant aperçu lui parla ainsi :
« Étranger, qui donc es-tu ? quel pays as-tu quitté pour venir sur nos bords ? qui t’a donné le jour ? Prends garde à ne pas déguiser la vérité. Si tu me parais mériter mon affection, je te conduirai dans ma demeure, et je te ferai les présents de l’hospitalité. C’est Physignathe qui te parle. Je suis la reine de cet étang ; j’y suis honorée comme telle, et j’ai toujours régné sur les autres grenouilles. Pélée et Hydroméduse s’étant unis d’amour sur les rives de l’Éridan me donnèrent le jour. Ta beauté, ton air courageux, me font connaître que tu es fort au-dessus de ceux de ton espèce. Tu es sans doute un grand roi décoré du sceptre ou habile guerrier. Mais, en grâce, ne diffère plus à me faire connaître ton origine. »
Psicharpax lui répondit en ces mots :
« Comment peux-tu ne pas connaître ma race ? Elle est connue aux hommes, aux dieux, et à tous les oiseaux habitants de l’air. Mon nom est Psicharpax ; je suis le fils du généreux Troxarte ; la fille du prince Pternotrocte, Lychomyle, est ma mère. Elle me donna le jour au fond d’une cabane et me nourrit avec des figues, des noix et des mets de toute espèce. Comment pourrais-tu me recevoir comme ton ami ? puisqu’il n’y a rien de commun entre nous. Tu passes la vie au fond des eaux, et moi je me nourris comme les hommes, je me nourris de tout ce qu’ils amassent pour eux-mêmes. Rien n’échappe à l’avidité de mes recherches : ni le pain qu’on entasse dans des corbeilles, ni ces gâteaux aux larges bords assaisonnés avec beaucoup de sésame, ni les morceaux de jambon, ni les foies d’animaux recouverts de graisse blanche, ni le fromage frais, ni ces délicieux gâteaux de miel dont les dieux mêmes sont friands, en un mot rien de ce que les cuisiniers apprêtent pour les repas et qu’ils relèvent de mille assaisonnements divers. Jamais on ne m’a vu fuir dans un combat au fort du danger ; c’est alors que je m’élance avec ardeur dans les premiers rangs. J’approche sans crainte d’un homme, malgré l’énormité de sa stature ; souvent même, grimpant sur son lit, je lui mords hardiment le bout du doigt. Je lui saisis le talon avec tant d’adresse qu’il le sent à peine et que le doux sommeil ne l’abandonne point. À la vérité je redoute fort deux animaux, l’épervier et le chat. Ces espèces sont pour la nôtre une source de maux ; je crains aussi les souricières, ce piège douloureux où réside une mort trompeuse. Mais ce que je redoute surtout, c’est le chat, cet ennemi cruel qui parvient à nous saisir à l’entrée même des trous où nous nous réfugions.
Je ne mange ni raves, ni choux, ni courges ; la verte poirée et le céleri ne sont pas dignes de me nourrir. Ce sont là des mets faits pour vous et vos marécages. »
Physignathe sourit à ces mots et répliqua ainsi : « Ami, tu fais bien le glorieux et tout cela au sujet de ton ventre ! Je pourrais vanter moi aussi les merveilles qu’on voit chez nous, soit dans nos marais, soit sur terre. Le maître des dieux a donné aux grenouilles la faculté de vivre dans plus d’un élément : il nous est libre de parcourir les terres en sautant ou de nous plonger dans les eaux. Si tu es curieux de t’en convaincre, la chose est facile : viens sur mon dos, serre-moi fortement dans la crainte de périr, et tu goûteras un plaisir infini à visiter ma demeure ! »
À ces mots, elle lui présente la croupe. Psicharpax y saute d’un léger bond et la tient embrassée par le cou.
Ravi de voir Physignathe nager sous lui, Psicharpax ne se sentait pas d’aise en considérant les divers renfoncements de la rive qui formaient autant de petits ports voisins les uns des autres. Bientôt l’onde devenant agitée, il se sentit mouillé ; alors il a recours aux larmes, aux plaintes inutiles et tardives, il s’arrache des poils et replie ses pieds sous son ventre. Une situation si étrange le jette dans un trouble extrême : tantôt il porte ses regards vers le bord ; tantôt, en proie à de mortelles alarmes, il gémit et soupire amèrement. D’abord il abaisse sa queue à la surface des eaux, et, s’en servant comme d’une rame, il la traîne après soi. Puis se sentant de plus en plus surmonté par les vagues armées, il supplie les dieux de le ramener au rivage.
