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Créativité

131 poésies en cours de vérification
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Poésies de la collection créativité

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    Abdellatif Bhiri

    @abdellatifBhiri

    Des mots et des maux Entre les mots et les maux Entre l'écrit et les cris Entre l'âme en pleine joie Et la psyché en désarroi Entre les fantasmes et les marasmes Entre l'onirisme lancinant Et le réel fascinant Entre les aurores idylliques Et les journées diaboliques Entre les rimes embrassées Et les désirs froissés Entre l'antre de l'anachorète Et la foultitude malhonnête Cohabitent le verbe insoumis Et... l'Insomnie.

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    A

    Abdellatif Bhiri

    @abdellatifBhiri

    Eclosion Attablé à la terrasse d’un grand Café Dégustant, savourant ce bon moment de paix L’homme, naguère tranquille, est absorbé Malgré le tintamarre, malgré le grand bruit Sa plume frêle zigzague sur une page Il y transcrit des songes et de beaux rivages Des horizons lointains et de belles plages Rien autour de lui ne le trouble, ni l’ennuie Sa muse si lancinante le met en transe Ses doigts dynamisés frétillent en cadence Ses yeux brillants ne clignent plus, en permanence Ses vers sont un bijou qui scintille et reluit Et puis tout d’un coup son corps se rassérène Son visage se déride par cette aubaine Son cœur jubile et son âme devient amène Car lui seul de ce beau poème se réjouit

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    A

    Abdellatif Bhiri

    @abdellatifBhiri

    Errance Aux mornes heures creuses de ma vie Quand les nuages gris masquent l’envie Quand les aurores ne sourient plus Je me cantonne dans un coin reclus Alors la muse me vient en courant Aidée par de beaux nectars secourant Hors de moi, l’âme enchantée, rescapée Se nourrit de rêves au vol rattrapés Et de beaux souvenirs forts lancinants Des échos lointains ou d’autres imminents Fuyant de lourds fardeaux terriens, moroses L’assaillant de toutes parts, névrose Délivrée, s’élançant vers l’infini Elle côtoie étoiles et l’indéfini Elixirs exquis et fort enivrant Se jouant de l’esprit et jubilant Elle chante l’amour sans le requiem Ravie d’avoir engendrée ce poème

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    A

    Abdellatif Bhiri

    @abdellatifBhiri

    Force Magique Quelle est cette force qui m’étrangle A chaque coin de rue, à chaque angle ? De jour comme de nuit lancinante Sa présence est toujours fascinante Il suffit d’un mot pour déclencher En moi un flot d’images arrachées Et les vers coulent comme la sève Nourrissant les arbres, et mes rêves Il suffit d’une toile, d’un nu D’un paysage, d’un art inconnu Pour qu’en moi jaillissent des étoiles Des éclairs que je mue et dévoile Il suffit d’un souvenir lointain Surtout de mes échos enfantins Pour qu’en moi surgissent illico Des champs de blé, des coquelicots Il suffit d’une souffrance pour Que je bouillonne ainsi qu’un four Vociférant et niant la vie Narguant l’être et préférant l’oubli Il suffit d’une joie, d’une fête Je jubile et mon cœur est au faîte Mon âme, elle est au diapason Et glorifie cette floraison Il suffit d’un seul ami sincère Pour épurer l’âme délétère Offrir à l’esprit naguère coi Un moment de répit et de joie Viens-tu ma doucereuse force ? J’aime l’univers où tu m’enfonces Que tu sois vérité ou chimère Je me tiendrai à tes vœux si chers !

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    A

    Abdellatif Bhiri

    @abdellatifBhiri

    Genèse Avant l’éclosion d’un poème Il faut bien tout un rituel Même dans un lieu habituel La page blanche n’est plus blême La plume danse enchantée Les vers s’alignent en harmonie Les rimes chantent leur symphonie Orchestrée par des gorgées de café Malgré le vacarme qui règne Le poète semble en absence Il sourit aux gens avec aisance N’est-ce pas d’eux qu’il s’imprègne ? Dans le doute ce sont les ratures Qui ne durent qu’un laps de temps Le poète célèbre le printemps Et son texte est enfin mature C’est à ce moment seulement Que le rituel est en accalmie Le poète retrouve ses amis Satisfait de son « garnement » !

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    A

    Adonis

    @adonis

    Toucher la lumière Par une nuit de pleine lune essaye de fixer la galaxie Tu verras qu’elle est cours d’eau avec tes bras pour affluents ta poitrine pour estuaire Aujourd’hui le ciel a écrit son poème à l’encre blanche Il l’a appelé neige Ton rêve rajeunit tandis que tu vieillis Le rêve grandit en marchant vers l’enfance Le rêve est une jument qui au loin nous emporte sans jamais se déplacer Le nuage est las de voyager Il descend à la plus proche rivière pour laver sa chemise A peine a-t-il mis les pieds dans l’eau que la chemise se dissout et disparaît Une rose sort de son lit prend les mains du matin pour se frotter les yeux Le palmier parle avec son tronc la rose avec son odeur Le vent et l’espace vagabondent main dans la main Arc-en-ciel ? Unité du ciel et de la terre tressés en une seule corde Il marche sur les versants de l’automne appuyé au bras du printemps Le ciel pleure lui aussi mais il essuie ses larmes avec le foulard de l’horizon Quand vient la fatigue le vent déroule le tapis de l’espace afin de s’y allonger Dans la forêt de mes jours aucune place sauf pour le vent Pour toucher la lumière tu dois t’appuyer sur ton ombre Je sens parfois que le vent est un enfant qui crie porté sur mes épaules Comment décrire à l’arbre le goût de son fruit ? A l’arc le travail de la corde ? Telle une main la lumière se déplace sur le corps des ténèbres C’est l’épaule de l’espace qui s’effondre là-bas sous les nuages noirs L’espace dans l’œil de la guillotine est lui aussi tête à couper Tu ne peux être lanterne si tu ne portes la nuit sur tes épaules Je conclurai un pacte avec les nuages pour libérer la pluie Un autre avec le vent pour qu’il nous libère les nuages et moi La parole est demeure dans l’exil chemin dans la patrie Qu’il est étrange ce pacte entre les vagues et le rivage – le rivage écrit le sable les vagues effacent l’écriture Mémoire – ton autre demeure où tu ne peux pénétrer qu’avec un corps devenu souvenir.

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    A

    Ahmed Khettaoui

    @ahmedKhettaoui

    Destinée Éphémère Même si nous salissons les murs, les sapins des Mon âme côtoie l’argile de son tombeau . voisins Même si nous falsifions l’appel du muezzin Mon parcours éteint son flambeau Même si nous agitons l’amertume du « divin » le fossoyeur atteint son dessein . même si les pieux réagissent autrement même si on peint le seuil des ténèbres le trépas guette la peur des mourants . à quoi bon glorifier les idoles et les « célèbres ». !!? L’agonie ne reflète que ses bourgeons : ne sème que nos mœurs et nos destins . A quoi bon s’accrocher à une destinée éphémère. A quoi bon fructifier cette ultime vérité A quoi bon sublimer nos péchés ancrés dans notre terre . Cloués par un jalon, qui tenaille notre leurre Puisque que la tombe reste notre demeure, Puisque le sable ronge comme un rat notre honneur Au fond des ténèbres … Depuis le temps d’ Adam et d’ Eve , La mule est toujours ,restée veuve .. !!! pourquoi simplifier ,en vain, notre ère . Car, nul ne peut échapper aux affres de la mort Messieurs , dames, dites - moi, si j’ai tort . Je retire ma jacasserie de mes dires .. Et je gomme ces délires Toutefois,. je professe ma pénitence Car à la soixantaine , tout doit frémir Jambes lourdes, et blême endurance. Où est-elle ma convenance .. ? Où est-elle ,en ce monde , ma présence. ? Où est-elle l’assurance ??? Hélas , la santé est en vacance .. De quoi payer mes redevances Gagées dans mon linceul . Que d’irriguer , alimenter ma bienfaisance . Ou se soumettre aux ordres du cercueil . Par mesure de sagesse … Par mesure de clémence Par mesure de mon timide passage Par mesure d’une stricte vigilance Il faut que je règle mes créances Et rendre ce que j’ai bu !! Sinon je me prive de son jus .. Paradis souhaité dernier lieu eternel .. Désirez- vous déguster son arôme et son vin ? Ici ou là-bas…tout est Saint !! Indulgents, non croyants ,… bienveillants Je m’excuse si je partage cette éventuelle amnistie. Hélas …hélas ,grands- pères et « mamies » Hélas, hélas , mes frères , mes amis(es) mes copains Musulmans , chrétiens ,bouddhistes, juifs ou païens. Il fut un temps J’avais que vingt ans .. Comme Aznavour a déjà proclamé: « Du meilleur et du pire En jetant le meilleur J'ai figé mes sourires Et j'ai glacé mes pleurs Où sont-ils à présent A présent mes vingt ans ? »(1) Note/ 1) « Hier encore » texte Charles Aznavour .

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    A

    Ahmed Khettaoui

    @ahmedKhettaoui

    Mes allées ensommeillées A la mémoire de: Arthur Rimbaud, René Char, Jean Sénac **** Quand on me dit ,en vain : Fugace , tu touches à ta fin .. Je me sens : Monarque éternel Suprême insecte paternel . En réunifiant les odeurs des taudis, Je maudis le triomphe hérité Récemment et jadis . Je vomis l’empire des ancêtres. Je fermes les portes du mystère . Je peins les galeries de mes rites .. d’où vinrent les ténèbres de mes rides . je peins aussi les reliefs de mes gîtes . sans tacher les joues d’André Gide.… je repeins les tableaux de Dinet (1)) Venant de mes allées ensommeillées … Où gambadent mes médisances D’où surgissaient mes Croyances erronées D’où vinrent mes redoutes ensoleillées . *** **** au bout du chemin , je salue René Char En cheminant les pentes de « Renard » 2)… Jubilant , avant d’agiter mes plaies purulentes . Dans mes ailleurs naufragés… Avant que je répudiait mon opulence. Adoptée par mes pénitences Exposée aux quatre vents Dorlotée, comme une fée par le temps Je mâchais mes métaphores érigées …. Au long de mes allées engendrées.. *** **** Avant de se pâmer aux contrées des étangs Où j’engendrais mon sinistre présage. !!! Où Meriem ,divulguait ses secrets... Révélait Comme les Cieux son auguste honorable Au seuil des funérailles vénérables …. Car les tonneaux vides ne font que du bruit . Ne font que gêner le calme d’autrui . Ahmed Khettaoui. Notes / 1)L’artiste Alphonse - Étienne Dinet . 2)L’écrivain :Jules Renard

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    À la malibran I Sans doute il est trop tard pour parler encor d’elle ; Depuis qu’elle n’est plus quinze jours sont passés, Et dans ce pays-ci quinze jours, je le sais, Font d’une mort récente une vieille nouvelle. De quelque nom d’ailleurs que le regret s’appelle, L’homme, par tout pays, en a bien vite assez. II Ô Maria-Felicia ! le peintre et le poète Laissent, en expirant, d’immortels héritiers ; Jamais l’affreuse nuit ne les prend tout entiers. À défaut d’action, leur grande âme inquiète De la mort et du temps entreprend la conquête, Et, frappés dans la lutte, ils tombent en guerriers. III Celui-là sur l’airain a gravé sa pensée ; Dans un rythme doré l’autre l’a cadencée ; Du moment qu’on l’écoute, on lui devient ami. Sur sa toile, en mourant, Raphaël l’a laissée, Et, pour que le néant ne touche point à lui, C’est assez d’un enfant sur sa mère endormi. IV Comme dans une lampe une flamme fidèle, Au fond du Parthénon le marbre inhabité Garde de Phidias la mémoire éternelle, Et la jeune Vénus, fille de Praxitèle, Sourit encor, debout dans sa divinité, Aux siècles impuissants qu’a vaincus sa beauté. V Recevant d’âge en âge une nouvelle vie, Ainsi s’en vont à Dieu les gloires d’autrefois ; Ainsi le vaste écho de la voix du génie Devient du genre humain l’universelle voix… Et de toi, morte hier, de toi, pauvre Marie, Au fond d’une chapelle il nous reste une croix ! VI Une croix ! et l’oubli, la nuit et le silence ! Écoutez ! c’est le vent, c’est l’Océan immense ; C’est un pêcheur qui chante au bord du grand chemin. Et de tant de beauté, de gloire et d’espérance, De tant d’accords si doux d’un instrument divin, Pas un faible soupir, pas un écho lointain ! VII Une croix ! et ton nom écrit sur une pierre, Non pas même le tien, mais celui d’un époux, Voilà ce qu’après toi tu laisses sur la terre ; Et ceux qui t’iront voir à ta maison dernière, N’y trouvant pas ce nom qui fut aimé de nous, Ne sauront pour prier où poser les genoux. VIII Ô Ninette ! où sont-ils, belle muse adorée, Ces accents pleins d’amour, de charme et de terreur, Qui voltigeaient le soir sur ta lèvre inspirée, Comme un parfum léger sur l’aubépine en fleur ? Où vibre maintenant cette voix éplorée, Cette harpe vivante attachée à ton coeur ? IX N’était-ce pas hier, fille joyeuse et folle, Que ta verve railleuse animait Corilla, Et que tu nous lançais avec la Rosina La roulade amoureuse et l’oeillade espagnole ? Ces pleurs sur tes bras nus, quand tu chantais le Saule, N’était-ce pas hier, pâle Desdemona ? X N’était-ce pas hier qu’à la fleur de ton âge Tu traversais l’Europe, une lyre à la main ; Dans la mer, en riant, te jetant à la nage, Chantant la tarentelle au ciel napolitain, Coeur d’ange et de lion, libre oiseau de passage, Espiègle enfant ce soir, sainte artiste demain ? XI N’était-ce pas hier qu’enivrée et bénie Tu traînais à ton char un peuple transporté, Et que Londre et Madrid, la France et l’Italie, Apportaient à tes pieds cet or tant convoité, Cet or deux fois sacré qui payait ton génie, Et qu’à tes pieds souvent laissa ta charité ? XII Qu’as-tu fait pour mourir, ô noble créature, Belle image de Dieu, qui donnais en chemin Au riche un peu de joie, au malheureux du pain ? Ah ! qui donc frappe ainsi dans la mère nature, Et quel faucheur aveugle, affamé de pâture, Sur les meilleurs de nous ose porter la main ? XIII Ne suffit-il donc pas à l’ange de ténèbres Qu’à peine de ce temps il nous reste un grand nom ? Que Géricault, Cuvier, Schiller, Goethe et Byron Soient endormis d’hier sous les dalles funèbres, Et que nous ayons vu tant d’autres morts célèbres Dans l’abîme entr’ouvert suivre Napoléon ? XIV Nous faut-il perdre encor nos têtes les plus chères, Et venir en pleurant leur fermer les paupières, Dès qu’un rayon d’espoir a brillé dans leurs yeux ? Le ciel de ses élus devient-il envieux ? Ou faut-il croire, hélas ! ce que disaient nos pères, Que lorsqu’on meurt si jeune on est aimé des dieux ? XV Ah ! combien, depuis peu, sont partis pleins de vie ! Sous les cyprès anciens que de saules nouveaux ! La cendre de Robert à peine refroidie, Bellini tombe et meurt ! – Une lente agonie Traîne Carrel sanglant à l’éternel repos. Le seuil de notre siècle est pavé de tombeaux. XVI Que nous restera-t-il si l’ombre insatiable, Dès que nous bâtissons, vient tout ensevelir ? Nous qui sentons déjà le sol si variable, Et, sur tant de débris, marchons vers l’avenir, Si le vent, sous nos pas, balaye ainsi le sable, De quel deuil le Seigneur veut-il donc nous vêtir ? XVII Hélas ! Marietta, tu nous restais encore. Lorsque, sur le sillon, l’oiseau chante à l’aurore, Le laboureur s’arrête, et, le front en sueur, Aspire dans l’air pur un souffle de bonheur. Ainsi nous consolait ta voix fraîche et sonore, Et tes chants dans les cieux emportaient la douleur. XVIII Ce qu’il nous faut pleurer sur ta tombe hâtive, Ce n’est pas l’art divin, ni ses savants secrets : Quelque autre étudiera cet art que tu créais ; C’est ton âme, Ninette, et ta grandeur naïve, C’est cette voix du coeur qui seule au coeur arrive, Que nul autre, après toi, ne nous rendra jamais. XIX Ah ! tu vivrais encor sans cette âme indomptable. Ce fut là ton seul mal, et le secret fardeau Sous lequel ton beau corps plia comme un roseau. Il en soutint longtemps la lutte inexorable. C’est le Dieu tout-puissant, c’est la Muse implacable Qui dans ses bras en feu t’a portée au tombeau. XX Que ne l’étouffais-tu, cette flamme brûlante Que ton sein palpitant ne pouvait contenir ! Tu vivrais, tu verrais te suivre et t’applaudir De ce public blasé la foule indifférente, Qui prodigue aujourd’hui sa faveur inconstante À des gens dont pas un, certes, n’en doit mourir. XXI Connaissais-tu si peu l’ingratitude humaine ? Quel rêve as-tu donc fait de te tuer pour eux ? Quelques bouquets de fleurs te rendaient-ils si vaine, Pour venir nous verser de vrais pleurs sur la scène, Lorsque tant d’histrions et d’artistes fameux, Couronnés mille fois, n’en ont pas dans les yeux ? XXII Que ne détournais-tu la tête pour sourire, Comme on en use ici quand on feint d’être ému ? Hélas ! on t’aimait tant, qu’on n’en aurait rien vu. Quand tu chantais le Saule, au lieu de ce délire, Que ne t’occupais-tu de bien porter ta lyre ? La Pasta fait ainsi : que ne l’imitais-tu ? XXIII Ne savais-tu donc pas, comédienne imprudente, Que ces cris insensés qui te sortaient du coeur De ta joue amaigrie augmentaient la pâleur ? Ne savais-tu donc pas que, sur ta tempe ardente, Ta main de jour en jour se posait plus tremblante, Et que c’est tenter Dieu que d’aimer la douleur ? XXIV Ne sentais-tu donc pas que ta belle jeunesse De tes yeux fatigués s’écoulait en ruisseaux, Et de ton noble coeur s’exhalait en sanglots ? Quand de ceux qui t’aimaient tu voyais la tristesse, Ne sentais-tu donc pas qu’une fatale ivresse Berçait ta vie errante à ses derniers rameaux ? XXV Oui, oui, tu le savais, qu’au sortir du théâtre, Un soir dans ton linceul il faudrait te coucher. Lorsqu’on te rapportait plus froide que l’albâtre, Lorsque le médecin, de ta veine bleuâtre, Regardait goutte à goutte un sang noir s’épancher, Tu savais quelle main venait de te toucher. XXVI Oui, oui, tu le savais, et que, dans cette vie, Rien n’est bon que d’aimer, n’est vrai que de souffrir. Chaque soir dans tes chants tu te sentais pâlir. Tu connaissais le monde, et la foule, et l’envie, Et, dans ce corps brisé concentrant ton génie, Tu regardais aussi la Malibran mourir. XXVII Meurs donc ! ta mort est douce, et ta tâche est remplie. Ce que l’homme ici-bas appelle le génie, C’est le besoin d’aimer ; hors de là tout est vain. Et, puisque tôt ou tard l’amour humain s’oublie, Il est d’une grande âme et d’un heureux destin