Enfin il pousse d’horribles cris, et sa bouche laisse échapper ces paroles :
« Le noir taureau qui conduisit autrefois Europe à travers les flots dans l’île de Crète ne porta jamais sur son dos le poids que l’amour lui imposait aussi facilement que cette grenouille me transporte à cette heure sur les eaux vers son habitation. Comme son corps verdâtre s’élève au-dessus de l’onde blanchissante ! »
Tout à coup, horrible spectacle pour tous les deux ! une hydre leur apparaît relevant sa tête au-dessus des ondes. Physignathe ne l’aperçut pas plus tôt qu’elle fit le plongeon, sans penser quel noble ami elle allait perdre ; elle descendit au fond de l’abîme, et par là elle évita un destin cruel. Psicharpax, ainsi abandonné, tomba renversé sur son dos. Il agite inutilement les pieds, et près de périr, il fait entendre un cri plaintif. Tantôt il descend au-dessous de l’eau, tantôt il remonte à la surface, et frappant du pied, il se relève et surnage. Il ne put cependant se dérober à sa destinée. Son poil pénétré par l’eau ajoutait à sa pesanteur naturelle. Il touchait à son dernier moment lorsque s’adressant à Physignathe :
« Tu n’échapperas point aux dieux, lui dit-il, après le crime que tu viens de commettre. Tu as causé ma perte en me précipitant de dessus ton dos comme de la cime d’un rocher. Sur terre, perfide, tu ne te serais jamais montrée supérieure à moi dans aucune espèce de combat, ni au pugilat, ni à la lutte, ni à la course ; mais c’est en employant la ruse que tu m’as précipité au fond des eaux. L’œil des dieux est un œil vengeur. Un jour tu porteras la peine de ta perfidie ; c’est à l’armée des rats à t’en punir, tu ne saurais leur échapper. »
À ces mots il expire sous les eaux.
Cependant Lichopinax, assis sur les bords fleuris de l’étang, avait été témoin de ce malheur ; il en gémit amèrement et se hâte d’aller l’annoncer aux autres rats.
Dès qu’ils apprirent le triste sort de leur compagnon, ils entrèrent en fureur. Les hérauts reçurent ordre de convoquer le lendemain matin une assemblée dans le palais de Troxarte, père du malheureux Psicharpax, dont le cadavre, éloigné de la rive, flottait au milieu du marais.
Au lever de l’aurore, les rats s’étant rendus en hâte au conseil, Troxarte le premier se leva au milieu de l’assemblée, et dans le ressentiment que lui causait la perte de son fils, il parla en ces termes :
« Chers compagnons, quoique jusqu’à présent j’aie été seul à souffrir de l’insolence des grenouilles, les mêmes malheurs vous menacent tous.
il y a 1 mois
J
Jacques Réda
@jacquesReda
Seuil du désordre J'avais assez d'orgueil pour n'attendre que l'éclatement,
le surcroît. (Commencer est terrible, oui, terrible et défendu,
Hors cette irruption d'oiseaux inconnus qui foudroie.)
Cependant était-ce la foudre, ou bien
Sur cet espace dévasté par ma naissance
L'ordre enfin rétabli dont me saisissait la douceur ?
Mais quel ordre sinon celui du monde innocent avant
moi,
Plein de mots non souillés encore par ma bouche, plein
De la présence où je ne fus que porte battant sur le noir ?
Et par là vinrent les longs bras ignobles du noir ;
Par là se sont glissés les yeux d'une nuit dégoûtante
Et qui n'était pas moi mais poussait toujours cette porte.
Là parurent aussi la rose et le bouvreuil que je ne connais
pas.
Des animaux à la cruauté douce en moi se coulant vite,
Et le silence où tout s'accorde, neige
Antérieure à la trace funèbre de mes pas.
il y a 1 mois
J
Jacques Viallebesset
@jacquesViallebesset
Fumées de la mémoire L’écume des peuples s’efface de la mémoire
Dans les sillons stériles des parois du temps
Des hommes sans visages sont venus les chercher
Ils ont amassé leurs bagages dans les clameurs
Toutes ces vies entassées dans des énigmes d’ombre
Les trains gris poussaient des cris de violon brisé
Enfants barbouillés des couleurs du cauchemar
Lignes de leurs mains creusées des rails du destin
Leur étoile était clouée sur cette nuit sans aube
Un désespoir tout jaune marqué au fer rouge
L’immense fumée noire qui emportait leurs cris
A dissous leurs rêves de miel dans un brasier
Sur le magma rougeoyant de leurs entrailles
Le soleil a quitté un ciel vide vitrifié d’horreur
Images fragiles volées au secret de la mort
Ces cendres et ces fumées brûlent encore mes larmes.