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    Alphonse Daudet

    Alphonse Daudet

    @alphonseDaudet

    Fanfaronnade Je n’ai plus ni foi ni croyance ! Il n’est pas de fruit défendu Que ma dent n’ait un peu mordu Sur le vieil arbre de science : Je n’ai plus ni foi ni croyance. Mon cœur est vieux ; il a mûri Dans la pensée et dans l’étude ; Il n’est pas de vieille habitude Dont je ne l’aie enfin guéri. Mon cœur est vieux, il a mûri. Les grands sentiments me font rire ; Mais, comme c’est très bien porté, J’en ai quelques uns de côté Pour les jours où je veux écrire Des vers de sentiment…pour rire. Quand un ami me saute au cou, Je porte la main à ma poche ; Si c’est mon parent le plus proche, J’ai toujours peur d’un mauvais coup, Quand ce parent me saute au cou. Veut-on savoir ce que je pense De l’amour chaste et du devoir ? Pour le premier…allez-y voir ; Quant à l’autre, je me dispense De vous dire ce que je pense C’est moi qui me suis interdit Toute croyance par système, Et, voyez, je ne crois pas même Un seul mot de ce que j’ai dit.

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Adieux à la poésie Il est une heure de silence Où la solitude est sans voix, Où tout dort, même l’espérance ; Où nul zéphyr ne se balance Sous l’ombre immobile des bois. Il est un âge où de la lyre L’âme aussi semble s’endormir, Où du poétique délire Le souffle harmonieux expire Dans le sein qu’il faisait frémir. L’oiseau qui charme le bocage, Hélas ! ne chante pas toujours : A midi, caché sous l’ombrage, Il n’enchante de son ramage Que l’aube et le déclin des jours. Adieu donc, adieu, voici l’heure, Lyre aux accords mélodieux ! En vain à la main qui t’effleure Ta fibre encor répond et pleure : Voici l’heure de nos adieux. Reçois cette larme rebelle Que mes yeux ne peuvent cacher. Combien sur ta corde fidèle Mon âme, hélas ! en versa-t-elle, Que tes soupirs n’ont pu sécher ! Sur cette terre infortunée, Où tous les yeux versent des pleurs, Toujours de cyprès couronnée, La lyre ne nous fut donnée Que pour endormir nos douleurs. Tout ce qui chante ne répète Que des regrets ou des désirs ; Du bonheur la corde est muette ; De Philomèle et du poëte Les plus doux chants sont des soupirs. Dans l’ombre auprès d’un mausolée, O lyre, tu suivis mes pas ; Et, des doux festins exilée, Jamais ta voix ne s’est mêlée, Aux chants des heureux d’ici-bas. Pendue aux saules de la rive, Libre comme l’oiseau des bois, On n’a point vu ma main craintive T’attacher, comme une captive, Aux portes des palais des rois. Des partis l’haleine glacée Ne t’inspira pas tour à tour ; Aussi chaste que la pensée, Nul souffle ne t’a caressée, Hormis le souffle de l’Amour. En quelque lieu qu’un sort sévère Fît plier mon front sous ses lois, Grâce à toi, mon âme étrangère A trouvé partout sur la terre Un céleste écho de sa voix. Aux monts d’où le jour semble éclore, Quand je t’emportais avec moi Pour louer celui que j’adore, Le premier rayon de l’aurore Ne se réveillait qu’après toi. Au bruit des flots et des cordages, Aux feux livides des éclairs, Tu jetais des accords sauvages, Et, comme l’oiseau des orages, Tu rasais l’écume des mers. Celle dont le regard m’enchaîne A tes accents mêlait sa voix, Et souvent ses tresses d’ébène Frissonnaient sous ma molle haleine, Comme tes cordes sous mes doigts. Peut-être à moi, lyre chérie, Tu reviendras dans l’avenir, Quand, de songes divins suivie, La mort approche, et que la vie S’éloigne comme un souvenir. Dans cette seconde jeunesse Qu’un doux oubli rend aux humains, Souvent l’homme, dans sa tristesse, Sur toi se penche et te caresse, Et tu résonnes sous ses mains. Ce vent qui sur nos âmes passe Souffle à l’aurore, ou souffle tard ; Il aime à jouer avec grâce Dans les cheveux qu’un myrte enlace, Ou dans la barbe du vieillard. En vain une neige glacée D’Homère ombrageait le menton ; Et le rayon de la pensée Rendait la lumière éclipsée Aux yeux aveugles de Milton. Autour d’eux voltigeaient encore L’amour, l’illusion, l’espoir, Comme l’insecte amant de Flore, Dont les ailes semblent éclore Aux tardives lueurs du soir. Peut-être ainsi… Mais avant l’âge Où tu reviens nous visiter, Flottant de rivage en rivage, J’aurai péri dans un naufrage, Loin des cieux que je vais quitter. Depuis longtemps ma voix plaintive Sera couverte par les flots, Et, comme l’algue fugitive, Sur quelque sable de la rive La vague aura roulé mes os. Mais toi, lyre mélodieuse, Surnageant sur les flots amers, Des cygnes la troupe envieuse Suivra ta trace harmonieuse Sur l’abîme roulant des mers. Vingt-sixième méditation

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Ferrare Que l’on soit homme ou Dieu, tout génie est martyre : Du supplice plus tard on baise l’instrument ; L’homme adore la croix où sa victime expire, Et du cachot du Tasse enchâsse le ciment. Prison du Tasse ici, de Galilée à Rome, Échafaud de Sidney, bûchers, croix ou tombeaux, Ah ! vous donnez le droit de bien mépriser l’homme, Qui veut que Dieu l’éclaire, et qui hait ses flambeaux ! Grand parmi les petits, libre chez les serviles, Si le génie expire, il l’a bien mérité ; Car nous dressons partout aux portes de nos villes Ces gibets de la gloire et de la vérité. Loin de nous amollir, que ce sort nous retrempe ! Sachons le prix du don, mais ouvrons notre main. Nos pleurs et notre sang sont l’huile de la lampe Que Dieu nous fait porter devant le genre humain ! (Trentième Méditation, improvisée en sortant du cachot de Tasse.)

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    A

    Anastasia Choquet-Veith

    @anastasiaChoquetVeith

    Jet d'art Sylphide l'esquisse Soluble la roche Sur le chevalet de notre art embaumé Nuance subtile Ou parodique Ou spasmodique Ou versatile Choeur d'irraison De séduction De confusion D'altercation Coeur d'effusion Comme le chuintement du crin Sur un voile de lin tendu Les pigments explosent Et saturent les fibres Et le fracas effluve l'union De seins glacés et de roses flétries Une reine butine l'essaim d'épines Et cueille le miel de ma nausée Un flanc brisé déclame sa peine Aux Parois Amollies Et Brûlantes Comme Des baies de genièvre En plein coeur de l'Hiver Les puanteurs d'acrylique se jettent sur le sol Et marquent mes os de lavis chromatiques A coup de fusain et d'or rose De torchons pales et crasseux Et l'eau colorée coule En rigoles Le long du ventre ou des épaules Veinés de bleu de brun et de pourpre Jet d'amour ou jet de haine Craché en braille sur la palette L'immonde et le sacré ont poussé en moi comme l'orage Laque et poudres s'infiltrent Et posent leur patine Sur ma toile livide

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    Invocation à la Poésie Nymphe tendre et vermeille, ô jeune Poésie ! Quel bois est aujourd’hui ta retraite choisie ? Quelles fleurs, près d’une onde où s’égarent tes pas, Se courbent mollement sous tes pieds délicats ? Où te faut-il chercher ? Vois la saison nouvelle : Sur son visage blanc quelle pourpre étincelle ! L’hirondelle a chanté ; Zéphir est de retour : Il revient en dansant ; il ramène l’amour. L’ombre, les prés, les fleurs, c’est sa douce famille, Et Jupiter se plaît à contempler sa fille, Cette terre où partout, sous tes doigts gracieux, S’empressent de germer des vers mélodieux. Le fleuve qui s’étend dans les vallons humides Roule pour toi des vers doux, sonores, liquides. Des vers, s’ouvrant en foule aux regards du soleil, Sont ce peuple de fleurs au calice vermeil. Et les monts, en torrents qui blanchissent leurs cimes, Lancent des vers brillants dans le fond des abîmes.

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    L’invention Ô fils du Mincius, je te salue, ô toi Par qui le dieu des arts fut roi du peuple roi ! Et vous, à qui jadis, pour créer l’harmonie, L’Attique, et l’onde Égée, et la belle Ionie, Donnèrent un ciel pur, les plaisirs, la beauté, Des mœurs simples, des lois, la paix, la liberté, Un langage sonore, aux douceurs souveraines, Le plus beau qui soit né sur des lèvres humaines. Nul âge ne verra pâlir vos saints lauriers, Car vos pas inventeurs ouvrirent les sentiers Et du tempe des arts que la gloire environne Vos mains ont élevé la première colonne. À nous tous aujourd’hui, vos faibles nourrissons, Votre exemple a dicté d’importantes leçons. Il nous dit que nos mains, pour vous être fidèles, Y doivent élever des colonnes nouvelles. L’esclave imitateur naît et s’évanouit ; La nuit vient, le corps reste, et son ombre s’enfuit. Ce n’est qu’aux inventeurs que la vie est promise : Nous voyons les enfans de la fière Tamise, De toute servitude ennemis indomptés, Mieux qu’eux, par votre exemple, à vous vaincre excités. Osons ; de votre gloire éclatante et durable Essayons d’épuiser la source inépuisable. Mais inventer n’est pas, en un brusque abandon, Blesser la vérité, le bon sens, la raison ; Ce n’est pas entasser, sans dessein et sans forme, Des membres ennemis en un colosse énorme ; Ce n’est pas, élevant des poissons dans les airs, À l’aile des vautours ouvrir le sein des mers ; Ce n’est pas, sur le front d’une nymphe brillante, Hérisser d’un lion la crinière sanglante : Délires insensés ! fantômes monstrueux ! Et d’un cerveau malsain rêves tumultueux ! Ces transports déréglés, vagabonde manie, Sont l’accès de la fièvre et non pas du génie : D’Ormus et d’Ariman ce sont les noirs combats, Où partout confondus, la vie et le trépas, Les ténèbres, le jour, la forme et la matière, Luttent sans être unis ; mais l’esprit de lumière Fait naître en ce chaos la concorde et le jour ; D’élémens divisés il reconnaît l’amour, Les rappelle ; et partout, en d’heureux intervales, Sépare et met en paix les semences rivales. Ainsi donc, dans les arts l’inventeur est celui Qui peint ce que chacun pût sentir comme lui, Qui, fouillant des objets les plus sombres retraites, Étale et fait briller leurs richesses secrètes ; Qui, par des nœuds certains, imprévus et nouveaux, Unissant des objets qui paraissaient rivaux, Montre et fait adopter à la nature mère Ce qu’elle n’a point fait, mais ce qu’elle a pu faire ; C’est le fécond pinceau qui, sûr dans ses regards, Retrouve un seul visage en vingt belles épars ; Les fait renaître ensemble, et par un art suprême Des traits de vingt beautés forme la beauté même. La nature dicta vingt genres opposés D’un fil léger entre eux chez les Grecs divisés. Nul genre, s’échappant de ses bornes prescrites, N’aurait osé d’un autre envahir les limites ; Et Pindare à sa lyre, en un couplet bouffon, N’aurait point de Marot associé le ton. De ces fleuves nombreux dont l’antique Permesse Arrosa si long-temps les cités de la Grèce, De nos jours même, hélas ! nos aveugles vaisseaux Ont encore oublié mille vastes rameaux. Quand Louis et Colbert, sous les murs de Versailles, Réparaient des beaux arts les longues funérailles ; De Sophocle et d’Eschyle, ardens admirateurs, De leur auguste exemple élèves inventeurs, Des hommes immortels firent sur notre scène Revivre aux yeux français les théàtres d’Athène. Comme eux, instruit par eux, Voltaire offre à nos pleurs Des grands infortunés les illustres douleurs ; D’autres esprits divins, fouillant d’autres ruines, Sous l’amas des débris, des ronces, dos épines, Ont su, pleins des écrits des Grecs et des Romains, Retrouver, parcourir leurs antiques chemins. Mais, ô la belle palme et quel trésor de gloire Pour celui qui, cherchant la plus noble victoire, D’un si grand labyrinthe affrontant les hasards, Saura guider sa muse aux immenses regards De mille longs détours à la fois occupée, Dans les sentiers confus d’une vaste épopée ! Lui dire d’être libre, et qu’elle n’aille pas De Virgile et d’Homère épier tous les pas, Par leur secours à peine à leurs pieds élevée ; Mais, qu’auprès de leurs chars, dans un char enlevée, Sur leurs sentiers marqués de vestiges si beaux, Sa roue ose imprimer des vestiges nouveaux. Quoi ! faut-il, ne s’armant que de timides voiles, N’avoir que ces grands noms pour nord et pour étoiles, Les côtoyer sans cesse, et n’oser un instant, Seul et loin de tout bord intrépide et flottant, Aller sonder les flancs du plus lointain Nérée, Et du premier sillon fendre une onde ignorée ! Les coutumes d’alors, les sciences, les mœurs Respirent dans les vers des antiques auteurs. Leur siècle est en dépôt dans leurs nobles volumes. Tout a changé pour nous, mœurs, sciences, coutumes. Pourquoi donc nous faut-il, par un pénible soin, Sans rien voir près de nous, voyant toujours bien loin, Vivant dans le passé, laissant ceux qui commencent, Sans penser écrivant d’après d’autres qui pensent, Retraçant un tableau que nos yeux n’ont point vu, Dire et dire cent fois ce que nous avons lu ? De la Grèce héroïque et naissante et sauvage Dans Homère à nos yeux vit la parfaite image. Démocrite, Platon, Epicure, Thalès, Ont dc loin à Virgile indiqué les secrets D’une nature encore à leurs yeux trop. voilée. Toricelli, Newton, Kepler et Galilée, Plus doctes, plus heureux, dans leurs puissans efforts, À tout nouveau Virgile ont ouvert des trésors. Tons les arts sont unis : les sciences humaines N’ont pu de leur empire étendre les domaines, Sans agrandir aussi la carrière (les vers. Quel long travail pour eux a conquis l’univers ! Aux regards de Buffon, sans voile, sans obstacles, La terre ouvrant son sein, ses ressorts, ses miracles, Ses germes, ses coteaux, dépouille de Thétis : Les nuages épais, sur elle appesantis, De ses noires vapeurs nourrissant leur tonnerre, Et l’hiver ennemi pour envahir la terre Roi des antres dut Nord : et, de glaces armés, Ses pas usurpateurs sur nos monts imprimés ; Et l’œil perçant du verre en la vaste étendue, Allant chercher ces feux qui fuyaient notre vue. Aux changemens prédits, immuables, fixés, Que d’une plume d’or Bailly nous a tracés ; Aux lois de Cassini les comètes fidèles ; L’aimant, de nos vaisseaux seul dirigeant les ailes, Une Cibèle neuve et cent mondes divers, Aux yeux de nos Jasons sortis du, sein des mers. Quel amas de tableaux, de sublimes images, Nait de ces grands objets réservés à nos âges ! Sous ces bois étrangers qui couronnent ces monts, Aux vallons de Cusco, dans ces antres profonds, Si chers à la fortune et plus chers au génie, Germent des mines d’or, de gloire et d’harmonie. Pensez-vous, si Virgile, ou l’Aveugle divin, Renaissaient aujourd’hui, que leur savante main Négligeât de saisir ces fécondes richesses, De notre Pinde auguste éclatantes largesses ? Nous en verrions briller leurs sublimes écrits : Et ces mêmes objets que vos doctes mépris Accueillent aujourd’hui d’un front dur et sévère, Alors à vos regards auraient seuls droit de plaire ; Alors, dans l’avenir, votre inflexible humeur Aurait soin de défendre à tout jeune rimeur D’oser sortir jamais de ce cercle d’images Que vos yeux auraient vu tracé dans leurs ouvrages. Mais qui jamais a su, dans des vers séduisans, Sous des dehors plus vrais peindre l’esprit aux sens ! Mais quelle voix jamais, d’une plus pure flamme, Et chatouilla l’oreille et pénétra dans l’aine ! Mais leurs mœurs et leurs lois, et mille autres hasards, Rendaient leur siècle heureux plus propice aux beaux-arts. Eh bien ! l’ame est partout ; la pensée a des ailes. Volons, volons chez eux retrouver leurs modèles, Voyageons dans leur âge, où libre, sans détour, Chaque homme ose être un homme et penser au grand jour. Au tribunal de Mars, sur la pourpre romaine, Là du grand Cicéron la vertueuse haine Écrase Céthégus, Catilina, Verrès ; Là tonne Démosthène ; ici, de Périclès La voix, l’ardente voix, de tous les cœurs maîtresse, Frappe, foudroie, agite, épouvante la Grèce : Allons voir la grandeur et l’éclat de leurs jeux. Ciel ! la mer appelée en un bassin pompeux ! Deux flottes parcourant cette enceinte profonde,. Combattant sous les yeux des conquérons du monde. Ô terre de Pélops ! avec le monde entier Allons voir d’Épidaure un agile coursier, Couronné dans les champs de Némée et d’Elide ; Allons voir au théâtre, aux accens d’Euripide, D’une sainte folie un peuple furieux Chanter : Amour, tyran des hommes et des dieux. Puis, ivres des transports qui nous viennent surprendre, Parmi nous, dans nos vers, revenons les répandre ; Changeons en notre miel leurs plus antiques fleurs ; Pour peindre notre idée, empruntons leurs couleurs ; Allumons nos flambeaux à leurs feux poétiques ; Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques. Direz-vous qu’un objet, né sur leur Hélicon, À seul de nous charmer pu recevoir le don ? Que leurs fables, leurs dieux, ces mensonges futiles, Des Muses noble ouvrage, aux Muses sont utiles ? Que nos travaux savons, nos calculs studieux, Qui subjuguent l’esprit et répugnent aux yeux, Que l’on croit malgré soi, sont pénibles, austères, Et moins grands, moins pompeux que leurs belles chimères ? Voilà ce que Traités, Préfaces, longs discours, Prose, rime, partout nous disent tous les jours. Mais enfin, dites-moi, si d’une œuvre immortelle La nature est en nous la source et le modèle ; Pouvez-vous le penser que tout cet univers, Et cet ordre éternel, ces mouvemens divers, L’immense vérité, la nature elle-même, Soit moins grande en effet que ce brillant systême Qu’ils nommaient la nature, et dont d’heureux efforts Disposaient avec art les fragiles ressorts ? Mais quoi ! ces vérités sont au loin reculées, Dans un langage obscur saintement recelées : Le peuple les ignore. Ô Muses, Ô Phébus ! C’est là, c’est là sans doute un aiguillon de plus. L’auguste poésie, éclatante interprète, Se couvrira de gloire en forçant leur retraite. Cette reine des cœurs, à la touchante voix, À le droit, en tous lieux, de nous dicter son choix. Sûre de voir partout, introduite par elle, Applaudir à grands cris une beauté nouvelle, Et les objets nouveaux que sa voix a tentés Partout de bouche en bouche après elle chantés. Elle porte, à travers leurs nuages plus sombres, Des rayons lumineux qui dissipent leurs ombres ; Et rit quand, dans son vide, un auteur oppressé Se plaint qu’on a tout dit et que tout est pensé. Seule, et la lyre en main, et de fleurs couronnée, De doux ravissemens partout accompagnée, Aux lieux les plus déserts, ses pas, ses jeunes pas, Trouvent mille trésors qu’on ne soupçonnait pas. Sur l’aride buisson que son regard se pose,. Le buisson à ses yeux rit et jette une rose. Elle sait ne point voir, dans son juste dédain, Les fleurs qui trop souvent, courant de main en main, Ont perdu tout l’éclat de leurs fraîcheurs vermeilles ; Elle sait même encore, ô charmantes merveilles ! Sous ses doigts délicats réparer et cueillir Celles qu’une autre main n’avait su que flétrir ; Elle seule connaît ces extases choisies, D’un esprit tout de feu mobiles fantaisies, Ces rêves d’un moment, belles illusions, D’un monde imaginaire aimables visions, Qui ne frappent jamais, trop subtile lumière, Des terrestres esprits l’œil épais et vulgaire. Seule, de mots heureux, faciles, transparens, Elle sait revêtir ces fantômes errans : Ainsi des hauts sapins de la Finlande humide, De l’ambre, enfant du ciel, distille l’or fluide ; Et sa chute souvent rencontre dans les airs Quelque insecte volant qu’il porte au fond des mers ; De la Baltique enfin les vagues orageuses Roulent et vont jeter ces larmes précieuses, Où la fière Vistule, en de nobles coteaux, Et le froid Niémen expirent dans ses eaux. Là lès arts vont cueillir cette merveille utile, Tombe odorante où vit l’insecte volatile, Dans cet or diaphane il est lui-même encor, On dirait qu’il respire et va prendre l’essor. Qui que tu sois enfin ; ô toi, jeune poète, Travaille ; ose achever cette illustre conquête. De preuves, de raisons, qu’est-il encor besoin ? Travaille. Un grand exemple est un puissant témoin. Montre ce qu’on peut faire, en le faisant toi-même ; Si pour toi la retraite est un bonheur suprême, Si chaque jour les vers de ces maîtres fameux Font bouillonner ton sang et dressent tes cheveux ; Si tu sens chaque jour, animé de leur ame, Ce besoin de créer, ces transports, cette flamme, Travaille. À nos censeurs, c’est à toi de montrer Tous ces trésors nouveaux qu’ils veulent ignorer. Il faudra bien les voir, il faudra bien se taire, Quand ils verront enfin cette gloire étrangère De rayons inconnus ceindre ton front brillant. Aux antres de Paros le bloc étincelant N’est aux vulgaires yeux qu’une pierre insensible. Mais le docte ciseau, dans son sein invisible, Voit, suit, trouve la vie, et l’ame, et tous ses traits. Tout l’Olympe respire en ses détours secrets. Là vivent de Vénus les beautés souveraines ; Là des muscles nerveux, là de sanglantes veines Serpentent ; là des flancs invaincus aux travaux Pour soulager Atlas des célestes fardeaux. Aux volontés du fer leur enveloppe énorme Cède, s’amollit, tombe ; et de ce bloc informe Jaillissent, éclatans, des dieux pour nos autels C’est Apollon lui-même, honneur des immortels ; C’est Alcide vainqueur des monstres de Némée ; C’est du vieillard troyen la mort envenimée ; C’est des Hébreux errans le chef, le défenseur : Dieu tout entier habite en ce marbre penseur. Ciel ! n’entendez-vous pas de sa bouche profonde Éclater cette voix créatrice du monde. Ô qu’ainsi parmi nous des esprits inventeurs De Virgile et d’Homère atteignent les hauteurs ! Sachent dans la mémoire avoir comme eux un temple, Et sans suivre leurs pas imiter leur exemple ; Faire, en s’éloignant d’eux, avec un soin jaloux, Ce qu’eux-même ils feraient s’ils vivaient parmi nous ! Que la nature seule, en ses vastes miracles, Soit leur fable et leurs dieux, et ses lois leurs oracles ; Que leurs vers, de Thétis respectant le sommeil, N’aillent plus dans ses flots rallumer le soleil ; De la cour d’Apollon que l’erreur soit bannie, Et qu’enfin Calliope, élève d’Uranie, Montant sa lyre d’or sur un plus noble ton, En langage des dieux fasse parler Newton ! Oh ! si je puis, un jour !… Mais, quel est ce murmure, Quelle nouvelle attaque et plus forte et plus dure ? Ô langue des Français ! est-il vrai que ton sort Est de ramper toujours et que toi seule as tort ? Ou si d’un faible esprit l’indolente paresse Veut rejeter sur toi sa honte et sa faiblesse ? Il n’est sot traducteur de sa richesse enflé, Sot auteur d’un poème, ou d’un discours sifflé, Ou d’un recueil ombré de chansons à la glace, Qui ne vous avertisse, en sa fière préface’, Que si son style épais vous fatigue d’abord, Si sa prose vous pèse et bientôt vous endort ; Si son vers est gêné, sans feu, sans harmonie, Il n’en est point coupable ; il n’est pas sans génie, Il a tous les talens qui font les grands succès : Mais enfin, malgré lui, ce langage français, Si faible en ses couleurs, si froid et si timide, L’a contraint d’être lourd, gauche, plat, insipide. Mais serait-ce Le Brun, Racine, Despréaux, Qui l’accusent ainsi d’abuser leurs travaux ? Est-ce à Rousseau, Buffon, qu’il résiste infidelle ? Est-ce pour Montesquieu, qu’impuissant et rebelle,. Il fuit ? Ne sait-il pas, se reposant sur eux, Doux, rapide, abondant, magnifique, nerveux, Creusant dans les détours de ces aines profondes, S’y teindre, s’y tremper de leurs couleurs fécondes ? Un rimeur voit partout un nuage ; et jamais, D’un coup d’œil ferme et grand, n’a saisi les objets ; La langue se refuse à ses demi-pensées, De sang-froid, pas à pas, avec peine amassées : Il se dépite alors, et restant en chemin, Il se plaint qu’elle échappe et glisse de sa main. Celui qu’un vrai démon presse, enflamme, domine, Ignore un tel supplice : il pense, il imagine ; Un langage imprévu dans son ame produit, Naît avec sa pensée, et l’embrasse et la suit ; Les images, les mots que le génie inspire, Où l’univers entier vit, se meut et respire, Source vaste et sublime et qu’on ne peut tarir, En foule en son cerveau se hâtent de courir. D’eux-même ils vont chercher un nœud qui les rassemble : Tout s’allie et se forme, et tout va naître ensemble. Sous l’insecte vengeur envoyé par Junon, Telle Io tourmentée, en l’ardente saison, Traverse en vain les bois et la longue campagne, Et le fleuve bruyant qui presse la montagne ; Tel le bouillant poète, en ses transports brûlans, Le front échevelé, les yeux étincelans, S’agite, se débat ; cherche en d’épais bocages S’il pourra de sa tête apaiser les orages, Et secouer le dieu qui fatigue son sein. De sa bouche à grands flots ce dieu dont il est plein, Bientôt en vers nombreux s’exhale et se déchaîne : Leur sublime torrent roule, saisit, entraîne. Les tours impétueux, inattendus, nouveaux, L’expression de flamme aux magiques tableaux, Qu’a trempés la nature en ses couleurs fertiles ; Les nombres tour à tour turbulens ou faciles : Tout porte au fond du cœur le tumulte et la paix, Dans la mémoire au loin tout s’imprime à jamais. C’est ainsi que Minerve, en un instant formée, Du front de Jupiter s’élance toute armée, Secouant et le glaive et le casque guerrier, Et l’horrible Gorgone à l’aspect meurtrier. Des Toscans, je le sais, la langue est séduisante ; Cire molle à tout feindre habile et complaisante, Qui prend d’heureux contours sous les plus faibles mains. Quand le Nord, s’épuisant de barbares essaims, Vint, par une conquête en malheurs plus féconde, Venger sur les Romains l’esclavage du monde, De leurs affreux accens la farouche âpreté Du latin en tous lieux souilla la pureté : On vit de ce mélange étranger et sauvage Naitre des langues sœurs, que le temps et l’usage, Par des sentiers divers guidant diversement, D’une lime insensible ont poli lentement, Sans pouvoir en entier, malgré tous leurs prodiges, De la rouille barbare effacer les vestiges. De là du Castillan la pompe et la fierté, Teint encor des couleurs du langage indompté, Qu’au Tage transplantaient les fureurs musulmanes. La grâce et la douceur sur les lèvres toscanes Fixèrent leur empire ; et la Seine à la fois De grâce et de fierté sut composer sa voix. Mais ce langage, armé d’obstacles indociles, Lutte et ne veut plier que sous des mains habiles. Est-ce un mal ? Eh ! plutôt, rendon, rendons grâces aux dieux ; Un faux éclat long-temps ne peut tromper nos yeux, Et notre langue même à tout esprit vulgaire De nos vers dédaigneux fermant le sanctuaire, L’avertit dès l’abord que, s’il y veut monter, Il faut savoir tout craindre et savoir tout tenter ; Et, recueillant affronts ou gloire sans mélange, S’élever jusqu’au faîte ou ramper dans la fange.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs À Monsieur Théodore de Banville Ainsi, toujours, vers l'azur noir Où tremble la mer des topazes, Fonctionneront dans ton soir Les Lys, ces clystères d'extases ! À notre époque de sagous, Quand les Plantes sont travailleuses, Le Lys boira les bleus dégoûts Dans tes Proses religieuses ! - Le lys de monsieur de Kerdrel, Le Sonnet de mil huit cent trente, Le Lys qu'on donne au Ménestrel Avec l'oeillet et l'amarante ! Des lys ! Des lys ! On n'en voit pas ! Et dans ton Vers, tel que les manches Des Pécheresses aux doux pas, Toujours frissonnent ces fleurs blanches ! Toujours, Cher, quand tu prends un bain, Ta chemise aux aisselles blondes Se gonfle aux brises du matin Sur les myosotis immondes ! L'amour ne passe à tes octrois Que les Lilas, - ô balançoires ! Et les Violettes du Bois, Crachats sucrés des Nymphes noires !... II Ô Poètes, quand vous auriez Les Roses, les Roses soufflées, Rouges sur tiges de lauriers, Et de mille octaves enflées ! Quand Banville en ferait neiger, Sanguinolentes, tournoyantes, Pochant l'oeil fou de l'étranger Aux lectures mal bienveillantes ! De vos forêts et de vos prés, Ô très paisibles photographes ! La Flore est diverse à peu près Comme des bouchons de carafes ! Toujours les végétaux Français, Hargneux, phtisiques, ridicules, Où le ventre des chiens bassets Navigue en paix, aux crépuscules ; Toujours, après d'affreux dessins De Lotos bleus ou d'Hélianthes, Estampes roses, sujets saints Pour de jeunes communiantes ! L'Ode Açoka cadre avec la Strophe en fenêtre de lorette ; Et de lourds papillons d'éclat Fientent sur la Pâquerette. Vieilles verdures, vieux galons ! Ô croquignoles végétales ! Fleurs fantasques des vieux Salons ! - Aux hannetons, pas aux crotales, Ces poupards végétaux en pleurs Que Grandville eût mis aux lisières, Et qu'allaitèrent de couleurs De méchants astres à visières ! Oui, vos bavures de pipeaux Font de précieuses glucoses ! - Tas d'oeufs frits dans de vieux chapeaux, Lys, Açokas, Lilas et Roses !... III Ô blanc Chasseur, qui cours sans bas À travers le Pâtis panique, Ne peux-tu pas, ne dois-tu pas Connaître un peu ta botanique ? Tu ferais succéder, je crains, Aux Grillons roux les Cantharides, L'or des Rios au bleu des Rhins, - Bref, aux Norwèges les Florides : Mais, Cher, l'Art n'est plus, maintenant, - C'est la vérité, - de permettre À l'Eucalyptus étonnant Des constrictors d'un hexamètre ; Là !... Comme si les Acajous Ne servaient, même en nos Guyanes, Qu'aux cascades des sapajous, Au lourd délire des lianes ! - En somme, une Fleur, Romarin Ou Lys, vive ou morte, vaut-elle Un excrément d'oiseau marin ? Vaut-elle un seul pleur de chandelle ? - Et j'ai dit ce que je voulais ! Toi, même assis là-bas, dans une Cabane de bambous, - volets Clos, tentures de perse brune, - Tu torcherais des floraisons Dignes d'Oises extravagantes !... - Poète ! ce sont des raisons Non moins risibles qu'arrogantes !... IV Dis, non les pampas printaniers Noirs d'épouvantables révoltes, Mais les tabacs, les cotonniers ! Dis les exotiques récoltes ! Dis, front blanc que Phébus tanna, De combien de dollars se rente Pedro Velasquez, Habana ; Incague la mer de Sorrente Où vont les Cygnes par milliers ; Que tes strophes soient des réclames Pour l'abatis des mangliers Fouillés des Hydres et des lames ! Ton quatrain plonge aux bois sanglants Et revient proposer aux Hommes Divers sujets de sucres blancs, De pectoraires et de gommes ! Sachons parToi si les blondeurs Des Pics neigeux, vers les Tropiques, Sont ou des insectes pondeurs Ou des lichens microscopiques ! Trouve, ô Chasseur, nous le voulons, Quelques garances parfumées Que la Nature en pantalons Fasse éclore ! - pour nos Armées ! Trouve, aux abords du Bois qui dort, Les fleurs, pareilles à des mufles, D'où bavent des pommades d'or Sur les cheveux sombres des Buffles ! Trouve, aux prés fous, où sur le Bleu Tremble l'argent des pubescences, Des calices pleins d'Oeufs de feu Qui cuisent parmi les essences ! Trouve des Chardons cotonneux Dont dix ânes aux yeux de braises Travaillent à filer les noeuds ! Trouve des Fleurs qui soient des chaises ! Oui, trouve au coeur des noirs filons Des fleurs presque pierres, - fameuses ! - Qui vers leurs durs ovaires blonds Aient des amygdales gemmeuses ! Sers-nous, ô Farceur, tu le peux, Sur un plat de vermeil splendide Des ragoûts de Lys sirupeux Mordant nos cuillers Alfénide ! V Quelqu'un dira le grand Amour, Voleur des sombres Indulgences : Mais ni Renan, ni le chat Murr N'ont vu les Bleus Thyrses immenses ! Toi, fais jouer dans nos torpeurs, Par les parfums les hystéries ; Exalte-nous vers les candeurs Plus candides que les Maries... Commerçant ! colon ! médium ! Ta Rime sourdra, rose ou blanche, Comme un rayon de sodium, Comme un caoutchouc qui s'épanche ! De tes noirs Poèmes, - Jongleur ! Blancs, verts, et rouges dioptriques, Que s'évadent d'étranges fleurs Et des papillons électriques ! Voilà ! c'est le Siècle d'enfer ! Et les poteaux télégraphiques Vont orner, - lyre aux chants de fer, Tes omoplates magnifiques ! Surtout, rime une version Sur le mal des pommes de terre ! - Et, pour la composition De poèmes pleins de mystère Qu'on doive lire de Tréguier À Paramaribo, rachète Des Tomes de Monsieur Figuier, - Illustrés ! - chez Monsieur Hachette !

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    A

    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    À Théophile Gautier Poète ! ta ferveur fait grande ta mémoire. Absorbé tout entier dans ton culte béni, Tu préféras la Muse à tout, même à la gloire, Maître ! qui dans ton art égalas Cellini. Amours, honneurs, trésors, tout ce que l’homme envie, Moins qu’un beau vers touchaient ton cœur épris du beau. A tout indifférent, tu passas dans la vie L’âme et les yeux fixés sur l’idéal flambeau. Tu ne savais rien voir qu’au jour de sa lumière ; Tu voulais beau le bien et belle la vertu. Diamant affranchi de sa gangue première, Le vrai ne te charmait que de beauté vêtu. Des rythmes d’or portant allègrement la chaîne, Tu ciselais en vers ton rêve et ton ardeur. Ton esprit pur de fiel ne connut qu’une haine, Cette haine du Mal que trahit sa laideur. Comme l’abeille au lys, l’expression heureuse, Rimes et mots ailés, accourait à ta voix. L’image éblouissait dans ta strophe nombreuse, Mes mètres se teignaient de pourpre sous tes doigts. Le nombre et la couleur, le rythme au long vocable Épousaient dans ton vers la ligne au fier contour. La forme avait ton culte, ô poète impeccable ! Et de ses dons la forme a payé ton amour. Artiste exquis, tu fus un ouvrier modèle : Patient, obstiné, tendant sans cesse au mieux, Ta pensée et ton cœur, sous ton pinceau fidèle, En de vivants tableaux se traduisaient aux yeux. Ta parole peignait ; pour toi l’inexprimable N’existait pas ; les mots t’obéissaient, soumis. Mais sévère à toi seul, Maître ! ta force aimable Accueillait tout effort de ses bravos amis. Dans tes savantes mains la plume du critique Conseillait sans blesser. Ta clémente équité Savait mêler l’éloge au blâme sympathique : Tu fus doux dans ta force et grand dans ta bonté. Et tu pars, et la tombe a clos ta destinée ; Mais de la lice au moins tu sors ayant vaincu. Tu peux croiser tes bras, ton œuvre est terminée, Maître ! et tu n’es pas mort, toi, sans avoir vécu ! Comme un fleuve dont l’eau féconde au loin les plages, Pars du sol des vivants sans remords ni regrets : Tu laisses après toi d’harmonieux feuillages ; L’oiseau du souvenir chante dans ton cyprès. La Muse romantique au front ceint d’hyacinthe, Évoquant en son deuil les chants où tu survis, Debout, veille sur toi, dans l’attitude sainte D’une mère pleurant au tombeau de son fils. Près d’elle je viendrai dans mes ferveurs discrètes Méditer sur ta tombe, au pied des saules verts ; Et, visiteur pieux, sur tes cendres muettes, Fleurs d’un cœur qui t’aima, j’effeuillerai mes vers.

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    A

    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    L’origine du poète Quand il eut mérité le châtiment de vivre Sur cette terre, Esprit de son monde exilé, Des temps futurs s’ouvrit à ses regards le livre : Il put lire son sort dans l’avenir scellé. Ce qu’un jour il sera devant lui se déroule, De ses maux évoqués morne procession. De revers en revers, flot après flot s’écoule Sa lamentable vie, — amère vision ! Ce fut là sa douleur première, l’agonie D’un Esprit que sa faute ici-bas va bannir. De ses bonheurs passés il doit, âme punie, Espérance et remords, garder le souvenir. Homme, dans les labeurs de l’humaine misère, Gravissant les degrés par l’ange descendus, Un jour il reverra, montant de sphère en sphère, Rachetés par ses pleurs, les cieux qu’il a perdus. Or voici qu’un Esprit, une âme fraternelle, L’ami, son compagnon dans la sainte Cité, Lui révèle en ces mots la sentence éternelle, L’irrévocable arrêt que le maître a porté : « Frère, entre nous ta chute, hélas ! ouvre un abîme Que l’expiation seule un jour peut fermer. La Justice suprême en châtiant le crime Attend le repentir qui doit la désarmer. « Entre ton juge et toi ta faute est un mystère Interdit aux regards même de l’amitié ; Mais dans l’ange tombé je vois toujours le frère, Et l’éternel permet l’éternelle pitié ! « Esprit, tu dois subir une prison charnelle, Te revêtir d’un corps à mourir condamné ; Tu naîtras de la femme, et, t’absorbant en elle, Un jour tu comprendras le malheur d’être né. « L’exil sera ta vie et ton séjour la terre. Traînant partout le deuil de ton climat natal, En tous lieux étranger, en tous lieux solitaire, Tu connaîtras l’amer tourment de l’idéal. « Tu garderas tes dons ! ta puissance secrète Sans cesse autour de toi fera l’isolement : Poète parmi nous, tu resteras poète Chez l’homme, et ce sera ton plus dur châtiment. « Cependant du Très-Haut la clémence infinie Me laisse à ton malheur pour guide et pour soutien. Invisible et présent, âme à ton âme unie, Pars, je reste ton frère et ton ange gardien. « Mais en quittant le ciel pour ta longue souffrance, De notre azur natal qu’un jour tu dois revoir, Avec le souvenir, emporte l’espérance : Dieu sait tout pardonner, tout hors le désespoir. » Il dit ; et l’exilé sent dans le vide immense S’évanouir son âme et s’éteindre les cieux : L’ange en lui disparaît et l’homme en lui commence, L’homme, — le monstre-énigme à soi-même odieux.

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    Benjamin Peret

    Benjamin Peret

    @benjaminPeret

    Allo Mon avion en flammes mon château inondé de vin du Rhin mon ghetto d'iris noirs mon oreille de cristal mon rocher dévalant la falaise pour écraser le garde-champêtre mon escargot d'opale mon moustique d'air mon édredon de paradisiers ma chevelure d'écume noire mon tombeau éclaté ma pluie de sauterelles rouges mon île volante mon raisin de turquoise ma collision d'autos folles et prudentes ma plate-bande sauvage mon pistil de pissenlit projeté dans mon oeil mon oignon de tulipe dans le cerveau ma gazelle égarée dans un cinéma des boulevards ma cassette de soleil mon fruit de volcan mon rire d'étang caché où vont se noyer les prophèthes distraits mon inondation de cassis mon papillon de morille ma cascade bleue comme une lame de fond qui fait le printemps mon revolver de corail dont la bouche m'attire comme l'oeil d'un puits scintillant glacé comme le miroir où tu contemples la fuite des oiseaux mouches de ton regard perdu dans une exposition de blanc encadrée de momies je t'aime

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    B

    Blanche Maynadier

    @blancheMaynadier

    Avec les yeux du coeur Avec les yeux du cœur, j’ai revu ma jeunesse, J’ai pris ma plume d’or et j’ai connu l’ivresse, Les images, les mots, se sont entremêlés, Tout s’est mis à revivre en des vers ciselés. Ce charmant passe-temps a réjoui ma vie. Très souvent le bonheur se nomme poésie… Il fait si bon chanter l’amour et le printemps Et revenir sans fin au temps de ses vingt ans ! Voir naître un paysage, entrer dans un beau rêve, Dire qu’il fait soleil quand la lune se lève… C’est bon d’être poète et de tout exprimer Avec un petit rien dans l’espoir de charmer. Je suis une colombe, un merle ,une fauvette, Et me nourris de mots cueillis à la sauvette, Que sois remerciés tous les illustrateurs, Amis et critiqueurs, et tous les conseilleurs. .

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    C

    Carolyne Cannella

    @carolyneCannella

    Le danseur et la danse Agir sans rien faire Enseigner sans paroles Avoir sans posséder Œuvrer sans rien faire … Tu regardes que vois-tu Tu écoutes qu’entends-tu Tu tends la main que saisis-tu … Être, une présence-absence En vérité peut-on séparer le danseur de la danse ?

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    L’idéal Ce ne seront jamais ces beautés de vignettes, Produits avariés, nés d’un siècle vaurien, Ces pieds à brodequins, ces doigts à castagnettes, Qui sauront satisfaire un cœur comme le mien. Je laisse à Gavarni, poète des chloroses, Son troupeau gazouillant de beautés d’hôpital, Car je ne puis trouver parmi ces pâles roses Une fleur qui ressemble à mon rouge idéal. Ce qu’il faut à ce cœur profond comme un abîme, C’est vous, Lady Macbeth, âme puissante au crime, Rêve d’Eschyle éclos au climat des autans ; Ou bien toi, grande Nuit, fille de Michel-Ange, Qui tors paisiblement dans une pose étrange Tes appas façonnés aux bouches des Titans !

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    La muse vénale Ô muse de mon coeur, amante des palais, Auras-tu, quand Janvier lâchera ses Borées, Durant les noirs ennuis des neigeuses soirées, Un tison pour chauffer tes deux pieds violets? Ranimeras-tu donc tes épaules marbrées Aux nocturnes rayons qui percent les volets? Sentant ta bourse à sec autant que ton palais Récolteras-tu l’or des voûtes azurées? II te faut, pour gagner ton pain de chaque soir, Comme un enfant de choeur, jouer de l’encensoir, Chanter des Te Deum auxquels tu ne crois guère, Ou, saltimbanque à jeun, étaler tes appas Et ton rire trempé de pleurs qu’on ne voit pas, Pour faire épanouir la rate du vulgaire.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Le guignon Pour soulever un poids si lourd, Sisyphe, il faudrait ton courage! Bien qu’on ait du coeur à l’ouvrage, L’Art est long et le Temps est court. Loin des sépultures célèbres, Vers un cimetière isolé, Mon coeur, comme un tambour voilé, Va battant des marches funèbres. — Maint joyau dort enseveli Dans les ténèbres et l’oubli, Bien loin des pioches et des sondes; Mainte fleur épanche à regret Son parfum doux comme un secret Dans les solitudes profondes.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Le soleil Le long du vieux faubourg, où pendent aux masures Les persiennes, abri des secrètes luxures, Quand le soleil cruel frappe à traits redoublés Sur la ville et les champs, sur les toits et les blés, Je vais m’exercer seul à ma fantasque escrime, Flairant dans tous les coins les hasards de la rime, Trébuchant sur les mots comme sur les pavés, Heurtant parfois des vers depuis longtemps rêvés. Ce père nourricier, ennemi des chloroses, Eveille dans les champs les vers comme les roses ; Il fait s’évaporer les soucis vers le ciel, Et remplit les cerveaux et les ruches de miel. C’est lui qui rajeunit les porteurs de béquilles Et les rend gais et doux comme des jeunes filles, Et commande aux moissons de croître et de mûrir Dans le coeur immortel qui toujours veut fleurir ! Quand, ainsi qu’un poète, il descend dans les villes, Il ennoblit le sort des choses les plus viles, Et s’introduit en roi, sans bruit et sans valets, Dans tous les hôpitaux et dans tous les palais.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Les phares Rubens, fleuve d’oubli, jardin de la paresse, Oreiller de chair fraîche où l’on ne peut aimer, Mais où la vie afflue et s’agite sans cesse, Comme l’air dans le ciel et la mer dans la mer ; Léonard de Vinci, miroir profond et sombre, Où des anges charmants, avec un doux souris Tout chargé de mystère, apparaissent à l’ombre Des glaciers et des pins qui ferment leur pays, Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures, Et d’un grand crucifix décoré seulement, Où la prière en pleurs s’exhale des ordures, Et d’un rayon d’hiver traversé brusquement ; Michel-Ange, lieu vague où l’on voit des Hercules Se mêler à des Christs, et se lever tout droits Des fantômes puissants qui dans les crépuscules Déchirent leur suaire en étirant leurs doigts ; Colères de boxeur, impudences de faune, Toi qui sus ramasser la beauté des goujats, Grand coeur gonflé d’orgueil, homme débile et jaune, Puget, mélancolique empereur des forçats, Watteau, ce carnaval où bien des coeurs illustres, Comme des papillons, errent en flamboyant, Décors frais et légers éclairés par des lustres Qui versent la folie à ce bal tournoyant ; Goya, cauchemar plein de choses inconnues, De foetus qu’on fait cuire au milieu des sabbats, De vieilles au miroir et d’enfants toutes nues, Pour tenter les démons ajustant bien leurs bas ; Delacroix, lac de sang hanté des mauvais anges, Ombragé par un bois de sapins toujours vert, Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges Passent, comme un soupir étouffé de Weber ; Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes, Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum, Sont un écho redit par mille labyrinthes ; C’est pour les coeurs mortels un divin opium ! C’est un cri répété par mille sentinelles, Un ordre renvoyé par mille porte-voix ; C’est un phare allumé sur mille citadelles, Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois ! Car c’est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage Que nous puissions donner de notre dignité Que cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge Et vient mourir au bord de votre éternité !

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Ecole buissonnière Ma pensée est une églantine Eclose trop tôt en avril, Moqueuse au moucheron subtil Ma pensée est une églantine ; Si parfois tremble son pistil Sa corolle s’ouvre mutine. Ma pensée est une églantine Eclose trop tôt en avril. Ma pensée est comme un chardon Piquant sous les fleurs violettes, Un peu rude au doux abandon Ma pensée est comme un chardon ; Tu viens le visiter, bourdon ? Ma fleur plaît à beaucoup de bêtes. Ma pensée est comme un chardon Piquant sous les fleurs violettes. Ma pensée est une insensée Qui s’égare dans les roseaux Aux chants des eaux et des oiseaux, Ma pensée est une insensée. Les roseaux font de verts réseaux, Lotus sans tige sur les eaux Ma pensée est une insensée Qui s’égare dans les roseaux. Ma pensée est l’âcre poison Qu’on boit à la dernière fête Couleur, parfum et trahison, Ma pensée est l’âcre poison, Fleur frêle, pourprée et coquette Qu’on trouve à l’arrière-saison Ma pensée est l’âcre poison Qu’on boit à la dernière fête. Ma pensée est un perce-neige Qui pousse et rit malgré le froid Sans souci d’heure ni d’endroit Ma pensée est un perce-neige. Si son terrain est bien étroit La feuille morte le protège, Ma pensée est un perce-neige Qui pousse et rit malgré le froid.

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    C

    Charles Marie René Leconte de Lisle

    @charlesMarieReneLeconteDeLisle

    Le vase Reçois, pasteur des boucs et des chèvres frugales, Ce vase enduit de cire, aux deux anses égales. Avec l’odeur du bois récemment ciselé, Le long du bord serpente un lierre entremêlé D’hélichryse aux fruits d’or. Une main ferme et fine A sculpté ce beau corps de femme, œuvre divine, Qui du péplos ornée, et le front ceint de fleurs, Se rit du vain amour des amants querelleurs. Sur ce roc où le pied parmi les algues glisse, Traînant un long filet vers la mer glauque et lisse, Un pêcheur vient en hâte, et bien que vieux et lent, Ses muscles sont gonflés d’un effort violent. Une vigne, non loin, lourde de grappes mûres, Ploie. Un jeune garçon, assis sous les ramures, La garde. Deux renards arrivent de côté Et mangent le raisin par la pampre abrité ; Tandis que l’enfant tresse, avec deux pailles frêles Et des brins de jonc vert, un piège à sauterelles. Enfin, autour du vase et du socle dorien Se déploie en tous sens l’acanthe corinthien. J’ai reçu ce chef-d’œuvre, au prix, et non sans peine, D’un grand fromage frais et d’une chèvre pleine. Il est à toi, berger, dont les chants sont plus doux Qu’une figue d’Ægile, et rendent Pan jaloux.

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    C

    Chloe Douglas

    @chloeDouglas

    Gourmandise et opportunité Je remplie Je vide Du dedans Au dehors Je remplie Je vide L’âme de Mon corps Avec un souffle J’éteins la bougie Du gâteau d’anniversaire Ou les pensées lumineuses Au fond de la dame nuit. Le luxe est d’avoir La possibilité de choisir. La gourmandise est le luxe De jamais en finir. Que je remplisse, que je vide L’ouverture est limitée Sans la mémoire L’opportunité est figée Avec une braise Je réchauffe le corps Les rumeurs se taisent. J’ai du souffle encore Au cours de la vie Des fois de la braise Une opportunité divine Ou deux me caressent.

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    C

    Cécile Sauvage

    @cecileSauvage

    Musique Une lente voix murmure Dans la verte feuillaison ; Est-ce un rêve ou la nature Qui réveille sa chanson ? Cette voix dolente et pure Glisse le long des rameaux : Si fondue est la mesure Qu’elle se perd dans les mots, Si douces sont les paroles Qu’elles meurent dans le son Et font sous les feuilles molles Un mystère de chanson. Ô lente voix réveillée Qui caresse la feuillée Comme la brise et le vent ; Voix profondes de la vie Et de l’âme réunies Qui murmurez en rêvant. Une forme s’effaçant Dont les gestes nus et blancs Flottent dans l’ombre légère Sous un rideau de fougères Semble exhaler à demi De ses lèvres entr’ouvertes Un chant de silence aussi Berceur que les branches vertes. À peine si le murmure De la muette chanson Poursuit sa note et s’épure Dans la douce feuillaison ; Et la main passe en silence Sur la tige d’un surgeon Dont le rythme fin balance Les branches de ce vallon. Ô musique qui t’envoles Sur les papillons glissants Et dans la plainte du saule Et du ruisseau caressant ! Passe, chant grêle des choses, Coule, aile fluide qui n’ose Peser sur l’azur pâli, Sur les rameaux endormis ; Efface-toi, chant de l’âme Où se mêlent des soupirs Dans la fuite molle et calme Des voix qu’on ne peut saisir.

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